Texte intégral
O. Nahum, D. Jeambar et ; E. le Boucher. O. Nahum : Il y a cette grève qui s'annonce du côté des cheminots le 17 octobre. Votre syndicat dans la branche ferroviaire se joint à cet appel. Cela veut dire que sur l'aspect régimes spéciaux, il y a un problème. Si vous faites la grève, c'est que ça ne va pas ?
R.- Effectivement. Je pense que le premier problème pour nous CFTC, c'est un problème de méthode. On ne peut pas s'inscrire dans un projet, dans un projet médian que s'il est partagé. Donc, dans la méthode. Nous, ce qui est important, c'est que les personnels concernés, les personnes concernées soient associées à cette réforme. Mais on a le sentiment que le président de la République, même s'il dit le contraire, ne permet pas, n'ouvre pas les possibilités d'un vrai dialogue, d'une vraie négociation, d'une vraie discussion sur un sujet aussi sensible que celui des régimes spéciaux. Quand il nous annonce une échéance de quinze jours, comme il l'a fait dans son discours...
O. Nahum : Pour fixer le cadre.
R.- Voilà, pour fixer le cadre. Vous voyez, il faut être sérieux. On a ce cadre qui est essentiel. Cela va être les paramètres pour tenter des convergences de régimes, ce qu'il nous a dit. Laissons un peu de temps. Quinze jours ! Nous, on a rencontré hier le ministre X. Bertrand, et nous avons obtenu un peu de souplesse. Le ministre a bien vu que l'épure était bien trop étroite.
O. Nahum : Il vous a donné combien ?
R.- Il nous a dit : les premiers quinze jours serviront à un premier round de discussion sur un projet - donc un projet de décret, en terme de procédures de décret - et une autre période, alors il n'a pas fixé, qui servira à faire une concertation approfondie sur le projet lui-même. Après quoi, nous rentrerons en négociations au niveau des régimes concernés.
Un intervenant : Mais sur une issue aussi rebattue dont on connaît tous les tenants et aboutissants, qui sont analysés depuis des années et des années, est-ce qu'il faut vraiment tant et tant de semaines pour aboutir dans une discussion ou procéder à une concertation ? A peu près tous les acteurs connaissent leur position, non ?
R.- Oui, effectivement. Chacun connaît sa position...
Intervenant : Et la position de l'autre d'ailleurs.
R.- Le tout c'est de trouver une position, je veux dire la plus rapprochée, j'allais dire presque commune. Un terrain... Alors, le temps de rencontrer les acteurs, le temps de l'échange, le temps d'essayer d'approcher, de trouver les éléments de rapprochement, eh bien ces quinze jours sont un peu courts ou trop courts.
O. Nahum : Les auditeurs qui nous écoutent ont bien compris qu'il y aura une grève des cheminots le 17 octobre...
[Reprise à 8h34]
O. Nahum : Il est 8 heures 34. Toujours en compagnie d'E. Le Boucher, D. Jeambar et J. Voisin, qui dirige la CFTC. Dites donc J. Voisin, on a pensé, en parlant tout à l'heure hors antenne, à cette fameuse réforme des retraites qui était conduite par celui qui est donc aujourd'hui à Matignon, F. Fillon. Est-ce que vous, en terme de négociations, vous préférez effectivement plutôt négocier avec un X. Bertrand, qui s'est construit une habileté au fur et à mesure de son existence politique, ou avec un F. Fillon dont on dit parfois qu'il est un petit peu carré et fixé sur des échéances précises ? D'ailleurs il le dit en substance cette semaine à nos confrères de Paris-Match.
R.- Vous savez, d'abord, je ne choisis pas...
O. Nahum : Non mais le ressenti.
R.-...Chez les ministres qui portent le dossier - c'est aujourd'hui X. Bertrand. Donc on fera effectivement avec X. Bertrand. Quant à monsieur Fillon, on se souvient des retraites en 2003 et de la façon dont le ministre a mené, j'allais dire tambour battant, cette retraite. Et on avait déjà à l'époque cette négociation sur les retraites.
Intervenant : Avec la complicité de la CFDT quand même.
R.- Avec la complicité de la CFDT. Et en fait, on s'est trouvé nous déjà, à l'époque, CFTC, coincés par des échéances. D'ailleurs on est persuadés qu'on pouvait encore gagner sur un certain nombre de points, même s'ils paraissaient à la marge, et on s'est trouvés bloqués par un calendrier, un agenda qui était celui de monsieur Fillon et qui nous a amené dans la période estivale à présenter un projet pendant l'été. Avec subtilité.
O. Nahum : Mais quand on voit ce matin, les journaux le rappellent bien, notamment d'ailleurs Le Parisien, où on nous explique que la réforme n'est pas bouclée. Idrac le dit pour la SNCF et puis on nous dit : attention, côté Fonction publique, il y aura un calendrier de quatre conférences. Vous, ce que vous laissez entendre, c'est qu'en fait c'est une fausse négociation, c'est une fausse concertation, à vous écouter.
R.- C'est-à-dire que nous, ce que l'on veut, c'est comprendre ce que veut faire le Gouvernement sur la méthode. Moi j'ai entendu un président de la République insister plusieurs fois sur "la place des partenaires sociaux", "le dialogue social" et sur "la responsabilité des partenaires sociaux"... "Je veux mettre les partenaires sociaux en responsabilité". Nous, on veut bien prendre nos responsabilités mais il faut nous en donner les moyens. Et dès l'instant où, en même temps, on me dit : voilà, vous êtes en responsabilité, je vous confie pratiquement le dossier ; et puis je vous dis : vous avez 15 jours pour vous entendre, on le disait un peu tout à l'heure, ça me paraît un peu court. Alors évidemment nous étions plus ou moins prêts, chacun, pour ce qui nous concerne avec nos propositions, nos orientations. Mais après, il faut confronter, ça fait partie du débat.
E. Le Boucher : Donc ce n'est pas tellement une question de méthode, c'est plus une question de délai, de temps, un peu plus de temps pour négocier. La méthode vous l'appréciez.
R.- Oui c'est important mais je vais au bout de la méthode. Moi je ne suis pas un faire valoir. Si je suis engagé, si on me donne une responsabilité sur ce dossier-là, elle n'est pas facile cette responsabilité, elle n'est pas simple, moi je veux l'assumer. Je veux être en capacité de l'assumer. Je ne veux pas me retrouver un peu comme en 2003, à un moment donné : "bon ça suffit les gars, on ne joue plus, la récré est terminée", excusez l'expression, ce n'est pas exactement ça mais ça peut être ça. Voilà je décide et j'avance. Alors dans quelle situation je suis, moi ? Ou je vais jusqu'au bout du processus : ou je suis engagé jusqu'au bout dans la prise de décision ou, autrement, il faut être très clair. Il ne s'agit plus de concertation. Il ne s'agit plus de responsabilisation des partenaires sociaux.
D. Jeambar : La clé du dialogue c'est la bonne foi des gens qui discutent autour de la table. Est-ce que vous avez le sentiment, après votre première rencontre avec X. Bertrand, que le Gouvernement est de bonne foi, qu'il entend vraiment dialoguer, c'est-à-dire aboutir quand même à une forme de compromis ou est-ce qu'au fond, il a déjà arrêté son projet dans la tête et qu'il n'entend simplement que vous amener sur ses positions ?
R.- Je ne le pense pas. Je ne le pense pas en tous cas du ministre qui est en charge du dossier, X. Bertrand. Nous avons un échange d'une heure et quart, plus d'une heure et quart hier, avec le ministre. D'abord, pour se faire préciser la méthode et voir comment nous allions, ensemble, avancer sur ce dossier. Et le deuxième temps, c'est un échange avec le ministre sur la façon, sur les éléments du décret, sur les paramètres etc., sur le contenu du décret et sur la démarche elle-même. Et le ministre en évoquant la méthode, nous a dit : je vais au bout des consultations et j'irai avec vous, on va dire, en concertation. D'ailleurs, je ne sais plus comment il faut appeler le mot.
O. Nahum : Donc il concerte. E. Le Boucher : Pour reprendre la vieille formule d'A. Bergeron : il y a du grain à moudre dans cette négociation ou pas ?
R.- Je pense que le ministre a compris qu'il ne pouvait pas faire, qu'il ne pouvait pas avancer sans les partenaires sociaux.
E. Le Boucher : Et sur quoi ? Vous avez déjà le sentiment que le Gouvernement va bouger sur certains thèmes, sur certains sujets ?
R.- C'est précisément la difficulté. La question, ce sont les paramètres qui permettraient de faire évoluer les régimes vers ce qu'on appelle une convergence.
O. Nahum : Vous parlez des régimes spéciaux ?
R.- Voilà des régimes spéciaux. Alors cette question est sensible, c'est ce qu'on disait au ministre hier. Qu'est-ce qui est de la compétence du décret et ce qui est donc de la responsabilité des partenaires sociaux dans la négociation ?
O. Nahum : Ca ce n'est pas clair. Vous ne savez pas la répartition des compétences ?
R.- Voilà ce n'est pas clair. Donc il est prévu une rencontre, ce qu'on appelle une rencontre de travail approfondi, avec les fédérations professionnelles concernées pour justement se caler sur ce qu'il sera du décret, sur ce qu'il sera du domaine du décret, sur ce qui sera du domaine de la négociation.
O. Nahum : Prenons un exemple simple. Pour être concret, ça peut être par exemple la durée de cotisation dans les régimes spéciaux, qui reste un point à négocier à votre avis et qui reste probablement un point dans le décret fixe, dans le projet du Gouvernement ? C'est un exemple ?
R.- Cela peut être les délais pour y arriver. Cela peut être, effectivement, se poser la question de la durée, des objectifs etc. Et donc on voit bien que si le décret nous enferme complètement dans un principe qui est convergence maximum dans les délais qu'il fixe, je ne peux pas négocier. Ce dont on a besoin, nous, c'est de regarder, d'analyser, régime par régime, les évolutions et en tirer les conséquences en terme notamment de pénibilité du travail.
O. Nahum : Il y a un paradoxe. On comprend bien que vous, vous invoquez les dieux du temps si j'ose dire, alors que le Gouvernement a une feuille de route qui semble être rapide. Enfin en tous cas, sous la houlette de N. Sarkozy. Est-ce que ça veut dire, à vous écouter, qu'il y a un risque de clash, parce que c'est la question qu'on se pose ? Et on pense toujours au fameux syndrome qui a fini après par Québec, pour avoir une résurrection éphémère, je parle du syndrome Juppé. Alors est-ce que là, vous qui êtes évidemment un bon connaisseur du monde syndicaliste, qui voyez vos collègues syndicalistes, est-ce qu'on est au bord d'un futur clash ?
R.- On n'est pas à l'abri du clash. Vous savez l'annonce qui est faite déjà pour le 17 octobre est à regarder de près et au-delà des raisons. Le clash viendra si précisément les partenaires sociaux n'ont pas la marge de manoeuvre nécessaire sur le dossier. Le clash viendra si nos fédérations ne sont pas elles-mêmes en situation de faire évoluer les choses, de prendre en main ce dossier-là. C'est très sensible, il faut le savoir. Alors je pense qu'il y a un état d'esprit très ouvert sur la question, en tous cas pour ce qui nous concerne, nous CFTC. Mais on n'est pas les seuls. On se dit les choses doivent bouger, les choses doivent évoluer. On est assez d'accord pour dire, à terme il faut cette convergence. Quel est le terme etc. ? Toutes ces questions-là sont...
O. Nahum : Il faut une harmonisation, pour reprendre le terme du président de la République.
R.- Harmonisation, convergence, ça n'a pas tout a fait le même sens. Il faut faire attention aussi aux mots parce que si on dit harmonisation, je n'ai pas de marge de négociations. Harmoniser, boum, boum. J'ai quatre principes dans les paramètres, c'est terminé.
O. Nahum : C'est déjà une évolution. Fillon parlait d'aligner. C'est le président qui a parlé d'harmoniser. E. Le Boucher : Maintenant, on est à convergence alors, dans la bouche de X. Bertrand ?
R.- Non, ce n'est pas X. Bertrand, c'est dans l'échange que nous avons eu hier avec le ministre pour essayer de savoir quel était l'objectif. Et en fait, nous ce que l'on veut - alors les mots sont importants - mais c'est les marges nécessaires pour que ceux sont, je le redis, directement concernés, c'est-à-dire dans tous les régimes spéciaux, aient les moyens du pilotage de cette proposition et les moyens d'aboutir.
O. Nahum : Il y a quand même une chose qui est intéressante dans vos propos, vous nous parlez beaucoup effectivement parce qu'il y a cette journée du 17 octobre des régimes spéciaux, mais comme l'ont démontré il y a quelques minutes D. Jeambar et E. Le Boucher, il y a eu d'autres choses dans le discours de N. Sarkozy. Il y a eu des mots, des expressions. Par exemple le fait qu'un agent public, enfin un agent d'Etat puisse un jour négocier soit un contrat de droit public, soit un contrat privé, de gré - il a prononcé ces mots -, ça, ça va susciter aussi de la part de vos troupes, si j'ose m'exprimer ainsi, une réaction. Ca vous n'y croyez pas ? Ca vous pensez que ça restera du stade du discours, ce choix contractuel ? Ca vous paraît trop utopique, si j'ose dire ?
R.- On est bien trop loin de tout ça. Vous savez, il y a des choses qui pèsent aussi. Vous parliez du discours. Attention aux provocations. Quand le président de la République a parlé, notamment sur les régimes spéciaux, du caractère "indigne" de certaines situations, c'est vexant pour nos amis les cheminots. Cela a posé des problèmes. Et c'est faire fi de l'histoire et des raisons qui font ces situations-là, qui ont créé ces situations-là. Ça n'augure pas et ça ne facilite pas la négociation, l'échange et le travail que nous avons à conduire ensemble pour, justement, trouver les ajustements nécessaires en tenant compte des situations.
O. Nahum : On a bien retenu, J. Voisin, que vous êtes ouvert pour la CFTC mais qu'on est quand même peut-être au bord du clash.
R.- Oui. Si je n'ai pas les marges de manoeuvre, je suis au bord du clash et si j'ai des délais trop courts quel que soit le sujet, je suis au bord du clash.
O. Nahum : Ca veut dire qu'après le 17 octobre, il y aura une nouvelle réunion entre vous, les différents syndicats pour essayer de savoir quelle suite vous donnerez au mouvement, comme on dit ?
R.- De toutes façons, vous savez, on se voit régulièrement, encore hier, entre leaders des différentes confédérations syndicales. On se parle presque quotidiennement sur ces sujets-là.
O. Nahum : Surtout en ce moment.
R.- Voilà et surtout en ce moment.
O. Nahum : Voilà, écoutez merci pour ces précisions. J. Voisin, vous dirigez la CFTC. On vous reverra sans doute bientôt.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 20 septembre 2007
R.- Effectivement. Je pense que le premier problème pour nous CFTC, c'est un problème de méthode. On ne peut pas s'inscrire dans un projet, dans un projet médian que s'il est partagé. Donc, dans la méthode. Nous, ce qui est important, c'est que les personnels concernés, les personnes concernées soient associées à cette réforme. Mais on a le sentiment que le président de la République, même s'il dit le contraire, ne permet pas, n'ouvre pas les possibilités d'un vrai dialogue, d'une vraie négociation, d'une vraie discussion sur un sujet aussi sensible que celui des régimes spéciaux. Quand il nous annonce une échéance de quinze jours, comme il l'a fait dans son discours...
O. Nahum : Pour fixer le cadre.
R.- Voilà, pour fixer le cadre. Vous voyez, il faut être sérieux. On a ce cadre qui est essentiel. Cela va être les paramètres pour tenter des convergences de régimes, ce qu'il nous a dit. Laissons un peu de temps. Quinze jours ! Nous, on a rencontré hier le ministre X. Bertrand, et nous avons obtenu un peu de souplesse. Le ministre a bien vu que l'épure était bien trop étroite.
O. Nahum : Il vous a donné combien ?
R.- Il nous a dit : les premiers quinze jours serviront à un premier round de discussion sur un projet - donc un projet de décret, en terme de procédures de décret - et une autre période, alors il n'a pas fixé, qui servira à faire une concertation approfondie sur le projet lui-même. Après quoi, nous rentrerons en négociations au niveau des régimes concernés.
Un intervenant : Mais sur une issue aussi rebattue dont on connaît tous les tenants et aboutissants, qui sont analysés depuis des années et des années, est-ce qu'il faut vraiment tant et tant de semaines pour aboutir dans une discussion ou procéder à une concertation ? A peu près tous les acteurs connaissent leur position, non ?
R.- Oui, effectivement. Chacun connaît sa position...
Intervenant : Et la position de l'autre d'ailleurs.
R.- Le tout c'est de trouver une position, je veux dire la plus rapprochée, j'allais dire presque commune. Un terrain... Alors, le temps de rencontrer les acteurs, le temps de l'échange, le temps d'essayer d'approcher, de trouver les éléments de rapprochement, eh bien ces quinze jours sont un peu courts ou trop courts.
O. Nahum : Les auditeurs qui nous écoutent ont bien compris qu'il y aura une grève des cheminots le 17 octobre...
[Reprise à 8h34]
O. Nahum : Il est 8 heures 34. Toujours en compagnie d'E. Le Boucher, D. Jeambar et J. Voisin, qui dirige la CFTC. Dites donc J. Voisin, on a pensé, en parlant tout à l'heure hors antenne, à cette fameuse réforme des retraites qui était conduite par celui qui est donc aujourd'hui à Matignon, F. Fillon. Est-ce que vous, en terme de négociations, vous préférez effectivement plutôt négocier avec un X. Bertrand, qui s'est construit une habileté au fur et à mesure de son existence politique, ou avec un F. Fillon dont on dit parfois qu'il est un petit peu carré et fixé sur des échéances précises ? D'ailleurs il le dit en substance cette semaine à nos confrères de Paris-Match.
R.- Vous savez, d'abord, je ne choisis pas...
O. Nahum : Non mais le ressenti.
R.-...Chez les ministres qui portent le dossier - c'est aujourd'hui X. Bertrand. Donc on fera effectivement avec X. Bertrand. Quant à monsieur Fillon, on se souvient des retraites en 2003 et de la façon dont le ministre a mené, j'allais dire tambour battant, cette retraite. Et on avait déjà à l'époque cette négociation sur les retraites.
Intervenant : Avec la complicité de la CFDT quand même.
R.- Avec la complicité de la CFDT. Et en fait, on s'est trouvé nous déjà, à l'époque, CFTC, coincés par des échéances. D'ailleurs on est persuadés qu'on pouvait encore gagner sur un certain nombre de points, même s'ils paraissaient à la marge, et on s'est trouvés bloqués par un calendrier, un agenda qui était celui de monsieur Fillon et qui nous a amené dans la période estivale à présenter un projet pendant l'été. Avec subtilité.
O. Nahum : Mais quand on voit ce matin, les journaux le rappellent bien, notamment d'ailleurs Le Parisien, où on nous explique que la réforme n'est pas bouclée. Idrac le dit pour la SNCF et puis on nous dit : attention, côté Fonction publique, il y aura un calendrier de quatre conférences. Vous, ce que vous laissez entendre, c'est qu'en fait c'est une fausse négociation, c'est une fausse concertation, à vous écouter.
R.- C'est-à-dire que nous, ce que l'on veut, c'est comprendre ce que veut faire le Gouvernement sur la méthode. Moi j'ai entendu un président de la République insister plusieurs fois sur "la place des partenaires sociaux", "le dialogue social" et sur "la responsabilité des partenaires sociaux"... "Je veux mettre les partenaires sociaux en responsabilité". Nous, on veut bien prendre nos responsabilités mais il faut nous en donner les moyens. Et dès l'instant où, en même temps, on me dit : voilà, vous êtes en responsabilité, je vous confie pratiquement le dossier ; et puis je vous dis : vous avez 15 jours pour vous entendre, on le disait un peu tout à l'heure, ça me paraît un peu court. Alors évidemment nous étions plus ou moins prêts, chacun, pour ce qui nous concerne avec nos propositions, nos orientations. Mais après, il faut confronter, ça fait partie du débat.
E. Le Boucher : Donc ce n'est pas tellement une question de méthode, c'est plus une question de délai, de temps, un peu plus de temps pour négocier. La méthode vous l'appréciez.
R.- Oui c'est important mais je vais au bout de la méthode. Moi je ne suis pas un faire valoir. Si je suis engagé, si on me donne une responsabilité sur ce dossier-là, elle n'est pas facile cette responsabilité, elle n'est pas simple, moi je veux l'assumer. Je veux être en capacité de l'assumer. Je ne veux pas me retrouver un peu comme en 2003, à un moment donné : "bon ça suffit les gars, on ne joue plus, la récré est terminée", excusez l'expression, ce n'est pas exactement ça mais ça peut être ça. Voilà je décide et j'avance. Alors dans quelle situation je suis, moi ? Ou je vais jusqu'au bout du processus : ou je suis engagé jusqu'au bout dans la prise de décision ou, autrement, il faut être très clair. Il ne s'agit plus de concertation. Il ne s'agit plus de responsabilisation des partenaires sociaux.
D. Jeambar : La clé du dialogue c'est la bonne foi des gens qui discutent autour de la table. Est-ce que vous avez le sentiment, après votre première rencontre avec X. Bertrand, que le Gouvernement est de bonne foi, qu'il entend vraiment dialoguer, c'est-à-dire aboutir quand même à une forme de compromis ou est-ce qu'au fond, il a déjà arrêté son projet dans la tête et qu'il n'entend simplement que vous amener sur ses positions ?
R.- Je ne le pense pas. Je ne le pense pas en tous cas du ministre qui est en charge du dossier, X. Bertrand. Nous avons un échange d'une heure et quart, plus d'une heure et quart hier, avec le ministre. D'abord, pour se faire préciser la méthode et voir comment nous allions, ensemble, avancer sur ce dossier. Et le deuxième temps, c'est un échange avec le ministre sur la façon, sur les éléments du décret, sur les paramètres etc., sur le contenu du décret et sur la démarche elle-même. Et le ministre en évoquant la méthode, nous a dit : je vais au bout des consultations et j'irai avec vous, on va dire, en concertation. D'ailleurs, je ne sais plus comment il faut appeler le mot.
O. Nahum : Donc il concerte. E. Le Boucher : Pour reprendre la vieille formule d'A. Bergeron : il y a du grain à moudre dans cette négociation ou pas ?
R.- Je pense que le ministre a compris qu'il ne pouvait pas faire, qu'il ne pouvait pas avancer sans les partenaires sociaux.
E. Le Boucher : Et sur quoi ? Vous avez déjà le sentiment que le Gouvernement va bouger sur certains thèmes, sur certains sujets ?
R.- C'est précisément la difficulté. La question, ce sont les paramètres qui permettraient de faire évoluer les régimes vers ce qu'on appelle une convergence.
O. Nahum : Vous parlez des régimes spéciaux ?
R.- Voilà des régimes spéciaux. Alors cette question est sensible, c'est ce qu'on disait au ministre hier. Qu'est-ce qui est de la compétence du décret et ce qui est donc de la responsabilité des partenaires sociaux dans la négociation ?
O. Nahum : Ca ce n'est pas clair. Vous ne savez pas la répartition des compétences ?
R.- Voilà ce n'est pas clair. Donc il est prévu une rencontre, ce qu'on appelle une rencontre de travail approfondi, avec les fédérations professionnelles concernées pour justement se caler sur ce qu'il sera du décret, sur ce qu'il sera du domaine du décret, sur ce qui sera du domaine de la négociation.
O. Nahum : Prenons un exemple simple. Pour être concret, ça peut être par exemple la durée de cotisation dans les régimes spéciaux, qui reste un point à négocier à votre avis et qui reste probablement un point dans le décret fixe, dans le projet du Gouvernement ? C'est un exemple ?
R.- Cela peut être les délais pour y arriver. Cela peut être, effectivement, se poser la question de la durée, des objectifs etc. Et donc on voit bien que si le décret nous enferme complètement dans un principe qui est convergence maximum dans les délais qu'il fixe, je ne peux pas négocier. Ce dont on a besoin, nous, c'est de regarder, d'analyser, régime par régime, les évolutions et en tirer les conséquences en terme notamment de pénibilité du travail.
O. Nahum : Il y a un paradoxe. On comprend bien que vous, vous invoquez les dieux du temps si j'ose dire, alors que le Gouvernement a une feuille de route qui semble être rapide. Enfin en tous cas, sous la houlette de N. Sarkozy. Est-ce que ça veut dire, à vous écouter, qu'il y a un risque de clash, parce que c'est la question qu'on se pose ? Et on pense toujours au fameux syndrome qui a fini après par Québec, pour avoir une résurrection éphémère, je parle du syndrome Juppé. Alors est-ce que là, vous qui êtes évidemment un bon connaisseur du monde syndicaliste, qui voyez vos collègues syndicalistes, est-ce qu'on est au bord d'un futur clash ?
R.- On n'est pas à l'abri du clash. Vous savez l'annonce qui est faite déjà pour le 17 octobre est à regarder de près et au-delà des raisons. Le clash viendra si précisément les partenaires sociaux n'ont pas la marge de manoeuvre nécessaire sur le dossier. Le clash viendra si nos fédérations ne sont pas elles-mêmes en situation de faire évoluer les choses, de prendre en main ce dossier-là. C'est très sensible, il faut le savoir. Alors je pense qu'il y a un état d'esprit très ouvert sur la question, en tous cas pour ce qui nous concerne, nous CFTC. Mais on n'est pas les seuls. On se dit les choses doivent bouger, les choses doivent évoluer. On est assez d'accord pour dire, à terme il faut cette convergence. Quel est le terme etc. ? Toutes ces questions-là sont...
O. Nahum : Il faut une harmonisation, pour reprendre le terme du président de la République.
R.- Harmonisation, convergence, ça n'a pas tout a fait le même sens. Il faut faire attention aussi aux mots parce que si on dit harmonisation, je n'ai pas de marge de négociations. Harmoniser, boum, boum. J'ai quatre principes dans les paramètres, c'est terminé.
O. Nahum : C'est déjà une évolution. Fillon parlait d'aligner. C'est le président qui a parlé d'harmoniser. E. Le Boucher : Maintenant, on est à convergence alors, dans la bouche de X. Bertrand ?
R.- Non, ce n'est pas X. Bertrand, c'est dans l'échange que nous avons eu hier avec le ministre pour essayer de savoir quel était l'objectif. Et en fait, nous ce que l'on veut - alors les mots sont importants - mais c'est les marges nécessaires pour que ceux sont, je le redis, directement concernés, c'est-à-dire dans tous les régimes spéciaux, aient les moyens du pilotage de cette proposition et les moyens d'aboutir.
O. Nahum : Il y a quand même une chose qui est intéressante dans vos propos, vous nous parlez beaucoup effectivement parce qu'il y a cette journée du 17 octobre des régimes spéciaux, mais comme l'ont démontré il y a quelques minutes D. Jeambar et E. Le Boucher, il y a eu d'autres choses dans le discours de N. Sarkozy. Il y a eu des mots, des expressions. Par exemple le fait qu'un agent public, enfin un agent d'Etat puisse un jour négocier soit un contrat de droit public, soit un contrat privé, de gré - il a prononcé ces mots -, ça, ça va susciter aussi de la part de vos troupes, si j'ose m'exprimer ainsi, une réaction. Ca vous n'y croyez pas ? Ca vous pensez que ça restera du stade du discours, ce choix contractuel ? Ca vous paraît trop utopique, si j'ose dire ?
R.- On est bien trop loin de tout ça. Vous savez, il y a des choses qui pèsent aussi. Vous parliez du discours. Attention aux provocations. Quand le président de la République a parlé, notamment sur les régimes spéciaux, du caractère "indigne" de certaines situations, c'est vexant pour nos amis les cheminots. Cela a posé des problèmes. Et c'est faire fi de l'histoire et des raisons qui font ces situations-là, qui ont créé ces situations-là. Ça n'augure pas et ça ne facilite pas la négociation, l'échange et le travail que nous avons à conduire ensemble pour, justement, trouver les ajustements nécessaires en tenant compte des situations.
O. Nahum : On a bien retenu, J. Voisin, que vous êtes ouvert pour la CFTC mais qu'on est quand même peut-être au bord du clash.
R.- Oui. Si je n'ai pas les marges de manoeuvre, je suis au bord du clash et si j'ai des délais trop courts quel que soit le sujet, je suis au bord du clash.
O. Nahum : Ca veut dire qu'après le 17 octobre, il y aura une nouvelle réunion entre vous, les différents syndicats pour essayer de savoir quelle suite vous donnerez au mouvement, comme on dit ?
R.- De toutes façons, vous savez, on se voit régulièrement, encore hier, entre leaders des différentes confédérations syndicales. On se parle presque quotidiennement sur ces sujets-là.
O. Nahum : Surtout en ce moment.
R.- Voilà et surtout en ce moment.
O. Nahum : Voilà, écoutez merci pour ces précisions. J. Voisin, vous dirigez la CFTC. On vous reverra sans doute bientôt.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 20 septembre 2007