Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, L. Parisot.
R.- Bonjour.
Q.- D. Gautier-Sauvagnac, l'un des dirigeants du Medef, président de l'UIMM, Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie, est actuellement au centre d'une enquête judiciaire. La justice voudrait savoir à qui il a donné ces 5,6 millions d'euros qu'il a retirés ou fait retirer en liquide sur les comptes de l'UIMM, entre 2000 et 2007. Le domicile de D. Gautier-Sauvagnac et puis aussi ses bureaux ont été perquisitionnés, hier. Cette affaire plonge-t-elle le Medef dans la crise, L. Parisot ?
R.- Non pas du tout. Pas une crise au sens négatif du terme, en tout cas. Qu'il y ait, en ce moment, dans l'ensemble de notre société et probablement, du coup, à travers quelques institutions -et des institutions importantes, comme le mouvement patronal- des convulsions, c'est-à-dire des mouvements qui sont là pour provoquer l'accouchement d'un certain nombre de choses, c'est fort possible.
Q.- L'accouchement de quoi ? La cessation de certaines pratiques qui faisaient circuler de l'argent liquide ?
R.- Eh bien qu'on soit en train "d'accoucher" d'un nouveau modèle social, d'un nouveau mode de relations, fondé sur le contrat, le partenariat, fondé sur l'ouverture, fondé sur la transparence, fondé sur l'éthique, ça, ça me semble tout à fait possible, oui.
Q.- C'est que peut donc accoucher, selon vous, cette affaire D. Gautier- Sauvagnac. Aviez-vous connaissance de ces pratiques de retrait d'argent liquide de l'une de vos principales fédérations ?
R.- Non, absolument pas. Absolument pas.
Q.- Vous l'avez découvert, la semaine dernière ?
R.- Ah oui ! Par l'article qui est sorti dans la presse, la semaine dernière.
Q.- "Le Figaro" de mercredi. D. Gautier-Sauvagnac ne vous en avait jamais parlé ?
R.- Evidemment non.
Q.- Depuis, en avez-vous parlé avec lui ? Et savez-vous à qui il a destiné ces sommes ?
R.- Ah, je n'en ai pas la moindre idée.
Q.- Vous lui avez posé la question ?
R.- J'ai rencontré plus d'une fois D. Gautier-Sauvagnac depuis la révélation de cette affaire. Nous n'avons pas parlé des faits car il le dit, il réserve ses réponses aux autorités compétentes.
Q.- Ces faits vous troublent-ils, L. Parisot ?
R.- Je peux vous dire que même si le Medef est totalement étranger à cette affaire et à ces faits, totalement étranger...
Q.- L'Union des Industriels et Métiers de la Métallurgie fait partie du Medef, L. Parisot.
R.- Ce n'est pas une filiale du Medef.
Q.- C'est une fédération du Medef...
R.- C'est un adhérent. Et le Medef compte 600 fédérations professionnelles adhérentes, et 150 Medef territoriaux adhérents. Donc c'est un adhérent. Il n'y a aucun lien de tutelle entre le Medef et l'UIMM. Donc, même si le Medef est totalement étranger à cette affaire, pour autant j'estime que c'est une affaire grave. Et peut-être, je peux dire : très grave. Pourquoi est-ce que j'estime cette affaire aussi grave ? Parce que, fondamentalement, elle est totalement incompréhensible. C'est incompréhensible des retraits de telles sommes d'argent, c'est totalement incompréhensible. Ce qui est incompréhensible également, c'est le pourquoi. C'est le comment. C'est le pourquoi du comment. C'est les tenants et les aboutissants. Totalement incompréhensible !
Q.- Le pourquoi ? Il y a des débuts de réponses dans la presse : financement occulte des syndicats ?
R.- C'est la presse qui fait cette hypothèse. Je ne le sais pas. Je souhaite que l'enquête donne des éléments d'explications, bien évidemment. Ce qu'on sait, par contre, c'est pourquoi on doute, pourquoi il y a un soupçon. Et pourquoi on doute ? Parce qu'aujourd'hui, nombre d'organisations syndicales et professionnelles bénéficient d'un statut juridique, totalement légal, qui leur évite d'avoir une transparence financière, une comptabilité et qui leur évite d'avoir à rendre des comptes. C'est aberrant dans le monde d'aujourd'hui, même si c'est légal. C'est aberrant. Et vous savez, moi j'ai été élue il y a un peu plus de deux ans, à la présidence du Medef. J'ai d'ailleurs été élue en battant un candidat qui était soutenu par l'UIMM. J'ai été élue avec un projet très clair : de modernisation. J'ai été élue en affirmant tout au long de ma campagne électorale des principes sans aucune ambiguité, notamment de transparence, d'éthique et de gouvernance démocratique. Et d'ailleurs, j'insiste souvent pour dire que j'ai été élue car ça a été une désignation parfaitement démocratique : avec un vote, une campagne électorale, des débats publics. Nous sommes, nous, le Medef, une des seules institutions en France qui choisit ainsi sa gouvernance. Donc, je crois que nous, Medef, au contraire à partir de cette affaire, nous allons être porteurs plus que jamais de modernité.
Q.- On comprend l'esprit de votre réponse, L. Parisot : le Medef et l'IUMM, c'est pas la même chose. D. Gautier-Sauvagnac représente le Medef dans la négociation avec les syndicats pour la modernisation du marché du travail. Lui maintenez-vous ce mandat, L. Parisot ?
R.- Eh bien, vous savez une négociation entre patronat et syndicats, ce n'est pas une personne qui représente le Medef, face à une personne qui représente la CGT, la CFDT, FO, etc. C'est une équipe, ce sont des équipes. Et je suis très fière de l'équipe de négociateurs que j'ai pu constituer à l'occasion de cette négociation fondamentale, historique. Il y a des hommes et des femmes de très grand talent, très engagés au service de l'entreprise et de l'intérêt général, je citerai F.-X. Clédat, M. De Virville, P. Marcel, C. Kopp qui a été à l'origine de l'accord sur la diversité. D. Gautier-Sauvagnac est le capitaine de cette équipe.
Q.- Peut-il le rester ?
R.- Alors, est-ce qu'il est aujourd'hui, est-ce qu'il remplit les qualités pour être capitaine de cette équipe ? Eh bien, ma réponse, elle est clairement : oui, et pour trois raisons.
Q.- C'est contradictoire avec ce que vous avez dit avant, L. Parisot ?
R.- Non, vous allez voir. Première raison : est-il compétent ? Sans aucun doute. Deuxième raison : est-il, aujourd'hui, en état physique, intellectuel et moral pour continuer ? Je vous ai dit, je l'ai rencontré plusieurs fois. J'observe qu'il l'est totalement. Troisième raison : je vous ai dit que j'étais attachée à des principes. Eh bien, voyez-vous, la présomption d'innocence, c'est un principe essentiel dans une démocratie laïque. C'est un principe qu'on a tellement, si souvent, si rapidement tendance à oublier que moi, je voudrais la rappeler à chaque instant. Et tant que quelqu'un n'est pas déclaré coupable de faits délictueux, il est innocent. Tant que ces trois raisons qui sont des critères sont respectées...
Q.- D'accord, mais d'un mot, parce que nous n'avons plus le temps ! Oui.
R.-... Si par hasard, s'ils ne l'étaient pas, non seulement je suis garante de la bonne continuité de la négociation, mais lui-même, D. Gautier- Sauvagnac, me dirait qu'il n'est plus en état de respecter ces trois critères.
Q.- Le soupçon de délit d'initiés à EADS porte un nouveau coup à l'image des dirigeants de l'entreprise. Votre commentaire, L. Parisot...
R.- Ah ! Ecoutez, vous savez... Ca, ça me semble extraordinaire quand on dit : ah là, là, c'est terrible pour l'image des patrons ! Eh bien moi je vais vous dire...
Q.- Mais c'est pas très bon !
R.- Si ces faits sont avérés - ce qu'on ne sait pas encore là aussi, s'il vous plaît présomption d'innocence, mais imaginons que ces faits sont avérés ou que des faits identiques se produisent dans une autre entreprise - eh bien moi je vais vous dire : je n'ai que du mépris. Je le dis clairement, que du mépris pour des gens qui se comportent ainsi ; et surtout, je vais vous dire, des gens qui se comportent ainsi, c'est tout sauf des patrons.
L. Parisot, invitée de RTL ce matin. Bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 4 octobre 2007