Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur les difficultées rencontrées par les débitants de tabac du fait des interdictions de fumer dans les lieux publics et sur les mesures envisagées par le gouvernement pour pallier leur manque de recettes, Paris le 11 octobre 2007.

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Circonstance : Congrès des débitants de tabac à Paris le 11 octobre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que j'ai répondu à l'invitation de votre président, Monsieur René LE PAPE, à participer à votre congrès annuel. C'est l'occasion pour moi de témoigner devant vous de l'estime et de l'attention que je porte à votre profession. Vous êtes confrontés depuis de nombreuses années à d'importants défis et nous allons y répondre ensemble, notamment à travers le nouveau contrat d'avenir que nous avons signé.
Votre réseau, qui compte près de 30 000 débits de tabac, est le premier réseau de commerces de proximité de France. Le bureau de tabac et son enseigne si facilement identifiable, la « carotte », font partie intégrante du patrimoine de notre pays. Nos concitoyens sont très attachés à vos commerces qui sont un repère fort dans le paysage et constituent l'un des premiers lieux de convivialité, et parfois même le seul dans certaines communes rurales. Je souhaite que vos débits puissent continuer à jouer pleinement ce rôle essentiel dans la vie quotidienne des Français.
Vous êtes également des préposés de l'administration, et plus précisément de l'administration des douanes et droits indirects, en tant que bénéficiaires du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés. Il s'agit d'un système de distribution qui a fait ses preuves et continuera de le faire. Comme l'a rappelé le Président de la République, vous êtes des commerces où l'on sait ce que le travail veut dire.
Monsieur LE PAPE, que j'ai rencontré en septembre, et dont je salue le sens des responsabilités et l'engagement pour la défense de votre profession, m'a fait part de vos inquiétudes quant à l'avenir de votre réseau. Il a attiré mon attention sur vos craintes concernant :
- les conséquences de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, qui s'appliquera à vos débits à compter du 1er janvier prochain ;
- et sur les risques d'une reprise des trafics et des achats transfrontaliers, notamment dans les départements frontaliers, suite à la décision des fabricants de tabac d'augmenter leurs prix en août dernier.
Concernant tout d'abord les conséquences de l'interdiction de fumer, point qui relève de la compétence de Roselyne Bachelot, le Président de la République, dont vous connaissez l'attachement à votre profession, a réaffirmé que la baisse de la consommation de tabac est un objectif qui sera poursuivi au nom de la politique de santé publique.
Mais il a également précisé que l'État ne doit pas éluder ses responsabilités et faire peser sur vous les conséquences de ses choix . Du fait de votre double qualité de commerçants et de préposés de l'administration, il est essentiel et légitime que les pouvoirs publics soient à vos côtés.
Je veillerai donc à ce que le texte sur l'interdiction de fumer ne soit pas appliqué de façon exagérément rigide. Je sais que vous êtes en contact avec le ministère de la Santé et que certaines de vos demandes ont d'ores et déjà été entendues, comme la possibilité de continuer à fumer sur les terrasses à partir du moment où elles ont une ouverture sur l'extérieur. Le dialogue avec votre profession doit se poursuivre et j'y serai très attentif. Enfin, le contrôle du respect de l'interdiction de fumer devra être exercé de façon rigoureuse mais « intelligente » et sans excès. J'y veillerai également.
Mon prédécesseur vous annonçait l'an dernier, à l'occasion de votre congrès 2006, la signature d'un second contrat d'avenir pour la période 2008-2011 afin de prolonger les engagements pris en 2003.
Sa préparation, qui s'est appuyé sur les conclusions du rapport de M. Richard MALLIE, député des Bouches-du-Rhône, a fait l'objet d'une concertation très approfondie avec vos représentants.
Ce second contrat a été signé le 21 décembre 2006. Et je tiens à vous confirmer que la parole de l'État sera respectée.
Le bilan du 1er contrat est largement positif : l'État a tenu ses engagements, notamment budgétaires. J'ai laissé le soin à Jérôme FOURNEL, directeur général des douanes et droits indirects, de vous en détailler les principaux points.
Mes efforts sont à présent tournés vers la mise en oeuvre du nouveau contrat d'avenir. Je veillerai personnellement au respect par mes services, dans le cadre du calendrier fixé, des engagements qui concernent mon ministère.
Les principales mesures de ce nouveau contrat s'organisent autour de trois grands axes :
* l'amélioration de la rémunération du tabac ;
* la redynamisation de la gestion du réseau ;
* et la diversification de vos activités.
- Concernant tout d'abord votre rémunération : pour la première fois depuis 1976, elle va être augmentée de 1 point sur les cigares et les cigarillos dès le 1er janvier prochain et d'un demi point sur les autres produits du tabac sur toute la durée du contrat, soit une progression annuelle de la rémunération sur la vente de tabac de 19 M euros de 2008 à 2011 . En 2011, cela représentera un montant de plus de 75 M euros. Je m'engage devant vous à ce que la loi de finances pour 2008 soit amendée en ce sens.
Votre rémunération est complétée par les aides créées par le 1er contrat. Elles avaient été conçues pour compenser les effets de la baisse de chiffre d'affaires liée à l'augmentation de la taxation du tabac. Ces aides ont pleinement joué leur rôle comme l'a montré le bilan que vous a présenté Jérôme FOURNEL. La rémunération moyenne des buralistes s'est améliorée tant sur le plan national que dans les zones frontalières. Elle a progressé de 30 % en moyenne entre 2002 et 2006 sur la seule activité débitants de tabac.
Le second contrat prévoit la reconduction des mesures inscrites au 1er contrat, avec certains aménagements . La remise additionnelle sera versée selon les mêmes modalités jusqu'au 31 décembre 2008.
Pour les buralistes en activité au 1er janvier 2008, 2002 reste l'année de référence pour le versement de la remise compensatoire et pour le calcul de l'indemnité de fin d'activité (IFA). L a modification ne concerne que les signataires d'un nouveau contrat de gérance pour lesquels l'année de référence pour le versement de la remise compensatoire sera l'année de signature du contrat. Les textes réglementaires qui reconduisent ce dispositif seront publiés avant la fin de l'année.
L'enveloppe budgétaire annuelle de 160 M euros, allouée au cours du 1er contrat, est reconduite pour consolider le financement de ces aides sur la période 2008-2011. Dans le contexte actuel, le maintien de cette enveloppe est une illustration de l'importance de votre profession aux yeux du Gouvernement.
- Concernant à présent le renforcement de la viabilité du réseau , le rapport MALLIE a mis en évidence le besoin de respiration de votre réseau. Aussi le gel des créations de nouveau débit est reconduit mais avec un aménagement : à compter de 2008, des créations pourront être autorisées par le Comité de suivi afin de tenir compte des besoins locaux liés notamment aux évolutions démographiques. En effet, les débits ne sont pas nécessairement trop nombreux mais ils peuvent être mal répartis sur le territoire.
Pour faciliter cette respiration, il fallait réformer le cadre juridique existant. Cette réforme est d'ores et déjà en vigueur. Le 27 juillet dernier, j'ai signé l'arrêté d'application du décret du 15 mai 2007, qui réforme la notion de transfert. C'est la clef de voûte du nouveau dispositif. Désormais, l'implantation d'un débit se fera en priorité par le transfert d'un débit existant. Le transfert n'est plus limité à la même commune mais peut concerner le département voire les départements limitrophes pour les débits implantés dans un département en difficulté.
Plusieurs autres dispositions du contrat d'avenir devraient permettre d'amplifier les effets de cette réforme et d'accélérer ainsi l'adaptation du maillage du réseau.
- Il s'agit, tout d'abord, de l'IFA (« indemnité de fin d'activité »). Au cours du 1er contrat, ce dispositif a permis aux débitants frontaliers les plus durement touchés de sortir du réseau dans des conditions économiquement et socialement admissibles. Ce dispositif a donc été reconduit et le second contrat d'avenir prévoit de le compléter par une nouvelle IFA, dite IFA « rurale », au profit du dernier débit d'une commune de moins de 1 500 habitants. J'ai signé en août l'arrêté d'application du décret du 14 mai 2007 qui permet l'entrée en vigueur de cette mesure dès cette année.
-L'autre disposition concerne la création d'une aide à la mobilité qui va entrer en vigueur le 1er janvier prochain.
La direction générale des douanes, en liaison étroite avec votre confédération, prépare les textes réglementaires qui permettront d'attribuer une aide d'un montant de 3 000 euros ou égale à 2 % de l'IFA aux bénéficiaires de l'IFA qui opteront pour la poursuite de leur activité dans un nouveau secteur.
L'ensemble de ces mesures participent à la reconfiguration du réseau voulu par le gouvernement dans le but d'assurer une distribution optimisée des débits sur le territoire national et d'offrir à ses préposés une répartition plus équilibrée des revenus tirés de la vente du tabac.
Un dernier mot sur les relations qu'entretient votre réseau avec la Française des Jeux .
Je ne peux que vous encourager à développer votre collaboration, par exemple dans le projet « TV des buralistes » et vous pouvez compter sur moi pour veiller à ce que la recherche de nouveaux débouchés par la Française des jeux ne se fasse pas au détriment des buralistes. La relation entre elle et vous ne peut être qu'une relation « gagnant-gagnant ».
- Concernant enfin l'objectif du développement de nouvelles activités, il n'a été que partiellement atteint dans le cadre du 1er contrat. L'État doit mieux remplir cette part du contrat d'avenir pour la période 2008-2011 en incitant les différents partenaires à privilégier la distribution de leurs produits dans le cadre de votre réseau.
Avec ma collègue Christine LAGARDE, nous allons oeuvrer pour favoriser les rapprochements avec les partenaires économiques. Mais la diversification ne se décrète pas. Elle nécessite une implication de tous les acteurs. Le Comité de suivi du contrat d'avenir doit jouer un rôle moteur dans ce projet.
L'État se doit aussi de montrer l'exemple. Plusieurs pistes sont en cours d'expérimentation.
Je suis avec beaucoup d'attention l'avancée des travaux du projet « PVA » (« Point de vente agréé ») qui permet le paiement dématérialisé des amendes forfaitaires. Ce projet est une traduction très concrète du processus de modernisation de l'État et du partenariat avec votre confédération. Actuellement, environ 300 buralistes expérimentent ce système.
L'objectif est d'équiper 9 400 débits d'ici 2009. J'ai pu discuter de ce dossier avec votre président, qui est également déterminé à le voir aboutir rapidement.
Enfin, le contrat a prévu l'instauration d'un crédit d'impôt sur les dépenses de rénovation des linéaires, des vitrines ou d'acquisition de terminaux informatiques. Cette disposition doit contribuer à favoriser la diversification et la modernisation de vos débits. Elle a été introduite dans le code général des impôts par la loi de finances rectificative pour 2005. M. LE PAPE m'a fait part de votre attente sur cette mesure. Je vous ai adressé le projet d'instruction qui commentera cette nouvelle disposition afin que vous puissiez faire part de vos observations. Celles-ci seront examinées avec la plus grande attention. Je m'engage bien entendu à ce que cette instruction soit publiée dans les meilleurs délais.
Je souhaiterais à présent revenir sur vos inquiétudes concernant une reprise des trafics et des achats transfrontaliers, suite à l'augmentation du prix du tabac au mois d'août.
Cette préoccupation était au coeur des discussions que j'ai eu avec votre président. Les écarts de prix de vente très importants existant avec nos voisins européens favorisent le développement du commerce illicite de tabac et des achats transfrontaliers. Cette situation affaiblit considérablement les efforts du gouvernement dans sa politique de santé publique.
Vos inquiétudes sont donc aussi les miennes , autant en qualité de ministre de tutelle du réseau que comme ministre du Budget chargé des recettes de l'État.
Suite à l'augmentation des prix du tabac en août, j'ai donné des instructions aux services douaniers, pour que les contrôles soient renforcés dans les zones et sur les axes sensibles, afin de prévenir une reprise des petits trafics de proximité (tels que la revente à la sauvette ou le transport de tabac en petite quantité) qui sont les plus nuisibles à votre réseau.
Ces contrôles sont difficiles à réaliser. Ils entraînent fréquemment des tensions avec les particuliers, qui ne comprennent pas leur justification alors que l'Europe est un espace de libre circulation sans frontières fiscales. Mes services sont régulièrement saisis de plaintes de particuliers à ce sujet. Comme vous le savez, la Commission européenne a demandé des explications à la France sur la mise en oeuvre de ces dispositions nationales.
Pour ma part, je suis déterminé à défendre notre dispositif de maîtrise des achats transfrontaliers. J'ai donné pour consigne aux services douaniers de l'appliquer strictement. Avec ma collègue ministre de la Santé, nous allons nous battre pour obtenir une révision des directives dans le sens d'une meilleure prise en compte des impératifs de santé publique. Les traités garantissent le principe de libre circulation des marchandises mais ils autorisent aussi les États membres à adopter des mesures restrictives lorsqu'elles sont justifiées par des objectifs de santé publique.
Les premiers résultats des contrôles renforcés que j'ai demandés confirment le bien fondé de cette politique de limitation des achats. Les services douaniers se sont fortement mobilisés. J'ai demandé à Jérôme FOURNEL que, du 1er août au 30 septembre dernier, ses services intensifient leur action contre le « tourisme » fiscal en provenance d'États où la fiscalité et les prix du tabac sont plus faibles qu'en France et contre la revente illicite de tabac, qui sont les plus préjudiciables à l'activité du monopole.
Dans le cadre de ce dispositif spécifique, 3 106 contrôles ont été réalisés dans les directions les plus exposées (Bayonne, Dunkerque, Lille, Lorraine et Perpignan) ; soit le double du nombre de contrôles réalisés sur la même période l'année dernière. Ce qui a permis aux services douaniers de constater 611 infractions cette année contre 432 sur la même période en 2006, soit une augmentation de 40 % ; en termes de résultats, cela se traduit par 2 190 interpellations et la saisie de plus de 10,5 tonnes de tabac, soit l'équivalent de plus de 450 000 paquets de cigarettes et de 50 000 paquets de tabac à rouler.
Je veillerai à ce que cette mobilisation se poursuive. La lutte contre le trafic de tabac restera une priorité d'action pour la douane l'année prochaine.
Enfin, M. LE PAPE m'a fait part de votre souhait de voir davantage médiatisée l'action de la douane en la matière.
Je partage, tout d'abord, votre souci d'une information claire et compréhensible à l'attention des particuliers. Les voyageurs peuvent obtenir les informations sur les achats transfrontaliers sur le site Internet de la douane. Elles sont également disponibles sous forme de brochures dans tous les bureaux et les brigades des douanes. Et elles sont relayées par le centre d'informations « Info douane service » qui répond aux questions qui lui sont adressées sur simple appel téléphonique ou par courriel.
J'ajoute que, cette année, pour la première fois, la douane a complété son dispositif de communication sur le tabac par une campagne radiodiffusée pour sensibiliser les voyageurs sur le respect des franchises. Elle a été diffusée avant l'été en préparation des grands départs en vacances. Cette expérience très positive sera reconduite l'année prochaine.
En outre, la direction générale des douanes a donné des consignes aux directeurs régionaux pour que leurs actions et leurs résultats en matière de lutte contre les trafics illicites de tabac, reçoivent un meilleur traitement médiatique, notamment sur le plan local. La presse quotidienne régionale me paraît être un bon vecteur pour ces actions de communication de proximité et d'explication. Par ailleurs, chaque fois que l'autorité judiciaire nous y autorise, les saisies les plus significatives font l'objet d'une large médiatisation. Enfin, une action de communication a été effectuée sur les achats de tabac sur Internet.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Vous l'avez compris, et ma présence ici en témoigne : je suis profondément attaché au réseau des débitants de tabac, et je suis déterminé, avec notre nouveau contrat d'avenir, à consolider les liens étroits que mon ministère et votre confédération nationale ont noué depuis de longues années. Ensemble, nous relèverons les défis de demain.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.comptes-publics.gouv.fr, le 16 octobre 2007