Texte intégral
Q - Monsieur Bockel, est-ce qu'on peut dire qu'il y a des avancées en Côte d'Ivoire ou est-ce qu'il faut, si ce n'est leur taper sur les doigts, en tout cas leur rappeler qu'il y a eu un calendrier et que pour l'instant on est un peu en retard après les accords de Ouagadougou ?
R - Oui, il y a certainement des avancées. Il y a certainement un climat de dialogue qui est meilleur qu'il ne l'a été à une certaine époque mais il n'est pas possible non plus de brûler les étapes.
Il y a un certain nombre de préalables, sur lesquels il faut vérifier que les choses avancent et ce sont des points extrêmement concrets. Vous le savez, pour que les élections puissent se tenir, il faut : avoir des listes électorales et que les gens soient répertoriés. Il faut que les choses se passent de manière acceptable, et c'est vrai qu'avec toutes les perturbations qu'a vécu le pays, ce n'est objectivement pas simple mais il faut d'autant plus de volonté politique, d'engagement, pour que concrètement les audiences foraines de magistrats, de sous-préfets pouvant répertorier les listes, enregistrer les gens, puissent maintenant rapidement se mettre en oeuvre.
On sait que cela prendra un certain temps mais c'est le point de départ du processus électoral et le processus électoral, c'est le point de départ d'une normalisation des relations avec la communauté internationale.
Q - Est-ce qu'il faut donner une date, est-ce qu'il faut demander aux Ivoiriens maintenant de fixer une date pour ces fameuses élections dont on parle mais que l'on ne voit pas venir ?
R - Oui, bien sûr, mais fixer une date qui soit proche alors que la préparation concrète des élections n'aura pas commencé à se faire, c'est aller d'emblée, ou vers un risque de report, prévisible dès aujourd'hui, ou vers des élections qui se dérouleraient dans des conditions qui ne seraient pas bonnes. Voilà les difficultés ! Nous ne souhaitons pas, bien sûr, et personne ne le souhaite, que ces élections soient renvoyées aux "calendes grecques", on en voit bien l'inconvénient mais il ne faut pas non plus confondre vitesse et précipitation.
Donc il faut que les choses se mettent maintenant en mouvement avec tout le processus préparatoire aux élections pour que ce soient de vraies bonnes élections.
Q - C'est cela que vous souhaitez dire aux Ivoiriens : "Il faut que vous vous prépariez à ces élections-là, il faut que les listes électorales soient bientôt établies?"
R - C'est en tout cas l'un des messages extrêmement concret, je crois, que nous devons continuer à faire passer.
Je veux dire à ce propos que le rôle de la médiation burkinabaise est plus que jamais extrêmement important et nous sommes évidemment totalement derrière le médiateur. D'ailleurs, j'aurai l'occasion de le rencontrer ce matin. Je crois qu'il faut aussi soutenir fortement cette démarche qui montre d'ores et déjà son utilité.
Q - Est-ce que vous avez des preuves de bonne volonté ?
R - On a besoin, si vous voulez, d'y voir clair entre les déclarations des uns et des autres. Parfois, les déclarations du côté de la Côte d'Ivoire peuvent être contradictoires par rapport aux autres, y compris au niveau des autorités du pays. Il y a des signes qui sont donnés, il faut que ces signes soient confirmés maintenant par les engagements que j'évoquais tout à l'heure.
On est un peu dans une situation où il est difficile de répondre à votre question. On ne peut pas y répondre par la négative. On aimerait y répondre très vite de manière positive : ce n'est pas tout à fait encore possible.
Q - Est-ce que ça veut dire qu'il faut continuer à soutenir le président Gbagbo? Est-ce que ce sera ça en partie le rôle du Conseil de sécurité? Est-ce qu'il faut lui demander d'accélérer le rythme, qu'est-ce qu'il faut avoir comme message vis-à-vis du président ivoirien ?
R - Nous n'avons pas non plus à nous substituer, ni à ceux qui portent la démarche de médiation, ni aux Ivoiriens qui sont dans un processus de dialogue.
Mais je pense que - et je ne dis pas du tout que c'est l'état d'esprit du président - il ne serait pas bon, à mon avis, par rapport à tous les signaux positifs qu'on peut avoir aujourd'hui, de jouer la montre dans la période actuelle. Il ne serait pas bon que finalement, on aille vers une date d'élection sans l'avoir correctement préparée. Il ne serait pas bon non plus que les élections soient sans cesse reportées.
On a, au fond, besoin maintenant d'y voir clair sur les intentions concrètes des uns et des autres de manière à pouvoir y aller. Je vous assure que, en tant que secrétaire d'Etat à la Coopération, je n'attends qu'une normalisation pour pouvoir poursuivre ou mettre en oeuvre un certain nombre de projets concrets que nous avons. Je dirais que, d'une certaine manière, je suis impatient que le processus se remette en marche.
Mais je sais en même temps que si on allait vers des rapprochements rapides sur des bases floues, on construirait sur du "sable" et on irait à la catastrophe.
Q - Concrètement, cela veut dire qu'on n'a pas commencé à recenser vraiment la population? Si les élections avaient lieu demain, on ne pourrait pas les faire, est-ce qu'on pourrait les faire objectivement si elles avaient lieu à la fin de 2008 ?
R - Je ne dis pas qu'on n'a pas commencé, puisque tout le monde est d'accord pour mettre en place la méthode : alliance foraine, etc... Elle est connue et acceptée, mais cela a commencé trop timidement pour que cela soit significatif.
On pourrait dire "on est aux deux tiers de l'objectif, on va y arriver, encore un effort", on ne serait pas dans le même cas de figure. Je ne dis pas que cela n'a pas commencé mais cela a à peine commencé. En tout cas pas de manière suffisante pour pouvoir donner aujourd'hui un délai permettant la tenue d'élections dans des conditions satisfaisantes.
Si les élections avaient lieu aujourd'hui sans que ce travail n'ait été plus sérieusement engagé, sans demander la perfection, ces élections se passeraient, sinon dans de mauvaises conditions, du moins dans des conditions qui prêteraient d'emblée à contestation et on serait de nouveau avec d'autres problèmes.
Q - Cela veut dire qu'il faut accélérer ce processus ?
R - Absolument. Il faut accélérer ce processus de préparation concrète des élections, d'établissement des listes, d'autant plus qu'il y a sur ce processus un accord !
Il faut maintenant que chacun soit allant dans la mise en oeuvre, s'il y a besoin de soutien dans cette mise en oeuvre, s'il y a des demandes concrètes qui peuvent être faites à la communauté internationale, elles peuvent être examinées, mais c'est de cela qu'il faut parler.
Q - Si cela n'accélère pas, quelle est votre marge de manoeuvre, quel est le levier que vous pouvez utiliser ? Est-ce que vous avez décidé d'en utiliser un ?
R - Je vous répondrai à chaque jour suffit sa peine.
Q - Certes. Normalement le mandat de l'ONUCI va jusqu'en janvier 20008. Est-ce que l'on s'achemine vers un renouvellement de ce mandat ?
R - Je ne peux pas vous répondre. Mais ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies pour abandonner ce mandat et aller dans les conditions actuelles vers une autre formule. Tout cela est également lié.
Q - Est-ce que vous avez bon espoir, fin 2008, que la crise ivoirienne soit, si ce n'est réglée, en tout cas ait pris une tournure qui peut nous amener à être optimiste ?
R - En tout cas, sortir de la crise en 2008, c'est ce que nous espérons tous et c'est ce qu'il faudrait pouvoir faire ou alors ce serait un facteur à nouveau de fragilité, de tension qu'il faut à tout prix éviter. Donc c'est bien en ce moment que se jouent un certain nombre de choses.
Q - Est-ce que vous allez re-fixer un calendrier ? Parce que l'on a déjà "explosé" le calendrier de Ouagadougou, allez-vous en re-fixer un pour une date d'élection, pour au moins un recensement de population ?
R - Nous n'allons pas nous substituer au médiateur. Je pense que celui-ci verra, selon l'évolution des choses, les propositions à nous faire dans ce domaine. Je pense qu'il faut faire attention à ce que l'on dit aujourd'hui, donc sur ce point du calendrier, suivons la démarche du médiateur.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2007