Texte intégral
Monsieur le Haut-commissaire de la République,
Messieurs les Députés,
Monsieur le Sénateur
Monsieur le Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie,
Mesdames et messieurs les membres du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie,
Messieurs les présidents des provinces du sud, du nord et des îles,
Monsieur le Maire de Nouméa,
Madame et messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis.
Je veux vous dire combien je suis heureux d'être en Nouvelle-Calédonie.
Je veux vous dire combien je suis heureux de retrouver votre belle terre, aux couleurs si chatoyantes qui nous font tant rêver.
Je veux vous dire combien je suis heureux de croiser à nouveau vos regards, de rencontrer ces visages souriants du Sud, du Nord et des îles, d'aller à votre rencontre de votre richesse, de votre diversité, et de votre culture.
Je me réjouis de vous rencontrer à nouveau à Nouméa, et d'aller vous rencontrer à Hienghène, à Koné et à Lifou. Je n'oublierai jamais la première fois où je suis venu à votre rencontre, durant la campagne des présidentielles, car loin de la métropole, j'ai eu le sentiment d'être ici chez moi - au milieu de vous - en France. Une France particulière, une France diverse mais une France unie.
C'est cela la France des Outres-mers, celle que j'affectionne tant.
Ici, comme ailleurs, je ressens ce bonheur intense, cette joie indicible d'être français, d'être citoyen de France.
A tous, je veux vous parler ce soir avec mon coeur.
Je veux vous dire ma part de vérité.
Je veux vous parler à chacun d'entre vous qu'il soit d'origine mélanésienne, européenne, wallisienne et futunienne, polynésienne, ni-vanatu, indonésienne, chinoise, vietnamienne, kabyle, ou bien encore javanaise. Je veux vous parler sans détours, à chacun, quelles que soient vos confessions, vos origines, vos opinions politiques ou philosophiques.
Je veux vous parler comme à tout citoyen français, comme un concitoyen lointain et pourtant si proche, qui - comme vous - est attaché aux valeurs de la République, à ces valeurs merveilleuses que sont la liberté, l'égalité, mais aussi et surtout la fraternité.
Mais avant toute chose, je voudrais parler à la jeunesse de Nouvelle-Calédonie. Je voudrais lui dire combien je suis fier d'elle et des médailles qu'elle a remportées à Apia, lors des jeux du Pacifique.
Ces médailles, elles symbolisent le goût de l'effort, la passion du dépassement de soi même, la douleur dans l'épreuve. Ces médailles incarnent les valeurs du sport : le respect de l'autre, le respect des règles ; le respect de l'autorité et de l'arbitre et la joie dans la réussite.
Calédoniens de la grande terre et des îles, vous pouvez être fiers de votre jeunesse, de cette jeunesse qui a la passion de la vie et qui a la passion de l'engagement.
Jeunesse de Nouvelle-Calédonie, c'est sur toi que repose l'avenir de cette terre de France. C'est à toi que je pense si souvent dans les temps d'épreuves, c'est à toi que je consacre mon énergie, ma volonté, mes passions, mon espérance.
Car, demain, à l'heure des grands choix, tu tourneras ton regard vers ton père, vers ta mère, ton regard confiant, et tu sauras leur dire combien tu aimes cette France, cette France des Outres-mers qui t'a tant donné et qui te donnera encore.
Une France dont tu dois être un acteur central, et pas uniquement en Nouvelle-Calédonie, une France que tu peux contribuer à façonner.
Je suis heureux de vous dire cela, car, ce soir, j'ai décidé de vous parler dans le blanc des yeux, et vous dire ce que je pense.
Des technocrates voudraient me faire dire des choses, des vérités de technocrates, qui conviennent à l'un et tout autant qu'à l'autre. Des vérités pour tout le monde et finalement des vérités pour personne.
Oh, je peux le faire, sans encombre, pour satisfaire un coup à droite et un coup à gauche.
Non, ce soir, j'ai décidé de vous parler vrai.
On m'a abondamment prévenu avant de venir : « attention la Nouvelle-Calédonie est un territoire compliqué, les Calédoniens sont des gens particuliers ; ils sont susceptibles, ces français des antipodes » ou bien encore : « attention, on peut pas dire n'importe quoi là-bas, faites attention, souvenez vous des événements ».
Non, ce soir, j'ai décidé de vous parler vrai.
Je veux tout d'abord vous dire ma confiance dans l'avenir car je sais ce que vos pères ont fait. Je sais que la parole et le respect, l'écoute et le regard ont permis de surmonter les épreuves, de dépasser les clivages et de tourner vos regards vers l'avenir.
Vous avez su clore le temps du feu et du sang et ouvrir celui de la paix et de la communauté de destin. Vous avez su préférer le temps de vos enfants plutôt que celui du passé.
L'Etat vous y a aidé et vous aidera encore. Il vous accompagnera au seuil du choix, de celui initié par les accords de Matignon, et désormais prévu par les accords de Nouméa.
Souvenez vous du texte des Accords de Matignon, et je le cite « les communautés de Nouvelle-Calédonie ont trop souffert dans leur dignité collective, dans l'intégrité des personnes et des biens, de plusieurs décennies d'incompréhension et de violence.
Pour les uns, ce n'est que dans le cadre des institutions de la République française que l'évolution vers une Nouvelle-Calédonie harmonieuse pourra s'accomplir.
Pour les autres, il n'est envisageable de sortir de cette situation que par l'affirmation de la souveraineté et l'indépendance.
L'affrontement de ces deux convictions antagonistes a débouché jusqu'à une date récente sur une situation voisine de la guerre civile.
Aujourd'hui, les deux parties ont reconnu l'impérieuse nécessité de contribuer à établir la paix civile pour créer les conditions dans lesquelles - les populations pourront choisir - librement et assurées de leur avenir, la maîtrise de leur destin ».
L'Etat respectera ces termes de l'accord de Matignon.
Il le respectera loyalement, et c'est un engagement de Nicolas SARKOZY. Pour ma part, je les respecterai, avec la conviction, qui est la mienne, que les citoyens de Nouvelle-Calédonie pourront un jour choisir librement, de façon démocratique, et dans le respect des convictions de chacun.
De la même manière, l'Etat respectera les accords de Nouméa car le pocessus de Nouméa est un processus où chacun pourra défendre, le moment venu, la meilleure option, celle du rattachement à la France ou celle de l'indépendance.
Mais, vous savez quelle est ma préférence, vous savez quel est mon engagement au service de la France, de cette « certaine idée de la France » qui a traversé les siècles, parfois parmi les ombres, mais si souvent en pleine lumière.
Oui, je suis fier d'être français.
Oui, je suis fier des valeurs que mon pays diffuse à travers le monde.
Oui, je suis fier de pouvoir affirmer, et c'est un fait, que « le passé a été le temps de la colonisation, que le présent est le temps du partage par le rééquilibrage, et que l'avenir doit être le temps de l'identité, dans un destin commun ».
Je suis convaincu que ce destin commun est intimement lié à la France, et je ne cesse de repenser à cette belle phrase du Général De GAULLE qui déclarait « la Nouvelle-Calédonie doit faire partie d'un grand ensemble. De quel grand ensemble pourrait-elle faire partie, sinon du grand ensemble français ? ».
Car au fond, quelles sont les réalités de notre temps ?
Depuis la fin des années 80, le monde est un village planétaire, multipolaire, et ouvert.
Nos enfants parcourent les chemins virtuels des nouvelles technologies, visitent les musées de New York, de Paris ou de Pékin d'un seul clic. Nos enfants correspondent en français, en anglais, en espagnol ou en chinois avec leurs amis du monde.
Et vos enfants nous regardent, attentifs à leur avenir.
Les marchandises ne s'échangent plus d'un pays à l'autre, mais d'un océan à un autre, d'un continent à un autre. Le marché des biens et des services est désormais planétaire, vous le savez vous qui disposez de la richesse extraordinaire du nickel.
Il fallait deux mois à nos parents pour venir dans le Pacifique, il faut désormais moins d'une journée. Les distances sont abolies, vos enfants parcourent le monde, viennent en métropole faire leurs études, et tournent leurs regards vers l'extérieur.
Ils reviennent sur le territoire, instruits de l'ouverture aux autres, forgés de l'expérience et de la confrontation à d'autres espaces et à d'autres temps.
La pollution est désormais planétaire, elle nous concerne tous. Elle s'adresse à chacun de nous au plus profond de notre conscience, car les choix des uns concernent la vie des autres.
Le temps du développement durable, non pas celui des nations mais celui du monde est désormais le nôtre, et c'est dans les grands ensembles que ce temps s'inscrit. C'est pour cela que j'ai souhaité organiser ici, comme en métropole, une réunion régionale du « grenelle de l'environnement » pour comprendre les enjeux écologiques de la Nouvelle-Calédonie.
Et, j'ai la conviction profonde que cette révolution planétaire ne peut pas conduire à l'isolement et l'enfermement dans l'insularité.
A mes compatriotes indépendantistes, je veux redire, comme je l'ai fait en avril dernier, combien je respecte leurs opinions, combien je respecte profondément leur culture et leur identité.
Je veux leur dire qu'ils sont aussi - à part entière - la richesse de la France, de son identité, de son histoire.
Je sais le lien intime qui existe entre la coutume et la terre, que la terre est le support de la coutume. Je sais que l'ancêtre fondateur d'un clan est enfanté par une parcelle de terre vierge, et que la terre «est le sang des morts», dans votre culture. Je sais la valeur de l'igname, symbole de la « chair des ancêtres ». Je comprends enfin le sens de votre coutume qui permet à chacun d'entre nous de fouler la terre ancestrale que vous souhaitez, en toute légitimité, préservée.
Et je veux tendre entre nous le manou du dialogue et du respect pour vous parler vrai.
Et je veux leur dire que le choix de continuer le destin de la Nouvelle-Calédonie dans la France est possible. Qu'il est possible pour la Calédonie de continuer d'enrichir l'histoire de la France dans le respect d'une très large autonomie du territoire par rapport à la métropole.
Je mettrai toute mon énergie, toutes mes convictions au service de cette idée.
Car la France a changé.
Elle assume désormais son passé sans tabous ni retenue. Elle reconnaît maintenant ses heures obscures. La France est le seul pays au monde à avoir reconnu l'esclavage comme crime contre l'humanité. Elle est le seul pays au monde à avoir institué une journée de commémoration en mémoire de cette période sombre de son histoire.
La France sait désormais se regarder.
La France est le seul pays au monde à avoir engagé un processus comme celui de l'accord de Nouméa, dans la paix et dans le respect de chacun, selon un processus démocratique accepté de tous.
L'Etat vous accompagne dans ce processus par le rééquilibrage territorial, économique et social de la Nouvelle-Calédonie par les contrats de développement, par l'éducation de votre jeunesse et la formation de vos cadres, notamment d'origine mélanésienne, mais aussi par les grands projets miniers du nord et du sud, et que l'Etat soutient fortement par la défiscalisation.
Le grand projet du Sud est sur le point d'être achevé, et déjà nombre d'entre vous y travaillent. Ce formidable projet démontre que la fatalité économique est trop souvent considérée comme inévitable, alors que la volonté et l'engagement sont les sources de la réussite.
De la même manière, le grand projet du Nord est sur le point d'être engagé et permettra d'emprunter le chemin de la croissance, du développement économique mais aussi et surtout du rééquilibrage territorial.
L'Etat continuera de vous soutenir dans ces projets.
L'Etat vous accompagne aussi dans la démarche politique qui est la vôtre. Je suis convaincu que le consensus, le respect des engagements et de la parole donnée et la recherche constante de la volonté de vivre ensemble sont les clés de la réussite.
Je suis convaincu de la pertinence d'un gouvernement collégial de la Nouvelle-Calédonie au sein duquel toutes les sensibilités politiques peuvent se reconnaître et être associées à la prise de décision. Car fondamentalement la démocratie et la République ne sont pas l'écrasement de la minorité par la majorité. La noblesse de la démocratie et de la République est de faire une place à chacun, y compris à ceux qui contestent son essence même.
Je salue d'ailleurs la maturité de vos responsables politiques qui ont su tirer les conséquences des scrutins récents en refusant la tentation du blocage des institutions, et le statut quo politique.
Et l'Etat continuera à vous accompagner dans ce processus car je suis convaincu que l'Etat doit être le gardien des grands équilibres politiques, économiques et sociaux.
C'est pourquoi, ce soir, j'affirme que l'Etat en Nouvelle-Calédonie a un rôle fondamental à jouer aujourd'hui comme demain. Il ne s'agit pas d'un Etat partial, partisan d'une solution ou d'une autre, mais d'un Etat impartial, d'un Etat qui garantit à chacun des acteurs de la vie politique, économique ou sociale le respect des grands équilibres de la vie en société.
Il ne s'agit pas non plus d'un Etat omniprésent, remettant en cause les compétences dévolues au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou aux provinces, mais d'un Etat qui garantisse le bon fonctionnement des institutions au profit de chacun d'entre vous.
Je veux un Etat impartial, qui soit aussi un arbitre actif.
Cet Etat impartial est tout d'abord garant de la liberté.
Cette liberté si chère à la France, cette liberté qui, sur la scène internationale, permet à la France de dire « non » lorsque la question qui est posée va à l'encontre de la paix dans le monde, de la concorde entre les peuples ou des grands équilibres de notre planète.
C'est pour cela que je crois aussi à l'Europe, et à une France forte au sein de l'Union européenne, car notre « vieux continent » a son rôle à jouer sur la scène internationale.
Et la Nouvelle-Calédonie a sa place dans ce grand ensemble.
Comme je vous le disais lors de notre première rencontre, la Nouvelle-Calédonie a un rôle à jouer, elle doit être la tête de pont dans le Pacifique. En contrepartie, l'Europe doit mieux prendre en compte les intérêts du territoire et nous y travaillons en garantissant son statut de « Pays et Territoire d'Outre-mer » de même que ses intérêts financiers lors de la négociation du 10ème Fonds Européen des Développement.
J'ai souvent entendu dire que la Calédonie appartenait à ce grand « continent invisible » du Pacifique, pour reprendre l'expression de l'écrivain Le Clezio. C'est vrai. Mais c'est aussi vrai que la Calédonie a vocation à faire partie, avec la France, de ce grand ensemble qu'est l'Europe.
Et voilà une idée qui forge ma conviction pour les Outres-mers français : il n'y a pas de contradictions ou d'opposition, à ce que les terres françaises d'outre-mer fassent partie de plusieurs ensembles qui s'emboîtent.
Pour la Nouvelle-Calédonie, il n'y a que des avantages à être à la fois dans le Pacifique, dans la France et dans l'Europe. Ces différents degrés d'appartenance ne sont pas des limitations de souveraineté, mais LA souveraineté, car « cette relation nouvelle correspond aux réalités de notre temps ».
En fin de semaine, je serai à Tonga à la réunion du Post-Forum du Pacifique, accompagné des présidents des gouvernements de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Notre présence au Post-Forum est le symbole de ces différents degrés d'appartenance, qui loin de s'opposer, se complètent harmonieusement.
Cet Etat impartial est tout aussi garant de la liberté de chacun.
Cette garantie c'est celle du travail, c'est celle de la sécurité, c'est celle de pouvoir vivre comme citoyen, avec ses aspirations, ses espérances, le libre choix de sa vie et de son avenir.
Je demande au représentant de l'Etat, officiellement, solennellement, d'apporter à chacun d'entre vous, dans le respect des compétences qui sont les vôtres, les conditions d'exercice de ces libertés.
En matière de dialogue social et de droit du travail, il n'est plus acceptable que des travailleurs puissent être empêchés de travailler normalement par quelques-uns. Je ne peux pas accepter que des entreprises, des usines, des commerces, des grandes infrastructures subissent les « bâches bleues », et les blocages.
Il appartient à chacun d'entre vous, chefs d'entreprises, salariés, organisations syndicales de créer les conditions d'un dialogue social ouvert, confiant et loyal. Il appartient à chacun d'entre vous de comprendre vos intérêts communs, et notamment la création de richesses tout autant que le partage de ces richesses, chacun selon vos responsabilités, chacun selon votre travail.
Vous savez l'engagement de Nicolas SARKOZY, sa volonté de remettre le travail au coeur de notre projet de société. Cette France qui travaille, je veux, comme lui, la défendre. Car je sais, comme lui, que le travail n'est pas l'instrument de l'aliénation, mais celui de la dignité. Si cela est vrai en métropole, c'est tout aussi vrai dans les Outres-mers.
Je demande aussi au représentant de l'Etat d'apporter à chacun d'entre vous, la sécurité au quotidien, et vous connaissez la volonté de Nicolas SARKOZY sur cette question. Il s'agit tout autant de la sécurité publique que de la sécurité civile, de la protection des populations, de la prévention contre les risques naturels, les cyclones autant que les tsunamis.
Votre nature est merveilleuse, elle est d'une richesse incomparable et l'Etat a vocation à vous accompagner à la préserver et à la protéger. Cette démarche est aussi la nôtre dans le processus d'inscription du récif de la Nouvelle-Calédonie au patrimoine de l'Humanité.
Enfin, cet Etat impartial est le garant des valeurs de la République, de ces valeurs qui ont façonné la France au cours de siècles, de ces valeurs qui ont forgé l'identité française. Ces valeurs sont la liberté, l'égalité, et comme je vous le disais au début de mon propos, sans doute et surtout la fraternité.
Je suis convaincu que l'on ne peut être français que si l'on reste intensément soi-même, avec ses racines, son histoire, sa culture et sa langue.
Je dis souvent que l'homme se définit par trois grandes qualités : la liberté, l'intelligence et sa capacité à aimer. C'est cette dernière qualité qui fait de la France un grand pays écouté à travers le monde. C'est cette capacité à aimer qui permet de traverser les épreuves tout en tournant son regard vers l'avenir.
C'est cette capacité à aimer qui - ici - en Nouvelle-Calédonie, a permis de sortir du cycle de la violence et d'espérer un destin commun, un destin que vous choisirez le jour venu. Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 22 octobre 2007
Messieurs les Députés,
Monsieur le Sénateur
Monsieur le Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie,
Mesdames et messieurs les membres du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie,
Messieurs les présidents des provinces du sud, du nord et des îles,
Monsieur le Maire de Nouméa,
Madame et messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis.
Je veux vous dire combien je suis heureux d'être en Nouvelle-Calédonie.
Je veux vous dire combien je suis heureux de retrouver votre belle terre, aux couleurs si chatoyantes qui nous font tant rêver.
Je veux vous dire combien je suis heureux de croiser à nouveau vos regards, de rencontrer ces visages souriants du Sud, du Nord et des îles, d'aller à votre rencontre de votre richesse, de votre diversité, et de votre culture.
Je me réjouis de vous rencontrer à nouveau à Nouméa, et d'aller vous rencontrer à Hienghène, à Koné et à Lifou. Je n'oublierai jamais la première fois où je suis venu à votre rencontre, durant la campagne des présidentielles, car loin de la métropole, j'ai eu le sentiment d'être ici chez moi - au milieu de vous - en France. Une France particulière, une France diverse mais une France unie.
C'est cela la France des Outres-mers, celle que j'affectionne tant.
Ici, comme ailleurs, je ressens ce bonheur intense, cette joie indicible d'être français, d'être citoyen de France.
A tous, je veux vous parler ce soir avec mon coeur.
Je veux vous dire ma part de vérité.
Je veux vous parler à chacun d'entre vous qu'il soit d'origine mélanésienne, européenne, wallisienne et futunienne, polynésienne, ni-vanatu, indonésienne, chinoise, vietnamienne, kabyle, ou bien encore javanaise. Je veux vous parler sans détours, à chacun, quelles que soient vos confessions, vos origines, vos opinions politiques ou philosophiques.
Je veux vous parler comme à tout citoyen français, comme un concitoyen lointain et pourtant si proche, qui - comme vous - est attaché aux valeurs de la République, à ces valeurs merveilleuses que sont la liberté, l'égalité, mais aussi et surtout la fraternité.
Mais avant toute chose, je voudrais parler à la jeunesse de Nouvelle-Calédonie. Je voudrais lui dire combien je suis fier d'elle et des médailles qu'elle a remportées à Apia, lors des jeux du Pacifique.
Ces médailles, elles symbolisent le goût de l'effort, la passion du dépassement de soi même, la douleur dans l'épreuve. Ces médailles incarnent les valeurs du sport : le respect de l'autre, le respect des règles ; le respect de l'autorité et de l'arbitre et la joie dans la réussite.
Calédoniens de la grande terre et des îles, vous pouvez être fiers de votre jeunesse, de cette jeunesse qui a la passion de la vie et qui a la passion de l'engagement.
Jeunesse de Nouvelle-Calédonie, c'est sur toi que repose l'avenir de cette terre de France. C'est à toi que je pense si souvent dans les temps d'épreuves, c'est à toi que je consacre mon énergie, ma volonté, mes passions, mon espérance.
Car, demain, à l'heure des grands choix, tu tourneras ton regard vers ton père, vers ta mère, ton regard confiant, et tu sauras leur dire combien tu aimes cette France, cette France des Outres-mers qui t'a tant donné et qui te donnera encore.
Une France dont tu dois être un acteur central, et pas uniquement en Nouvelle-Calédonie, une France que tu peux contribuer à façonner.
Je suis heureux de vous dire cela, car, ce soir, j'ai décidé de vous parler dans le blanc des yeux, et vous dire ce que je pense.
Des technocrates voudraient me faire dire des choses, des vérités de technocrates, qui conviennent à l'un et tout autant qu'à l'autre. Des vérités pour tout le monde et finalement des vérités pour personne.
Oh, je peux le faire, sans encombre, pour satisfaire un coup à droite et un coup à gauche.
Non, ce soir, j'ai décidé de vous parler vrai.
On m'a abondamment prévenu avant de venir : « attention la Nouvelle-Calédonie est un territoire compliqué, les Calédoniens sont des gens particuliers ; ils sont susceptibles, ces français des antipodes » ou bien encore : « attention, on peut pas dire n'importe quoi là-bas, faites attention, souvenez vous des événements ».
Non, ce soir, j'ai décidé de vous parler vrai.
Je veux tout d'abord vous dire ma confiance dans l'avenir car je sais ce que vos pères ont fait. Je sais que la parole et le respect, l'écoute et le regard ont permis de surmonter les épreuves, de dépasser les clivages et de tourner vos regards vers l'avenir.
Vous avez su clore le temps du feu et du sang et ouvrir celui de la paix et de la communauté de destin. Vous avez su préférer le temps de vos enfants plutôt que celui du passé.
L'Etat vous y a aidé et vous aidera encore. Il vous accompagnera au seuil du choix, de celui initié par les accords de Matignon, et désormais prévu par les accords de Nouméa.
Souvenez vous du texte des Accords de Matignon, et je le cite « les communautés de Nouvelle-Calédonie ont trop souffert dans leur dignité collective, dans l'intégrité des personnes et des biens, de plusieurs décennies d'incompréhension et de violence.
Pour les uns, ce n'est que dans le cadre des institutions de la République française que l'évolution vers une Nouvelle-Calédonie harmonieuse pourra s'accomplir.
Pour les autres, il n'est envisageable de sortir de cette situation que par l'affirmation de la souveraineté et l'indépendance.
L'affrontement de ces deux convictions antagonistes a débouché jusqu'à une date récente sur une situation voisine de la guerre civile.
Aujourd'hui, les deux parties ont reconnu l'impérieuse nécessité de contribuer à établir la paix civile pour créer les conditions dans lesquelles - les populations pourront choisir - librement et assurées de leur avenir, la maîtrise de leur destin ».
L'Etat respectera ces termes de l'accord de Matignon.
Il le respectera loyalement, et c'est un engagement de Nicolas SARKOZY. Pour ma part, je les respecterai, avec la conviction, qui est la mienne, que les citoyens de Nouvelle-Calédonie pourront un jour choisir librement, de façon démocratique, et dans le respect des convictions de chacun.
De la même manière, l'Etat respectera les accords de Nouméa car le pocessus de Nouméa est un processus où chacun pourra défendre, le moment venu, la meilleure option, celle du rattachement à la France ou celle de l'indépendance.
Mais, vous savez quelle est ma préférence, vous savez quel est mon engagement au service de la France, de cette « certaine idée de la France » qui a traversé les siècles, parfois parmi les ombres, mais si souvent en pleine lumière.
Oui, je suis fier d'être français.
Oui, je suis fier des valeurs que mon pays diffuse à travers le monde.
Oui, je suis fier de pouvoir affirmer, et c'est un fait, que « le passé a été le temps de la colonisation, que le présent est le temps du partage par le rééquilibrage, et que l'avenir doit être le temps de l'identité, dans un destin commun ».
Je suis convaincu que ce destin commun est intimement lié à la France, et je ne cesse de repenser à cette belle phrase du Général De GAULLE qui déclarait « la Nouvelle-Calédonie doit faire partie d'un grand ensemble. De quel grand ensemble pourrait-elle faire partie, sinon du grand ensemble français ? ».
Car au fond, quelles sont les réalités de notre temps ?
Depuis la fin des années 80, le monde est un village planétaire, multipolaire, et ouvert.
Nos enfants parcourent les chemins virtuels des nouvelles technologies, visitent les musées de New York, de Paris ou de Pékin d'un seul clic. Nos enfants correspondent en français, en anglais, en espagnol ou en chinois avec leurs amis du monde.
Et vos enfants nous regardent, attentifs à leur avenir.
Les marchandises ne s'échangent plus d'un pays à l'autre, mais d'un océan à un autre, d'un continent à un autre. Le marché des biens et des services est désormais planétaire, vous le savez vous qui disposez de la richesse extraordinaire du nickel.
Il fallait deux mois à nos parents pour venir dans le Pacifique, il faut désormais moins d'une journée. Les distances sont abolies, vos enfants parcourent le monde, viennent en métropole faire leurs études, et tournent leurs regards vers l'extérieur.
Ils reviennent sur le territoire, instruits de l'ouverture aux autres, forgés de l'expérience et de la confrontation à d'autres espaces et à d'autres temps.
La pollution est désormais planétaire, elle nous concerne tous. Elle s'adresse à chacun de nous au plus profond de notre conscience, car les choix des uns concernent la vie des autres.
Le temps du développement durable, non pas celui des nations mais celui du monde est désormais le nôtre, et c'est dans les grands ensembles que ce temps s'inscrit. C'est pour cela que j'ai souhaité organiser ici, comme en métropole, une réunion régionale du « grenelle de l'environnement » pour comprendre les enjeux écologiques de la Nouvelle-Calédonie.
Et, j'ai la conviction profonde que cette révolution planétaire ne peut pas conduire à l'isolement et l'enfermement dans l'insularité.
A mes compatriotes indépendantistes, je veux redire, comme je l'ai fait en avril dernier, combien je respecte leurs opinions, combien je respecte profondément leur culture et leur identité.
Je veux leur dire qu'ils sont aussi - à part entière - la richesse de la France, de son identité, de son histoire.
Je sais le lien intime qui existe entre la coutume et la terre, que la terre est le support de la coutume. Je sais que l'ancêtre fondateur d'un clan est enfanté par une parcelle de terre vierge, et que la terre «est le sang des morts», dans votre culture. Je sais la valeur de l'igname, symbole de la « chair des ancêtres ». Je comprends enfin le sens de votre coutume qui permet à chacun d'entre nous de fouler la terre ancestrale que vous souhaitez, en toute légitimité, préservée.
Et je veux tendre entre nous le manou du dialogue et du respect pour vous parler vrai.
Et je veux leur dire que le choix de continuer le destin de la Nouvelle-Calédonie dans la France est possible. Qu'il est possible pour la Calédonie de continuer d'enrichir l'histoire de la France dans le respect d'une très large autonomie du territoire par rapport à la métropole.
Je mettrai toute mon énergie, toutes mes convictions au service de cette idée.
Car la France a changé.
Elle assume désormais son passé sans tabous ni retenue. Elle reconnaît maintenant ses heures obscures. La France est le seul pays au monde à avoir reconnu l'esclavage comme crime contre l'humanité. Elle est le seul pays au monde à avoir institué une journée de commémoration en mémoire de cette période sombre de son histoire.
La France sait désormais se regarder.
La France est le seul pays au monde à avoir engagé un processus comme celui de l'accord de Nouméa, dans la paix et dans le respect de chacun, selon un processus démocratique accepté de tous.
L'Etat vous accompagne dans ce processus par le rééquilibrage territorial, économique et social de la Nouvelle-Calédonie par les contrats de développement, par l'éducation de votre jeunesse et la formation de vos cadres, notamment d'origine mélanésienne, mais aussi par les grands projets miniers du nord et du sud, et que l'Etat soutient fortement par la défiscalisation.
Le grand projet du Sud est sur le point d'être achevé, et déjà nombre d'entre vous y travaillent. Ce formidable projet démontre que la fatalité économique est trop souvent considérée comme inévitable, alors que la volonté et l'engagement sont les sources de la réussite.
De la même manière, le grand projet du Nord est sur le point d'être engagé et permettra d'emprunter le chemin de la croissance, du développement économique mais aussi et surtout du rééquilibrage territorial.
L'Etat continuera de vous soutenir dans ces projets.
L'Etat vous accompagne aussi dans la démarche politique qui est la vôtre. Je suis convaincu que le consensus, le respect des engagements et de la parole donnée et la recherche constante de la volonté de vivre ensemble sont les clés de la réussite.
Je suis convaincu de la pertinence d'un gouvernement collégial de la Nouvelle-Calédonie au sein duquel toutes les sensibilités politiques peuvent se reconnaître et être associées à la prise de décision. Car fondamentalement la démocratie et la République ne sont pas l'écrasement de la minorité par la majorité. La noblesse de la démocratie et de la République est de faire une place à chacun, y compris à ceux qui contestent son essence même.
Je salue d'ailleurs la maturité de vos responsables politiques qui ont su tirer les conséquences des scrutins récents en refusant la tentation du blocage des institutions, et le statut quo politique.
Et l'Etat continuera à vous accompagner dans ce processus car je suis convaincu que l'Etat doit être le gardien des grands équilibres politiques, économiques et sociaux.
C'est pourquoi, ce soir, j'affirme que l'Etat en Nouvelle-Calédonie a un rôle fondamental à jouer aujourd'hui comme demain. Il ne s'agit pas d'un Etat partial, partisan d'une solution ou d'une autre, mais d'un Etat impartial, d'un Etat qui garantit à chacun des acteurs de la vie politique, économique ou sociale le respect des grands équilibres de la vie en société.
Il ne s'agit pas non plus d'un Etat omniprésent, remettant en cause les compétences dévolues au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou aux provinces, mais d'un Etat qui garantisse le bon fonctionnement des institutions au profit de chacun d'entre vous.
Je veux un Etat impartial, qui soit aussi un arbitre actif.
Cet Etat impartial est tout d'abord garant de la liberté.
Cette liberté si chère à la France, cette liberté qui, sur la scène internationale, permet à la France de dire « non » lorsque la question qui est posée va à l'encontre de la paix dans le monde, de la concorde entre les peuples ou des grands équilibres de notre planète.
C'est pour cela que je crois aussi à l'Europe, et à une France forte au sein de l'Union européenne, car notre « vieux continent » a son rôle à jouer sur la scène internationale.
Et la Nouvelle-Calédonie a sa place dans ce grand ensemble.
Comme je vous le disais lors de notre première rencontre, la Nouvelle-Calédonie a un rôle à jouer, elle doit être la tête de pont dans le Pacifique. En contrepartie, l'Europe doit mieux prendre en compte les intérêts du territoire et nous y travaillons en garantissant son statut de « Pays et Territoire d'Outre-mer » de même que ses intérêts financiers lors de la négociation du 10ème Fonds Européen des Développement.
J'ai souvent entendu dire que la Calédonie appartenait à ce grand « continent invisible » du Pacifique, pour reprendre l'expression de l'écrivain Le Clezio. C'est vrai. Mais c'est aussi vrai que la Calédonie a vocation à faire partie, avec la France, de ce grand ensemble qu'est l'Europe.
Et voilà une idée qui forge ma conviction pour les Outres-mers français : il n'y a pas de contradictions ou d'opposition, à ce que les terres françaises d'outre-mer fassent partie de plusieurs ensembles qui s'emboîtent.
Pour la Nouvelle-Calédonie, il n'y a que des avantages à être à la fois dans le Pacifique, dans la France et dans l'Europe. Ces différents degrés d'appartenance ne sont pas des limitations de souveraineté, mais LA souveraineté, car « cette relation nouvelle correspond aux réalités de notre temps ».
En fin de semaine, je serai à Tonga à la réunion du Post-Forum du Pacifique, accompagné des présidents des gouvernements de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Notre présence au Post-Forum est le symbole de ces différents degrés d'appartenance, qui loin de s'opposer, se complètent harmonieusement.
Cet Etat impartial est tout aussi garant de la liberté de chacun.
Cette garantie c'est celle du travail, c'est celle de la sécurité, c'est celle de pouvoir vivre comme citoyen, avec ses aspirations, ses espérances, le libre choix de sa vie et de son avenir.
Je demande au représentant de l'Etat, officiellement, solennellement, d'apporter à chacun d'entre vous, dans le respect des compétences qui sont les vôtres, les conditions d'exercice de ces libertés.
En matière de dialogue social et de droit du travail, il n'est plus acceptable que des travailleurs puissent être empêchés de travailler normalement par quelques-uns. Je ne peux pas accepter que des entreprises, des usines, des commerces, des grandes infrastructures subissent les « bâches bleues », et les blocages.
Il appartient à chacun d'entre vous, chefs d'entreprises, salariés, organisations syndicales de créer les conditions d'un dialogue social ouvert, confiant et loyal. Il appartient à chacun d'entre vous de comprendre vos intérêts communs, et notamment la création de richesses tout autant que le partage de ces richesses, chacun selon vos responsabilités, chacun selon votre travail.
Vous savez l'engagement de Nicolas SARKOZY, sa volonté de remettre le travail au coeur de notre projet de société. Cette France qui travaille, je veux, comme lui, la défendre. Car je sais, comme lui, que le travail n'est pas l'instrument de l'aliénation, mais celui de la dignité. Si cela est vrai en métropole, c'est tout aussi vrai dans les Outres-mers.
Je demande aussi au représentant de l'Etat d'apporter à chacun d'entre vous, la sécurité au quotidien, et vous connaissez la volonté de Nicolas SARKOZY sur cette question. Il s'agit tout autant de la sécurité publique que de la sécurité civile, de la protection des populations, de la prévention contre les risques naturels, les cyclones autant que les tsunamis.
Votre nature est merveilleuse, elle est d'une richesse incomparable et l'Etat a vocation à vous accompagner à la préserver et à la protéger. Cette démarche est aussi la nôtre dans le processus d'inscription du récif de la Nouvelle-Calédonie au patrimoine de l'Humanité.
Enfin, cet Etat impartial est le garant des valeurs de la République, de ces valeurs qui ont façonné la France au cours de siècles, de ces valeurs qui ont forgé l'identité française. Ces valeurs sont la liberté, l'égalité, et comme je vous le disais au début de mon propos, sans doute et surtout la fraternité.
Je suis convaincu que l'on ne peut être français que si l'on reste intensément soi-même, avec ses racines, son histoire, sa culture et sa langue.
Je dis souvent que l'homme se définit par trois grandes qualités : la liberté, l'intelligence et sa capacité à aimer. C'est cette dernière qualité qui fait de la France un grand pays écouté à travers le monde. C'est cette capacité à aimer qui permet de traverser les épreuves tout en tournant son regard vers l'avenir.
C'est cette capacité à aimer qui - ici - en Nouvelle-Calédonie, a permis de sortir du cycle de la violence et d'espérer un destin commun, un destin que vous choisirez le jour venu. Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 22 octobre 2007