Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le patriotisme de Guy Môquet, jeune Résistant fusillé par les nazis, Paris le 22 octobre 2007.

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Circonstance : Lecture de la lettre de Guy Moquet, jeune Résistant, dans les écoles de France, le 22 octobre 2007, jour anniversaire de son exécution

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Lycéennes et lycéens des lycées Diderot, Duruy et Rabelais.
C'est d'abord pour vous qui avez entre 14 et 18 ans, vous qui, par bonheur, n'avez jamais connu la guerre, la barbarie, la négation des droits de l'Homme, que cet appel au souvenir a été voulu par le président de la République.
C'est d'abord à vous que nous avons pensé en invitant tous les enseignants à évoquer aujourd'hui, parmi d'autres visages de la résistance, celui de Guy Môquet.
A l'âge qui est le vôtre, cet âge où l'on dévore la vie avec passion, Guy Môquet était arrêté puis fusillé en octobre 41 après avoir écrit à ceux qu'il aimait une lettre déchirante.
Il avait 17 ans, exécuté comme d'autres comme lui, comme les cinq du lycée Buffon.
Nul doute que Guy aimait la vie, comme vous l'aimez, avec ses plaisirs, ses beautés et ses tendresses. Pour Guy Môquet, la tendresse avait le visage d'Odette, sa fiancée.
Nul doute qu'il haïssait la guerre, comme vous la haïssez vous-même... Mais il fit le choix de combattre au nom précisément de la vie, dont les nazis et leurs complices vichystes méprisaient les plus hautes valeurs de justice et de fraternité.
Comme beaucoup d'autres, Guy Môquet fut fusillé pour ses convictions qu'ils plaçaient au-dessus de sa propre existence. Il était communiste, d'autres étaient gaullistes, certains étaient de droite, d'autres de gauche, certains étaient croyants, d'autres ne l'étaient pas...
Qu'importe, tous étaient patriotes !
Ils récupéraient et utilisaient des armes qui leur étaient parachutées, publiaient des journaux et des tracts, établissaient des faux papiers, récupéraient et transmettaient des informations, cachaient des juifs qui étaient pourchassés...
Dans la clandestinité, chacun, selon ses réseaux, selon ses moyens, selon ses aptitudes, résista.
Ils étaient de l'armée des ombres, cette armée de citoyens et d'anonymes qui rassemblait des Français de toutes origines, de tous milieux, qui rassemblait aussi des étrangers qui avaient pris le parti de la révolte.
Cette révolte fut aussi, au coeur même de l'Allemagne nazie, celle du groupe de la rose blanche dont les jeunes responsables allemands furent décapités.
Comme beaucoup d'autres, Guy Môquet fut fusillé par amour de la liberté. La liberté mérite-t-elle que l'on meurt pour elle ? Les femmes et les hommes de la résistance et celles et ceux qui s'engagèrent dans les Forces Française Libres répondaient "oui".
Comme beaucoup d'autres, il fut fusillé par amour de la France et de ses idéaux. Aimer son pays, c'est croire à ce qui nous unit. C'est aussi savoir que l'honneur de la nation n'est pas négociable. Le régime de Vichy négocia, pactisa, puis collabora avec le régime nazi, et, en cela, il bafouait une certaine idée de la France.
A l'entrée de l'Hôtel Matignon, vous êtes passés sous le drapeau tricolore.
Pour ce drapeau, beaucoup de nos anciens se sont battus pour que nous n'ayons pas à nous battre à notre tour.
Beaucoup sont tombés pour que nous vivions dans un pays libre et démocratique.
Nous avons le devoir de ne rien oublier.
La mémoire est une façon de rendre honneur aux morts. Mais elle est aussi une façon de nous situer dans l'Histoire, de comprendre les sentiments des hommes et le comportement des peuples dans les moments les plus compromis et les plus tragiques.
Regardons le passé. Et tentons de sentir ce que d'autres vécurent.
Il y a 67 ans, la France était battue, brisée, humiliée, envahie.
Il y a 67 ans, l'ordre nazi, secondé par le régime de Vichy, imposait sa terreur sur la France et sur toute l'Europe.
Il y a 67 ans, les camps de la mort entraînaient la civilisation européenne vers les abîmes de l'horreur.
Il y a 67 ans, malgré la défaite, malgré la peur, malgré la répression, des hommes et des femmes résistèrent. Rien dans leur vie ne les prédisposait à être des héros, et pourtant tous prirent le risque d'agir, ce risque et ils le savaient, qui pouvait les mener à la torture et au peloton d'exécution.
Il faut tenter de plonger, par l'esprit, au coeur de ces heures sombres et sans aucun espoir apparent.
Ces heures où dans le ciel de Paris flottait l'étendard de la croix gammée.
Il faut imaginer tout cela pour mesurer à sa juste valeur l'appel éclairant du 18 juin 1940. Comme une flamme très lointaine, la voix du général de Gaulle venait transpercer la nuit et le brouillard qui s'étaient abattus sur la France.
Il faut tenter, par l'esprit, de se glisser dans cette période de profond désespoir, où tout semble perdu, pour saisir l'esprit de la résistance.
C'est le refus de l'inéluctable et c'est la foi en l'espérance qui sont à l'origine de cette résistance.
Dans un sursaut d'orgueil et de courage, elle rassembla une poignée de femmes et d'hommes qui croyait au pacte indélébile noué entre la France et la liberté.
Leur engagement est une leçon pour nous.
Le souvenir de leurs actes s'éteindrait si nous renoncions à le prolonger.
Leur mort serait vaine si elle n'était pas reconnue et comprise d'abord par vous mêmes qui êtes l'avenir de la France.
C'est pour toutes ces raisons que le président de la République a souhaité solliciter les enseignants et les lycéens autour de cet épisode de notre histoire.
Aujourd'hui, de façon ouverte et pédagogique, chacun est invité à refaire vivre les héros connus et anonymes de la Résistance. C'est un jour de rassemblement. Ensemble, vous êtes conviés à enrichir l'idée que vous vous faites de la liberté, de la fraternité et de la France.
Je vous demande de considérer la lettre simple et poignante de Guy Môquet qui va maintenant vous être lue, comme celle d'un frère qui vous dit adieu tout en comptant sur vous.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 23 octobre 2007