Texte intégral
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais commencer mon propos en vous disant qu'il ne s'agit pas pour moi de sacrifier à l'exercice obligé du " discours ". Je suis bien trop soucieux d'exprimer ici ma satisfaction -c'est bien peu dire- et mon admiration envers votre démarche pour m'en tenir au seul discours.
Sète est née " jeune " : décision royale de contrer l'enlisement du port de Frontignan, et Sète est tout juste tricentenaire. Sète est née cosmopolite et, là où des villes camperaient sur leurs millénaires, Sète grandit sur le métissage.
Diversité des cultures, diversité des modes de vie, diversité des langues et des lumières : brassage culturel. Culture du brassage. Culture tout simplement. Ce que je retiens de ce mot de " brassage " est non seulement cette idée de " mélange ", mais surtout celle de la puissance de l'altérité. Sète n'est pas un patrimoine dont vous auriez la garde mais un mouvement brassé qui vous fait héritiers perpétuels.
Si je devais, monsieur le maire, symboliser votre ville je choisirais la tour de Babel : celle de Borgès et de Ernst.
C'est que je suis frappé par cette dynamique qui, en même temps qu'elle entraîne, jamais ne quitte son socle et ne s'éloigne de ses fondations.
La signature de la convention de développement culturel entre la ville et l'Etat qui nous réunit aujourd'hui est la démonstration de ce qu'il n'est pas possible d'enfermer votre ville dans un schéma classique, mais bien plutôt de contracter sur la dynamique, sur le mouvement. Notre convention constitue, pour moi, un arrêt sur image de ce mouvement perpétuel, entre origine et futur.
J'en veux pour preuve ce document contractuel qui nous engage les uns et les autres et dont le préambule ne peut s'empêcher d'évoquer " l'esprit frondeur et impertinent de Sète ", une singularité de plus.
C'est d'abord cette singularité que je viens saluer ici, parce qu'elle vous distingue des acceptions classiques - et d'ailleurs commodes - qui lie décentralisation et identité. Je suis en effet frappé à l'occasion de mes déplacements en régions comme dans les discussions ou quelques rares débats, par la rapidité avec laquelle s'établit le consensus sur la décentralisation. Consensus que je dirais " technique " - pour ne pas dire " mou " - consensus sur un mot répété à l'envi et qui ainsi se suffirait à lui-même; mais silence toujours quant à l'ambition de la décentralisation : pour quoi faire ?
A Sète nous trouvons dans le même mouvement le sens politique de la décentralisation et celui de l'indivisibilité de la République, miroir de la diversité et des identités.
Ici, tout commence par l'orthographe : rien moins que six façons de vous écrire et de vous identifier, sans pourtant jamais vous perdre de vue. Sète est cosmopolite et fait de cette multiplicité son atout, sa marque et, paradoxalement, la force de son identité.
La convention est en tous points significative à cet égard. Un volet patrimoine audacieux qui allie les lieux et les sites à la mémoire : celle de ces créateurs, tels, par exemple -et je ne peux tous les citer-, Jean Vilar, Georges Brassens, Paul Valéry, mais aussi Richard et Hervé Di Rosa ou Robert Combas. Une ville dans laquelle Agnès Varda et Pierre Soulages ont jeté l'ancre. Comme si, par votre engagement, Sète donnait aux contrastes leur évidence, comme un noir de Pierre Soulages se fait lumière...
Je ne vais pas détailler ici la convention, pourtant je souhaite dire que parce qu'elle est le fruit de notre volonté, le développement culturel est un projet politique. Il l'est aussi parce que dans les différents chapitres qui nous lient par contrat, c'est d'un projet citoyen dont il s'agit. Je pense notamment à l'importance accordée aux actions de sensibilisation telles qu'elles se développeront en partenariat avec l'Education nationale.
Cette volonté renouvelée avec force récemment par Catherine Tasca et moi-même avec Jack Lang, la ville de Sète la met en uvre. Je vous en félicite.
Mais je pourrais aussi citer la Scène nationale ainsi que ce nouvel équipement - paradoxal et " frondeur " - le Musée International des Arts Modestes. C'est, peut-être, l'emblème - " impertinent " - de votre ambition politique pour la création artistique et l'ouverture au public, pour le travail éducatif et l'action culturelle.
Pas de présent sans mémoire, pas d'action sans éducation, pas de culture si elle n'est citoyenne.
C'est d'ailleurs cette dimension citoyenne qui, de plus en plus, tracera la ligne de partage des responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités territoriales.
Je ne crois pas en effet, que nous pourrons longtemps encore nous en tenir aux ajustements techniques des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales. Celles-ci sont aujourd'hui mieux placées que l'Etat pour anticiper, concevoir et mettre en uvre le développement culturel dans sa relation avec la population ; là où se joue la démocratie culturelle. Je ne crois pas non plus - et ici à Sète, je me sens conforté dans cette certitude - que la décentralisation ait pour seul sens " moins " ou " pas " d'Etat. Ce serait un slogan, une commodité démagogique ou politicienne.
En plagiant le Cyrano de Rostand, je dirai que " c'est bien trop court, on pourrait dire bien des choses en somme " à propos de la décentralisation qui ne peut être le faux-nez de l'immobilisme politique.
Car cette ambition politique est celle d'une Nation qui se construit de façon plus solidaire et à partir de l'expression de ses territoires.
Et j'observe que la culture en est un moteur puissant. C'est dire notre responsabilité politique et l'immense tâche qui est devant nous. L'Etat et les collectivités territoriales ont toujours été des partenaires et c'est au fond ce qui fonde une forme d'exception culturelle.
C'est cette spécificité qu'en tant que secrétaire d'Etat je m'emploie à " actualiser " pour la mieux préserver.
C'est le sens de la double démarche que j'ai entreprise avec Catherine Tasca.
L'expérimentation par ces " protocoles de décentralisation " dont l'objectif - politique - est de déterminer le niveau de responsabilité publique dans un domaine culturel. L'issue pourrait en être alors le transfert de compétences et de moyens dans un nouveau partage des responsabilités et de nouvelles figures du partenariat.
C'est aussi la réflexion sur l'Etablissement de Coopération Culturelle, qui devrait connaître rapidement un débouché législatif, et donner un support clair et enfin incontestable à une politique culturelle partagée.
C'est dire que nous n'avons pas fini de faire de la politique de part et d'autre de nos responsabilités certes, mais ensemble.
Et lorsque je découvre le projet de réhabilitation du théâtre de la Mer, ce lieu superbe et, reconnaissons le, le plus beau sur la façade méditerranéenne, j'affirme que l'Etat sera à vos côtés, qu'il vous accompagnera encore dans ce projet patrimonial et artistique. Je disais que la ville de Sète ne cessait, en toute " impertinence ", d'avoir un avenir culturel. Permettez-moi d'ajouter que notre coopération n'en aura que plus longue vie encore.
Merci.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 6 février 2001)
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais commencer mon propos en vous disant qu'il ne s'agit pas pour moi de sacrifier à l'exercice obligé du " discours ". Je suis bien trop soucieux d'exprimer ici ma satisfaction -c'est bien peu dire- et mon admiration envers votre démarche pour m'en tenir au seul discours.
Sète est née " jeune " : décision royale de contrer l'enlisement du port de Frontignan, et Sète est tout juste tricentenaire. Sète est née cosmopolite et, là où des villes camperaient sur leurs millénaires, Sète grandit sur le métissage.
Diversité des cultures, diversité des modes de vie, diversité des langues et des lumières : brassage culturel. Culture du brassage. Culture tout simplement. Ce que je retiens de ce mot de " brassage " est non seulement cette idée de " mélange ", mais surtout celle de la puissance de l'altérité. Sète n'est pas un patrimoine dont vous auriez la garde mais un mouvement brassé qui vous fait héritiers perpétuels.
Si je devais, monsieur le maire, symboliser votre ville je choisirais la tour de Babel : celle de Borgès et de Ernst.
C'est que je suis frappé par cette dynamique qui, en même temps qu'elle entraîne, jamais ne quitte son socle et ne s'éloigne de ses fondations.
La signature de la convention de développement culturel entre la ville et l'Etat qui nous réunit aujourd'hui est la démonstration de ce qu'il n'est pas possible d'enfermer votre ville dans un schéma classique, mais bien plutôt de contracter sur la dynamique, sur le mouvement. Notre convention constitue, pour moi, un arrêt sur image de ce mouvement perpétuel, entre origine et futur.
J'en veux pour preuve ce document contractuel qui nous engage les uns et les autres et dont le préambule ne peut s'empêcher d'évoquer " l'esprit frondeur et impertinent de Sète ", une singularité de plus.
C'est d'abord cette singularité que je viens saluer ici, parce qu'elle vous distingue des acceptions classiques - et d'ailleurs commodes - qui lie décentralisation et identité. Je suis en effet frappé à l'occasion de mes déplacements en régions comme dans les discussions ou quelques rares débats, par la rapidité avec laquelle s'établit le consensus sur la décentralisation. Consensus que je dirais " technique " - pour ne pas dire " mou " - consensus sur un mot répété à l'envi et qui ainsi se suffirait à lui-même; mais silence toujours quant à l'ambition de la décentralisation : pour quoi faire ?
A Sète nous trouvons dans le même mouvement le sens politique de la décentralisation et celui de l'indivisibilité de la République, miroir de la diversité et des identités.
Ici, tout commence par l'orthographe : rien moins que six façons de vous écrire et de vous identifier, sans pourtant jamais vous perdre de vue. Sète est cosmopolite et fait de cette multiplicité son atout, sa marque et, paradoxalement, la force de son identité.
La convention est en tous points significative à cet égard. Un volet patrimoine audacieux qui allie les lieux et les sites à la mémoire : celle de ces créateurs, tels, par exemple -et je ne peux tous les citer-, Jean Vilar, Georges Brassens, Paul Valéry, mais aussi Richard et Hervé Di Rosa ou Robert Combas. Une ville dans laquelle Agnès Varda et Pierre Soulages ont jeté l'ancre. Comme si, par votre engagement, Sète donnait aux contrastes leur évidence, comme un noir de Pierre Soulages se fait lumière...
Je ne vais pas détailler ici la convention, pourtant je souhaite dire que parce qu'elle est le fruit de notre volonté, le développement culturel est un projet politique. Il l'est aussi parce que dans les différents chapitres qui nous lient par contrat, c'est d'un projet citoyen dont il s'agit. Je pense notamment à l'importance accordée aux actions de sensibilisation telles qu'elles se développeront en partenariat avec l'Education nationale.
Cette volonté renouvelée avec force récemment par Catherine Tasca et moi-même avec Jack Lang, la ville de Sète la met en uvre. Je vous en félicite.
Mais je pourrais aussi citer la Scène nationale ainsi que ce nouvel équipement - paradoxal et " frondeur " - le Musée International des Arts Modestes. C'est, peut-être, l'emblème - " impertinent " - de votre ambition politique pour la création artistique et l'ouverture au public, pour le travail éducatif et l'action culturelle.
Pas de présent sans mémoire, pas d'action sans éducation, pas de culture si elle n'est citoyenne.
C'est d'ailleurs cette dimension citoyenne qui, de plus en plus, tracera la ligne de partage des responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités territoriales.
Je ne crois pas en effet, que nous pourrons longtemps encore nous en tenir aux ajustements techniques des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales. Celles-ci sont aujourd'hui mieux placées que l'Etat pour anticiper, concevoir et mettre en uvre le développement culturel dans sa relation avec la population ; là où se joue la démocratie culturelle. Je ne crois pas non plus - et ici à Sète, je me sens conforté dans cette certitude - que la décentralisation ait pour seul sens " moins " ou " pas " d'Etat. Ce serait un slogan, une commodité démagogique ou politicienne.
En plagiant le Cyrano de Rostand, je dirai que " c'est bien trop court, on pourrait dire bien des choses en somme " à propos de la décentralisation qui ne peut être le faux-nez de l'immobilisme politique.
Car cette ambition politique est celle d'une Nation qui se construit de façon plus solidaire et à partir de l'expression de ses territoires.
Et j'observe que la culture en est un moteur puissant. C'est dire notre responsabilité politique et l'immense tâche qui est devant nous. L'Etat et les collectivités territoriales ont toujours été des partenaires et c'est au fond ce qui fonde une forme d'exception culturelle.
C'est cette spécificité qu'en tant que secrétaire d'Etat je m'emploie à " actualiser " pour la mieux préserver.
C'est le sens de la double démarche que j'ai entreprise avec Catherine Tasca.
L'expérimentation par ces " protocoles de décentralisation " dont l'objectif - politique - est de déterminer le niveau de responsabilité publique dans un domaine culturel. L'issue pourrait en être alors le transfert de compétences et de moyens dans un nouveau partage des responsabilités et de nouvelles figures du partenariat.
C'est aussi la réflexion sur l'Etablissement de Coopération Culturelle, qui devrait connaître rapidement un débouché législatif, et donner un support clair et enfin incontestable à une politique culturelle partagée.
C'est dire que nous n'avons pas fini de faire de la politique de part et d'autre de nos responsabilités certes, mais ensemble.
Et lorsque je découvre le projet de réhabilitation du théâtre de la Mer, ce lieu superbe et, reconnaissons le, le plus beau sur la façade méditerranéenne, j'affirme que l'Etat sera à vos côtés, qu'il vous accompagnera encore dans ce projet patrimonial et artistique. Je disais que la ville de Sète ne cessait, en toute " impertinence ", d'avoir un avenir culturel. Permettez-moi d'ajouter que notre coopération n'en aura que plus longue vie encore.
Merci.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 6 février 2001)