Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, sur l'attractivité de la France et les investissements étrangers en France, Paris le 17 octobre 2007.

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Circonstance : Clôture des travaux de la 2e journée de la convention des bureaux étrangers de l'AFII à Paris le 17 octobre 2007

Texte intégral

Messieurs les Sénateurs,
Messieurs les Présidents de Conseil régional,
Monsieur le Président, cher Philippe (Philippe Favre)
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les représentants des collectivités,
Mesdames et Messieurs les agents de l'AFII,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse d'avoir réussi à m'échapper quelques heures de l'Assemblée nationale, où nous discutons le projet de loi de finances pour 2008, pour venir parmi vous. Je me sens ici en famille. D'abord parce que je vous connais bien, pour vous avoir longuement fréquentés quand j'étais ministre du Commerce extérieur. Ensuite parce que vous représentez à l'étranger notre grande famille, la France, par-delà tous les clivages partisans.
Quand on entend parler de l'attractivité de la France, on a le sentiment de vivre dans un pays de cocagne.
Ce pays de cocagne, c'est celui qu'évoquent les plus optimistes. Ils rappellent que notre pays est la 3e destination au monde pour les investissements directs étrangers, et la 1e destination de la zone euro. Ils parlent de nos atouts incomparables :
- une situation géographique au coeur d'un marché de 500 millions de consommateurs
- une démographie exceptionnellement dynamique en Europe de l'Ouest
- une qualité et une productivité de la main d'oeuvre parmi les meilleures au sein de l'OCDE
- une exceptionnelle qualité des infrastructures, depuis notre réseau routier jusqu'à Internet,
en passant par les voies ferrées et les aéroports.
Tout cela explique, il est vrai, que notre pays soit si ouvert sur l'étranger : 1 salarié sur 7 travaille pour une entreprise étrangère. Plus de 46 % de la capitalisation boursière du CAC40 est détenue par des non-nationaux.
Mais je veux être plus réaliste car il nous reste du chemin à faire vers ce pays de cocagne ! Et je pense ainsi aux réformes qu'il nous faut mener pour avancer dans cette direction. Les réformes, vous le savez, le gouvernement auquel j'appartiens est prêt à les faire.
Vous l'avez compris, je choisis la voie de l'action.
J'aimerais aujourd'hui ( I ) vous féliciter pour ce qui a déjà été fait, ( II ) vous exposer ce que le Gouvernement est en train de faire pour améliorer la compétitivité, et enfin ( III ) vous parler de ce que nous allons faire tous ensemble.
(I) Si la France se place aujourd'hui parmi les pays les plus attractifs au monde, c'est en partie grâce à vous.
Ce n'est pas à vous que je vanterai les mérites des investissements étrangers pour l'économie de notre pays. Dans un monde de plus en plus compétitif, ces investisseurs, nous devons les écouter, les choyer, et je n'hésite pas à le dire : les séduire. Les investisseurs, ce sont nos clients. Client first, comme on dit dans les écoles d'avocat.
Client first, c'est un peu votre devise. Je voudrais rendre hommage sur ce point à l'action de l'AFII et de son président Philippe Favre. La réforme de 2006 a engagé l'AFII dans une stratégie résolument commerciale fondée sur la prospection auprès des investisseurs. Vendre la France, c'est aller démarcher chaque dirigeant étranger, chaque relais d'opinion pour lui expliquer les réformes et lui donner envie de la France. C'est le service après-vente nécessaire des mesures décidées par le gouvernement.
(II) La politique économique générale que nous menons tirera vers le haut l'image de la France dans le monde, et l'intérêt qu'y portent les investisseurs.
Nous savons tous quelles sont les grandes pistes d'amélioration pour l'attractivité de notre pays : les investisseurs nous le répètent, à vous comme à moi. Je me flatte de pouvoir aujourd'hui répondre à chacune de leurs critiques par des mesures concrètes et en cours de mise en oeuvre.
Les investisseurs nous parlent du temps de travail, et nous rappellent à tout moment quelle honte ont été les 35 heures pour notre pays. Je leur réponds que depuis le 1er octobre, les heures supplémentaires sont entièrement défiscalisées pour nos salariés, ce qui les encouragera à travailler plus pour gagner plus. Notre productivité horaire, dont on nous répète d'année en année qu'elle est parmi les plus fortes au monde, sera enfin exploitée à sa juste mesure.
Les investisseurs nous parlent de la fiscalité : pour les particuliers, nous avons mis au point un bouclier fiscal à 50 % dans notre loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Pour les entreprises, nous avons d'ores et déjà diminué la fiscalité des brevets, en appliquant le taux réduit de 15 % à toutes les cessions.
Je vais lancer une revue générale des prélèvements obligatoires afin d'avoir un plan de route faisant de notre fiscalité un outil de compétitivité.
Les investisseurs nous parlent de la bureaucratie : la revue générale des politiques publiques va nous permettre de simplifier, d'alléger et d'améliorer les procédures administratives.
Les investisseurs nous parlent de la place financière de Paris, qui ne serait pas au niveau où elle devrait être, où elle pourrait être : j'attends les propositions du Haut comité de place que j'ai mis en place il y a quelques jours. J'ajouterais à ce sujet que la bonne résistance de notre place à la récente crise du marché immobilier américain témoigne de qualité de nos outils de régulation et de supervision. Nous pouvons miser en toute confiance sur cet avantage comparatif.
Les investisseurs nous parlent de l'innovation : nous avons triplé le taux du crédit impôt recherche. Avec un budget réservé à deux chercheurs, une entreprise pourra désormais composer une équipe de trois ! J'étudierai prochainement les conditions d'implantation des centres de recherche et développement, afin que nous soyons les plus attractifs en Europe en la matière.
Ils parlent de l'accueil physique des personnes : la loi relative à l'immigration de mon collègue Brice Hortefeux va permettre de faciliter les procédures pour les « salariés en mission » et les titulaires de la carte « compétences et talents ».
Ils parlent du climat général vis-à-vis des entrepreneurs en France. Il est vrai que nous ne sommes pas le pays de l'American Dream. Mais rien ne nous interdit de mettre au point notre French Dream. Le travail de la Commission présidée par Jacques Attali va dans ce sens. Pour la première fois depuis longtemps, voici une commission qui nous propose de faire des coupes nettes dans notre somme réglementaire, et qui nous demande de libérer la concurrence et l'esprit d'entreprise dans différents secteurs.
(III) Au-delà de cette politique économique générale, nous allons mettre en place une politique spécifique pour l'attractivité.
Les gouvernements précédents avaient déjà travaillé sur l'attractivité et avaient identifié 130 mesures à prendre. Mais sur ces 130 mesures, combien sont réellement entrées en application ? Qui peut répondre à cette question ?
Avant de prendre encore de nouvelles décisions, qui risquent d'ajouter de la complexité à un ensemble déjà flou, il nous faut dresser un bilan. Ce travail, nous allons le mener sous l'impulsion du Premier ministre, dans le cadre d'une réflexion interministérielle.
Il s'achèvera par un Conseil stratégique de l'attractivité que le Premier ministre réunira en janvier 2008. Une trentaine de grands dirigeants d'entreprises internationales viendront témoigner, et nous proposer des solutions concrètes pour améliorer l'attractivité de notre pays. C'est la méthode du Gouvernement auquel j'appartiens : écoute, concertation, analyse des propositions, et décision.
De ce bilan, nous tisserons des propositions qui pourront s'inscrire dans le projet de loi de modernisation de l'économie que je présenterai fin mars 2008.
Cette culture de l'évaluation, cette logique d'action, cet objectif de résultats, nous allons nous les appliquer d'abord à nous-mêmes. Je rendrai compte devant vous, devant les Français, devant les investisseurs étrangers, des mesures que nous prendrons.
Alors, Mesdames et Messieurs, la France, pays de Cocagne ? Peut-être pas, à bien y réfléchir. Dans son célèbre tableau du pays de Cocagne, Bruegel représente des villageois repus dormant autour d'un arbre. Or je crois qu'aujourd'hui, la France, c'est avant tout le pays du travail.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 19 octobre 2007