Déclaration de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la recherche développement, les relations université entreprises et le mécénat d'entreprise, Paris le 17 octobre 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Remise des prix de la Fondation HEC à Paris le 17 octobre 2007

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureuse d'être à vos côtés ce matin, pour annoncer le prix HEC du Chercheur de l'année et ouvrir ainsi cette assemblée annuelle de la Fondation HEC.
Si je tenais particulièrement à être là, ce n'est pas seulement pour féliciter en personne le lauréat de ce prix, David THESMAR, bien qu'il mérite toute notre admiration, et j'y reviendrai dans un instant ; c'est aussi pour saluer les actions remarquables entreprises par la Fondation.

Fondations d'entreprises pour les universités
Car vous le savez sans doute, Mesdames et Messieurs, parmi les objectifs de la loi refondant les universités adoptée cet été figure le développement des fondations d'entreprise, fondations universitaires ou fondations partenariales : voilà en effet l'un des meilleurs moyens de rapprocher ces deux mondes qui trop souvent s'ignorent ou se méconnaissent, celui de l'entreprise et celui de la recherche, particulièrement de la recherche universitaire.
Depuis 1972, la Fondation HEC est un exemple brillant du fruit que nous pouvons attendre de ce rapprochement : une meilleure prise en compte, par la recherche et les formations du supérieur, des besoins et des attentes des entrepreneurs d'un côté ; une grande confiance dans la recherche et un recours beaucoup plus systématique aux scientifiques pour éclairer les décisions économiques de l'autre. Et de tout cela, bien entendu, nous profitons tous.
C'est pourquoi j'ai souhaité que les fondations d'entreprises ne soient plus réservées à quelques établissements ou institutions d'exception, aussi exceptionnels soient-ils, et que toutes les universités de notre pays puissent à leur tour s'engager dans de tels partenariats.
A mes yeux, il était en effet indispensable qu'une fiscalité incitative permette non seulement aux organismes publics ou privés, mais aussi aux particuliers, anciens élèves ou mécènes, d'investir massivement dans le développement de notre intelligence collective et de contribuer ainsi à l'élévation du niveau de formation de nos jeunes générations et à l'essor de notre recherche. Je sais que votre fondation vient de bénéficier d'une donation spectaculaire d'un ancien au parcours entrepreneurial hors norme, Philippe FORIEL-DESTEZET. J'espère que toutes nos universités réussiront à structurer leurs réseaux d'anciens élèves et se trouver des mécènes aussi généreux.
Avec la nouvelle loi sur l'autonomie des universités, la création de fondations sera encouragée fiscalement, simplifiée administrativement et soutenue politiquement. Aussi, et je suis au regret de devoir vous l'annoncer ce matin, je suis certaine que l'année prochaine la Fondation HEC sera un peu moins exceptionnelle. J'y travaille ! J'ai d'ailleurs envoyé une lettre aux chefs d'entreprises les invitant à investir dans des projets de fondation universitaire. La fondation HEC, un peu moins exceptionnelle, donc. Mais je suis sûre que, comme moi, vous vous en réjouirez : car à HEC, on le sait bien, avec la concurrence vient toujours un esprit de saine émulation !

Egalité des chances
Mais il est vrai que la Fondation HEC a d'ores et déjà pris un temps d'avance en développant des actions en faveur de l'égalité des chances qui me tiennent particulièrement à coeur.
Depuis des années déjà, la Fondation délivre des bourses qui permettent à des jeunes gens particulièrement doués de poursuivre des études supérieures à la hauteur de leurs talents. Grâce à vous et aux donateurs et partenaires qui vous soutiennent, les obstacles matériels qui auraient pu se dresser sur leur route se lèvent, leur autorisant ainsi toutes les ambitions et tous les rêves.
A l'origine, vous le savez, ces bourses concernaient en priorité les élèves d'HEC qui n'auraient pu sans elles s'acquitter de leurs frais de scolarité, ni même emprunter suffisamment pour les payer. Mais vous avez désormais élargi le cercle des jeunes talents concernés, soutenant ainsi des élèves de classes préparatoires qui ne rejoindront peut-être jamais Jouy-en-Josas.
C'est donc tout naturellement, si je puis dire, que la Fondation HEC est devenue l'un des partenaires de la classe préparatoire aux études supérieures créée par le lycée Henri-IV l'année dernière : après tout, l'esprit même de cette initiative n'était-il pas parfaitement conforme à la devise d'HEC qui est, si je m'en souviens bien, « apprendre à oser » ?
Apprendre à oser, c'est précisément ce que font les jeunes femmes et les jeunes hommes qui fréquentent cette classe : eux qui n'auraient sans doute jamais imaginé traverser le cloître de l'ancienne abbaye des Génovéfains, sous laquelle, dit-on, repose Clovis, peuvent désormais s'y préparer à suivre des études de très haut niveau et espérer ainsi intégrer les plus grandes écoles et les filières les plus prestigieuses de notre pays.
Voilà un très bel exemple de la manière dont il est possible de lutter concrètement contre cette autocensure qui retient ces jeunes talents qui croient, parce que leur lycée n'était ni célèbre, ni prestigieux, qu'ils « n'ont pas le niveau ». Il faut briser ce cercle infernal qui conduit chaque année certains des meilleurs lycéens à renoncer à l'excellence, faute de figures d'identification, faute de modèles, faute d'y croire.
Avec cette classe préparatoire d'un nouveau genre, classe pré-préparatoire, pourrait-on dire, ils vont pouvoir prendre confiance en eux, affiner leurs connaissances, développer leurs compétences pour rejoindre l'année suivante, en toute confiance, l'une de ces classes préparatoires qu'ils croyaient réservées à d'autres qu'eux.
De telles initiatives doivent désormais naître partout : car l'égalité des chances ne peut pas rester un simple principe fondateur de notre République, elle doit aussi devenir une réalité concrète, tangible, visible par tous. Et tant que des communes ou des départements entiers resteront de fait exclus de certaines des filières les plus prestigieuses de notre pays, l'égalité des chances ne restera qu'un mot pour les habitants de ces communes et de ces départements.
C'est donc à nous tous qu'il revient de faire le premier pas pour aller chercher les talents, où qu'ils se trouvent, et leur offrir l'aide, le soutien, l'accompagnement dont ils ont besoin pour prendre conscience de leurs capacités et mûrir leurs ambitions. C'est ainsi que nous construirons l'avenir, en ne privant la France d'aucun de ces jeunes esprits brillants.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je suis extrêmement heureuse de l'ouverture récente d'une classe préparatoire économique et commerciale, voie technologique, au lycée Jules Michelet de Vanves, avec le soutien de la Fondation HEC. En apportant ainsi votre aide à une filière trop peu connue, en apposant ainsi sur elle le label prestigieux du groupe et de la Fondation HEC, vous étendez encore un peu plus le champ de vos interventions en matière d'égalité des chances. Je veux vous en remercier aujourd'hui de vive voix et vous dire le prix que j'accorde à de telles démarches.
Celle-ci est d'autant plus novatrice qu'elle comprend non seulement l'accompagnement des élèves de cette classe préparatoire, mais aussi un encadrement en amont de la première année de prépa, un stage entre la première et la deuxième année et une forme très élaborée de soutien et de tutorat.
C'est donc un dispositif remarquable que vous avez ainsi soutenu et aidé à concevoir. Cela mérite toutes nos félicitations.
Et dans l'esprit d'émulation et de dépassement de soi que je mentionnais tout à l'heure, je vous invite à faire mieux encore, en étendant vos actions à d'autres départements et à d'autres filières : avec l'expérience que vous avez désormais acquise en ce domaine, avec la force et la renommée qui est la vôtre, vous pourrez, une fois de plus, faire des miracles et aider de jeunes élèves et de jeunes étudiants de grande qualité à prendre conscience de leurs capacités immenses. Car il ne suffit pas d'être doué, il faut encore le savoir pour avoir confiance, et ce n'est pas si évident !
Vous ferez ainsi encore une fois oeuvre républicaine, récoltant ainsi la plus belle récompense qui soit : la reconnaissance de jeunes esprits, et avec elle, celle d'une nation qui n'a jamais connu de plus beau principe que l'égalité des chances.

Remise du prix à David THESMAR
En aidant ces jeunes talents à se révéler à eux-mêmes, vous leur permettrez peut-être d'ici quelques années d'être à la place de David THESMAR, que nous honorons aujourd'hui, et de faire comme lui l'un de ces parcours académiques sans faute, qui l'ont mené de l'Ecole Polytechnique à HEC, une alliance qui n'est pas pour me déplaire, en passant par la London School of Economics et l'EHESS.
Vous êtes ainsi devenus, cher David THESMAR, l'un des chercheurs les plus talentueux de votre génération, comme l'ont reconnu le Cercle des économistes et Le Monde, qui vous ont décerné cette année le prix du meilleur jeune économiste.
Cette reconnaissance, vous la devez non seulement à vos travaux académiques, qui ont très vite connu une large audience, tant en matière de finances que d'économie, mais aussi au souci qui est le vôtre depuis bien des années de diffuser les résultats de vos recherches et de vos réflexions au-delà même du monde universitaire : vous l'avez fait à de multiples reprises, en intervenant régulièrement dans des émissions de radio ou en rédigeant un essai qui a connu un retentissement certain.
Vous témoignez ainsi d'un véritable tropisme pédagogique, qui ne se limite pas aux salles de classes ou aux amphithéâtres des établissements les plus prestigieux, mais s'exprime souvent plus largement, afin d'atteindre tous ceux qui pourraient être intéressés par les conclusions de vos travaux.
A mes yeux, cette démarche est essentielle : le débat public a tout à gagner à s'enrichir des points de vue informés des chercheurs et des scientifiques. Sans elles, la réflexion collective menacerait quelquefois de tourner à vide ou de céder à la méconnaissance.
Dans des disciplines comme l'économie, qui ont pour objet l'activité humaine, les comportements et les décisions des individus rationnels, et quelquefois même irrationnels que nous sommes, un tel souci de diffusion des savoirs me paraît plus précieux encore : le miroir de la science nous est en effet d'autant plus utile qu'il reflète une réalité à laquelle nous prenons activement part et qui pourtant quelquefois nous échappe.
Ce faisant, vous contribuez, si ce n'est à désenchanter le monde, selon la formule de Max Weber, du moins à le démythifier, ce qui est, chacun le sait bien, la première condition pour réellement le comprendre.
Bien entendu, un tel effort d'explication ne suffira jamais à clore les débats qui quelquefois nous opposent. Mais en les formulant dans des termes rationnels, en les nourrissant des dernières conclusions des analyses empiriques, cet effort nous permettra de trouver plus facilement ces points d'accord sous toutes les réserves qui fondent les décisions communes et l'action politique.
Aussi, je suis certaine que les sujets de débats ne manqueront pas à l'avenir pour vous permettre d'exercer votre expertise et de participer à la réflexion collective. Je vous félicite donc encore une fois dans l'attente de vous entendre vous exprimer à nouveau sur les ondes et pourquoi pas, de parcourir un nouvel essai.
Toutes mes félicitations.

Source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 22 octobre 2007