Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes et le renforcement de la lutte contre les violences envers les femmes, Paris le 9 octobre 2007.

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Circonstance : Audition devant la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2007

Texte intégral


Madame la Présidente,
Mesdames les Députées, Messieurs les Députés,
Je suis très heureuse que vous m'ayez conviée à cette audition et vous en remercie vivement. C'est l'occasion pour moi de vous faire part de l'action du Gouvernement et de l'action que j'entends conduire avec Xavier Bertrand pour développer la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Nous devons progresser dans notre pays pour rendre effective l'égalité des sexes. Désormais pour l'essentiel, acquise en droit, l'égalité tarde trop souvent à se traduire dans les faits et dans la vie de nos concitoyens. Nous pouvons encore le constater dans la vie politique, comme dans la vie économique et dans la vie quotidienne de nombreuses femmes qui vivent en situation de précarité.
Cette politique est une politique à part entière. -Elle doit être présente et effective dans toutes nos politiques publiques avec la méthode de l'approche intégrée qui doit se traduire par des démarches concrètes et largement transversales.
Elle ne saurait se confondre avec la politique de l'égalité des chances qui concrétise, elle, la volonté des pouvoirs publics de lutter contre les discriminations dont sont victimes certaines minorités. Les femmes ne constituent en aucun cas une minorité. Mais il est vrai, en revanche, que parmi elles certaines font l'objet de discrimination du fait de leur origine ou d'un handicap. Elles doivent alors pouvoir bien évidemment bénéficier de la politique d'égalité des chances, au même titre que les hommes.
L'action que j'entends mener, repose sur quatre axes indissociables :
- favoriser l'accès des femmes aux responsabilités,
- parvenir à l'égalité professionnelle et salariale,
- garantir l'égalité en droit et en dignité,
- favoriser l'articulation des temps de vie.
La dernière législature a été marquée par des actes emblématiques et de notables avancées sur chacun de ces axes :
* La loi relative à l'égalité salariale du 23 mars 2006, qui constitue une première avancée en visant à éliminer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes par la négociation collective.
* La loi du 4 avril 2006 qui a renforcé la prévention et la répression des violences au sein du couple.
* et plus récemment, la loi du 31 janvier dernier tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Votre délégation a largement contribué à nourrir la réflexion qui a présidé aux travaux préparatoires de ces textes et je vous en rends hommage sincèrement aujourd'hui.
Pour l'avenir, le Président de la République nous a donné deux priorités majeures : atteindre l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes en 2009 et renforcer la lutte contre les violences envers les femmes.
Ces priorités constituent ainsi le coeur de ma mission et, l'action du ministère s'est d'ores et déjà résolument engagée à travers deux démarches :
- la préparation de la Conférence relative à l'égalité professionnelle programmée le 26 novembre prochain et à laquelle votre délégation sera associée avec le statut d'observateur ;
- l'élaboration d'un nouveau Plan de lutte contre les violences envers les femmes pour la période 2008-2010.
L'objet de la Conférence est de dégager des pistes d'actions qui permettront de supprimer les inégalités salariales en 2009. Les pouvoirs publics et les partenaires sociaux, fidèles à leur accord interprofessionnel de 2004, sont animés par la volonté commune d'aboutir sur des points concrets. Il n'est pas question pour reprendre les mots employés par Xavier Bertrand que ce soit une « conférence colloque ».
Il faut agir à la fois très directement sur la discrimination salariale qui malheureusement demeure dans de nombreuses entreprises, mais aussi sur l'ensemble des facteurs structurels qui pèsent sur la carrière des femmes et qui représentent de 50 à 75% des écarts de rémunérations.
Deux groupes de travail ont été constitués pour préparer cette Conférence. Le premier, piloté par la Direction générale du travail axé sur l'élargissement de la négociation collective sur l'égalité salariale et le renforcement de la lutte contre les discriminations salariales. Le second, piloté par le Service des droits des femmes et de l'égalité sur la lutte contre les effets structurels qui affectent la rémunération et la carrière des femmes, tels que la formation, le parcours professionnelou la vie personnelle et familiale.
Pour atteindre ces objectifs, l'élaboration de diagnostics partagés, la détermination de mesures concrètes et la définition d'un agenda portant sur la mise en oeuvre de ces mesures nous permettront d'agir.
A l'issue de la Conférence, l'Etat prendra toute sa part pour promouvoir les avancées qui seront préconisées. Il se doit d'accompagner les branches professionnelles et les entreprises dans leurs démarches et de promouvoir des actions exemplaires au plus près des territoires. .
A ce stade, il est trop tôt pour tirer les premières conclusions des débats qui se sont ouverts le 18 septembre.
Mais d'ores et déjà, je puis vous dire que Xavier BERTRAND et moi même mettrons l'accentsur trois ensembles de mesures, pour offrir à toutes les femmes l'accès à l'égalité professionnelle et lutter contre la précarité qui menace nombre d'entre elles :
Premièrement sur la diversification des modes de garde adaptés aux besoins des femmes et des familles et la mise en place d'un droit de garde opposable ; mes services doivent d'ailleurs me remettre très prochainement des propositions pour développer des modes de garde avec horaires atypiques, en s'appuyant sur les services à la personne. Le secteur de l'aide à domicile sera en outre développé pour mieux assurer l'accompagnement des personnes âgées ou handicapées. -
Deuxièmement sur l'amélioration de la qualité du temps partiel. Sans remettre en cause le temps partiel choisi, nous ne pouvons plus accepter le temps partiel subi, ni le temps partiel éclaté, a fortiori le temps partiel subi et éclaté,
Troisièmement, sur l'orientation et la promotion professionnelle. Il reste essentiel de diversifier l'emploi féminin et de favoriser le partage des responsabilités. Près de la moitié des emplois occupés par les femmes sont concentrés dans 10 des 86 familles professionnelles. Elles n'occupent qu'un quart des fonctions d'encadrement des entreprises du secteur privé et sont absentes aux plus hauts postes de l'administration. Avec l'Education nationale, le Service public de l'orientation, le Service public de l'emploi, les branches professionnelles et les entreprises, nous devons progresser sur ces deux objectifs. La convention interministérielle renouvelée en 2006 avec sept ministères exerçant leur tutelle sur plus de 70000 établissements constitue à cet égard un socle important pour coordonner l'action publique et former les acteurs éducatifs. Les objectifs affichés par l'UIMM, la Fédération du bâtiment ou la CAPEB montrent que les professionnels sont prêts pour leur part à s'investir sur cette question.
Sur tous ces sujets, nos travaux, dans l'avenir, s'appuieront sur les résultats de la Conférence.
S'agissant de l'accès des femmes aux postes de responsabilité, je connais vos préoccupations à la suite de la décision du Conseil Constitutionnel d'annuler comme anticonstitutionnelle l'institution de quotas d'hommes et de femmes dans les conseils d'administration et de surveillance des sociétés anonymes, dans les élections prud'homales et professionnelles et dans les comités d'entreprise.
Vous avez déposé une proposition de loi constitutionnelle relative à l'égalité des sexes dans les responsabilités professionnelles et sociales avec l'objectif de permettre à l'avenir d'introduire par voie législative de tels quotas dans ces instances.
A ce jour, le Conseil Constitutionnel, fidèle à sa jurisprudence, estime que seule la notion de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes peut être admise. Dans un premier temps nous pouvons exploiter la porte laissée entrouverte par le Conseil constitutionnel pour tenter d'améliorer la législation sur ce point.
Lors de son audition comme candidat devant l'Observatoire de la parité, le Président de la République s'est dit personnellement attaché à étendre le principe de parité aux élections aux institutions représentatives du personnel dans les entreprises, sous la forme d'une proportionnalité avec le nombre de femmes présentes dans l'entreprise, aux élections prud'homales et dans les jurys de concours de la fonction publique.
Il a à cette occasion estimé que la révision de la Constitution était un préalable nécessaire. Nous devons donc progresser en ce sens, en lien avec le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République.
En tout état de cause, la parité aux postes de responsabilité, tant dans l'entreprise que pour la parité politique ne peut se concevoir que s'il existe des candidates potentielles et nous devons nous attacher à la constitution de ces « viviers » . -Plus globalement, il convient d'inciter non seulement les partis, mais aussi les acteurs de la vie économique et sociale à rechercher la parité en favorisant localement l'articulation des temps de vie et en encourageant parallèlement les structures et associations locales à ouvrir aux femmes des responsabilités en leur sein. C'est ainsi que nous pourrons faire émerger de nouvelles compétences et progresser concrètement vers la parité de responsabilité.
Mon deuxième grand chantier est la lutte contre toutes les formes de violences que subissent les femmes. Je m'attacherai à poursuivre et renforcer ce combat qui doit toutes et tous nous mobiliser.
Les violences au sein du couple concernent une femme sur dix dans notre pays.
Et le recensement national des morts violentes survenues au sein du couple réalisé par le ministère de ministère de l'intérieur révèle qu'au cours de l'année 2006 une femme est décédée tous les trois jours sous les coups de son compagnon.
Je présenterai à l'occasion du 25 novembre prochain un nouveau plan de lutte contre les violences, principalement les violences conjugales, qui atteignent très majoritairement les femmes. Cette lutte constitue un enjeu confirmé pour les pouvoirs publics, un besoin malheureusement persistant pour les femmes victimes et leur entourage et une exigence renouvelée pour les professionnels qui sont au contact des victimes.
La création du « 39.19 », numéro national unique à destination des femmes victimes de violences au sein du couple a, d'ores et déjà, permis une avancée significative dans l'appui aux femmes victimes. Une expérimentation en cours permet de relayer les opérateurs nationaux sur des équipes locales. Je veux aller plus loin avec ce nouveau plan pour offrir ce même service sur tout le territoire et j'ai demandé une évaluation de ce dispositif, pour en apprécier la qualité et l'efficacité.
La prise en charge des femmes victimes de violences doit s'effectuer de manière coordonnée entre tous les acteurs dans le cadre d'une approche globale et dans la durée. C'est l'ensemble de la trajectoire de ces femmes que nous devons savoir prendre en charge, avec une nécessaire attention à la protection des enfants et au comportement des auteurs de violences.
Je demanderai, à cet effet, aux préfets de veiller à la mise en place d'une instance dédiée aux violences faites aux femmes au sein du « Conseil départemental de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes ». Ils devront initier et appuyer la signature de protocoles départementaux sur cette problématique dans les territoires qui ne les ont pas encore conclus. Le renforcement des partenariats locaux sur cette action est tout à fait primordial.
De même dans ce plan, l'étude sur l'évaluation des répercussions économiques des violences au sein du couple en France sera approfondie. Menée par le Centre de recherches économiques, sociologiques et de gestion, qui estime le coût lié aux violences conjugales, en 2006, à plus d'un milliard d'Euros par an, elle montre combien notre société est profondément touchée par ce phénomène.
Dans un tout autre domaine je serai, en lien avec Roselyne Bachelot, attentive aux pratiques d'IVG et de contraception. Le nombre d'IVG ne baisse toujours pas en France et leur prise en charge sanitaire est encore problématique.
D'ores et déjà, le PLFSS 2008 propose d'ajouter les centres de planification ou d'éducation familiale à la liste des professionnels habilités à pratiquer des IVG médicamenteuses, ce qui complètera utilement leur rôle d'accueil et d'écoute.
Par ailleurs, une campagne nationale d'information sur la contraception vient d'être lancée. Elle s'inscrit dans un programme de trois ans, de 2007 à 2009. J'ai demandé à mes services de relayer cette campagne dans chaque département.
Mais nous devons identifier tous les points de blocage qui empêchent de réduire les IVG et je suis prête à examiner toutes les propositions qui iront dans ce sens.
Enfin, je sais Madame la Présidente, que vous êtes préoccupée, comme moi par les difficultés de paiement des pensions alimentaires. Là encore, de nombreux facteurs sont à l'origine des difficultés de recouvrement, selon les recours possibles en cas de non paiement : le paiement direct, la saisie-attribution, la saisie de la rémunération, la saisie immobilière, le recouvrement par le trésor public ou la plainte pour abandon de famille.
Je suis prête à engager une réflexion sur ce sujet pour trouver les solutions permettant dans ces différents cas de figure d'éviter les ruptures de revenus qui créent des situations parfois dramatiques pour les femmes qui en sont victimes.
L'année 2008 est celle de la Présidence française de l'Union européenne. Je me suis rendu récemment à Lisbonne où j'ai pu constater une forte implication et une forte dynamique chez tous nos partenaires pour avancer ensemble sur ce thème de l'égalité.
La feuille de route de la Commission européenne, le Pacte européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes adopté en mars 2006 par le Conseil européen nous tracent les voies à suivre. La création d'un Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes traduit, en particulier, la volonté de l'Union de progresser de manière concrète par l'échange de pratiques et la mise en réseau des acteurs des pays membres. Il nous reviendra de porter cette problématique et de la faire progresser
Au niveau international enfin, le début de l'année 2008 sera marqué par la présentation à Genève, du 6ème rapport d'application de la « Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes » (CEDAW) au comité d'experts indépendants qui veille à l'application de cette convention.
L'audition de la Délégation française, que je conduirai avec Xavier Bertrand, est prévue dans la deuxième quinzaine de janvier 2008.
Avant de conclure, je veux saluer ici l'action et la détermination du Service des droits des femmes et de l'Egalité qui est au coeur de la mise en oeuvre de la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes. Le chantier de la révision générale des politiques publiques ouvert par le Premier Ministre, François Fillon, le 20 juin est une opportunité pour moi de valoriser son action. L'exercice de révision répond à l'ambition du gouvernement d'adapter les administrations aux besoins des citoyens, hommes et femmes. Dans cet exercice, je m'emploierai à ce que la politique de l'égalité conserve toute son identité et toute sa visibilité pour qu'elle puisse continuer à se développer.
Je m'emploierai à ce que ce service dispose des moyens indispensables à la conduite des tâches qui lui sont confiées et à ce que les autres services de l'Etat, au niveau national, et régional soient présents à ses côtés pour le soutenir dans son action.
A cet effet, je prendrai prochainement une circulaire à destination des préfets de sorte à systématiser cette collaboration sur l'ensemble du territoire.
Je prévois également, lors des débats budgétaires, de présenter un document de politique transversale pour que nous puissions apprécier, l'ensemble des actions qui, avec celles du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, contribuent dans les programmes des autres départements ministériels à la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous aurons avec ce document une vue globale de l'effort de l'Etat en ce domaine.
Et j'ai la volonté de me rendre dans toutes les régions pour réaffirmer l'importance d'une action concertée des administrations de l'Etat, pour mutualiser leurs moyens et mobiliser leurs partenaires au service de l'égalité.
La politique de l'égalité entre les femmes et les hommes contribue à transformer notre société, nos entreprises et nos institutions. Elle est gage de démocratie, de justice et de développement économique. Nous devons résolument renforcer notre effort pour faire évoluer les mentalités des femmes et des hommes de notre pays et l'enrichir de tous ses talents.
C'est la tâche que je me suis donné et que je poursuivrai.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 22 octobre 2007