Point de presse de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, notamment sur la coopération franco-égyptienne et sur la question du nucléaire civil dans les pays arabes, Le Caire le 4 novembre 2007.

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Circonstance : Déplacement en Egypte, du 1er au 4 novembre 2007

Texte intégral

Bonjour et bienvenue à tous. Je vous remercie d'être là aujourd'hui pour ce point de presse. Je vous propose de vous parler brièvement de la teneur de ma visite au Caire, puis je vous donnerai la parole pour que vous posiez vos questions, puis on passera à table pour un échange informel. Sommes-nous d'accord pour procéder de la sorte ?
Vous le savez, historiquement et traditionnellement, l'Egypte occupe une place centrale dans les priorités diplomatiques de mon pays, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle, j'ai pu évoquer, avant même de vous parler de l'objet de ma visite, avec plusieurs de mes interlocuteurs, à commencer par M. Ahmed Aboul Gheit, ministre des Affaires étrangères, vendredi matin, la perspective sur laquelle nous sommes, de part et d'autre, en train de travailler, de la visite du président français Nicolas Sarkozy en Egypte dans un délai rapproché en début d'année prochaine. Cette visite revêt pour les deux pays une importance particulière puisqu'il y a une tradition, y compris depuis quelques décennies de relations non seulement historiques de qualité entre nos deux pays, mais aussi de relations privilégiées entre les présidents, entre le président Moubarak et le président français, et donc évidemment cette dimension politique est également apparue à plusieurs reprises dans mes entretiens politiques.
Cette visite, qui a duré trois jours, avait plusieurs finalités à la fois dans le cadre de mes fonctions ministérielles à la Coopération internationale et à la Francophonie, mais aussi au titre d'une représentation du gouvernement français plus généralement puisque j'ai d'abord participé au nom de la France à la conférence Energie qui avait été organisée à l'initiative de l'Egypte à Charm El Cheikh jeudi matin et qui regroupait de très nombreux pays d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Europe. Bien sûr c'était une réunion très importante, dont nous avons, côté français, pris toute la mesure, d'où notre décision d'être un des pays européens représentés au niveau gouvernemental.
Lors de cette conférence, je suis intervenu naturellement en rappelant les priorités de défense du climat qui sont aujourd'hui les nôtres et qui ont pour conséquence des efforts accrus en matière d'économie d'énergie, en matière d'énergie non renouvelable Mais j'ai également évoqué le souci d'être aux cotés d'un certain nombre de pays, notamment de pays africains, pour à la fois les aider à acquérir une suffisance énergétique et également une indépendance énergétique plus grande, et cela dans le respect de ces principes climatiques que je rappelais tout à l'heure, c'était le premier aspect de mon intervention.
J'ai également évoqué au nom de la France à cette occasion notre soutien à la manière dont l'Egypte entendait s'engager dans le nucléaire civil, à la manière exemplaire dans la mesure où elle s'inscrit dans le respect des engagements internationaux en matière de nucléaire civil et bien sûr, par voie de conséquence, dans le respect des engagements en matière de non-prolifération de l'arme nucléaire. Nous sommes d'ailleurs prêts à être aux côtés de l'Egypte au niveau de l'expertise, au niveau de notre savoir-faire dans ce domaine de l'énergie nucléaire et aussi en matière de sécurité, en matière d'ingénierie, en matière technique. Nous avons donc aussi évoqué ces questions avec des commissaires européens qui étaient présents, des ministres du Pétrole qui étaient présents. J'ai pu avoir en marge de cette conférence, comme je vous le disais tout à l'heure, un entretien en tête-à-tête avec le ministre des Affaires étrangères, M. Ahmad Aboul Gheit.
L'autre objet de ma visite concernait naturellement les nombreux projets et les nombreuses questions de coopération que nous avons ensemble, tout particulièrement dans le domaine culturel. J'ai ainsi pu faire état à plusieurs reprises de l'engagement plus important de l'Agence française de développement (AFD) qui est notre principal outil de coopération internationale et qui est présente en Egypte maintenant depuis un an, dans plusieurs domaines. Je ne vais pas tous les citer, notamment dans le domaine de la coopération culturelle, en matière de valorisation du patrimoine. J'ai pu d'ailleurs, sur cette question, rencontrer hier le Dr Zahi Hawass, le Secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités, et nous avons évoqué ensemble la préparation du quarantième anniversaire des fouilles françaises à Karnak. Vous savez que la France occupe une place importante dans les fouilles et tout particulièrement à Karnak. Je peux vous dire que cet entretien s'est déroulé de manière très amicale, dans un très bon esprit, et le débat qui a pu exister à une certaine époque sur les attentes des deux parties, notamment de la partie égyptienne, je crois, sont aujourd'hui surmontées. Nous sommes tout à fait en phase.
J'ai bien sûr, dans le même esprit, rendu visite, c'est aussi une coopération française, à l'IFAO, l'Institut français d'archéologie orientale, avec notamment une présentation du laboratoire du carbone 14, qui permet une datation des découvertes que l'on fait dans les fouilles.
Enfin, toujours dans le domaine d'une Francophonie vivante, j'ai visité ce matin, l'Université française d'Egypte, qui a été, vous le savez, inaugurée, même si elle existait déjà depuis 2002, en 2006 dans ses nouveaux locaux par les deux présidents, français et égyptien. J'ai pu constater avec les responsables de cette université, les enseignants, les étudiants, que cette université, même si elle était encore de taille relativement modeste, car elle n'a pas fini de grandir - elle préfère grandir sur des bases solides plutôt que de grandir trop vite - et bien que cette université, elle fonctionne bien, conformément aux objectifs qu'on s'était fixés, qui font son originalité : premièrement, des diplômes valables en Egypte et en France.
Je crois savoir que sur le marché du travail, c'est un atout formidable pour les étudiants. Bien sûr, il y a aussi le plurilinguisme, arabe, anglais et français, et puis enfin le soutien d'un certain nombre d'entreprises françaises qui est encore à parfaire, mais certaines d'entre elles sont bien engagées. Je vais d'ailleurs les encourager à le faire, même évidemment au niveau des pouvoirs publics français. Etant présents, nous allons continuer à l'être. C'est aussi bien sûr les partenariats avec des universités et des écoles, y compris d'ailleurs celle de la ville dont je suis le maire, Mulhouse. J'ai rencontré une professeur de ma ville qui est là, professeur visiteur, et qui a pu me dire combien elle était heureuse de ce travail, de cet enseignement. J'ai pu parler d'ailleurs aussi avec les étudiants qui sont très satisfaits. C'est donc une formule originale avec différentes orientations qui sont toutes en train de progresser. Je suis venu pour apporter mon soutien à la poursuite du renforcement de cette université française d'Egypte, qui est, je crois pouvoir le dire, d'ores et déjà une réussite, aux côtés bien sûr d'autres engagements par ailleurs, que vous connaissez déjà, auprès de l'université Senghor d'Alexandrie, mais ça, je n'y reviens pas.
J'ai enfin rencontré ce matin, le ministre de la Défense, le Maréchal Tantawi et nous avons, là aussi dans un excellent climat, évoqué la visite du président français en Egypte, les relations et la coopération militaire entre nos deux pays, qui n'est pas peut-être la plus importante, mais dont chacun souhaite qu'elle se renforce.
Bien sûr, nous avons évoqué aussi les crises régionales, le rôle positif de l'Egypte, notamment au niveau de sa présence dans les forces du maintien de la paix, donc nous avons eu une conversation à la fois sur les questions de défense et géopolitiques.
J'ai également, durant ce séjour, rencontré, avant-hier, le directeur du développement touristique. Parce que j'ai parlé tout à l'heure de l'Agence française de développement, nous sommes prêts à nous engager davantage - au-delà du soutien aux fouilles - à des démarches de tourisme durable valorisant le patrimoine historique et culturel de l'Egypte.
J'ai également, grâce à l'ambassadeur et à tous ses collaborateurs, que je salue et que je remercie, à commencer par le directeur de l'Action culturelle et du développement, M. Jean-Paul Guihaumé et avec l'ensemble de ses collaborateurs, nous avons pu rencontrer des personnalités égyptiennes, des personnalités de différentes sensibilités, culturelles, politiques, économiques, associatives. Nous avions hier un contact, et avec la communauté française et avec un certain nombre de responsables égyptiens, parmi lesquels, non seulement la ministre de la Coopération que j'ai pu rencontrer longuement en aparté à cette occasion et nous avons là aussi établi le contact, mais aussi le ministre de la Culture et le ministre de l'Enseignement supérieur. Le ministre de la Culture, dont nous avons d'ailleurs, côté français, soutenu la candidature pour la direction générale de l'UNESCO.
J'ai également au sein de la communauté française et nos amis égyptiens, rencontré les responsables économiques et évoqué évidemment tous les potentiels de partenariat économique que nous avons dans ce pays.
J'en ai terminé de mon récit de déplacement. Je vous propose de répondre à quelques questions.
Q - Sur la conférence sur l'énergie à Charm El-Cheikh, comment voyez-vous le rôle de l'Egypte comme partenaire entre le Moyen-Orient, l'Europe et l'Afrique ?
R - Le président Sarkozy l'a dit à plusieurs reprises - je l'ai notamment accompagné lors d'un premier déplacement en Afrique - que, comme tout à chacun, les pays arabes ont droit au nucléaire civil. Mais tout pays qui s'engage dans la voie nucléaire doit, pour la sécurité internationale et la paix, donc pour des raisons évidentes, respecter aujourd'hui un certain nombre de règles. Et ce que nous savons aujourd'hui de l'engagement de l'Egypte vers le nucléaire civil, c'est qu'elle entend respecter de manière exemplaire, transparente, claire pour tout le monde, ces règles. Et, en plus, c'est un engagement qui s'est fait à un moment où tout le monde partage sur la planète - tous les pays qui ont ce niveau de conscience, c'est le cas de l'Egypte - les priorités en matière de développement soutenable. Et donc, naturellement, cet engagement ne se fera pas au détriment d'autres priorités en matière énergétique. En dire plus serait devenir technique. Je préfère rester à un niveau un peu général.
Q - Concernant l'Union méditerranéenne proposée par Nicolas Sarkozy, est-ce qu'elle sera de nature différente des autres enceintes méditerranéennes, notamment de Barcelone ? Est-ce que la France entend toujours ce projet contesté par un certain nombre de pays qui protestent ?
R - Plus que jamais, le président entend, dès le début de la présidence française, mettre en oeuvre ce processus euro-méditerranéen. Vous avez entendu des pays qui protestent, moi j'ai entendu de nombreux pays, y compris de ce côté-ci de la Méditerranée, à commencer par l'Egypte, qui applaudissent cette initiative. C'est une nouvelle étape. Le processus de Barcelone a été dans un contexte donné une étape utile. Aujourd'hui, c'est une nouvelle étape qui se veut très concrète, qui se veut forcément très partenariale. Il ne s'agit pas de l'imposer. Mais je pense que les enjeux économiques, le développement économique, les enjeux en matière de défense de la paix, les enjeux par rapport à nos voisins, sont perçus comme très importants. J'ai d'ailleurs, à Charm El-Cheikh, rappelé cette initiative. Et je pense que le Président Sarkozy aura bientôt l'occasion d'en reparler très bientôt en Egypte.
Q - Avez-vous un commentaire à faire sur ce que dit la presse sur le lancement du nucléaire civil égyptien pour faire contrepoids au nucléaire non civil et agressif de l'Iran ?
R - Je n'ai aucun commentaire là-dessus. On ne lance pas un programme nucléaire civil pour d'autres raisons que pour des raisons énergétiques. Ce sont des investissements très importants et de très long terme. On ne le fait pas simplement pour des raisons politiques. Il y a des vrais besoins en Egypte. C'est une réponse de bon sens.
Q - La force hybride au Darfour est toujours bloquée. Quel est votre commentaire là-dessus à la lumière de vos entretiens ce matin avec le ministre égyptien de la Défense avec qui vous avez évoqué les questions d'opérations de maintien de la paix ?
R - Nous avons évoqué cette question avec le ministre de la Défense. Nous avons évoqué la question de l'implication de l'Egypte, les propositions égyptiennes, les discussions en cours. Et, il est évident que je ferai passer les messages de l'Egypte et du Ministre égyptien au plus haut niveau de l'Etat, côté français.
Q - La France va-t-elle participer à la prochaine conférence de paix d'Annapolis et quelles sont les chances de réussite de cette conférence ?
R - Nous attendons d'être invités. Nous examinerons cela le moment venu. Là-dessus, je n'ai pas de commentaire à faire aujourd'hui. C'est un dossier suivi par M. Kouchner qui s'exprimera le moment venu.
Q - Concernant vos entretiens avec Mme Aboul Naga, ministre égyptienne de la Coopération, et avec le Maréchal Tantawi, Ministre de la Défense, avez-vous parlé de coopération en matière de déminage ?
R - Oui. Nous en avons parlé avec elle. Je me suis engagé à apporter rapidement une réponse française concrète et positive au niveau notamment de l'apport, de l'expérience qu'ont les soldats français un peu partout dans le monde en matière de déminage, car c'est cela qui nous est demandé. Le financement de ces opérations sera fait par les Britanniques et les Allemands, mais on a besoin de notre expertise. Nous n'avons pas encore répondu. Nous répondrons, et positivement.
Q - Qu'en est-il des rencontres de M. Kouchner à Istanbul ?
R - Vous lui poserez la question. Je ne peux pas m'exprimer à sa place, alors que son déplacement est en cours. Il ne manquera pas de s'exprimer. Mais je crois savoir qu'il était très satisfait de son déplacement.
Q - Du temps du président Chirac, les relations entre les deux pays étaient très bonnes pas seulement au niveau politique, entre les présidents Chirac et Moubarak, mais aussi populaire.
R - Les relations entre les deux peuples sont aussi bonnes aujourd'hui qu'il y a six mois. Et les relations entre les deux présidents - ils se connaissent déjà - vont se renforcer au niveau où elles étaient précédemment. C'est tout à fait l'intention de la partie française, tant avec le président Chirac hier, qu'avec le président Mitterrand avant-hier - je m'en souviens puisque j'étais ministre sous Mitterrand. Nous sommes tout à fait dans cet état d'esprit. Comme je vous le disais tout à l'heure, dans le cadre de mon déplacement, j'ai également bien, je pense, reçu ce message. Ce message, il est connu à l'Elysée, il est connu par le président Sarkozy. Les choses se mettent en place. Simplement, vous faîtes allusion à ce qu'était une amitié à la fin d'une longue période. Nous sommes à présent au début d'une longue période à un moment où les choses se mettent en place. Pour qu'une amitié soit profonde, il faut le minimum de temps qu'elle se construise. Elle est en train de se construire.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2007