Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement, à "Europe 1" le 18 octobre 2007, sur le divorce du président de la République et la grève des transports en commun pour la défense des régimes spéciaux de retraite.

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Circonstance : Annonce officielle du divorce du président de la République Nicolas Sarkozy avec son épouse et journée d'action pour la défense des régimes spéciaux de retraite, à Paris le 18 octobre 2007

Média : Europe 1

Texte intégral

GUILLAUME DURAND - Laurent WAUQUIEZ bonjour, vous êtes secrétaire d'État auprès du Premier ministre et porte-parole du gouvernement. Nous dialoguons avec les auditeurs d'Europe 1 jusqu'à 19 heures. Les sujets ne manquent pas, on va commencer avec Sanimane. Bonsoir.
SANIMANE - Bonsoir. Je voudrais savoir quelles peuvent être les conséquences de cette séparation sur la fonction présidentielle et sur la chose publique. Même s'il s'agit d'une affaire privée, qui concerne donc le citoyen SARKOZY, je pense que le président SARKOZY, en tant que premier personnage de l'État, pourrait avoir des conséquences par rapport à cette situation...

GUILLAUME DURAND - Vous pensez à quoi, Sanimane ?
SANIMANE - La fonction présidentielle, est-ce que cette affaire ne risque pas d'avoir des incidences sur la fonction présidentielle et l'image du président ? Et puis autre chose, j'aimerais savoir ce qui peut se passer au niveau de l'entourage du président, dont on dit que certains ont plus ou moins été plutôt... ont plutôt bénéficié des bonnes relations avec Cécilia SARKOZY pour être autour du président. Qu'est-ce qui pourrait arriver à cet entourage ?

GUILLAUME DURAND - Merci beaucoup d'être intervenu à l'antenne, je rappelle que le 12 avril 2007 Nicolas SARKOZY avait dit : « on élit un candidat, pas une famille, mais si je suis élu ma femme jouera un rôle, c'est évident », fin de citation. Question frontale, Laurent WAUQUIEZ, quel commentaire on apporte à ce divorce annoncé officiellement ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je vais répondre à la question de Sanimane très clairement. Il y a une séparation entre l'engagement public du président, qu'on juge sur son travail concret qu'il fait pour les Français, sur l'énergie qu'il y met, sur sa volonté de secouer un peu le politiquement correct dans ce pays, et puis d'autre part sa vie privée qui le regarde, sur laquelle moi j'ai pas de commentaire à faire. Mais ça n'aura pas d'incidence sur son engagement public et l'énergie. Quant à la question sur l'entourage, savoir, voilà, il y a des gens autour de lui...

GUILLAUME DURAND - Les favoris de Cécilia ?
LAURENT WAUQUIEZ - Voilà, il y a des gens autour de lui qui étaient proches...

GUILLAUME DURAND - On a parlé de Rachida DATI...
LAURENT WAUQUIEZ - ... qui étaient proches de Cécilia. Si vous prenez quelqu'un comme Rachida DATI ou comme David MARTINON, ils sont là d'abord parce qu'ils sont très forts dans leurs domaines. Quelqu'un comme Rachida DATI, qui a quand même un parcours qui est exemplaire, qui est quand même un modèle républicain, c'est une garde des sceaux qui s'attaque à des réformes qui jusque-là n'avaient pas été faites depuis très longtemps, elle est là évidemment parce qu'elle est compétente, et pas pour d'autres raisons.

GUILLAUME DURAND - Beaucoup de rumeurs ces dernières semaines, le Parti socialiste se demande s'il s'agit bien d'une simple coïncidence quand l'Élysée choisit ce jeudi, jour de forte mobilisation sociale, contre la réforme des régimes spéciaux, pour annoncer le divorce. Est-ce que c'est une manipulation ou est-ce qu'on a utilisé ce divorce ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je vais vous dire, j'ai été vraiment halluciné en lisant ce communiqué du PS. Et d'ailleurs je me dis, il y a des limites à l'hypocrisie. Ils ont sorti un communiqué en disant : on ne fait pas de réaction, et puis ils ont sorti un deuxième communiqué en disant : tiens, je me demande, est-ce que c'est une coïncidence que ça sorte aujourd'hui ? Je vais dire les choses clairement, comme je le ressens : je trouve ça indigne. Il y a des limites à la manipulation politique. Autant sur le terrain du débat, sur le fond de la réforme des régimes spéciaux, je suis prêt à entendre tous les arguments, autant instrumentaliser cette affaire-là pour dire qu'en réalité ça sort à ce moment-là pour camoufler la réforme des régimes spéciaux, il y a des limites à l'indignité des arguments en matière de vie publique.

GUILLAUME DURAND - Ça veut dire que ce n'est pas le cas ?
LAURENT WAUQUIEZ - Évidemment que ce n'est pas le cas, enfin, c'est vraiment... Honnêtement, ça m'a profondément choqué en lisant ça.

GUILLAUME DURAND - Mais quand Benoît HAMON du PS dit : le couple SARKOZY, elle a été l'un des plus gros contributeurs de cette évolution de la vie politique française, entre guillemets la pipolisation, maintenant c'est du domaine du privé, disent-ils, mais ils ont instrumentalisé ce privé pour le public. Vous lui diriez quoi ?
LAURENT WAUQUIEZ - Vous savez il y a une... enfin, Gandhi, sur lequel d'ailleurs il y a une biographie intéressante qui est sortie il y a pas très longtemps de José FRECHE, ce grand personnage indien, disait lui-même que c'est extrêmement difficile d'arriver à gérer à la fois sa vie privée et sa vie publique quand on est un personnage qui s'engage comme ça pour son pays. Juste, bon, je pense que sur ce genre de sujet je crois que chacun peut avoir un tout petit peu de pudeur et de discrétion. Au PS, si j'ai bonne mémoire, ils ont eu aussi des épisodes un peu compliqués pendant la campagne présidentielle. Chez nous au moins ça n'a jamais eu d'incidence sur l'engagement politique et sur notre travail. Le président il a ça très profondément au fond de lui, c'est cet engagement, sa volonté de mener à bien ce qu'il a dit avant la campagne. Voilà.

GUILLAUME DURAND - Et est-ce que c'est inexorable, parce qu'il y a un rajeunissement du personnel politique et donc quand on occupe le pouvoir à 50 ans, c'est pas comme quand on l'occupe à 70 où finalement on tolère des distorsions, des hypocrisies. C'était le cas pour Jacques CHIRAC peut-être, et encore, et pour François MITTERRAND certainement.
LAURENT WAUQUIEZ - Si vous me le permettez je m'en tiendrai vraiment à cette ligne : pas de commentaire sur ce qui est vraiment la vie privée.

GUILLAUME DURAND - À l'antenne c'est Christophe qui nous rejoint. Bonsoir.
CHRISTOPHE - Bonsoir. Moi je réagissais sur ce divorce. En fait moi mon avis est simple, je pense que la réalité de la vie privée du président de la République et de sa femme n'existe pas. Votre interlocuteur citait Gandhi, moi je ne cite pas Gandhi mais la pudeur, on la convoque quand ça arrange. On ignore rien de la couleur des chaussettes et des baskets et du short du président de la République, on sait même qu'il se balade avec des tee-shirts « New York Police Department », etc. Je crois que chacun a droit, évidemment, à sa vie privée, évidemment à son intimité, évidemment au respect de ce qu'il est tout au fond de lui, mais il y a quand même des moments où ça devient un peu risible. J'ai même entendu tout à l'heure votre journaliste qui disait : comme par hasard aujourd'hui on apprend, au moment des grèves...

GUILLAUME DURAND - Pardonnez-moi, Christophe, c'est une citation d'un des commentaires éventuels du Parti socialiste...
CHRISTOPHE - Je suis désolé, je l'ai pris vite. Alors d'accord, dont acte. Mais concrètement, aujourd'hui la future ex première dame de France a représenté, m'a représenté à moi, comme elle a représenté à vous, comme elle a représenté chacun individuellement des auditeurs, pour exercer une mission diplomatique au nom du peuple français, moi je me sens concerné, concrètement, par ce qui se passe au niveau de mon président de la République, même si j'ai pas vraiment voté pour lui. De plus, là où ça devient incohérent et ridicule, c'est qu'on oblige aujourd'hui, et c'est là encore normal, de tout connaître du bulletin de santé du président de la République, etc.... Bon, je crois qu'on n'est pas dans la logique du privé. Évidemment c'est une affaire privée, mais qui concerne en fait à peu près tout le monde. Qui concerne les Français sans les concerner, d'ailleurs, après tout les raisons du divorce ne nous intéressent pas. Ce n'est pas ça qui nous intéresse, après c'est la mission des gazettes et des magazines people ou autres. Ce qui est intéressant c'est de savoir si notre président de la République divorce ou pas, après tout les autres présidents de la République précédents avaient peut-être une vie personnelle qui était plus académique, bon, on ne divorçait pas, c'est tout. Aujourd'hui oui, moi j'ai besoin de savoir, si j'ai des amis qui de demandent de l'extérieur, de l'étranger...

GUILLAUME DURAND - Maintenant vous le savez, ils sont divorcés.
CHRISTOPHE - Oui voilà, ça y est ils sont divorcés. Donc ils sont divorcés, voilà, c'est une affaire... Voilà, bon enfin... Alors les gens qui disent « ça ne nous concerne pas, c'est la sphère privée », c'est pas vrai, c'est pas la sphère privée. Il faut faire je crois la différence entre la pudeur qu'on doit mettre autour des commentaires, et puis les faits. On a un président de la République qui est le premier dans l'histoire... J'ai essayé de chercher tout à l'heure, je n'ai pas trouvé, je me souviens plus le nom du premier président de la République ou du seul qui s'est marié à l'Élysée, on a un président de la République qui s'est marié un jour à l'Élysée. Eh bien SARKOZY sera le premier président de la République qui a divorcé. Voilà.

GUILLAUME DURAND - Merci beaucoup de cette explication complète, en tout cas d'un sentiment. Au fond, si on résume son point de vue, il n'y a pas de domaine privé pour les personnes publiques, en tout cas quand il s'agit du président de la République ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je pense que ce que Christophe a tracé comme ligne de partage, moi me va bien. Enfin visiblement, d'après ce que j'ai compris dans ce qu'il disait, il demandait que les faits soient clairs. Aujourd'hui les faits sont clairs : il y a eu un communiqué très sobre dans lequel rien n'a été rajouté en détail, dans lequel juste le président de la République a indiqué qu'il y avait eu un divorce entre lui et Cécilia SARKOZY. C'est tout. Après, comme l'a dit aussi Christophe, une fois que le fait est là, il y a l'autre qui est la sphère de l'intime qu'on doit respecter. Voilà, c'est tout. Et j'ai envie de dire, je n'ai pas à ajouter d'autre commentaire. La question qui est posée c'est : est-ce que ça aura un impact sur son engagement politique ? Non. C'est vrai que les citoyens ont le droit de le savoir parce que c'est le président de la République, c'est pour ça qu'il y a eu un communiqué. Maintenant, j'ai envie de dire, tout a été transparent, il n'y a pas d'autre commentaire à rajouter.

GUILLAUME DURAND - Dernier point, pour rajouter justement dans ce que disait Christophe. Au fond il dit : c'est un pouvoir qui s'est beaucoup montré. Donc...
LAURENT WAUQUIEZ - Enfin vous savez... ça fait partie des choses qui sont difficiles à gérer aujourd'hui dans l'engagement politique. C'est que, voilà, quand on fait un engagement politique il y a des micros, il y a des caméras, il y a des stylos, il y a des magazines, il y a les sites Internet, il y a les blogs. Quelque part on est rentré dans une espèce d'ère de la transparence dans les relations entre la politique et les médias. Elle n'est pas forcément choisie, parfois il y a des erreurs, parfois il n'y en a pas. J'ai envie de dire ça fait maintenant partie du cadre dans lequel on est.

GUILLAUME DURAND - Deuxième grand sujet, la grève. Avec Claude au téléphone. Bienvenue, Claude, que pensez-vous de cette situation, donc grève en partie reconduite pour demain ?
CLAUDE - Oui, comme j'ai dit dans mon message, le droit de grève c'est bien une chose, mais Nicolas SARKOZY n'a pris personne en traître, ça avait été annoncé dans tous les médias, son programme, sur les retraites, sur tout ce qu'il y a à organiser pour la France, et je ne comprends pas que les syndicats en soient tout surpris. Mais il y a quand même la démocratie, les Français votent, il y a une majorité, Nicolas SARKOZY a eu la majorité, il applique ce qu'il avait promis, je vois pas où est le problème.

GUILLAUME DURAND - Merci Claude d'être intervenu sur l'antenne. Alors voilà, Claude dit : ils le savaient, les syndicats. Alors est-ce que ça veut dire, comme le réclame Bernard THIBAULT, que pour le prochain rendez-vous il y a une marge de négociation possible, ou est-ce que le gouvernement reste ferme ?
LAURENT WAUQUIEZ - Ce que dit Claude, et qu'il traduit bien, c'est qu'on n'a pas fait de surprise. On n'a pas mis des choses sous le tapis. C'est-à-dire que pendant la campagne présidentielle, c'était un sujet qui était risqué, sur lequel on avait beaucoup à perdre à l'évoquer. Le président de la République a fait le choix d'en parler tout de suite, avec une idée : je dis tout avant pour pouvoir le faire après. Donc il avait clairement dit que sur la réforme des régimes spéciaux, il souhaitait la faire à la fois pour des raisons d'équité par rapport aux autres régimes de retraite, régime général et puis le régime de la fonction publique. Mais aussi, et c'est important de le rappeler, ne serait-ce que pour assurer le financement à long terme des régimes spéciaux. Aujourd'hui, avec le déséquilibre démographique, il y a un vrai déséquilibre entre le nombre de cotisants et de retraités, on ne pourra pas assurer à long terme l'équilibre financier de régimes si on ne le fait pas.

GUILLAUME DURAND - D'accord, mais justement, est-ce qu'il y a quand même une marge de négociation qui s'ouvre, puisqu'une rencontre est prévue, puisque c'est ce que réclame Bernard THIBAULT, pour au fond calmer le mouvement ? Est-ce qu'il y a quelque chose à négocier ou est-ce qu'on se voit simplement pour réentendre ce que vous venez de dire ?
LAURENT WAUQUIEZ - Vous savez, c'est l'équilibre très simple qu'essaye de tenir Xavier BERTRAND. Qui est de dire : on est déterminé sur le sens de la réforme, parce que là-dessus on ne peut pas se passer de réforme, mais en même temps on est à l'écoute des inquiétudes qui se sont exprimées et il y a des marges de discussion. Par exemple sur les emplois des seniors, par exemple sur la pénibilité du travail, par exemple sur l'emploi des personnes en situation de handicap dans ces entreprises. Mais aussi sur les avantages qui sont accordés aux femmes, les avantages familiaux. Sur tous ces sujets il y a des marges de discussion. Et j'ai envie de dire, là Xavier BERTRAND a été assez clair, il y a eu un appel à la discussion...

GUILLAUME DURAND - Mais il n'est pas question de revenir sur l'alignement ?
LAURENT WAUQUIEZ - On ne peut pas revenir sur cette idée des 37 ans et demi de cotisations qui doivent passer à 40 ans, comme ce qui a été fait partout ailleurs.

GUILLAUME DURAND - Là il n'y a pas de marge de négociation ?
LAURENT WAUQUIEZ - Non. Et, vous savez, c'est vraiment... Enfin pourquoi ? Si jamais on revenait sur les engagements et les promesses qui ont été prises par le président de la République, on n'aurait plus aucune... enfin c'est une question de crédibilité. Et je pense que c'est une des forces du président et du gouvernement qui est autour de lui, c'est de tenir ce qui a été dit avant la campagne. Après, je vais être très clair, il ne s'agit pas de le tenir de façon rigide, il s'agit de dire : on a un objectif qu'on veut tenir, mais après on est tout à fait prêt à discuter et à rester à l'écoute avec les syndicats, parce que c'est aussi naturel qu'il y ait des inquiétudes qui s'expriment à ce moment-là.

GUILLAUME DURAND - Est-ce que vous considérez que c'est une journée d'avertissement pour le gouvernement ?
LAURENT WAUQUIEZ - Non...

GUILLAUME DURAND - Ou une bonne journée pour la rupture ?
LAURENT WAUQUIEZ - Vous savez, j'ai pas envie de...

GUILLAUME DURAND - Quelle version donnez-vous, pour conclure cet entretien ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je n'ai pas envie de jouer au mistigri là-dessus. Le but pour le gouvernement à travers la journée de grève, c'est de comprendre les inquiétudes qui s'expriment dans ces entreprises, et d'y répondre en disant : le pouvoir d'achat de vos retraites sera garanti. Mais à l'inverse, il faut aussi que vous compreniez que c'est une réforme juste et qu'on a besoin de la mener ensemble.

GUILLAUME DURAND - Donc c'est la fermeté ?
LAURENT WAUQUIEZ - Non, c'est pas une question ni de fermeté...

GUILLAUME DURAND - Il faut bien employer un mot.
LAURENT WAUQUIEZ - Vous voulez que j'en emploie ? Je vais en employer trois. D'abord la sérénité, parce qu'on est convaincu que c'est une réforme juste ; ensuite la détermination, parce qu'on ne peut pas lâcher dessus ; mais ensuite c'est l'écoute, parce que c'est normal qu'il y ait des inquiétudes qui s'expriment et on doit les entendre.

GUILLAUME DURAND - Laurent WAUQUIEZ, porte-parole du gouvernement.

Source http://www.porte-parole.gouv.fr, le 8 novembre 2007