Préface de M. Jacques Chirac, Président de la République, au Catalogue de l'exposition "Georges Pompidou et la modernité", Paris le 22 février 1999.

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Circonstance : Inauguration de l'exposition "Georges Pompidou et la modernité" le 22 février 1999 à la Galerie Nationale du Jeu de Paume à Paris à l'occasion du 25ème anniversaire de sa mort

Texte intégral

Evoquant le souvenir du Général de Gaulle, Georges Pompidou lavait lui-même écrit : la mort est un commencement.
Depuis sa disparition, il y a maintenant un quart de siècle, beaucoup de livres lui ont été consacrés, différents colloques ont réuni ceux qui, à ses côtés, ont écrit une page de notre histoire récente et ceux, de plus en plus nombreux, qui sintéressent à lhomme et son uvre.
Aujourdhui, pour la première fois, une exposition artistique lui rend hommage. Cest la place particulière que, déjà, lui assigne lHistoire.
Pierre Messmer avait dit un jour de Georges Pompidou quil était un inventeur. Le mot, je crois, est parfaitement juste. Jamais la France na autant changé que pendant les douze années où il fut successivement Premier Ministre et Président de la République. Dautres que lui ont bien entendu leur part dans cette transformation, mais cest avant tout parce quil a su comprendre la réalité du présent et quil la passionnément aimée, que Georges Pompidou a inventé une France nouvelle, une France moderne.
Pour lhomme de goût quil était, le moderne était plus quune exigence, plus quun défi. Cétait dabord une catégorie esthétique. Aussi est-ce sans doute dans le domaine de la culture, dans cette relation si privilégiée quil avait à lart de son temps, que son intuition de la modernité apparaît de la façon la plus éclatante.
Il y a eu les gestes symboliques de Claude et Georges Pompidou invitant lavant-garde au cur même de la République, à lHôtel Matignon et au Palais de lElysée. Il y a eu la grande exposition de 1972 qui, sous son impulsion, devait faire découvrir aux Français la création contemporaine. Il y a eu, bien sûr, la merveilleuse aventure du Centre qui porte aujourdhui son nom.
Derrière ces choix emblématiques il y avait lhomme dEtat qui voulait réconcilier linstitution républicaine et lactualité artistique. Il y avait aussi lhomme de culture qui avait appris de Baudelaire que " le beau est toujours bizarre " et qui savait lapprécier sous toutes ses formes, dans toutes ses expressions, sans exclusive. Il y avait surtout, je crois, un homme généreux qui souhaitait partager ses passions et ses curiosités avec ceux qui lavaient porté à la charge la plus haute, comme il lavait fait plus tôt dans son " Anthologie de la poésie française ".
Souvenir pour les uns, histoire pour les autres, ce que lon appelle aujourdhui " les années Pompidou " incarnent une certaine idée qui est aussi une certaine image de la France. Celle dune France en mouvement, riche de ses traditions les meilleures et résolument tournée vers lavenir et la jeunesse, soucieuse de comprendre son époque et singulièrement lart de son temps, parce que cest là, comme le pensait Georges Pompidou, le meilleur témoignage que lhomme puisse donner de sa dignité.
Jai eu lhonneur de servir lEtat aux côtés de Georges Pompidou. Jai eu le privilège de bien connaître lhomme. Je suis très heureux que vingt-cinq ans après sa disparition, autour dune autre anthologie, un large public puisse à son tour faire cette rencontre qui compte, pour certains, parmi les plus belles et les plus fortes.