Interviews de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, à "RMC" le 15 novembre 2007 et à "RTL" le 16, sur le calendrier et les modalités des négociations avec les syndicats opposés à la réforme des régimes spéciaux de retraite.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - Emission L'Invité de RTL - RMC - RTL

Texte intégral

G. Cahour.- Ministre du Travail, vous êtes l'homme clé en ce moment de ces négociations. Merci d'avoir accepté notre invitation d'autant que vous devez être très sollicité en ce moment. Merci d'avoir choisi RMC et BFM TV.
R.- Merci de m'avoir invité.
Q.- Alors, avant de parler du contenu, X. Bertrand, contenu de la réforme et des négociations, une question très pratique et on va penser à tous ceux qui nous écoutent peut-être en ce moment dans les bouchons ou avant de partir de chez eux en regardant la circulation, le trafic. Votre indice de confiance, à vous - on fait un petit sondage sur RMC - votre indice de confiance sur la fin de la grève, disons d'ici demain soir, sur une échelle de 0 à 10.
R.- Si c'est ma volonté, c'est 10 sur 10. 10 sur 10, le plus rapidement possible, parce que vous l'avez dit, c'est une deuxième journée de galère qui commence aujourd'hui pour de nombreux salariés qui ne savent pas combien de temps ils vont mettre pour aller au boulot, qui sont parfois inquiets, comment ça va se passer quand je vais arriver, je vais être en retard. Donc, il y a toutes ces questions qui se posent. Est-ce qu'on va rentrer à temps pour les enfants ?
Q.- Donc, volonté et confiance pour vous c'est pareil, c'est du 10/10 ?
R.- Non, il y a la volonté et la confiance, ça ne dépend pas que de nous. Il y a des questions précises qui ont été posées par les organisations syndicales qui voulaient savoir si on peut aller dans les discussions d'entreprises et si ça va être sérieux et solide. On m'a posé la question lundi soir. Hier soir j'ai répondu « oui ». Donc, maintenant les conditions sont réunies pour qu'on aille dans les entreprises, vous voyez. Est-ce que les conditions sont réunies ? Oui. Est-ce que le souhait est là ? Oui.
Q.- Alors, qu'est-ce que vous avez proposé concrètement aux syndicats qui puisse les faire changer d'avis et leur dire, dire à leur base : « bon, on peut arrêter et suspendre la grève » ?
R.- On va revenir un petit moment en arrière parce que je crois qu'il faut bien comprendre sur le dossier des régimes spéciaux comment les choses se sont passées depuis le début. Il y a la volonté déjà de mener à bien cette réforme des régimes spéciaux. Vous le savez, il faut que les Français soient sur un pied d'égalité et il faut aussi réformer les régimes spéciaux parce qu'autrement, dans cinq ans, dans dix ans ou dans quinze ans, personne ne peut garantir aux agents des régimes spéciaux qu'on saura financer leur retraite. Il y a un 1,8 million retraités dans ces régimes spéciaux, il y a 500 000 cotisants, il y a un problème de financement. Donc, nous avons décidé d'engager cette réforme, et je vais vous dire, j'ai cherché dès le début - c'était le souhait du Président de la République et du Premier ministre - une réforme raisonnable, c'est-à-dire de trouver les moyens d'une réforme qui soit à la fois équilibrée et juste. Donc, j'ai mis sur la table un premier document d'orientation, je ne l'ai pas décidé tout seul, j'en ai beaucoup parlé avec des organisations syndicales qui sont venues me voir, plus de 100 heures de discussions. Et puis après, certaines m'ont dit : « on va vous faire des propositions parce qu'il y a un risque ; il y a un risque notamment sur le pouvoir d'achat de certains agents », c'est-à-dire que s'ils font deux ans et demi de plus, ils peuvent quand même toucher moins. J'ai regardé les choses, je suis allé dans les entreprises et nous avons décidé d'apporter des réponses complémentaires.
Q.- Donc, on est d'accord, les salariés qui partiront à la retraite au bout de 40 annuités au lieu d'actuellement 37,5, ne toucheront pas moins ?
R.- Ils toucheront même plus, ceux qui feraient 40 ans.
Q.- Le fameux « travailler plus pour gagner plus » !
R.- Non mais la vérité, aujourd'hui, c'est qu'ils ne peuvent bien souvent pas faire 37,5 ans. Vous avez des clauses qui sont stupides dans certaines entreprises - à la SNCF et à EDF, je les nomme - où vous devez partir à la retraite à 50 ans ou 55 ans même si vous n'avez pas toutes vos années de cotisations. C'est-à-dire qu'on sait que vous n'aurez pas votre retraite complète, eh bien on vous fait partir. Ces clauses-là, je veux les supprimer, ce qui veut dire et pour être très précis avec votre question : sur la base de 40 ans un agent qui fera deux ans et demi de plus ne touchera pas un euro de moins.
Q.- Ca c'est important parce qu'on a reçu beaucoup d'appels de grévistes qui sont convaincus du contraire.
R.- Je sais.
Q.- C'est-à-dire que sur le terrain il y a eu de l'intox ?
R.- Non, ce que je veux vous dire c'est qu'il y a eu des modifications, des améliorations aux documents du Gouvernement, parce que je suis allé voir sur place. Je me suis mis avec des agents, notamment à EDF, face au simulateur, et ils m'ont montré les choses. Ce qui est vrai c'est qu'un agent qui n'augmenterait pas d'un mois sa durée de cotisations alors qu'il faut l'augmenter pour tout le monde, celui-là bien sûr que sa pension en subirait les conséquences, mais celui qui avancera avec les réformes, il n'y aura pas de problème. Et je dis aux agents concernés : allez voir sur la nouvelle version du simulateur de votre l'entreprise.
Q.- C'est un simulateur informatique, c'est un logiciel, c'est ça ?
R.- Oui, c'est sur l'informatique. Ça permet de calculer avec les années de cotisations dans le régime spécial de l'entreprise concernée, ça permet de voir justement combien en aura, en partant en retraite à tel âge ou tel âge.
Q.- Les retours qu'on a eus de certains syndicats c'est que le logiciel était mal configuré au début.
R.- Non.
Q.- ... et qu'ensuite il y a eu des modifications qui ont été apportées mais on ne va peut-être pas entré dans les détails de ce qui s'est passé avec de logiciel.
R.- Mais c'est important, vous avez raison de le préciser, c'est très important parce que aujourd'hui, dans la nouvelle version, il montre bien que ce que je vous dis correspond à la stricte vérité. Alors, maintenant...
Q.- ... alors, qu'est-ce que, hier, rapidement, parce qu'on a beaucoup de questions à vous poser et ensuite il y aura le 3216 pour vous poser également des questions, qu'est-ce qui change, qu'est-ce qui ferait changer d'attitude les syndicats dans vos propositions ?
R.- C'est que maintenant qu'on a posé ce cadre gouvernemental, ce qui est de la responsabilité du Gouvernement - c'est-à-dire l'harmonisation avec la fonction publique et le privé, les 40 ans pour tous - maintenant est-ce qu'on a fini de discuter ? Non. On a besoin de discuter de choses très précises et très concrètes : les salaires, les salaires en fin de carrière, la pénibilité des métiers, la spécificité des métiers, la formation en fin de carrière. Un exemple : un contrôleur en fin de carrière il a par exemple plusieurs jours de découchés, il n'est pas chez lui, est-ce qu'on ne peut pas lui donner le choix soit de continuer comme avant, soit en fin de carrière de donner par exemple...
Q.- ... de faire un autre métier.
R.- ... des cours, davantage de formation pour de jeunes contrôleurs ? Est-ce qu'on donne la possibilité, justement, dans des entreprises comme la RATP, en fin de carrière, si être machiniste c'est difficile, d'avoir une autre fonction à l'intérieur de la RATP.
Q.- C'est ce que proposent les responsables de la RATP.
R.- Ou alors même, notamment, sur certains métiers pénibles, pourquoi ne pas proposer une activité à temps partiel avec un financement. Et tout ce qu'on met là, sur la table, dans les entreprises, il est quand même bon d'en discuter dans les entreprises. La spécificité notamment du métier à la SNCF, où est-ce qu'on en parle le mieux ? Dans mon bureau ou à la SNCF ? A la SNCF.
Q.- Voilà, justement, pour résumer, les syndicats voulaient que l'Etat participe à ces négociations. Vous acceptez de participer à ces négociations, d'envoyer des responsables de votre cabinet participer entreprise par entreprise, c'est ça ?
R.- Clairement, la réponse est oui parce qu'il faut bien comprendre que sur ce sujet-là, chacun a à l'esprit les principes d'harmonisation de la réforme, chacun le sait, et ce n'est pas seulement la volonté du Gouvernement, c'est la volonté des Français. Ce dossier, il n'arrive pas aujourd'hui sur la table par hasard, on en a parlé pendant la campagne, le Président de la République a été clair, la question notamment des 40 ans pour tous. Maintenant, chacun veut être sûr que les négociations vont réussir, et d'ailleurs il y a une obligation de résultat. Donc, à partir de ce moment-là - ce sont des entreprises publiques - qu'il y ait un représentant de l'Etat, si c'est une garantie supplémentaire que les choses vont se passer sérieusement et que les négociations seront solides, oui. Et la réponse nous l'avons donnée moins de 24 h après que la proposition m'ait été faite.
Q.- Vous avez peut-être écouté RMC et BFM TV ce matin, on entend justement des grévistes qui n'ont pas l'intention d'arrêter la grève, qui demandent tout simplement le retrait du projet de réforme, ils ne veulent pas aller jusqu'à 40 annuités. Donc, vous pensez vraiment que la base va suivre ?
R.- Quand vous interrogez l'ensemble des agents - la SNCF l'a rendu public la semaine dernière - ils sont une très large majorité, mais beaucoup plus que 50 %, à vouloir dire aujourd'hui aux organisations syndicales : « négociez dans les entreprises, nous avons compris que le passage à 40 ans était inévitable comme pour l'ensemble des Français et aujourd'hui il faut pouvoir nous permettre de nous organiser comme on l'a permis en 2003 pour les fonctionnaires et pour les agents du privé ».
Q.- Donc, vous pensez qu'ils vont suivre.
R.- Je suis persuadé que la volonté des agents, c'est justement qu'on aille dans ces négociations d'entreprises. Si vous interrogez l'ensemble des agents, c'est une écrasante majorité. Pourquoi ? Parce qu'il faut aussi leur donner la possibilité de s'organiser par eux-mêmes, et je crois qu'il est important de bien préciser, moi je veux être clair, qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : les négociations dans les entreprises elles ne sont pas faites pour annuler le passage aux 40 ans, il faut être clair et transparent vis-à-vis de l'ensemble des Français. Mais je crois qu'il faut bien comprendre que dans la France de 2007, on a vraiment beaucoup plus à gagner en se mettant autour d'une table qu'en restant dans un conflit. Qu'est-ce qu'il y a à gagner dans un conflit, aujourd'hui ?
Q.- Autour d'une table, il y aurait peut-être Sud Rail, deuxième syndicat de la SNCF. Tout à l'heure, sur RMC, nous étions avec un des responsables de Sud Rail qui nous disait : « je ne suis pas destinataire de la lettre ». Pourquoi le deuxième syndicat de la SNCF n'est pas destinataire de la lettre de méthode que vous avez envoyée, hier ?
R.- Pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'il n'est pas considéré comme représentatif. Ce n'est pas moi qui fixerais arbitrairement les règles de représentativité, elles existent depuis longtemps, Sud Rail les connaît depuis longtemps. Donc, à partir de ce moment-là, si un syndicat n'est pas représentatif, il n'a pas vocation...
Q.- ... pourquoi il n'est pas représentatif ?
R.- Parce qu'il y a des règles de représentativité qui datent depuis bien longtemps, il y a l'histoire des syndicats, il y a leur audience...
Q.- ... et puis il y a la réalité aussi.
R.- C'est-à-dire ?
Q.- Ben, deuxième syndicat de la SNCF...
R.- Non mais attendez, je vais même aller plus loin, non, non, attendez, je vois que... sur ce sujet je vais être très précis : Sud Rail on les a reçus au ministère. Vous savez ce qu'ils ont dit en sortant ? « De toute façon, il n'y a rien à négocier dans la réforme, rien de rien ». Alors, il faut aussi être très clair, si c'est pour recevoir des syndicats qui nous disent en permanence : « il n'y a rien à négocier », moi, franchement, il faut aussi qu'on avance sur un dossier comme celui-là. Donc, vous comprenez, on est aussi - et je crois qu'il faut tout dire - dans un moment qui est un moment important, qui est un moment difficile pour des millions de Français, qui est un moment difficile pour les usagers notamment, pour les entreprises en question, qui est un moment aussi difficile pour des agents qui, je le sais bien, aujourd'hui, ont des inquiétudes. A nous d'apporter les réponses. Mais on est aussi dans un moment important parce que l'action qui était celle des syndicats, qui ont compris à la veille de la grève qu'il fallait qu'eux aussi fassent des propositions après que le Gouvernement en ait fait depuis le départ, eh bien ça montre bien qu'on a peut-être la possibilité cette fois-ci de régler tout cela en sortant par le haut. Et je crois sincèrement qu'on peut sortir par le haut.
Q.- X. Bertrand, on marque une pause...
[Pause]
Q.- Nous parlons bien évidemment de la réforme des régimes spéciaux et de la grève, avec cette matinale spéciale. La retraite des salariés du privé est basée sur les 25 meilleures années. Pour les régimes spéciaux de retraite, SNCF, RATP et autres, c'est parfois sur les six meilleurs mois, sur le dernier même à EDF-GDF. Ça, ça va rester ?
R.- On va passer aux six derniers mois.
Q.- C'est-à-dire que dans le privé, c'est les 25 meilleures années, et eux ce sera les six derniers mois ? C'est-à-dire qu'on fait un régime spécial reformaté, en quelque sorte ?
R.- Je vais vous dire pourquoi. Déjà, la première chose c'est que les derniers mois, on ne l'a pas invité aujourd'hui, c'est exactement comme la fonction publique, la fonction publique depuis maintenant quelques années. Maintenant, votre question c'est...
Q.- Ma question c'est : tout le monde ne sera pas sur le même pied d'égalité, finalement.
R.- Pourquoi six derniers mois et 25 années ? Je vais tout vous dire : six derniers mois, parce que dan la fonction publique comme dans les régimes spéciaux, les primes ne sont pas intégrés dans le calcul de la retraite, alors que dans le privé, on prend tout en considération. Et il faudra aussi, et je voudrais mettre tout à plat, pour qu'on soit vraiment sur un pied d'égalité au niveau du salaire. Donc, aujourd'hui, d'être sur les six derniers mois par rapport aux 25 meilleures années, ce n'est pas un avantage que l'on concède, c'est tout simplement parce que les primes ne sont pas intégrées. Et je vais même plus loin, c'est que vous intégrez les primes, cela vous coûte plus cher que de passer justement aujourd'hui aux six derniers mois. Et puis, enfin, un dernier élément : c'est que les fonctionnaires ne sont pas égaux. Ils ne sont pas égaux face aux primes. Il y a des hauts fonctionnaires qui ont des primes importantes, et il y a des fonctionnaires, dans des hôpitaux par exemple, qui n'ont pas beaucoup de primes. Cela fait aussi une inégalité. Alors, si c'est pour intégrer les primes et vous créez des injustices, je ne suis pas preneur. Voilà pourquoi les six derniers mois je les assume. C'est tout simplement comme la fonction publique, parce que comme les primes ne sont pas intégrées, c'est les six derniers mois et cela va mieux en le disant.
Q.- Est-ce que vous êtes preneur pour une réforme du régime spécial de retraite des parlementaires : cinq ans de mandat, 1500 euros de retraite garantis...
R.- C'était hier, ça.
Q.- Comment ?
R.- C'était hier, ça. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Q.- Comment ça, ce n'est plus le cas ?
R.- Non, non, mais attendez ! Ce n'est pas véritablement un scoop, parce que J.-J. Bourdin à votre place, m'avait demandé voilà quelque temps ce que j'en pensais. Et j'aime bien faire ce que je dis. C'est-à-dire que nous avons eu le débat, voilà maintenant quinze jours, à l'Assemblée nationale, pour réformer le régime des parlementaires.
Q.- Ce système-l?? est conservé. Par contre, ce qui n'est pas conservé, c'est de ne pas cotiser à son ancienne caisse lorsqu'on a été soit dans la fonction publique, avocat ou autre. C'est ça ?
R.- Vous posez une question, je vais vous répondre, on va tout mettre à plat et on va faire beaucoup de transparence, comme cela, ça évitera les fantasmes sur la question. Le débat est venu à l'Assemblée nationale voilà quinze jours. Je représentais le Gouvernement. D'habitude, sur des sujets comme cela, le Gouvernement doit rester muet : cela concerne les parlementaires, on ne dit rien. J'ai pris mes responsabilités, je me suis levé et j'ai dit qu'il fallait effectivement réformer le régime des parlementaires, et j'ai donné un avis favorable du Gouvernement. Ce qui veut dire qu'un parlementaire ne pourra plus cotiser en même temps pour sa retraite, en tant par exemple que fonctionnaire, parce que l'idée, comme il y avait deux cotisations, il y avait deux versements de retraite. Il y a des exemples célèbres, de droite et de gauche, qui ont fait que les gens se sont dit : ce n'est pas normal et c'est scandaleux. En 2003, les parlementaires ont commencé à réformer leur régime de retraite, je le sais, j'étais parlementaire et rapporteur du texte sur les retraites. Et aujourd'hui, en 2007, ils ont continué à réformer leur régime. C'est le cas.
Q.- C'est bon, on est d'accord qu'ils vont continuer à cotiser double, et donc, au bout de cinq ans de mandat, de toucher 1500 euros de retraite ? Ça c'est conservé, oui ou non ?
R.- Non, parce que vous avez le principe des fonctionnaires qui pouvaient cotiser double, et de l'activité également - ça, ça ne passe par une loi, c'est un règlement de l'Assemblée - pour le privé. Et il n'y a plus la possibilité aussi de partir avant 60 ans, comme c'était le cas auparavant. Voilà la vérité. Je crois aussi qu'il faut mettre tout à plat, parce que sur ce sujet, quand on joue la transparence, il n'y a moins de fantasme et au moins on peut avancer.
Les questions que P. Dufreigne a recueillies au 3216.
P. Dufreigne (au 3216 de RMC) : Justement, sur ce sujet, j'ai Sylvie qui est dans l'Essonne. Sylvie qui a suivi cette réforme de la retraite des parlementaires, et qui dit : Monsieur Bertrand, une fois que tout sera terminé, est-ce que vous pouvez nous affirmer que les députés n'auront désormais pas plus d'avantages en matière de retraite que la majorité des Français ? Sur un pied d'égalité, cela veut dire un pied d'égalité pour tout le monde, et pour les parlementaires, je ne demande pas seulement un pied d'égalité, l'exemplarité. Je ne le dis pas seulement ici, je l'ai dit l'autre jour dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Je sais que cela ne se fait pas, que le Gouvernement s'exprime sur le régime des parlementaires. Eh bien, je l'ai fait. Parce que je crois que quand on demande un effort à tout le monde, eh bien il faut aussi que les parlementaires soient concernés.
Q.- Députés et sénateurs ?
R.- Bien sûr.
Q.- Au 3216, nous avons aussi Alain, retraité de la SNCF. Bonjour Alain.
Alain : Bonjour Guillaume, bonjour Monsieur Bertrand... Ma question est la suivante et j'aurai après, une question subsidiaire. Monsieur Bertrand, n'avez-vous pas conscience qu'en appauvrissant les retraités, vous préparez une paupérisation générale de notre société, dans le sens où les retraités actuels aident les enfants et les petits enfants dans les études, pour payer les loyers, et ils font vivre des secteurs entiers de l'économie tels que l'hôtellerie et le secteur des voyages ? Alain, la question que vous posez c'est le niveau des retraites dans notre pays. C'est bien ça ?
Alain : Je pense que dans le conflit actuel, c'est bien le problème. C'est le niveau des pensions qui est posé, c'est-à-dire un problème - on en revient toujours au problème du pouvoir d'achat futur des retraités.
Alain, vous êtes retraité de la SNCF. Quand vous êtes parti, vous êtes parti avec une carrière complète et une retraite complète ?
Alain : Non.
Eh voilà ! Et pourquoi vous n'êtes pas parti avec une retraite complète ? Parce que vous aviez ces fameuses règles, ces clauses stupides, je ne sais pas si vous étiez conducteur...
Alain : Non, non, je n'étais pas conducteur mais j'avais quand même la possibilité d'aller plus loin, disons que j'ai voulu partir à l'âge de 55 ans, parce qu'à un moment donné...
Si vous aviez voulu continuer, ce n'était pas possible...
Alain : Si, si, c'était possible.
... parce qu'il y avait ces fameuses clauses couperets. Or je trouve aujourd'hui aberrant, dans un pays comme le nôtre, quelqu'un qui veut continuer à travailler, qui peut continuer à le faire, on le lui interdit. La question aussi, Alain - on va aller jusqu'au bout des choses - c'est que si les retraites n'ont pas été à un niveau important dans les années, parce que les salaires ne sont pas assez élevés en France par rapport à d'autres pays. C'est parce qu'on a aussi une vraie question de pouvoir d'achat. Vous savez, je le dis, je sais bien qu'il y a des questions sur le pouvoir d'achat, mais nous, on est là pour apporter des réponses sur le pouvoir d'achat. Et je sais bien aussi...
Q.- On a l'impression que ça ne va pas très vite et que ça ne change pas grand-chose.
R.- Depuis le 1er octobre, le ministre du Travail que je suis peut vous le dire, vous avez 5 à 6 millions de Français qui font des heures supplémentaires, qui ont vu la différence. La réalité c'est...
Q.- 5 à 6 millions qui ont vu la différence ! ?
R.- Bien sûr. Il y a 5 à 6 millions de Français qui font des heures supplémentaires chaque année.
Q.- Et tous ont eu...
R.- Attendez ! Quelqu'un qui fait des heures supplémentaires, je vais être très clair avec vous, et je vais prendre la même situation : un salarié au SMIC, qui faisait 4 heures supplémentaires en septembre, qui fait 4 heures supplémentaires en octobre, celui-là, du jour au lendemain, il a eu 70 euros de plus par mois. Pourquoi ? Parce qu'il ne paye pas de charges, il ne paiera plus d'impôt et ses heures supplémentaires ne sont plus payées 10 % mais 25 % en plus. Donc, je vous montre bien : le même salarié, dans la même situation, la différence de septembre à octobre. Il y 900 millions d'heures supplémentaires qui sont faites chaque année. Donc, la réalité elle est là. Mais seulement, 70 euros de plus par mois, c'est mieux que les grands discours. Et ça c'est concret pour plusieurs millions de Français. Et la question que posait Alain...
Q.- Pour revenir à la grève : demain soir, pensez-vous que la grève soit terminée ?
R.- Je le souhaite, je le souhaite de tout mon coeur. Pourquoi ? Parce que je veux vous dire une chose : les conditions sont aujourd'hui réunies pour faire progresser les négociations dans les entreprises. La vérité c'est qu'il y a déjà des discussions dans les entreprises. Certaines organisations ont commencé à discuter. Et c'est d'ailleurs pour cela que tout le monde n'est pas dans le conflit, que le conflit d'hier a été important, et qu'il a été moins suivi que la fois dernière. Et que je souhaite que l'on reprenne le travail le plus rapidement possible. Et je voudrais dire à la fois aux organisations syndicales et aux agents qui auraient l'intention d'être dans la grève, encore aujourd'hui : dans une grève, aujourd'hui, il n'y a pas d'issue. Par contre, dans la négociation, il y a de vraies solutions. Et j'en appelle aussi à l'esprit de responsabilité de chacun. Chacun doit y mettre du sien. On m'a fait sur la méthode des demandes lundi soir. Mardi, avec le président de la République et le Premier ministre, on y a répondu favorablement. On nous a dit qu'il fallait des discussions tripartites pour être sûr que ça irait jusqu'au bout. La réponse est oui. Et à partir de ce moment-là, si les conditions sont réunies, il faut y aller tout de suite dans ces discussions pour faire progresser les choses et pour apporter des réponses concrètes aux agents.
Q.- Merci X. Bertrand d'être venu ce matin sur RMC et sur BFM TV.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 novembre 2007C. Hondelatte.- Au troisième jour de grève, le ministre du Travail est avec nous ce matin. Bonjour X. Bertrand. Depuis le début de cette grève, c'est vous qui êtes à la manoeuvre, c'est vous qui êtes en première ligne. Je crois que si on s'était vu hier matin, à cette place, j'aurais eu en face de moi, un ministre assez optimiste sur la suite du conflit. Je me demande si aujourd'hui au fond, l'avenir n'est pas plus sombre pour vous ?
R.- Tant que ce dossier n'est pas réglé complètement, tant que les négociations d'entreprises tripartites n'ont pas abouti, pour moi ce dossier n'est absolument pas un dossier clôturé. Et tant qu'en plus, il y aura une journée, une journée supplémentaire de grève ou de galère pour les usagers, je peux vous dire qu'il ne s'agit pas de tirer les plans sur la comète. Moi, ma responsabilité c'est d'être concentré en permanence, pour trouver les solutions, pour trouver les bonnes solutions.
Q.- Mais hier matin, vous sentiez un espoir que peut-être vous ne sentez plus ce matin, franchement ?
R.- Non, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit, vous voyez, il y a ce matin des chiffres qui sont importants également. Il y a plus de bus, plus de métro, plus de train, mais on est loin, bien loin, trop loin d'ailleurs du retour à la normale. Mais je vois aussi, qu'il y a une évolution, dans l'état d'esprit notamment des agents, de la SNCF par exemple. Un chiffre important, ce matin dans un quotidien, les trois quarts, les trois quarts des agents de ces régimes spéciaux souhaitent que des négociations d'entreprise s'ouvrent et s'ouvrent immédiatement. Cela montre que la grande majorité, les trois quarts de ces agents, vous, vous rendez compte, souhaitent que ce soit les négociations d'entreprises qui puissent ouvrir. Et ils ont compris que c'est la négociation qui permet d'apporter des réponses, les solutions...
Q.- Oui, mais quel est le calendrier ?
R.-  Attendez ! Non, mais attendez, il faut bien comprendre cela, c'est que pour les trois quarts de ces agents, ce sont les négociations qui vont permettre d'apporter les réponses à leurs attentes. Ce n'est pas la grève qui va apporter la réponse à leurs attentes.
Q.- Je suis bien d'accord, mais en attendant, il y a la grève. Alors quel est le calendrier, c'est-à-dire à partir de quand, on commence les négociations ?
R.- Aujourd'hui, je l'ai dit, il faut un appel à la reprise du travail, de la part des organisations dans les entreprises, pour qu'immédiatement, vous m'entendez, immédiatement, s'ouvrent les négociations tripartites qu'ont demandé les mêmes organisations syndicales. Un tout petit retour en arrière, mardi soir, mardi soir, j'ai reçu des délégations d'organisations syndicales. Qui sont venus me dire : "monsieur le ministre, on veut être sûr que les négociations d'entreprises vont aboutir, et donc on demande que ce soit des réunions tripartites". Organisation syndicale, direction d'entreprise et un représentant de l'Etat...
Q.- Vous leur avez dit "oui" ?
R.- ...pour être sûr que ça avance. Moins de 24 heures après, après en avoir parlé avec le président de la République et le Premier ministre, nous avons répondu...
Q.- Vous avez dit "banco" ?
R.-... "Oui" et donc nous avons fait exactement ce qui nous avait été demandé sur la méthode, et maintenant j'attends donc que l'on tienne les engagements. Et donc que l'on appelle à la reprise du travail. Parce que...
Q.- Il ne vous a pas échappé que la base est un peu coupée de la direction des syndicats. C'est-à-dire qu'actuellement s'organisent des gens qui n'obéissent pas à ce que leur dit B. Thibault, par exemple de la CGT ?
R.- Quand vous parlez de la base, vous parlez de l'ensemble des agents...
Q.- Des militants qui tiennent les piquets de grève devant les dépôts de la SNCF.
R.-Mais il faut bien comprendre, il faut bien comprendre, qu'aujourd'hui, il n'est pas question de piquet de grève, vous savez que les piquets de grève, ce n'est pas possible un piquet de grève. En revanche, non, non, non, je ne joue pas sur les mots. Le droit de grève est un droit constitutionnellement reconnu, c'est vrai, mais il ne peut pas y avoir de piquet de grève, pas d'exaction, comme celles qui ont pu être commises.
Q.- On ne bloque pas un dépôt ?
R.- Parce qu'il faut respecter aussi le travail de ceux qui veulent travailler. Et si aujourd'hui...
Q.- Mais répondez-moi, à cette question, parce qu'on n'a pas autant de temps que ça !
R.-  Je n'avais pas le sentiment d'avoir cherché à ne pas répondre.
Q.- Vous ne m'avez pas dit quel est le calendrier ? C'est-à-dire est-ce qu'on peut envisager de négocier par exemple dès ce week-end dans les entreprises y compris si la grève continue ?
R.- Attendez, vous ne pouvez pas avoir en même temps, et la grève et les négociations d'entreprise. Parce que qu'est-ce que je dis aux usagers dans ces cas-là ? Parce que les négociations d'entreprises et les syndicats l'ont même demandé, elles peuvent durer un mois. Vous n'allez pas avoir un mois de conflits. Et parce qu'en plus, je tiens bien à le préciser, la lettre de méthode que j'ai adressée, elle correspond exactement à ce qui a été demandée. Pourquoi ? Pour suspendre le conflit. Donc en quelque sorte, nous, nous avons fait ce signe de bonne volonté qui nous était demandé. J'attends tout simplement que l'on fasse ce qui m'a été dit dans mon bureau, à savoir que l'on appelle à la suspension du conflit. Parce qu'il faut être...
Q.- Et si ils appellent et que ça ne marche pas ? Comment ça se passe ? C'est-à-dire à quel blocage on arrive ? Si la base ne répond pas au ot d'ordre des organisations syndicales, ce qui semble être un peu le cas à la CGT ?
R.- Parce que si les organisations syndicales dans les entreprises, il y a des responsables d'entreprises, notamment à la CGT, appellent à la reprise du travail, ce sera une preuve aussi d'un véritable esprit de responsabilité, qui va se traduire aussitôt dans la tenue des réunions tripartites dans les entreprises. Ils les ont souhaitées.
Q.- Oui mais s'ils appellent et que ça ne marche pas ?
R.- Je vous l'ai dit, déjà l'appel à la reprise du travail, c'est ce signe de bonne volonté. Vous voyez bien quelle est la logique. Je demande à chacun, par rapport à cela, de prendre ses responsabilités et de faire un pas en avant, parce qu'il faut débloquer la situation, c'est ça qui est important. Vous voyez, très clairement...
Q.- Ce que vous attendez, c'est que les leaders syndicaux aujourd'hui disent : "on appelle à la reprise du travail". Même si ce n'est pas totalement suivi d'effet ?
R.- Parce que nous savons bien que ce sera un signe supplémentaire. Aujourd'hui, trois quarts des agents, veulent des négociations dans les entreprises. Moi, aussi je souhaite qu'il y ait des négociations dans les entreprises. Parce que soyons bien clairs, soyons bien clairs, parce qu'il faut qu'il y ait aucune ambiguïté. Qu'est-ce que j'entends parfois ? Certains disent, c'est les 40 ans qui posent problème. Les 40 ans, les 40 ans ne peuvent pas être négociés.
Q.- Oui mais les types qui tiennent actuellement, non pas les piquets de grève, mais qui font grève sur le terrain, eux, ils veulent négocier sur les 40 ans. Il y a un moment où on a l'impression qu'on risque d'arriver à une impossibilité de dialogue ?
R.- Et les Français veulent les 40 ans de cotisations pour tous. Moi, vous savez, je suis ministre du Travail, mais il y a quelques mois, j'étais aussi le porte-parole de N. Sarkozy. Et pendant cette campagne présidentielle, les choses ont été claires. Nous avons dit que nous réformerions les régimes spéciaux aussi pour financer les régimes spéciaux, qui sans réforme et sans allongement de la durée de cotisations ne sont pas tenables à terme. Mais en tout état de cause, les Français veulent être sur un pied d'égalité. Ce message a été bien reçu, pendant la campagne, je l'ai toujours à l'esprit aujourd'hui, ça n'empêche pas, de négocier sur un certain nombre de points, les fins de carrière, la pénibilité, les salaires en fin de carrière, mais tout ça on en parle dans les négociations d'entreprise, souhaitées par les syndicats.
Merci, X. BertrandSource : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 16 novembre 2007