Texte intégral
Q - Les anciens combattants : comment envisagez-vous votre mission ? Quelles mesures allez-vous prendre ?
R - Je dois dire avant tout que jamais les valeurs défendues par le monde combattant - et plus particulièrement celles d'amour de la France, de l'identité républicaine - n'ont semblé autant d'actualité qu'aujourd'hui.
En effet, si l'on prend la peine de revenir en arrière et de se pencher sur notre histoire politique de l'après-guerre, on s'aperçoit que la "Nation française", expression qui semblait autrefois tabou, est réapparue sur le devant de la scène, essentiellement grâce aux propos tenus par le Président de la République lors de sa campagne.
Aussi, le monde combattant - qui concerne près de 4 millions de nos ressortissants - que j'apprends à découvrir aux cours de mes nombreuses audiences et déplacements, est un monde moderne résolument tourné vers l'avenir, loin, très loin des clichés habituels.
L'action que j'entends mener quant à elle est fondée sur deux idées forces : la solidarité et la politique de mémoire.
Prenons si vous le voulez bien un exemple significatif pour illustrer chaque domaine de ma mission.
Le premier (d'autres font encore l'objet de discussions et d'arbitrages à venir) c'est la mise en place pérenne de l'allocation différentielle pour les conjoints survivants.
Quelle est-elle ? Il s'agit d'assurer à chaque conjoint survivant un revenu mensuel au moins égal à 550 euros afin de lutter contre la fragilisation sociale et de permettre à celui-ci de vivre dans des conditions dignes.
Croyez-moi, cette mesure est très attendue.
Le deuxième exemple c'est la préparation du 90ème anniversaire du 11 novembre 1918.
Dans cette optique, j'ai décidé la mise en place d'un comité scientifique présidé par l'historien Jean-Jacques BECKER, afin de me faire des propositions sur le sens à donner à ces commémorations. Celles-ci coïncideront avec la présidence française de l'Union européenne. Je souhaite que la France, en orchestrant ces cérémonies liées à son passé, réaffirme aussi son rôle de moteur en Europe.
Mais cette liste est bien sur loin d'être exhaustive.
Je veillerai ainsi à ce que les hauts lieux de mémoire français à l'étranger tel les nécropoles militaires françaises en Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc) où je me rends très prochainement soient rénovées et entretenues. Avouez que c'est la moindre des choses que l'on doive à celles et ceux qui se sont battus pour défendre les valeurs de notre pays, jusqu'au-delà de nos frontières. J'estime que nous avons une dette imprescriptible à leur égard.
Enfin, je mènerai une réflexion sur les cérémonies publiques qui souffrent du désintérêt quasi-généralisé. Les élus savent bien qu'en dehors d'un cercle restreint d'habitués, les cérémonies intéressent de moins en moins de monde.
Il faut renouveler cet exercice, en particulier en renforçant notre partenariat avec l'Education nationale, afin de sensibiliser les jeunes générations.
Leur dire que cela a un sens de se retrouver à la date du 8 mai ou du 11 novembre autour du monument aux "morts pour la France".
Il nous faut en effet faire vivre cette politique de mémoire auprès de nos enfants et petits enfants car un pays se condamne à ne pas avoir d'avenir s'il ne sait pas entretenir la flamme des ses glorieux aînés, de ses hauts faits.
J'irai d'ailleurs moi-même à la rentrée en province à leur rencontre car je ne conçois pas de vivre ma mission uniquement depuis mon bureau à PARIS !
L'international est également un champ d'action que je souhaite conforter, notamment au travers du concept de la mémoire partagée avec des pays qui étaient soit nos alliés soit nos ennemis d'hier.
Q - Vous allez rencontrer les associations à Fréjus, samedi, à l'occasion du 150ème anniversaire de la création du corps des Tirailleurs sénégalais. Devons-nous y voir un message particulier ? Une meilleure reconnaissance du sacrifice consenti par l'Afrique pour libérer la France ?
R - La France est grande, elle sera d'autant plus respectée, sa parole sera d'autant plus écoutée qu'elle saura regarder son passé avec objectivité.
A FREJUS, je dirai simplement aux "Tirailleurs sénégalais" présents que la France n'oubliera jamais le sacrifice qu'ils ont consenti pour servir la France comme ils l'auraient fait pour leur propre pays.
Une phrase m'est venue naturellement en préparant mon discours, et c'est tout le message de cet hommage :"venus de terres lointaines, vous étiez devenus nos frères d'armes et des fils de France".
La décristallisation, décidée en septembre 2006, est venue naturellement consacrer de manière juridique et financière cette reconnaissance. Il était temps que l'on reconnaisse que ces soldats étaient des soldats à part entière qui méritent le même honneur et le même traitement.
Au-delà de la célébration de ce passé, c'est là encore un signal d'espoir; de solidarité et de fraternité que je veux adresser à l'Afrique...lui dire que la France et l'Afrique ont un destin commun.
Q - Certains anciens combattants regrettent le manque de reconnaissance envers la 1e Armée française du général de Lattre de Tassigny. Votre position sur ce sujet ?
R - Cela fait maintenant 63 ans que le général de LATTRE DE TASSIGNY débarqua en Provence pour prendre TOULON, MARSEILLE puis remonta la vallée du Rhône pour traverser le Rhin et libérer l'Alsace.
Je rappellerai aussi que c'est le général de LATTRE de TASSIGNY qui le 8 mai 1945, à Berlin, est assis à la table des vainqueurs, afin de signer pour la France, l'acte de capitulation de l'Allemagne.
Ma présence ici est aussi l'occasion de rendre hommage à tous ces combattants héroïques et de leur manifester notre respect et surtout à notre reconnaissance éternelle.
J'aurai pour ma part une pensée émue pour ces combattants de la liberté.
Pour ma part, je crois que la mémoire du Maréchal de LATTRE est encore bien vivante, remarquablement entretenue par la fondation qui porte le même nom.
Elle compte d'ailleurs parmi les toutes premières que j'ai rencontrées !
J'associe bien évidemment à cet hommage l'extraordinaire figure qu'était Pierre MESSMER que j'ai personnellement connu.
Il a été de ceux qui à BIR HAKEIM en Lybie en mettant un coup d'arrêt à l'invasion allemande ont démontré que la Wehrmacht n'était pas invicible.
La France perd à la fois un héros et un homme d'Etat dont le parcours doit servir de modèle pour chacun d'entre nous.
source http://www.defense.gouv.fr, le 22 novembre 2007