Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Le mardi sera noir, puisqu'aux grévistes des transports publics, s'ajoutent ceux des services publics qui sont mécontents de la progression de leur pouvoir d'achat. Beaucoup s'étonnent que les syndicats de la SNCF ayant donné leur accord pour négocier, dimanche, on ne négocie à la SNCF que demain. Comment expliquez-vous ce délai de trois jours ?
R.- D'abord, on le regrette.
Q.- C'est la faute de la direction de la SNCF ?
R.- Non. Ce que je voudrais, ce matin, c'est essayer d'expliquer clairement où est-ce qu'on en est, parce que je pense que pour les Français, c'est devenu compliqué.
Q.- Pourquoi est-ce qu'on a mis trois jours à négocier à la SNCF ?
R.- On va le dire simplement. Nous, dès mardi, la CGT demandait à ce qu'il y ait la présence de l'Etat dans le cadre des négociations ; on a répondu tout de suite. Ensuite, ils ont demandé à ce qu'il y ait un document de la direction d'entreprise ; le document a tout de suite été mis sur la table. Et après, pendant le week end, la question s'est posée, qu'on leur a posé d'ailleurs : quand est-ce qu'on peut se retrouver ? Ils ont dit : lundi, c'est trop tôt, on n'a pas le temps de se préparer ; mardi, il y a ce que vous avez dit, la journée de grève. Ce n'est donc pas un jour pour la négociation, c'est un jour d'action de leur point de vue. Et donc maintenant, c'est mercredi.
Q.- Donc, c'est le fait des syndicats ?
R.- Et on le regrette. Ce n'est pas du fait des syndicats... Oui, d'ailleurs, c'est du fait de la réponse des partenaires sociaux.
Q.- Qui sera le représentant de l'Etat autour de la table de la négociation ?
R.- Je voudrais, juste là-dessus, apporter un tout petit point. La demande des partenaires sociaux, c'était bien d'avoir un représentant de l'Etat pour que tous les thèmes puissent être tout de suite sur la table. On a répondu positivement. Mais il faut qu'il y ait une dynamique de reprise de travail. Alors, ça, c'est un terme très policé, qu'est-ce que cela veut dire en concret ? En concret, cela veut dire que, comme vous l'avez d'ailleurs dit ce matin, il faut qu'il y ait un peu plus de bus, un peu plus de métro, un peu plus de RER ...
Q.- Sinon, il n'y aura pas de représentant de l'Etat mercredi ?
R.- Je dirais que c'est un jeu dans lequel il faut que ce soit gagnant gagnant. Chacun fait une partie du chemin.
Q.- Vous déciderez quand de la présence du représentant de l'Etat à la table de négociations de la SNCF ?
R.- C'est dans la journée, en fonction des évolutions qu'on aura mercredi.
Q.- A cette heure-ci, ce n'est pas acquis ?
R.- Ce n'est pas que ce n'est pas acquis, c'est qu'on a toujours été très clair là-dessus...
Q.-...On le déduit de vos propos. A cette heure-ci, il n'est pas certain qu'un représentant de l'Etat soit autour de la table de la négociation à la SNCF ?
R.- On a toujours été très clair là-dessus en disant : il faut qu'il y ait une dynamique de reprise du travail parce que si jamais on veut aboutir à une discussion et qu'on se retrouve tous autour de la table, il faut que chacun fasse un bout du chemin, c'est normal.
Q.- Cette dynamique n'est pas satisfaisante ce matin ?
R.- Non, au contraire, ce qui est intéressant c'est qu'on voit bien qu'il y a précisément petit à petit cette logique de négociations dans les entreprises qui se met en place. Alors, pour les usagers, cela semble un peu surréaliste parce que cela ne se traduit pas encore complètement sur le terrain. Mais il y a des chiffres. D'abord, hier, parce qu'on avait quatre entreprises qui étaient en grève, EDF, GDF, SNCF et puis RATP ; EDF, GDF, ils ont fait, hier, la négociation dans les entreprises et ça a bien marché. Les syndicats sont sortis en disant : "c'était positif". Deuxième chose, si l'on prend les évolutions du nombre de grévistes : la semaine dernière 73% ; milieu de semaine 61% ; aujourd'hui 26%, et on a même une tendance à la baisse. Et puis, dernier point quand même ...
Q.- C'est un peu contradictoire avec ce que vous dites. Donc la reprise du travail est satisfaisante ? Pourquoi ? Donc, la reprise du travail est satisfaisante alors ? Donc, il y aura un représentant ? La question est précise : est-ce que demain, il y aura un représentant de l'Etat à la table de la négociation de la SNCF, oui ou non ?
R.- Si la tendance qu'on observe aujourd'hui se confirme, oui.
Q.- Et c'est un représentant de quel niveau ? De quel statut ? C'est qui ?
R.- Pour l'instant, il faut que vous nous accordiez qu'on laisse un petit peu discuter avec les partenaires sociaux sur cette méthode de la réforme.
Q.- C'est un membre du gouvernement ? C'est un fonctionnaire ? On n'a pas compris...
R.- A ce stade, on ne peut pas vous en dire plus, pardonnez-moi monsieur Aphatie.
Q.- E. Woerth, ministre du Budget, dit aujourd'hui dans Le Parisien que les salariés des services publics ont tort de défiler puisque leur pouvoir d'achat, dit-il, hors augmentation des prix a progressé de 2 % par an. Il a raison, E. Woerth ? Pas de problème de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires ?
R.- Il y a un problème de pouvoir d'achat en France.
Q.- Pour les fonctionnaires ?
R.- La deuxième chose que dit E. Woerth, c'est que si vous prenez la masse des salaires dans la fonction publique, toutes générations confondues, tout le monde, que vous divisez par le nombre de fonctionnaires, on observe une diminution. Mais ce qui compte, ce n'est pas ça. Ce qui compte, c'est fonctionnaire par fonctionnaire. Votre feuille de paie quand vous la regardez chez vous, est-ce qu'il y a une augmentation ou non ? Et là, il y a eu un effet, c'est qu'on a eu un gros départ à la retraite de fonctionnaires qui étaient âgées, donc avec des salaires plus importants, et au contraire, une arrivée de jeunes générations qui, eux, sont un peu moins payés parce qu'ils débutent leur carrière. Donc, il y a un débat qui est un débat entre, d'une part, le Gouvernement et d'autre part, les partenaires sociaux pour dire : quelle est l'ampleur ou non de la réalité de l'évolution du pouvoir d'achat des fonctionnaires ? C'est quand même - pardonnez-moi, et d'ailleurs E. Woerth le dit - un peu surréaliste, c'est-à-dire que même déjà sur l'évaluation, on n'arrive pas, dans ce pays, à être à peu près au clair. Le deuxième point qu'E. Woerth veut faire bouger, c'est de dire : aujourd'hui, les négociations des salaires dans la fonction publique depuis une vingtaine d'années, c'est un seul point : le point d'indice. On ne négocie que là-dessus, on ne s'étripe que là-dessus. Et pourtant, il y a d'autres sujets qui sont possibles. Est-ce qu'on peut mettre un plan de revalorisation au niveau de l'Education nationale ? Est-ce qu'on peut faire des efforts pour les catégories C ? Les fonctionnaires sont amenés à faire beaucoup de mobilité. Comment est-ce qu'on fait pour que concrètement, quand vous avez un ménage d'un couple de fonctionnaires qui bougent, que cela se passe bien et qu'il n'y ait pas un surcoût dans le budget de la famille ? C'est toutes ces questions-là qui sont rarement abordées et qui sont pourtant dans la vie quotidienne des fonctionnaires.
Q.- Généralement, L. Wauquiez, pour le Gouvernement dont vous êtes le porte-parole, est-ce qu'il y a un problème de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires ?
R.- Il y a un problème de pouvoir d'achat pour les Français.
Q.- Non, ma question c'est pour les fonctionnaires. Là, c'est les fonctionnaires qui vont défiler aujourd'hui. Est-ce qu'il y a un problème de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires ?
R.- D'abord, on ne cache pas les choses puisque vous le savez, à partir du 3 décembre, il y aura une négociation avec les partenaires sociaux sur la question du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Donc, évidemment, ça fait partie des sujets qui sont sur la table, E. Woerth l'a toujours clairement dit.
Q.- Donc, il y a un problème de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires ?
R.- La question n'est pas de savoir s'il y a un problème, la question est de savoir si on est capable, ensemble, de trouver des solutions.
Q.- D'accord. Sans doute, dans les manifestations aujourd'hui, on parlera beaucoup du salaire du président de la République qui, lui, l'année prochaine, n'aura plus de problème de pouvoir d'achat. Qu'est-ce que vous répondez ?
R.- Je réponds que je trouve que là vous faites un peu de démagogie, ce qui ne vous ressemble pas. Si je peux me permettre ...
Q.- Vous écouterez les manifestants aujourd'hui, vous leur direz qu'ils font de la démagogie !
R.- Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Je vais essayer d'expliquer simplement, parce que je sais que c'est un sujet qui a beaucoup interpellé, beaucoup choqué, on va expliquer clairement. Avant, qu'est-ce qui se passait ? Le président de la République ...
Q.- Ah non, on le sait ! Mais ...
R.- Oui, mais c'est important de le rappeler, vous me posez la question !
Q.-...172%, cela fait beaucoup d'augmentation d'un coup !
R.- Non. Avant, la réalité, c'est qu'il y avait toute une partie du salaire qui était planquée. Maintenant, aujourd'hui, cela se fait clairement, c'est fixé, tout le monde le sait. Première chose. Deuxième chose, si vous comparez avec les autres grands dirigeants européens, on est exactement au même niveau. Donc il n'y a pas eu d'augmentation, il y a eu un passage de rémunération qui était cachée à une rémunération est clairement sur la table, et sur lequel chaque citoyen peut se faire son avis : pour ou contre.
Q.- Le précédent président de la République avait une partie du salaire caché, ça c'est une information !
R.- Mais tout le monde le sait ! C'est qu'au niveau des retraites, et notamment de ses retraites, il cumulait plusieurs retraites qui lui permettaient d'avoir un niveau de rémunération qui était en réalité supérieur. Donc là, le choix du Président, c'est de dire : j'assume en plein jour ce qui est la rémunération du président de la République.
Q.- Confirmez-vous que N. Sarkozy s'exprimera jeudi ou vendredi ?
R.- Vous savez, après un conflit tel qu'on vient de le vivre, tel que nous, on a essayé de le porter, c'est-à-dire à la fois en étant ferme sur ce qu'on voulait faire mais en laissant toujours sa chance à la négociation, il est évidemment légitime que le président de la République puisse intervenir. Et on peut s'y attendre.
Q.- On parle d'un 13ème mois versé aux Français, exonéré de charges sociales pour donner du pouvoir d'achat. Vous pouvez le confirmer ?
R.- Vous vous doutez que si le président de la République intervient éventuellement en fin de semaine, ce n'est pas pour que moi, je grille la priorité.
Q.- Question annexe qui relève du droit de suite : quand est-ce que vous nous donnerez le chiffre du coût du Conseil des ministres décentralisé à Ajaccio ?
R.- Ah oui, c'est vrai qu'il y a toujours cette question pendante !
Q.- Vous nous le donnerez un jour ?
R.- Vous me permettez : moi qui n'habite pas à Paris, je suis toujours choqué quand les Parisiens disent : "quand vous vous déplacez à l'extérieur, ça coûte de l'argent !". C'est sûr que si je reste enfermé dans mon ministère, ça ne coûte rien du tout. Je ne suis pas sûr que le Gouvernement s'en porte mieux.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 novembre 2007