Conférence de presse de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations franco-suédoises, les priorités de la future présidence française de l'Union européenne en matière de réchauffement climatique, immigration et sécurité et sur la grève des transports en France, Stockholm le 23 novembre 2007.

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Circonstance : Déplacement en Suède le 23 novembre 2007-conférence de presse conjointe avec M. Frederik Reinfeldt, Premier ministre de Suède

Texte intégral

Merci Monsieur le Premier ministre.
Mesdames et Messieurs, je voudrais d'abord dire la grande joie qui est la mienne d'être en Suède aujourd'hui. Les relations
entre la France et la Suède, qui ont toujours été bonnes, manquaient d'intensité par le passé. C'est en effet la première
fois depuis sept ans qu'un Premier ministre français se rend en Suède. C'était une erreur.
La France a beaucoup à apprendre de la Suède et d'ailleurs, je le sais bien, moi qui suis venu en tant que ministre des
Affaires sociales en 2003 avec les organisations syndicales françaises pour admirer et nous inspirer de la réforme
remarquable des retraites effectuée par la Suède au début des années 2000. Et je disais au Premier ministre que dans la
réforme que j'ai conduite en 2003 des retraites, nous avons intégré plusieurs éléments inspirés directement de l'expérience
suédoise. Je pense à la fameuse enveloppe orange qui chez nous a simplement changé de couleur.
Depuis un an, les relations entre la France et la Suède se sont renforcées, tout particulièrement depuis l'arrivée de Nicolas
Sarkozy et de la nouvelle majorité en France. Nous avons déjà eu une rencontre entre le président de la République et le
Premier ministre, la venue samedi dernier, pour le séminaire gouvernemental de préparation de la présidence française, du
ministre suédois des Affaires européennes, Madame Malmström, et j'ai le plaisir d'être aujourd'hui en Suède.
Nos économies sont étroitement imbriquées. On ne le sait pas toujours, mais la Suède est le quatrième investisseur étranger
en France ; il y a un peu plus de 90 000 Français qui travaillent dans des entreprises suédoises sur le territoire français,
et la France est le septième client et le septième fournisseur de la Suède et le huitième employeur étranger en Suède. Les
échanges entre nos universités sont en croissance forte et il y a aujourd'hui un petit peu plus de 3000 étudiants français en
Suède.
Aujourd'hui, je suis venu parler au Premier ministre de la présidence française, lui présenter les priorités que nous
envisageons de mettre en oeuvre, et surtout voir ensemble comment nous pouvons assurer la continuité des trois présidences :
française, tchèque et suédoise, tant il est clair que rien ne peut se faire sans une continuité dans l'effort.
Les priorités de la présidence française correspondent assez largement aux priorités évoquées par le Gouvernement suédois
lui-même. Il s'agit d'abord et avant tout de la lutte contre le réchauffement climatique. C'est un domaine dans lequel la
Suède joue un rôle premier. C'est un domaine dans lequel nous avons beaucoup à apprendre de l'expérience suédoise.
Les négociations internationales sur le réchauffement climatique qui vont être lancées par la conférence des Nations Unies de
Bali dans trois semaines, vont se dérouler sous nos deux Présidences. Et le programme législatif de l'Union européenne sur le
climat, qui devrait être connu à la fin du mois de janvier 2008, va être l'un des points forts de la présidence française.
La deuxième priorité que nous avons évoquée concerne les flux migratoires. La Suède connaît aujourd'hui quelque 75 000
demandes d'asile de la part de réfugiés irakiens. Nous avons nous-même, chacun le sait, à faire face à des flux migratoires
extrêmement importants. Nous souhaitons que s'engage une réflexion commune de l'ensemble des pays européens sur une
harmonisation des règles notamment en matière de droit d'asile, en matière de délivrance de visa ou encore en matière de
lutte contre l'immigration clandestine puisque nous sommes sur un territoire sans frontière qui est l'espace de Schengen.
La troisième priorité de la présidence française concerne la sécurité. Sécurité intérieure, sécurité extérieure et en
particulier la défense européenne. La Suède participe aux opérations européennes au Tchad et en République Centrafricaine. Et
je voudrais en remercier le Premier ministre. La Suède est un partenaire majeur de la Politique européenne de sécurité et
défense. Nous voulons travailler avec elle pour réviser ensemble, la stratégie européenne de sécurité et développer la
défense européenne.
Enfin, nous avons évoqué, comme vient de le dire Monsieur le Premier ministre, les questions liées à la coopération
bilatérale. Je disais que nous avions beaucoup à apprendre de la Suède en matière environnementale. La France vient, avec le
Grenelle de l'environnement, de prendre des décisions très importantes pour l'avenir. Nous avons besoin d'acquérir des
compétences et nous allons mettre en place ensemble un groupe de travail qui nous permettra de profiter de l'expérience
suédoise sur toutes les technologies permettant la protection de l'environnement dans le domaine des énergies renouvelables
et dans tous les autres domaines. Et puis enfin, la Suède a été l'un des pionniers de la politique des "clusters", de la
politique des pôles d'excellence. Nous avons nous même engagé un effort dans ce domaine, il y a maintenant deux ans. Nous
allons joindre nos expériences pour renforcer cette politique des pôles d'excellence, qui peut permettre d'ailleurs à
l'Europe d'acquérir des positions de forces sur des domaines correspondant à des technologies nouvelles.
Voilà, il y a donc beaucoup de sujets d'accord, beaucoup de sujets de coopération, une grande identité de vue. Il y a
quelques sujets où l'on a des divergences de vue mais nous allons travailler ensemble aux compromis, qui sont naturellement
au coeur de la dynamique européenne.
QUESTION.- Monsieur le Premier Ministre bonjour. Monsieur Fillon, vous venez de faire l'éloge de la réforme des retraites
suédoises, conduite au début des années 2000.
François FILLON.- Je voudrais savoir, puisque la France sort d'un long conflit et d'une grève de neuf jours, est ce que vous
avez choisi la bonne stratégie pour réformer un pays qui est très attaché aux acquis sociaux et comment qualifiez vous la
méthode ? Etes-vous optimiste sur la suite des autres réformes ?
Bon, c'était forcément la bonne stratégie puisqu'elle en train de réussir. Et d'ailleurs, je ne sais pas quelle autre
stratégie nous aurions pu adopter. La France a longtemps hésité devant les réformes. La France a longtemps hésité en raison
de la faiblesse de son système politique, de la confiance qui n'était pas suffisamment forte par le passé et puis peut-être
d'un dialogue social, certainement d'un dialogue social qui n'était pas suffisamment développé. Nous avons, dans la conduite
de la réforme des régimes spéciaux, montré à la fois la fermeté, la détermination, la volonté de réussir mais en même temps
une grande capacité d'écoute qui a permis aux organisations syndicales de trouver, malheureusement après neuf jours de
conflit, la voie des négociations.
Finalement, ceux qui ont été les plus pénalisés pendant ces neuf jours, ce sont les Français qui n'ont pas trouvé de
transports. Ce sont les Français qui ont du se battre dans des conditions parfois invraisemblables, indignes d'un pays
moderne comme le nôtre pour aller au travail. Et je voudrais dire tout mon respect et mon admiration pour ces Français qui
malgré tout, n'ont jamais faibli dans leur soutien, finalement, à l'effort de réformes que nous avons engagé. Et je souhaite
que les entreprises de transports, aussi bien la SNCF et la RATP, mettent en oeuvre des politiques commerciales ambitieuses
pour venir en aide à tous ceux qui ont vécu neuf jours de galère, que j'espère nous ne connaîtrons plus à l'avenir surtout si
nous sommes capables de nous inspirer de l'expérience suédoise en matière de dialogue social.
Parce qu'au fond, le véritable enseignement de ces crises à répétition, il est dans la nécessité de moderniser le dialogue
social. En Suède, il y a des syndicats puissants responsables, avec lesquels on peut conduire un effort de réforme. Enfin, je
parle au nom du Premier Ministre suédois qui aura peut être une idée différente sur les choses. Mais en tout cas vu de
l'extérieur, c'est comme ça que nous voyons la situation.
Eh bien il faut qu'en France progressivement, le dialogue social s'inspire de ces expériences notamment des pays d'Europe du
Nord, qui sont capables d'avancer plus vite parce qu'ils ont un dialogue social qui est plus responsable et plus confiant.
QUESTION.- Sur les récentes grèves. Quel est l'effet économique de ces grèves ?
François FILLON.- Il y a un effet sur l'économie incontestablement qui est en train d'être chiffré. Heureusement la page est
tournée, la grève est terminée, les choses sont en train de se remettre en place et il est incontestable qu'un pays qui est à
la recherche d'un point de croissance supplémentaire n'a pas besoin de multiplier les conflits de ce type s'il veut atteindre
son objectif.
Question en suédois...
François FILLON.- En réalité il n'y a pas de désaccord en ce qui concerne nos deux Présidences, je pense vraiment qu'il y
aura une grande harmonie entre le programme de la Présidence française et le programme de la Présidence suédoise. Les
désaccords que nous pouvons avoir et en tout cas les différences de point de vue, elles sont connues. Elle concerne notamment
l'élargissement. La Suède est favorable à un élargissement très large et très rapide. La France a des réticences à ce que
l'élargissement se poursuive au rythme où il a été engagé par le passé. Nous pensons d'ailleurs que le « non » français au
traité constitutionnel a été largement inspiré par une inquiétude des Français devant une politique d'élargissement qui ne
semblait ne pas avoir de limites. Et donc nous souhaitons, dans le respect des positions de chacun et dans le respect des
engagements pris dans le passé, qu'on engage une réflexion tranquille, sereine, une réflexion de fond sur le projet européen
à long terme, l'identité de ce projet et les frontières de l'Europe.
Questions en suédois sur la différence de position entre la France et la Suède sur l'adhésion de la Turquie
François FILLON.- Nous, nous avons clairement dit que nous étions prêts à ouvrir tous les chapitres concernant l'adhésion de
la Turquie qui ne présageaient pas de la décision finale. C'est à dire tous les chapitres qui concernent les sujets
économiques, les sujets culturels mais pas les institutions.
Au fond, nous voulons que le travail mené en commun entre l'Union européenne et la Turquie se poursuive dans le sens d'un
rapprochement de la Turquie de l'Union européenne, dans le sens d'une progression de la Turquie sur tous les sujets sur
lesquels une progression lui est demandée. Mais qu'on ne présage pas de la décision finale. Et dans cet esprit, nous sommes
prêts, notamment au prochain conseil européen, à ouvrir de nouveaux chapitres s'agissant de la demande d'adhésion de la
Turquie qui ne présagent pas de la décision finale, c'est à dire qui ne présagent pas de la question de savoir si la Turquie
adhérera à l'Union européenne ou si elle aura un statut d'association privilégiée à l'Union européenne.
QUESTION.- Monsieur Fillon, en France en ce moment, on commence à réfléchir, enfin vous commencez à réfléchir aux questions
concernant le pouvoir d'achat. Est-ce qu'il y a dans le modèle suédois des réponses ou des idées qui pourraient concerner ce
secteur là ?
François FILLON.- Je ne sais pas. Il faut demander à Monsieur Reinfeldt s'il y a des idées sur le pouvoir d'achat dont nous
pourrions nous inspirer (rires). En tout cas il y a dans le modèle économique et social suédois beaucoup d'exemples à suivre.
L'économie suédoise est compétitive. Elle l'est plus qu'elle ne l'a été. C'est grâce aux réformes qui ont été conduites. Et
quand on regarde le taux de croissance, le taux de chômage de l'économie suédoise, nous avons beaucoup à apprendre. Et
l'exemple suédois est pour nous un exemple tout à fait encourageant.
QUESTION.- Quelles sont les mesures que compte prendre le gouvernement français à ce sujet ?
François FILLON.- Vous attendrez un petit peu pour voir quelles sont les mesures que nous allons prendre. Mais enfin, on voit
bien qu'on travaille sur les mêmes sujets. On travaille sur le marché du travail, comment rendre le marché du travail plus
fluide. Ca nécessite notamment une révision du contrat de travail auquel les partenaires sociaux en France sont en train de
réfléchir, la baisse de la fiscalité quand elle handicape l'entreprise en termes de compétitivité, l'augmentation des
dépenses de recherche, d'innovation, l'amélioration du niveau de notre système de formation, l'autonomie des universités...
toutes ces mesures là sont des mesures que la Suède comme tous les pays qui ont réussi ont, depuis longtemps, choisi de
prendre.
Question en suédois sur le référendum sur l'adoption de l'Euro que le Gouvernement danois a annoncé vouloir mettre en place
dans les quatre prochaines années.
François FILLON.- Moi je ne peux que me réjouir de la décision que vient de prendre le Premier ministre danois.
Et penser que selon la date de ce referendum, la présidence française et la présidence suédoise vont être terriblement
animées, puisqu'il s'agit là d'un élément supplémentaire de changement, d'évolution, qui se profile pour les dix huit mois
prochains.
QUESTION.- Monsieur le Premier ministre, vous disiez qu'il y a quatre ans, vous étiez venu pour un voyage d'étude sur les
retraites. Est-ce que cette fois ci, est ce qu'en matière de contrat de travail, puisque c'est l'un de vos premiers
chantiers, il y a des choses qui vous ont intéressé dans les choses que vous avez pu voir ici ? Est-ce qu'il y a un modèle
suédois en matière de contrat de travail et de flexibilité comme il y a un modèle danois dont on parle souvent ?
François FILLON.- Franchement je n'ai pas eu l'occasion depuis que je suis arrivé, compte tenu de la densité des échanges que
nous avons eus sur la politique européenne et sur nos deux Présidences, de m'intéresser au contrat de travail suédois. Bon,
je sais simplement que la Suède comme le Danemark a beaucoup reformé son système, en particulier le Premier Ministre et sa
majorité pour donner plus de fluidité au marché du travail et donner plus de sécurité aux salariés. Donc ce concept de
flexsécurité qui porte la marque des pays d'Europe du nord c'est un concept sur lequel nous travaillons.
C'est d'ailleurs pour ça que nous avons décidé de fusionner l'agence nationale pour l'emploi et l'UNEDIC, c'est à dire
l'organisme qui s'occupe d'indemniser les chômeurs, de la même façon je crois que la Suède a fusionné, il y a quelque temps
son agence nationale pour l'emploi et ses agences régionales. Vous voyez qu'on suit les mêmes voies et les mêmes chemins.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 novembre 2007