Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, à "RTL" le 22 novembre 2007, sur la grève dans les transports publics et la réforme des régimes spéciaux de retraite.

Prononcé le

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, D. Bussereau.

R.- Bonjour, J.-M. Aphatie.

Q.- Vous avez été pendant cinq ans ministre de J. Chirac. Comment réagissez-vous à sa mise en examen ?

R.- Ecoutez, il n'est pas de coutume qu'un membre du Gouvernement commente une procédure judiciaire. Voilà, pour J. Chirac qui a été le Président dont j'ai été le ministre, j'ai le plus grand respect et ce sera le seul commentaire que je ferais sur votre antenne.

Q.- "Ca relève de l'inquisition politique", dit J.-P. Grand, député UMP. Il sous-entend : voilà, c'est la poursuite du conflit Sarkozy- Chirac.

R.- Ecoutez, je crois que c'est pas le sujet qui intéresse les Français en ce moment.

Q.- Alors, ce qui les intéresse, c'est la grève des transports. C'est fini, D. Bussereau ?

R.- J'espère. En tout cas, les choses vont un peu moins mal, ce matin, à la SNCF. C. Hondelatte a donné, à l'instant, les prévisions de trafic. Elles sont tout à fait exactes. On pense que dans la journée, les choses vont aller mieux. Encore, demain vendredi, pour ceux qui travaillent. Pendant le week end, ça c'est les chemins de fer, la SNCF.

Q.- RATP, ça a l'air plus dur !

R.- RATP, c'est un peu plus dur. Ca va mieux dans le métro. Ca va mieux dans les bus : près de 60%, sur les trois lignes de tramway de la région parisienne. Où c'est compliqué encore, c'est les deux grandes lignes transversales Est-Ouest, et Nord-Sud de RER où là, le trafic est encore, à l'heure actuelle, faible. J'ai espoir, peut-être dans la journée, les choses iront mieux !

Q.- Donc, vous êtes optimiste, ce matin. On peut dire que la grève est presque finie ?

R.- Ecoutez, le dialogue qui s'est déroulé, hier, dans les deux entreprises : à la RATP, le matin ; à la SNCF, l'après midi, avec tout un processus maintenant de réunions jusqu'à la mi-décembre, a été un dialogue constructif. Les gens se sont écoutés. Ca a été un dialogue transparent. Il y a tout un processus de tables-rondes. Le président de la République a dit devant les maires de France : "Il faut savoir arrêter une grève" !

Q.- Comme le disait M. Thorez...

R.- Ces négociations vont durer jusqu'à la mi-décembre. On n'imagine pas que la grève continue. Naturellement, pensons à la galère de toutes celles et tous ceux qui nous écoutent, en particulier les Franciliens, mais pas seulement. Et c'est quand même plutôt en Ile-de-France que les choses sont plus difficiles avec la conjonction RATP/SNCF.

Q.- Hier, lors de la table-ronde à la SNCF, le représentant du ministère du Travail qui y siégeait, a indiqué qu'il acceptait d'évoquer - c'est le verbe qu'il a choisi - les grands principes du dossier de la réforme des régimes spéciaux de retraite, à savoir : l'allongement de la durée des cotisations, l'indexation des pensions sur l'évolution des prix et l'introduction des décotes. "Evoquer", ça veut dire, D. Bussereau, que ces principes-là pourraient évoluer ?

R.- Non. Ce qui a été dit, hier, c'est qu'on regardait tous les aspects de la réforme.

Q.- Y compris ces principes-là ?

R.- Chacun connaît les principes de la réforme. On ne va pas revenir dedans.

Q.- Non !

R.- Mais il a été dit également que ces principes pouvaient être évoqués dans les discussions. Donc le calendrier...

Q.- Est-ce qu'ils peuvent évoluer, ces principes ?

R.- Les principes peuvent être évoqués. C'est-à-dire qu'on en parle, voilà.

Q.- C'est : cause toujours, tu m'intéresses !

R.- Non, non, non. Ce n'est pas ça. C'est pas l'esprit de ces négociations.

Q.- Est-ce qu'ils peuvent évoluer, ces principes ? La question est précise, D. Bussereau.

R.- Non, non, mais j'entends bien !

Q.- Est-ce que ces trois principes peuvent évoluer ?

R.- Il y a trois principes de la réforme que j'ai rappelés tout à l'heure et qui sont clairs, et que chacun connaît : les 40 ans, etc. Ensuite, on discute de l'application de tout ça. Donc, on évoque ces principes mais on est dans l'application et pas dans la remise en cause de ces principes.

Q.- Donc, ils n'évolueront pas ces principes, nous sommes d'accord ?

R.- Ecoutez, je ne vais pas faire la...

Q.- C'est important, vous savez ! Les mots sont importants.

R.- Attendez ! Les mots sont importants. Mais je voudrais faire deux remarques. La première : c'est que le ministre du Travail, X. Bertrand, qui est en charge de ce dossier et c'est à lui de donner les instructions. Deuxièmement : tout est discutable dans ces tables-rondes mais on ne revient pas sur les principes de la réforme. Mais on rentre dans des sujets précis. Qu'est-ce que c'est les sujets précis ? C'est la pénibilité. C'est les salaires. C'est les fins de carrière. C'est l'âge de la retraite, l'âge couperet etc. Et quand je regarde le tableau des négociations dans les deux entreprises, que P. Mongin et A.-M. Idrac m'ont fait passer, hier, dans la journée, c'est du solide, c'est du concret. Ca recommence lundi matin à la RATP jusqu'au 13 décembre. Ca recommence le 29, donc dans une semaine, à la SNCF jusqu'au 18 décembre. Et il va y avoir du travail concret de fait.

Q.- Donc, on ne revient pas sur les principes. Et qu'a dit D. Le Reste en sortant, hier, de la table-ronde de la SNCF : "Nous avons des engagements sur les mesures salariales" ? Ca va coûter chère, cette réforme, D. Bussereau ?

R.- Vous savez, ce qui coûterait cher, c'est de ne rien faire.

Q.- Oui, mais en faisant quelque chose, ça peut coûter cher aussi ?

R.- Attendez ! Quand on fait quelque chose, ça a toujours des conséquences...

Q.- Ca va coûter cher !

R.- Attendez, si vous me permettez d'aller jusqu'au bout. Ce qui aurait coûté cher, c'est de ne rien faire. C'est-à-dire de laisser le système dans la situation actuelle, de laisser le budget de l'Etat ou d'autres formes de financement venir compenser un régime de retraite qui n'était plus adapté à la situation actuelle. Ca, ça va être réformé. Et donc, on sera dans une situation normale et un meilleur équilibre et une meilleure solidarité. Ensuite, à l'intérieur des entreprises et des chiffres ont été cités pour la SNCF en particulier, mais aussi à la RATP, eh bien en effet, les entreprises vont mettre, comme l'a dit A.-M. Idrac, hier... Elle a une belle expression. Elle a dit : "J'ai du grain à moudre".

Q.- "Je ne serai pas pingre" !

R.- Il y aura du grain à moudre. C'est-à-dire que les problèmes des salariés sont traités.

Q.- Et ça veut dire que les usagers vont payer plus cher le billet de train ?

R.- Attendez ! Attendez ! Attendez ! D'abord, il faut bien voir deux choses. Le prix du billet de train, c'est une chose ; mais la SNCF est en concurrence. Donc, si la SNCF sur un trajet Paris-Bordeaux, augmentait le prix de son billet d'une manière ridiculement élevé, il y aurait des choix d'autres modes de transport, soit la voiture individuelle, soit l'avion. N'oublions pas que la SNCF a de la concurrence, y compris pour le frêt où il y a déjà des opérateurs privés sur le réseau français. La RATP, elle, elle est moins en concurrence parce que la seule concurrence, c'est la difficulté de la voiture individuelle. Voilà. J'ajoute également, puisque vous parlez des clients, des usagers, que moi ce qui me chagrine actuellement, c'est que ça coûte cher. J'écoutais tout à l'heure sur votre antenne un auditeur - c'est à 6h52 - qui disait : ça me coûte 20 euros par jour. Ce qui veut dire qu'aujourd'hui, les plus touchés par ce problème de grève, ce sont les plus modestes. Celui qui a les moyens d'avoir les moyens de circulation, etc... Ce sont les plus modestes. Ceux qui habitent le plus loin de Paris qui sont le plus touchés. Les gens qui prennent le TER, qui habitent le plus loin des agglos ; et il faut aussi que les syndicalistes qui discutent pensent à ces Français modestes qui souffrent actuellement et pour lesquels, ça coûte beaucoup d'argent.

Q.- Mais la philosophie de la question, c'était que quand on nous annonçait cette réforme des régimes spéciaux de retraite pour économiser de l'argent sur le régime général, et ça risque quand même de coûter cher, par ailleurs, à la fois à l'usager...

R.- Ca économisera de l'argent sur le régime général...

Q.-... Et pour le paiement des pensions qui seront valorisées.

R.-... Mais que les entreprises regardent, par exemple, la possibilité pour un salarié qui travaillera plus longtemps, que sa fin de carrière soit mieux payée ou qu'il ait moins de pénibilité en fin de carrière, ça me paraît un bon thème de négociation. On en parlera à la RATP, on en parlera à la SNCF.

Q.- Beaucoup d'actes de malveillance ont été constatés, hier, sur les voies. Vous rechercherez sérieusement les auteurs de ces actes au risque de créer du désordre à l'intérieur de l'entreprise SNCF, D. Bussereau ?

R.- Ecoutez, moi je suis fils et petit-fils de cheminots... Et ce que j'ai toujours entendu durant mon enfance et mon adolescence dans ce milieu de la SNCF que je connais bien, c'est qu'on ne touchait jamais l'outil de travail ; même pendant la Résistance, quand les cheminots faisaient sauter des trains pour retarder les renforts allemands sur le Mur de l'Atlantique, ils faisaient attention à ne pas remettre en cause l'outil pour l'avenir et la reconstruction du pays.

Q.- Et là, les enquêtes aboutiront ?

R.- Donc, les enquêtes devront aboutir parce que ça a entraîné la colère générale des clients de la SNCF, des usagers, de tous les Français et puis des cheminots. Moi j'ai entendu, hier, B. Thibault dire : "c'est inqualifiable". J'ai entendu D. Le Reste, dire : "Ce sont des actes de lâches". Et tout ça c'est une réaction saine. La grève, c'est la grève. Il faut qu'elle cesse. Mais le sabotage, l'exaction, c'est pas possible, pas dans une société civilisée ; et c'est pas digne des cheminots.

Q.- Vous avez des indices pour en retrouver les auteurs déjà ? Parce que c'est pas facile...

R.- Ecoutez, l'enquête est menée. Le président de la République, hier, en Conseil des ministres, a demandé à M. Alliot-Marie, à R. Dati de mettre tous les moyens. Et tous les moyens seront mis.

Q.- On en reparlera. D. Bussereau, pour qui la grève est presque finie !

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 novembre 2007