Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, bonsoir. Bienvenue en Israël.
R - Merci.
Q - Monsieur le Ministre, qu'attendez-vous à Ramallah ? Quelle est la clé pour réussir la semaine prochaine à Annapolis ?
R - La clé, c'est dans la bonne volonté politique des deux parties, pas seulement Ramallah, mais aussi Jérusalem et Tel Aviv.
Je pense que la clé, voyez-vous, c'est de ne pas compliquer la situation avec des demandes extérieures, avec des demandes historiques, avec des demandes précises venues des alentours.
La clé c'est que les deux hommes, Ehud Olmert et Mahmoud Abbas, soient libres de proposer à Annapolis, la semaine prochaine, d'abord un espoir pour les Palestiniens, sous la forme d'un Etat palestinien et puis, évidemment, le début d'un long travail de mise au point sur tous les problèmes importants, brûlants, difficiles. Cela a déjà été tenté, à Oslo, à Madrid, à Genève. Il y a des documents par centaines et par milliers.
Maintenant, il faut la volonté politique des Israéliens, des Palestiniens, et de la communauté internationale dans son ensemble pour que quelque chose, comme l'espoir d'un Etat palestinien, se passe à Annapolis et, aussitôt après, la Conférence de Paris, pour donner une vraie matière, évidemment de l'argent, mais aussi des vrais projets pour cet espoir.
Q - Quand vous dites "la bonne volonté politique", cela veut dire quoi précisément ? Que faut-il faire pour garantir la réussite ?
R - Je vous l'ai dit : il faut avoir la volonté de dire qu'un Etat palestinien existera, qu'on salue son existence dès maintenant, même s'il est imparfait, même si on n'en connaît pas bien les frontières, le contenu. La sécurité pour Israël, bien sûr, aussi. Si on veut faire cela, c'est le moment. Il n'y en aura pas d'autre. Je trouve que c'est désespérant si on perd espoir. Tout ne sera pas fait à Annapolis. Et la suite ce n'est pas seulement la conférence des donateurs, de l'argent à la conférence de Paris, c'est la volonté de changer les conditions des Palestiniens et de donner une vraie sécurité à Israël. Il y aura beaucoup d'autres choses à faire. Mais donner un aspect positif, si vous voulez, cela va illuminer le reste.
Q - Concernant la sécurité d'Israël, nous sommes très inquiets, dans ce pays, de la menace iranienne. Chacun en parle. Qu'en pensez-vous ? Comment faire face à ce projet nucléaire de Téhéran ?
R - Ne mélangeons pas les problèmes. Je parle d'Annapolis, de l'espoir palestinien et de l'espoir israélien. Si on fait cela, si on donne de l'espoir à cette région - et peut-être même devrait-il comprendre le Liban, parce que l'élection libanaise est avant Annapolis -, si on donnait de la consistance à cet espoir, alors ce serait beaucoup plus simple de faire face à une éventuelle menace à Téhéran.
Q - Concernant les trois soldats israéliens enlevés, deux au Liban et Gilad Shalit, le citoyen français à Gaza, y a-t-il une chance d'avoir quelque chose ?
R - Je l'espère, nous en parlons toujours. Nous essayons pour les deux soldats au Liban et pour Gilad Shalit. Mais, s'il vous plaît, donnez de l'espoir à ceux qui deviendront soldats. Arrêtez de compliquer les choses. Je ne dis pas que les trois prisonniers ne soient pas importants, ils sont très importants. Mais si vous ne voulez pas qu'il y ait d'autres prisonniers et d'autres combats, réussissons Annapolis, réussissons l'Etat palestinien, qu'il y ait deux Etats côte à côte et ce sera plus facile pour tous les rapports. Nous n'avons rien à perdre, tout à gagner.
Q - Monsieur le Ministre, vous êtes le bienvenu en Israël. Vous sentez la différence, parce qu'avant, la France n'était pas si aimée dans ce pays. Mais là, vous êtes ici, votre président, vous êtes aimés, vous êtes appréciés.
R - Je vous remercie. Cela me fait plaisir. Cela me fait plaisir pour la France. Je crois que c'est vrai. Oui, il y a une différence. Mais, vous savez, il n'y a pas de différence de choix. Nous aimons les Israéliens, nous aimons le peuple palestinien. Nous ne faisons pas de choix. Nous voulons deux Etats, mais l'Etat d'Israël existe et il n'y a pas encore d'Etat palestinien. Il y a une entente et peut-être un espoir avec la participation de la France, si on peut. Mais nous ne faisons pas de choix. Je vois la différence, je la ressens. Vous savez, être vraiment les amis des Israéliens, cela nous donne vraiment la possibilité d'être les amis des pays arabes. Ce n'est pas l'un ou l'autre, je crois.
Q - Mais en dehors du Moyen-Orient, on sent un élan de la politique française. Qu'est-ce qui a changé ?
R - Ce qui a changé, c'est que si on se donne du mal, si on veut être auprès des gens, si on veut essayer de les écouter, si on veut essayer de leur parler, de les saisir, d'être à côté d'eux, cela prend du temps mais on obtient des résultats. C'est un effort que j'appelle très modestement la diplomatie moderne : être au côté des gens, les comprendre et ne pas se limiter à des visions théoriques, des politiques pro-arabes, des politiques pro-israéliennes, des politiques anti-américaines, des politiques pro-américaines. La réalité nous suffit, elle est difficile. Si on peut mélanger la diplomatie traditionnelle avec ce qu'on apprend auprès des hommes et des femmes, de leurs souffrances, de leurs espoirs, on peut appeler cela une démarche humanitaire. Je n'ai jamais fait une grande séparation entre la volonté humaine et la volonté politique, mais je me trompe peut-être.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2007