Interview de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, à "Europe 1" le 21 novembre 2007, sur le conflit à la SNCF et la RATP concernant les régimes de retraite, le début des négociations, le sabotage sur les lignes de TGV et l'unité syndicale.

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Média : Europe 1

Texte intégral

 
 
 
 
 
J.-P. Elkabbach C'est la première fois que vous parlez depuis une semaine et c'est vrai que dans un tel conflit social, chaque jour compte. Bonjour et bienvenu.
 
R.- Bonjour.
 
Q.- Vous êtes arrivé comment ?
 
R.- En moto.
 
Q.- Et c'est vous qui pilotez ?
 
R.- Ah non, ce n'est pas moi qui pilote.
.
Q.- Donc depuis le début du conflit, vous circulez en moto ?
 
R.- Oui.
 
Q.- Avant d'entrer dans les problèmes qui concernent la négociation, cette dernière information : G. Pépy a annoncé dans le journal de C. Charles qu'il y avait eu des actions coordonnées de sabotage sur les lignes de TGV, de train à grande vitesse, des réseaux Est, Atlantique, Nord et Sud-Est. Et notre représentant à Lille vient de dire qu'il y a des actions également à Cambrai et à Valenciennes. Qu'est-ce que vous en pensez ?
 
R.- J'apprends cette nouvelle il y a quelques secondes, c'est vous qui me l'apprenez. S'il s'agit effectivement d'actes de sabotage, c'est-à-dire délibérément de dégrader les installations ferroviaires en période revendicative, de conflit social, je considère d'une part que ce sont des actes inadmissibles et surtout destinés à porter le discrédit sur une profession. Et il est évident que non seulement la CGT ne peut être partie prenante de ce genre d'actes mais les condamne de manière tout à fait claire.
 
Q.- Mais à votre avis, qui est derrière une action qui pourrait être coordonnée ?
 
R.- Je ne sais pas. Il est évident que ceux qui sont auteurs, est-ce une provocation ? Est-ce une manipulation ? Je n'en sais rien à ce stade. Nous verrons bien, mais là on veut nous faire sortir, manifestement, du sujet qui est au coeur de ce conflit, qui est l'avenir des retraites.
 
Q.- Et ça, vous n'en sortirez pas par ces moyens-là, si je comprends bien ?
 
R.- Non, nous ne laisserons pas éloigner, et je pense que les cheminots dans leur grande majorité comme les agents de la RATP, comme les électriciens et gaziers, ne se laisseront pas éloigner de leurs revendications sociales.
 
Q.- Est-ce que vous n'aviez pas pressenti cela ? Hier, dans une note adressée aux grévistes cheminots, vous avez dit, je vous cite, "attention à la prétention des responsables politiques à conduire un mouvement qui a un caractère syndical et social". Qui sont, dans votre esprit, ces hommes politiques qui sont des pyromanes et qui ont intérêt à attiser le feu, comme vous le dites ?
 
R.- De responsables politiques, à chacun d'être attentif aux déclarations des uns et des autres.
 
Q.- Ça veut dire ? Vous les voyez à l'UMP, vous les voyez au Parti socialiste, au Parti communiste ? Vous les voyez...
 
R.- Vous êtes trop fin observateur pour ignorer totalement ce que j'évoque par cette déclaration. Mais je demande aux cheminots d'être attentifs, aux agents de la RATP aussi. Un mouvement de caractère syndical et social relève d'abord des intéressés, de leurs organisations syndicales. Ce n'est pas la première fois, ce n'est pas une nouveauté dans le combat syndical qu'il y ait des tentatives d'instrumentalisation à des fins politiques de mouvement social. Si l'on ne veut pas être dévoyé du sujet, il faut être attentif à cela et il est de la responsabilité des dirigeants syndicaux, lorsque que ça se produit, non pas de renoncer à nos objectifs parce que nos objectifs demeurent. On va aborder sans doute le coeur du sujet.
 
Q.- On y arrive...
 
R.- Mais d'être attentifs à tout ce qui peut, encore une fois, nous éloigner des objectifs revendicatifs.
 
Q.- La négociation commence donc cet après-midi à la SNCF avec vos délégués CGT. Cette fois, la CGT entre dans la négociation. Est-ce que le signe que cela progresse ? Hier dans cette même note aux cheminots CGT, vous leur avez dit, "évitez l'enlisement dans un mouvement minoritaire, long et politisé". Politisé, on voit, vous venez de l'expliquer ; l'enlisement, c'est-à-dire qu'il faut y aller dans la négociation ?
 
R.- Bien sûr ! Mais attendez, on réclame la négociation depuis le départ ! Et moi, je voudrais dire que si l'on avait écouté la CGT en son temps, on n'en serait pas là. Qu'est-ce que vous voulez, lorsqu'un Premier ministre passe à la télévision pour annoncer qu'une réforme des régimes spéciaux de retraite est prête et qu'il y a plus qu'à attendre le feu vert du président de la République pour la mettre en oeuvre, il ne faut pas s'étonner que ça coince immédiatement. Il est totalement inacceptable, je le dis à propos de la réforme des régimes spéciaux, comme je le dis à propos de ce qu'on appelle le rendez-vous des retraites 2008, si le Gouvernement, comme axe de conduire générale, a l'intention, sur les sujets sociaux, de décréter d'abord et de discuter ensuite, il ne faudra pas s'étonner que se multiplient les sujets et les situations de conflit.
 
Q.- Là, ce sont les premiers enseignements mais d'arriver aux enseignements, voyons le fond des sujets, la négociation de cet après-midi. D'ailleurs, entre nous, vous aviez réclamé une réunion à trois, avec un représentant de l'Etat...
 
R.-...Et nous l'avons obtenu.
 
Q.- Il sera présent. Vous aviez demandé un peu de temps. D'ailleurs, puisqu'on liquide tous ces problèmes, il y a une semaine vous aviez réclamé des réunions tripartites avec le Gouvernement. X. Bertrand vous a répondu oui, vous a même écrit.
 
R.- Pardonnez-moi, mais il y a bien plus d'une semaine. C'est dès le début du processus que nous avons réclamé une négociation tripartite. Au plan, alors d'une part, au départ, dans chacun des régimes spéciaux parce que de tout temps, puisqu'ils sont spéciaux, il faut aussi rappeler qu'ils ont leurs propres caractéristiques, ils ne sont pas tous identiques. C'est pour ça qu'il est peut-être aberrant, et il demeure aberrant de notre point de vue, de prétendre appliquer des mesures uniformes dans des régimes de retraite qui ont chacun leurs spécificités.
 
Q.- Maintenant vous entrez entreprise par entreprise dans la négociation. Mais la gauche, le centre, etc., vous reprochent, d'ailleurs à tous, d'avoir perdu huit jours. Pourquoi ça a traîné ? Est-ce que vous auriez été prêts à arrêter et à discuter il y a huit jours, vous ?
 
R.- Encore une fois, les partis politiques fassent de la politique et qu'ils laissent aux responsables syndicaux, aux organisations syndicales, le soin de porter les revendications. C'est notre mission vis-à-vis de quel que pouvoir et direction d'entreprise que ce soit. C'est nous qui avons, je pense, responsabilité de porter les revendications des salariés en toute circonstance et il revient aux organisations syndicales, avec les salariés concernés, de décider des actions, des formes d'action, du temps...
 
Q.- Et peut-être même de la manière de finir une grève. Aujourd'hui la grève, elle devient minoritaire. En tous cas plus minoritaire que la veille. Avec les négociations qui commencent aujourd'hui, est-ce que vous demanderez assez vite et formellement, la reprise totale du trafic et du travail ?
 
R.- Il est évident que les deux rendez-vous d'aujourd'hui, vous savez que la situation a évolué ces derniers jours. On a eu d'une part une première réunion d'installation de la négociation pour l'évolution du régime des électriciens et des gaziers, qui s'est tenue lundi. Il y a maintenant un programme de discussions qui est calé et la discussion, la négociation va pouvoir poursuivre.
 
Q.- Et cet après midi ?
 
R.- Cet après midi, il faut absolument que la réunion d'installation, aussi bien pour la RATP que pour la SNCF, permette d'asseoir le processus, à savoir que nous allons pouvoir aborder tous les aspects concernant l'évolution des droits à la retraite dans chacun des régimes, sans préalable d'un côté ou de l'autre.
 
Q.- Et sujet après sujet, mais quels seraient ce soir, quand ce sera terminé, avant d'autres actions, les premiers signes encourageants pour la CGT ?
 
R.- Chacune des délégations de la CGT - puisque ces négociations sont sous la responsabilité des différentes organisations professionnelles concernées - vont apprécier si, à l'issue de cette réunion, il y a effectivement un espace de négociation réel qui peut s'enclencher sur plusieurs semaines pour aborder tous les sujets. Nous partons d'une position gouvernementale qui est, "la réforme est prête et nous allons décréter", à "nous ouvrons un cycle de négociations qui doit durer au moins un mois".
 
Q.- Oui au moins un mois, enfin... - il y a tellement de choses à vous demander ! Vous avez dit, il y aura des consultations et on verra, je vais consulter les cheminots. Est-ce que vous les consultez à la fin de la négociation ou au fur et à mesure de la négociation ?
 
R.- Les différentes organisations de la CGT dans les trois, quatre secteurs professionnels concernés - mais ce n'est pas une nouveauté pour ce qui nous concerne - se sont engagées régulièrement à informer sur la tournure des négociations. Et à la fin du processus, il y aura une forme de consultation des personnels pour qu'ils disent à leur tour comment ils apprécient le résultat de cette négociation.
 
Q.- Et vous avez donc un mois, mais si les négociations progressent - d'ailleurs est-ce que vous souhaitez qu'elles progressent vite ? -, cela peut s'achever avant le délai d'un mois. Parce que quand on calcule, 20 novembre aujourd'hui, 20 décembre, on est en pleine période de fêtes de fin d'année et les gens, qui souffrent aujourd'hui, se disent, "est-ce qu'on va encore se taper des grèves pendant les fêtes de Noël et du jour de l'An ?"
 
R.- Ce n'est pas du tout notre état d'esprit et c'est pour ça que je regrette que la CFDT cheminot ait déjà déposé un préavis de grève pour le 20 décembre ; ce n'est pas le cas de la CGT.
 
Q.- Et la CGT ne se joindra pas à ce mot d'ordre qui est donné ?
 
R.- Nous n'avons jamais programmé - et je ne pense absolument pas que ce soit le cas, aussi bien pour les militants de la RATP, des cheminots, en tous cas pour ce qui concerne la CGT - de conflits visant des périodes de congé, par principe. Il s'est produit parfois - et je pense à des années, ça nous ramène très loin en arrière - le fait que Gouvernement ou direction d'entreprise aient annoncé des décisions unilatérales dans des calendriers accolés à des vacances. Mais par principe, la CGT ne cible pas les périodes de forts déplacements comme étant des priorités pour mettre le bazar.
 
Q.- Les grévistes tiennent bon, on le voit, avec les conséquences pour eux qui sont lourdes, comme disait N. Sarkozy. Mais les usagers aussi, qui cotisent à 40 ans, ils sont fatigués. Vous voyez bien, vous qui circulez en moto, l'état de Paris, de la région parisienne, qu'ils souffrent. Est-ce que ce matin vous leur donnez un espoir de retour à la normale, d'abord pendant le week-end ou lundi, ou quand ?
 
R.- Je n'ai pas à faire de pronostics dans ce domaine. Je pense que la situation a évolué. Nous étions dans une situation bloquée, il a fallu convaincre le Gouvernement qu'il accepte de négocier et d'être à la table des négociations parce que je remarque que si, là aussi, on avait écouté la CGT en son temps, on aurait pu constater que les discussions avec les seules directions d'entreprises pour des entreprises publiques, ne pouvaient pas déboucher sur des résultats concrets. Il fallait donc obtenir que l'Etat siège à la table des négociations et...
 
Q.- Mais vous ne m'avez pas dit : est-ce que la fin des blocages approche ? Pour tous ceux qui nous écoutent et qui marchent...
 
R.- Mais de toute façon, c'est souhaitable pour tout le monde, évidemment ! Les grévistes ne sont pas en grève par plaisir et ne souhaitent pas s'installer...
 
Q.- D'accord, mais là ce matin B. Thibault, patron de la CGT, qu'est-ce qu'il dit ?
 
R.- Il n'y a pas de patron à la CGT.
 
Q.- Oui, patron confédéral, responsable confédéral. On sait ce que ça veut dire.
 
R.-...Responsable de la confédération.
 
Q.- D'ailleurs, on doit en baver quand on est patron de la confédération, non ?
 
R.- Oui, il y a moins de prétendants qu'au poste de ministre, à cette responsabilité.
 
Q.- Chaque jour est un jour gagné, comment avez-vous réussi à convaincre les dépôts de la SNCF les plus réfractaires ? J'ai envie de dire, un à un ?
 
R.- Non, mais il n'y a pas à convaincre. Les assemblées générales, les militants de la CGT réfléchissent au contexte dans lequel ils portent leurs revendications.
 
Q.- Mais jour après jour, vous avez un peu plus de temps et il vous faut un peu plus de temps pour convaincre ?
 
R.- C'est la responsabilité d'une organisation syndicale. Les syndiqués se réunissent et nous essayons de faire en sorte que ce soit le plus systématique possible, pour qu'ils réfléchissent eux-mêmes, confrontés à leur tour à d'autres cheminots, d'autres agents de la RATP qui, peut-être, ne sont pas syndiqués, à la manière dont ils peuvent, le plus efficacement possible, porter leurs revendications. Il est évident que si nous parvenons aujourd'hui à confirmer, si les délégations constatent qu'un cadre de négociation s'ouvre sur une longue période, il est évident qu'il faut en tenir compte sur la manière de conduire ce mouvement. Il ne peut pas, il ne pourra pas prendre la même forme.
 
Q.- D. Le Reste, qui est dur, le chef des cheminots CGT, qui est votre meilleur ami, rival, concurrent, je ne sais pas comment le dire...
 
R.- Non pas rival. Ni rival ni concurrent, je démens.
 
Q.- Ami, ami musclé, etc.
 
R.- Non, non, moi je conteste cette image !
 
Q.- Est-ce que vous l'avez convaincu ? Vous êtes sur la même ligne aujourd'hui ?
 
R.- Je n'ai pas à convaincre D. Le Reste. Il est évident que dans cette période, nous travaillons ensemble plusieurs fois par jour sur une situation qui n'est pas simple pour personne. Je considère que progressivement, nous avons, les uns et les autres, contribuer à faire marquer des points. Encore une fois, je le répète...
 
Q.- Vous l'avez dit, on a marqué des points.
 
R.-... pour une réforme qui voulait nous être imposée et pour l'instant, qui n'est pas faite.
 
Q.- Donc vous êtes sur la même ligne maintenant ?
 
R.- Oui.
 
Q.- N. Sarkozy a repris une phrase illustre que vous connaissez, "il faut savoir finir une grève". B. Thibault, ce matin, il faut savoir finir une grève !
 
R.- Oui, mais ce n'est pas surprenant dans la bouche d'un chef d'Etat. Je ne connais pas beaucoup de chefs d'Etat qui souhaitent des grèves, donc il y a rien de très original là-dedans.
 
Q.- Oui mais l'arrêter. Le problème c'est de dire l'arrêter.
 
R.- Oui, j'ai bien compris mais je ne crois pas que ce soit pas un chef d'Etat ou un ministre qui, par principe, puisse décréter le moment où une grève s'arrête.
 
Q.- Oui, mais il y a la légitimité du suffrage universel, etc.
 
R.- Elle n'est pas contestée.
 
Q.- Beaucoup pensent que vous-même, vous vouliez que ça s'arrête mais à un moment donné, vous ne pouviez pas demander aux vôtres d'arrêter.
 
R.- Non, je n'ai jamais eu cet objectif particulier. Encore une fois, si on nous avait écoutés, la confédération comme les fédérations, parce que cela fait plusieurs semaines, je le répète, que nous travaillons ensemble, nous avons conduit des délégations auprès du Gouvernement ensemble. Nous n'avons pas été entendus en temps et en heure, je le redis !
 
Q.- Bon, maintenant c'est la négociation, c'est la négociation sur tous les sujets. On a entendu les responsables de différentes entreprises, la RATP, EDF, GDF où ça négocie directement et déjà, pour ce qui concerne EDF et GDF depuis avant-hier, vous l'avez dit. Et madame Idrac a confirmé pour la SNCF qu'il y a quelques réserves. Elle dit la formule de Bergeron, "il y a du grain à moudre", elle a dit, "la SNCF ne sera pas irresponsable mais elle n'est pas pingre". Cela veut dire qu'il y a des contreparties possibles ?
 
R.- Avant de discuter de contreparties, il faut discuter de ce que seront les droits à la retraite des cheminots à l'avenir. C'est ça le sujet.
 
Q.- Si en échange de l'allongement à 40 ans, on parvient à maintenir le niveau réel des pensions et des retraites actuels, est-ce que vous estimerez que ça va, que peut-être vous avez gagné ou qu'il y a ni gagnant ni perdant, mais que l'on peut accepter l'idée de cette réforme ?
 
R.- Ce seront chacun des personnels, je l'ai dit, je le répète, qui apprécieront, le moment venu...
 
Q.- Mais sur le fond, sur ce sujet ?
 
R.-... Le résultat global des négociations. Et moi, je récuse le fait, encore une fois, qu'il nous faille raisonner ou prendre pour argent comptant le principe d'un allongement inéluctable de la durée de cotisation. Et en même temps, il faut faire reconnaître - parce que sinon nous ne parviendrons pas non plus à améliorer le niveau des retraites - qu'on ne peut pas raisonner uniquement en termes de durée de cotisation pour avoir ses droits à la retraite. Aujourd'hui, contrairement à ce que beaucoup pensent, avec 37 ans et demi de cotisations, la moitié des cheminots n'ont pas le plein de leurs droits. La moitié des cheminots n'ont pas 37 ans et demi de cotisations. Donc on est sur une problématique beaucoup plus...
 
Q.- Non mais vous allez discuter à partir de cet après midi...
 
R.- On ne va pas faire les négociations ce matin.
 
Q.- Non !
 
R.- Cela soulève toute une série de sujets.
 
Q.- Mais le privé, dont vous avez parfois la responsabilité parce que vous avez des adhérents, des gens qui s'intéressent.
 
R.- Bien sûr, et on souhaite en avoir de plus en plus, d'ailleurs.
 
Q.- Oui, mais là, c'est la défense des salariés des entreprises publiques. Le privé, il a 40 ans, il est passé aux 40 ans. Est-ce que cette inégalité peut durer tout le temps ?
 
R.- Mais on peut parler des inégalités. Hier, les salariés de la construction étaient également en grève pour la reconnaissance de la pénibilité de leur métier : espérance de vie de huit années inférieure aux autres salariés. Si on parle d'équité face à la retraite, parmi les mesures d'équité, il faut reconnaître que pour les métiers pénibles dans la construction, la chimie, la métallurgie notamment pour les postes qui le justifient, par exemple des départs anticipés à la retraite.
 
Q.- Mais là, c'est toute la discussion sur la pénibilité aussi, vous l'avez dit et le Gouvernement l'a dit, tout est ouvert...
 
R.- Mais c'est aussi une part de ce qui se joue dans la définition des futurs droits s'agissant des régimes spéciaux.
 
Q.- Vous allez répondre aux auditeurs sans doute sur le problème du pouvoir d'achat ; qu'est-ce que vous suggérez puisque le président de la République va parler ? Mais je voulais avant de partir, vous demander ce que vous pensez de ce qui est arrivé hier à F. Chérèque, numéro 1 de la CFDT, respecté par la CFDT, par l'opinion, qui a été pris à parti par des cheminots CGT ?
 
R.- Ce n'est jamais positif qu'un responsable syndical quel qu'il soit, soit la cible de sifflets, de critiques de ce type. Je crois que cela ne résout pas et cela ne fait pas avancer les désaccords que nous pouvons avoir entre nous. Et nous savons qu'avec la CFDT, sur le sujet des retraites, je ne refais pas l'histoire, c'est un sujet sur lequel nous n'avons pas la même approche. Mais en même temps, attention à ce que dans un pays, où les syndicats sont déjà globalement trop faibles, je le dis, trop faibles, nous ne contribuions nous-mêmes, par nos comportements, à les affaiblir davantage. Parce qu'il y a aussi un enseignement à tirer, sur le long terme, c'est qu'à chaque fois que le mouvement syndical est divisé pour porter des revendications, en règle générale, ce sont les salariés qui en pâtissent.
 
Q.- J'ai retenu que vous n'étiez pas contre l'idée des réformes mais que vous souhaitez qu'il y ait une conférence nationale à trois sur l'idée de la réforme, pour les faire avancer, pour gouverner sans heurt et éventuellement sans conflit.
 
R.- Mais les salariés en attendent plein des réformes ! Des réformes qui permettent d'améliorer leur situation. Mais dès lors que ce sont des réformes dont ils n'ont pas l'occasion de discuter du bien fondé et à plus forte raison de l'orientation, on ne peut pas prendre pour argent comptant le fait que les syndicats se contentent d'accompagner.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 novembre 2007