Déclaration de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme, sur la diversité de l'offre touristique, la réforme du classement de l'hôtellerie ainsi que sur sa mise en conformité des nouvelles normes environnementales, Marne-La-Vallée, le 26 novembre 2007.

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Circonstance : Congrès international des Logis de France à Marne la Vallée le 26 novembre 2007

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous étant sensible à l'action des Logis de France, tout particulièrement en tant qu'élu d'un département rural. Je sais à quel point vous comptez pour la préservation de notre patrimoine et à quel point vous participez à la qualité et à la diversité de l'offre touristique en France.
Votre discours est extrêmement parlant pour l'homme de marketing que j'ai été, dans un passé qui n'est pas si lointain.
Vous évoquez le projet de développer et d'imposer la marque « Logis de France ». Cette stratégie est la bonne, car une marque constitue en soi une valeur ajoutée considérable. Le meilleur des produits du monde, s'il n'est pas immédiatement identifiable et reconnaissable, aura toujours du mal à se vendre. Je ne peux donc que vous encourager dans la voie que vous avez choisie. L'harmonisation du concept de « Logis » au niveau européen va évidemment dans le sens de cette visibilité. Elle va aussi dans le « sens de l'histoire », car pour vous comme pour beaucoup d'autres professionnels du tourisme, la clientèle étrangère constitue un relais de croissance essentiel.
Une marque se définit par un nom, vous l'avez déjà. Elle se définit aussi par un visuel. Je sais que vous vous apprêtez à dévoiler un nouveau logo, qui sera conforme à vos valeurs : l'authenticité et la convivialité, qui seront enrichies d'une touche de modernité.
Une marque se définit enfin par un positionnement. Le vôtre, à vous écouter, semble clair : vous avez choisi la qualité.
Le tourisme français dans son ensemble doit s'inspirer de cette démarche.
Pourquoi ? Parce que, tel que le monde se dessine, la France va devoir affirmer son identité et son positionnement, dans un paysage global du tourisme qui va changer radicalement. Selon l'organisation mondiale du tourisme, le tourisme va continuer à connaître une croissance fantastique dans les années qui viennent : le nombre de touristes devrait doubler d'ici 2020 !
Ce mouvement général est poussé par la mondialisation, avec ce qui l'accompagne : l'enrichissement global, particulièrement dans les pays émergents et l'ouverture de nombreux pays. Comme souvent, ce genre de phénomène est à la fois porteur d'opportunités et de menaces.
Opportunités d'abord, parce que la France voit s'ouvrir des marchés nouveaux et immenses.
Songez simplement qu'en 2010, un million de Chinois visiteront Paris. C'est 2,5 fois plus qu'aujourd'hui !
Mais c'est également une menace, dans la mesure où beaucoup de nouvelles destinations concurrentes entrent sur le marché. Des pays autrefois fermés s'ouvrent au tourisme international. D'autres destinations, anciennement peu développées, sont devenues attractives, en se modernisant et en s'équipant d'infrastructures touristiques compétitives.
Dans cette course mondiale, nous disposons bien sûr d'atouts. Le premier d'entre eux est notre patrimoine. Et bonne nouvelle ! Le Mont Saint Michel n'est pas délocalisable ! Pas plus que les bocages normands, les plages de Corse ou le Mont-Blanc !
En revanche, les visiteurs, y compris les visiteurs français, sont eux « délocalisables » si l'on peut dire : ils bougeront et choisiront d'autres destinations si nous ne sommes pas en mesure de répondre à leurs attentes.
Dès lors, la question qui se pose est simple. Quel positionnement voulons-nous pour la France à l'horizon 2020 ?
Ma réponse va dans le même sens que la vôtre, Madame la Présidente : notre positionnement doit être celui du tourisme de qualité. C'est la seule voie, compte-tenu de la richesse de notre patrimoine culturel, historique et gastronomique mais aussi de la diversité de notre offre, diversité que les logis de France représentent si bien.
Cela passera par notre capacité à accueillir des touristes à forte contribution et donc par une adaptation de notre offre, qui devra prendre la forme d'une montée en gamme progressive et globale.
Nous devons, ensemble, nous fixer un objectif en partant d'un constat simple. Si la France est le premier pays au monde pour le nombre de visiteurs accueillis, en revanche, elle se situe seulement à la troisième place pour les recettes touristiques. Mon objectif, vous l'avez deviné : faire de la France la première destination mondiale en termes de recettes.
Cela ne passe pas, bien sûr, par un élitisme forcené. Cela ne correspondrait ni à l'esprit, ni à la tradition française.
La diversité de l'offre française reste et restera un atout. Nous devons simplement, comme dans n'importe quel métier, n'importe quel secteur, n'importe quelle entreprise, nous poser la bonne question : comment viser l'excellence ?
Il y a plusieurs axes concrets pour tirer vers le haut l'ensemble du tourisme français et l'hôtellerie en particulier.
Le premier grand chantier, que j'ai lancé dès juillet dernier, est la réforme du classement des hébergements touristiques et notamment de l'hôtellerie.
Si l'hôtellerie doit viser l'excellence, encore faut-il que les critères de notation encouragent et récompensent cette excellence.
Or, vous le savez tous, notre système d'étoiles est obsolète, et d'ailleurs bien souvent illisible pour les étrangers.
Un exemple vaut mieux que de longs discours : dans le classement actuel, il est exigé pour un hôtel une étoile d'avoir une cabine téléphonique fermée, accessible au public. En revanche, pas un mot sur l'accessibilité à internet, même pour les 4 étoiles !
Autre exemple frappant : dans le classement actuel aucun critère d'hygiène n'est retenu ! Voilà qui est bien entendu incompatible avec nos exigences modernes.
Dernier point, sans doute le plus inquiétant : aucune norme de qualité de service n'est retenue ni même définie. Le service est pourtant un critère d'appréciation essentiel de la qualité d'un hébergement. Vous le savez mieux que moi, vous qui faîtes de l'accueil, de la chaleur humaine et de la convivialité les piliers de votre action.
En fait, la nécessité de rénover le classement pourrait se résumer en une formule : nous sommes passés d'une société du matériel à une société de l'immatériel. Ce qui compte désormais n'est plus seulement l'équipement, le « dur ». C'est bien plus le service, qui est peut-être plus difficile à évaluer mais qui pourtant fait une large part de la valeur ajoutée de votre métier.
Pour réformer le classement, la méthode choisie est bien entendu celle de la concertation. Six groupes de travail ont été constitués. Ils réunissent des experts, des professionnels de l'hôtellerie et des représentants de l'administration.
Ces groupes de travail me rendront leurs conclusions prochainement, le 15 décembre. A la suite de quoi nous préparerons l'élaboration concrète du nouveau référentiel et les modifications législatives et réglementaires nécessaires, avec un objectif en tête : celui de pouvoir présenter les grandes lignes d'une réforme complète au printemps 2008.
La réforme devra aussi répondre à certaines questions quant aux modes d'application du classement :
* Doit-il être obligatoire ou non ?
* Temporaire ou pérenne ?
* Comment peut-on mettre à jour régulièrement les grilles de classement ?
Un autre aspect me tient à coeur dans cette réforme des classements. Et ce point mérite un traitement particulier : pour la première fois en effet, le classement tiendra compte de critères environnementaux.
Une question se pose assez vite, lorsqu'on aborde le sujet : « être écolo très bien mais à quel prix ? ».
Ma réponse est claire : il ne doit pas y avoir d'arbitrages à faire entre rentabilité et environnement.
Pour vous, l'excellence environnementale ne sera pas un coût mais un investissement.
Ce sera un investissement pour deux raisons.
Première raison : les économies d'énergie générées doivent couvrir les frais des travaux nécessaires pour la mise en conformité avec les nouvelles normes environnementales. C'est vrai aujourd'hui, mais cela sera encore plus vrai demain avec le renchérissement de l'énergie.
Ce n'est plus un secret pour personne : nous sommes dans un monde de ressources limitées. Avec l'entrée pour des milliards d'individus dans l'ère de la consommation, en Chine et en Inde notamment, la demande grandissante d'énergie va provoquer une hausse des prix de l'énergie. Plus tôt nous nous adapterons et moins nous la subirons.
Pour aider tout le monde à franchir le pas, des dispositifs spécifiques devront être mis en oeuvre. Jean-Louis Borloo a notamment évoqué à l'occasion du Grenelle de l'environnement un système de « prêt écologique » tel qu'il est pratiqué en Allemagne. On contracte un prêt pour financer la mise aux normes environnementales mais les mensualités qu'on rembourse chaque mois sont égales à l'économie d'énergie que l'on réalise grâce aux travaux. Ainsi l'opération écologique devient neutre pour votre trésorerie, vous économisez d'un côté ce que vous dépensez de l'autre !
La faisabilité de ce système devra être étudiée dans le détail mais il me semble que c'est une piste particulièrement intéressante pour les professionnels.
La deuxième raison qui fera de l'excellence écologique un investissement et non un coût, c'est que l'excellence écologique deviendra dans l'avenir un avantage compétitif déterminant.
C'est particulièrement vrai pour les Logis de France. Votre positionnement est celui d'un « tourisme nature », de la valorisation du monde rural et de son environnement, celui d'une gastronomie authentique et saine. Les clients sont de plus en plus sensibilisés à la question de l'environnement, et attendent des Logis de France qu'ils soient à la pointe en matière environnementale.
Pour reprendre des termes de marketing, c'est une question de cohérence entre la « promesse » et le « produit ». Ce sera aussi un avantage compétitif pour les pionniers : de plus en plus de tour-opérateurs, notamment anglo-saxons, classent les hébergements et les destinations en fonction de leur « vertu écologique ».
J'ai ce matin même assisté à une réunion de travail pour le projet de développement d'un vaste projet de village nature, porté à parts égales par Eurodisney et Pierre et Vacances. Le concept est celui d'un complexe hôtelier et de loisirs, fondé sur les rapports entre l'homme et la nature, qui sera alimenté entièrement par géothermie, grâce à une source située à 700 mètres de profondeur. Le coût total du projet est estimé à 1,8 milliards euros.
Pourquoi cet exemple ? Pour montrer que le créneau nature et environnement est un positionnement d'avenir. Si deux grands groupes comme Eurodisney et Pierre et Vacances investissent autant, ce n'est pas seulement par amour de la nature ou philanthropie : c'est parce qu'il y a une véritable demande et des perspectives de réussite économique.
Vous vous posez sans doute la question : concrètement, que peut-on faire aujourd'hui pour l'environnement ?
Vous trouverez la réponse, par exemple, dans ce petit guide, conçu par ODIT France - organisme placé sous la tutelle du ministère du tourisme - , en partenariat avec les experts de l'ADEME (agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Il répertorie les gestes simples qui vous permettront d'économiser de l'énergie... et aussi de l'argent !
Si l'enjeu est important pour les professionnels, il l'est aussi pour le pays tout entier. Vous êtes, en particulier aux yeux des visiteurs étrangers, la vitrine de la France. Le secteur du tourisme dans l'ensemble doit véhiculer une image cohérente avec la stratégie que se fixe le pays. Il doit donc devenir le symbole de l'excellence française en matière environnementale.
Excellence ! Vous l'avez compris, ce terme doit être le coeur de notre stratégie globale.
Cette excellence se fonde aussi sur l'innovation permanente. Vous l'avez évoquée, Madame la Présidente, en conclusion de votre intervention.
Il n'y évidemment pas de contradiction entre préservation du patrimoine et innovation : au contraire, les deux vont de pair.
J'étais ce matin à Provins. Quel bel exemple ! Provins est une des villes qui ont le mieux conservé le schéma médiéval de la ville de foire qu'elles étaient et qui a su jouer de ce riche passé pour innover et créer toutes sortes d'animations depuis quinze ans. Résultat : cette ville de 13 000 habitants accueille un million de visiteurs tous les ans, dont 450 000 payants !
Pour mener une bonne stratégie de la France du tourisme en 2020, il faut se demander enfin quels outils seront à notre disposition demain.
Car en 2020, le touriste aura dans sa poche un terminal, qui lui permettra de savoir où il se trouve grâce à un système de géolocalisation, qui lui indiquera les sites à visiter et leur accessibilité, les horaires des trains ou des bus, qui fera une traduction simultanée des commentaires quand il visitera un musée, qui lui permettra de visionner des films sur la région...
Ce qui relevait hier de la science fiction devient une réalité plausible.
Nous n'en sommes pas là, certes, mais il est essentiel d'avoir ces évolutions en tête pour, le jour venu, s'y être préparé.
C'est l'état d'esprit qui compte. Dans le domaine du tourisme comme ailleurs, il y aura toujours une « prime au pionnier ». Le premier pays à tenir compte des changements gagnera des parts de marché.
A vous écouter, je ne doute pas que vous ferez partie de ces pionniers.
Je vois votre dynamisme. Je ressens ici-même l'ambiance chaleureuse qui est celle avec laquelle vous accueillez vos clients. Je mesure à quel point votre stratégie s'inscrit dans la ligne que j'entends définir pour notre tourisme...
Je suis donc plus qu'optimiste pour la réussite de votre projet 2010.
Je vous remercie pour votre invitation. Je vous remercie encore plus de votre accueil et, en conclusion, je formule un souhait : que vous puissiez transmettre votre dynamisme et votre chaleur partout autour de vous. La France en a besoin !
Merci à tous.
Source http://www.tourisme.gouv.fr, le 28 novembre 2007