Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs
I - L'année Polaire Internationale
Je souhaite d'abord remercier le Sénat d'avoir inscrit à l'ordre du jour réservé cette question orale avec débat de M. Gaudin, et je rends hommage au travail de ce dernier qui, avant même de susciter ce débat, avait rendu au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport remarqué sur l'Année polaire internationale.
C'est indiscutablement un sujet passionnant et stratégique, car en rassemblant la communauté scientifique internationale autour de programmes ambitieux, coordonnés au niveau mondial, l'Année polaire internationale (API) donne l'impulsion nécessaire à l'avancée des connaissances sur les régions polaires. Dans ces régions se trouve, en effet, une partie des réponses aux questions que l'ensemble de la planète se pose sur l'évolution de son environnement et je pense notamment au climat, à la fonte des glaces, ou bien encore au trou dans la couche d'ozone.
Pour cette quatrième année polaire internationale, 125 ans après la première et 50 ans après la dernière, un premier bilan très positif peut être dressé.
L'Agence nationale de la recherche aura soutenu jusqu'à présent 20 projets API pour un montant total de 8,8 millions d'euros.
Auxquels il faut ajouter les projets directement financés soit par l'IPEV (Institut polaire Paul-Emile Victor), soit par l'INSU (Institut nationale des sciences de l'univers), soit par les deux.
Avec les contributions du CNES le soutien aux activités scientifiques des équipes françaises à l'occasion de l'API se monte à quelques 15,5 millions d'euros.
La France figure donc, et je m'en félicite, parmi les contributeurs les plus importants aux activités scientifiques en milieu polaire.
Le deuxième point important à souligner, est qu'aucun domaine n'a été oublié. Toutes les disciplines scientifiques sont concernées, des sciences humaines et sociales aux sciences biologiques et aux sciences de l'Univers, en particulier l'astronomie.
L'Année polaire internationale c'est aussi l'opportunité de développer un dialogue direct entre les scientifiques et le public autour de problématiques qui concernent le futur de nos sociétés et d'intéresser les jeunes aux études scientifiques. Un effort particulier est fait par l'ANR qui abonde, jusqu'à 5 % les projets labellisés API afin de financer des projets de vulgarisations scientifiques.
Ces actions de communications ont été confiées à l'Institut Polaire Paul-Emile Victor (IPEV), ce qui est l'occasion pour moi de souligner la coordination exemplaire entre organismes de recherche qui contribue aussi à la réussite de cette API.
II - La Recherche française en milieu polaire
Ce succès n'est finalement que peut étonnant, il s'inscrit dans la longue tradition de la recherche polaire française mais traduit aussi un renouveau des générations de chercheurs basé sur l'excellence, les équipes françaises se "plaçant" dans plus d'un quart des projets labellisés par le comité de l'Année Polaire Internationale.
Cette excellence française prend parfois la forme incongrue d'une coquille de pétoncle, comme l'a rappelé le Sénateur Gaudin, et comme j'ai pu personnellement le vérifier le 26 octobre dernier, en visitant les laboratoires de l'Ifremer et de l'Institut européen de la mer situés à Brest. C'est dans ces laboratoires que des équipes françaises et internationales de chercheurs viennent étudier la composition de la coquille de pétoncle à l'aide de lasers et de spectromètres afin d'en déduire directement les évolutions passées du climat.
Nous savons, vous et moi que la coquille Saint-jacques, et sa cousine australe, présentent, en plus de leur qualité gustative, une grande valeur scientifique, mais pouvoir tirer des enseignements de ces recherches nous oblige à relever deux défis.
Le premier est celui de l'organisation de la recherche nécessaire afin de permettre les découvertes futures et l'avancement de la connaissance. Ma vision sur le sujet est parfaitement claire. Elle repose sur quatre piliers : des universités puissantes et autonomes ; des organismes menant une politique scientifique d'excellence ; une recherche sur projets dynamique ; enfin, une recherche privée plus active. Ces quatre piliers, qui bénéficieront de l'expertise de l'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, sont complémentaires.
Le pétoncle austral est un excellent exemple de la bonne coordination qui doit exister entre opérateurs de recherche et agence de moyens (ici, l'INSU et l'Institut polaire IPEV) pour faire émerger l'intérêt d'une thématique interdisciplinaire alliant des modèles biologiques aux applications portant sur le sujet beaucoup plus général qu'est la modification du climat.
Le deuxième défi que nous devons relever est celui du lien qui unit science et société, qui permet la transmission des savoirs scientifiques aux citoyens mais surtout qui aide à la décision des pouvoirs publics et des acteurs économiques.
De ce point de vue, le cas du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat), est exemplaire par la démarche et la légitimité qu'a su établir le groupe d'experts. Les différents scénarios d'évolution du climat élaborés par le GIEC éclairent aujourd'hui l'ensemble des décisions publiques ou privées, nationales et internationales, de prévention des effets des changements climatiques.
Les travaux du GIEC sont encore l'occasion de réaffirmer l'excellence de la recherche française en milieu polaire. Est-il besoin de rappeler la part prépondérante prise par les scientifiques, techniciens et logisticiens français dans les travaux du forage glaciaire profond EPICA (Projet de forage européen des glaces en Antarctique) qui a permis de recueillir les échantillons de glace les plus anciens au monde nous révélant 800 000 ans d'histoire climatique ? Un des socles des travaux du GIEC. Nous pouvons d'ailleurs être fier du Prix Nobel de la Paix obtenu cette année par le GIEC car il récompense aussi la contribution des chercheurs français au sein du groupe d'experts et notamment celle de Jean Jouzel, glaciologue et spécialiste du réchauffement climatique, médaille d'or du CNRS en 2002.
Cette qualité est aussi démontrée par les standards scientifiques internationaux des publications, qui placent notre pays au 5ème rang mondial sur l'Antarctique et au 1er rang mondial sur le Subantarctique, devant les Etats-Unis. Je crois que c'est assez rare pour le faire savoir.
Mais le changement climatique n'est pas le seul grand thème sociétal actuel..., La biodiversité, l'écotoxicologie sont aussi au coeur des préoccupations des citoyens comme en témoigne le Grenelle de l'environnement et en prise directe avec la notion de développement durable.
C'est pourquoi, il est d'autant plus important que la recherche qui est conduite dans ces zones polaires fragiles ne soit pas une recherche opportuniste mais une recherche qui doit se confronter à celle exécutée ailleurs. Je me félicite d'ailleurs que vous ayez utilisé la notion de "recherche en milieu polaire" et non de "recherche polaire".
III - L'IPEV, agence de moyen polaire
L'excellence de la recherche française en milieu polaire c'est aussi une agence de moyens, rompue à la logistique de ces milieux extrêmes : l'Institut Polaire Paul-Emile Victor.
Avec ses moyens l'Institut développe des programmes de recherche de premier plan appuyés sur une technologie et une logistique polaire unique.
Conscient de la qualité de cet institut et de la priorité des recherches en milieu polaire, le ministère a décidé pour 2008 une augmentation de 5 % du budget de cet institut, augmentation, qui se rajoute à l'effort réalisé au cours de l'année polaire internationale et qui démontre définitivement l'intérêt de l'Etat pour la recherche en milieu polaire.
Il faut ici souligner que seule la mise en commun des moyens nationaux permet d'organiser des campagnes de grande envergure dans des milieux extrêmes et de dresser un véritable état des lieux dans des domaines en évolution rapide.
En ce qui concerne le navire Marion-Dufresne, permettez-moi avant tout de féliciter les équipes de l'IPEV qui mettent en oeuvre avec efficacité ce grand navire plus de 200 jours par an.
Doté d'équipements scientifiques uniques au monde ce fleuron de la flotte européenne devrait désormais avoir sa place dans un dispositif national de la flotte.
A l'avenir, l'inscription d'une ligne budgétaire dédiée à ce type de Très grands Investissements de Recherche devrait permettre dans un proche avenir d'assurer le fonctionnement du Marion-Dufresne avec plus de sérénité tout en n'obérant pas la vocation première de l'IPEV qui s'inscrit dans le développement des recherches françaises en milieu polaire.
D'autre part, les enjeux concernant les moyens de recherche océanographique amènent à envisager la création dés 2008 d'un comité stratégique de la flotte océanographique, rassemblant l'ensemble des acteurs. L'avenir du Marion-Dufresne II sera l'un des premiers sujets de réflexion de ce comité.
IV - L'Europe
La recherche en milieu polaire est par essence internationale car les territoires sont internationaux et les milieux sont extrêmes. Je réaffirme donc avec force qu'il ne peut y avoir de recherche en milieu polaire isolée au risque de se transformer en aventure hasardeuse. Cette recherche, comme toute recherche de pointe, se doit d'avoir une organisation solide, d'être fondée sur l'excellence scientifique et d'être pensée dans un cadre européen.
La France par le biais de l'IPEV, avec le fort soutien de ses partenaires allemand et italien, a pris l'initiative de la constitution d'un ERANET "EUROPOLAR" qui regroupe 19 pays, y compris la Russie, et 25 institutions. Bénéficiant d'un soutien significatif de l'Europe ce projet jette les bases de ce qui pourrait devenir une entité polaire européenne. Après avoir effectué l'inventaire des forces européennes, le Consortium présidé par le directeur de l'IPEV, Gérard Jugie s'attache désormais à définir les objectifs d'une telle institution européenne.
La France a toute sa place dans cette future institution et en constitue déjà un élément prépondérant avec une base commune en Arctique avec l'Allemagne, et une base permanente partagée avec l'Italie au coeur du continent Antarctique.
J'irai d'ailleurs inaugurer officiellement, avec Annette Schavan, la station franco-allemande des Spitzberg dés le printemps prochain avec la fin de la nuit polaire.
De plus, l'association entre l'Italie et la France pour bâtir et gérer une station commune en Antarctique est régulièrement citée en exemple par les parties contractantes au Traité sur l'Antarctique, non seulement pour les bonnes pratiques de partage des installations qu'il inspire, mais aussi en raison des exigences purement scientifiques qui ont été et sont toujours aujourd'hui à la base du projet Concordia. La Présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre 2008 sera l'occasion pour moi de renforcer la coopération européenne en matière de recherche.
V - Les enjeux stratégiques
Au-delà du simple aspect de la connaissance, je crois qu'il est aussi important de rappeler ici que l'exploration scientifique polaire s'inscrit dans des enjeux stratégiques cruciaux pour notre pays.
Le premier enjeu est celui de la souveraineté sur des ressources potentielles considérables.
Souveraineté maritime qui fait l'objet du programme d'extension de notre Zone économique exclusive, EXTRAPLAC (EXTension RAisonnée du PLAteau Continental). La France présente sur tous les océans du globe, est en mesure de formuler des revendications pour des surfaces importantes (supérieur à 1 000 000 km2) devant la Commission des limites du plateau continental (CLPC) des Nations unies avant le 13 mai 2009.
Souveraineté terrestre sur des territoires fragiles qu'il nous faudra exploiter de manière raisonnée et sur lesquels nous devrons faire respecter les lois de la République et les traités internationaux.
Le deuxième enjeu est celui de la biodiversité. En termes de biodiversité et d'écosystèmes spécifiques, je crois important de rappeler que la France est la seule grande puissance économique et scientifique à disposer d'un privilège unique au monde avec, à sa disposition, un gradient d'implantation original allant de l'Equateur aux hautes latitudes passant du subantarctique (Iles Australes) à l'Antarctique côtier et, plus récemment, à l'implantation au sein du continent avec les collègues italiens. Ce gradient climatique et biogéographique est un atout majeur pour nos chercheurs.
Tous nos territoires, et je pense en particulier aux Terres Australes et Adélies Françaises, les TAAF, ont un rôle majeur à jouer, il en va de notre capacité à répondre aux interrogations de la société sur le climat ou encore la biodiversité.
J'appelle d'ailleurs de tous mes voeux, la mise en oeuvre des recommandations du comité consultatif d'IMoSEB (Mécanisme international d'expertise scientifique sur la biodiversité) et la création d'un groupe intergouvernemental d'experts sur la biodiversité, à l'image du GIEC.
VI - L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Pour terminer, je voudrais remercier le sénateur Gaudin et plus généralement les membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) pour le travail remarquable accompli depuis des années.
Et pour illustrer mon propos je citerai les rapports récents de l'OPECST sur les biotechnologies ou encore les nanotechnologies, qui doivent plus que jamais nourrir le débat public actuel trop souvent alimenté, voire pollué, par des expressions passionnées et bruyantes mais empruntes de peurs irraisonnées.
Permettez-moi aussi de rappeler, ce qui peut apparaître comme une évidence, mais dans une période où se pose la question du rôle des institutions, que la mission de l'OPECST est essentielle non seulement au bon fonctionnement de nos institutions mais aussi au bon fonctionnement de notre système de recherche.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 novembre 2007
Mesdames et Messieurs les Sénateurs
I - L'année Polaire Internationale
Je souhaite d'abord remercier le Sénat d'avoir inscrit à l'ordre du jour réservé cette question orale avec débat de M. Gaudin, et je rends hommage au travail de ce dernier qui, avant même de susciter ce débat, avait rendu au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport remarqué sur l'Année polaire internationale.
C'est indiscutablement un sujet passionnant et stratégique, car en rassemblant la communauté scientifique internationale autour de programmes ambitieux, coordonnés au niveau mondial, l'Année polaire internationale (API) donne l'impulsion nécessaire à l'avancée des connaissances sur les régions polaires. Dans ces régions se trouve, en effet, une partie des réponses aux questions que l'ensemble de la planète se pose sur l'évolution de son environnement et je pense notamment au climat, à la fonte des glaces, ou bien encore au trou dans la couche d'ozone.
Pour cette quatrième année polaire internationale, 125 ans après la première et 50 ans après la dernière, un premier bilan très positif peut être dressé.
L'Agence nationale de la recherche aura soutenu jusqu'à présent 20 projets API pour un montant total de 8,8 millions d'euros.
Auxquels il faut ajouter les projets directement financés soit par l'IPEV (Institut polaire Paul-Emile Victor), soit par l'INSU (Institut nationale des sciences de l'univers), soit par les deux.
Avec les contributions du CNES le soutien aux activités scientifiques des équipes françaises à l'occasion de l'API se monte à quelques 15,5 millions d'euros.
La France figure donc, et je m'en félicite, parmi les contributeurs les plus importants aux activités scientifiques en milieu polaire.
Le deuxième point important à souligner, est qu'aucun domaine n'a été oublié. Toutes les disciplines scientifiques sont concernées, des sciences humaines et sociales aux sciences biologiques et aux sciences de l'Univers, en particulier l'astronomie.
L'Année polaire internationale c'est aussi l'opportunité de développer un dialogue direct entre les scientifiques et le public autour de problématiques qui concernent le futur de nos sociétés et d'intéresser les jeunes aux études scientifiques. Un effort particulier est fait par l'ANR qui abonde, jusqu'à 5 % les projets labellisés API afin de financer des projets de vulgarisations scientifiques.
Ces actions de communications ont été confiées à l'Institut Polaire Paul-Emile Victor (IPEV), ce qui est l'occasion pour moi de souligner la coordination exemplaire entre organismes de recherche qui contribue aussi à la réussite de cette API.
II - La Recherche française en milieu polaire
Ce succès n'est finalement que peut étonnant, il s'inscrit dans la longue tradition de la recherche polaire française mais traduit aussi un renouveau des générations de chercheurs basé sur l'excellence, les équipes françaises se "plaçant" dans plus d'un quart des projets labellisés par le comité de l'Année Polaire Internationale.
Cette excellence française prend parfois la forme incongrue d'une coquille de pétoncle, comme l'a rappelé le Sénateur Gaudin, et comme j'ai pu personnellement le vérifier le 26 octobre dernier, en visitant les laboratoires de l'Ifremer et de l'Institut européen de la mer situés à Brest. C'est dans ces laboratoires que des équipes françaises et internationales de chercheurs viennent étudier la composition de la coquille de pétoncle à l'aide de lasers et de spectromètres afin d'en déduire directement les évolutions passées du climat.
Nous savons, vous et moi que la coquille Saint-jacques, et sa cousine australe, présentent, en plus de leur qualité gustative, une grande valeur scientifique, mais pouvoir tirer des enseignements de ces recherches nous oblige à relever deux défis.
Le premier est celui de l'organisation de la recherche nécessaire afin de permettre les découvertes futures et l'avancement de la connaissance. Ma vision sur le sujet est parfaitement claire. Elle repose sur quatre piliers : des universités puissantes et autonomes ; des organismes menant une politique scientifique d'excellence ; une recherche sur projets dynamique ; enfin, une recherche privée plus active. Ces quatre piliers, qui bénéficieront de l'expertise de l'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, sont complémentaires.
Le pétoncle austral est un excellent exemple de la bonne coordination qui doit exister entre opérateurs de recherche et agence de moyens (ici, l'INSU et l'Institut polaire IPEV) pour faire émerger l'intérêt d'une thématique interdisciplinaire alliant des modèles biologiques aux applications portant sur le sujet beaucoup plus général qu'est la modification du climat.
Le deuxième défi que nous devons relever est celui du lien qui unit science et société, qui permet la transmission des savoirs scientifiques aux citoyens mais surtout qui aide à la décision des pouvoirs publics et des acteurs économiques.
De ce point de vue, le cas du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat), est exemplaire par la démarche et la légitimité qu'a su établir le groupe d'experts. Les différents scénarios d'évolution du climat élaborés par le GIEC éclairent aujourd'hui l'ensemble des décisions publiques ou privées, nationales et internationales, de prévention des effets des changements climatiques.
Les travaux du GIEC sont encore l'occasion de réaffirmer l'excellence de la recherche française en milieu polaire. Est-il besoin de rappeler la part prépondérante prise par les scientifiques, techniciens et logisticiens français dans les travaux du forage glaciaire profond EPICA (Projet de forage européen des glaces en Antarctique) qui a permis de recueillir les échantillons de glace les plus anciens au monde nous révélant 800 000 ans d'histoire climatique ? Un des socles des travaux du GIEC. Nous pouvons d'ailleurs être fier du Prix Nobel de la Paix obtenu cette année par le GIEC car il récompense aussi la contribution des chercheurs français au sein du groupe d'experts et notamment celle de Jean Jouzel, glaciologue et spécialiste du réchauffement climatique, médaille d'or du CNRS en 2002.
Cette qualité est aussi démontrée par les standards scientifiques internationaux des publications, qui placent notre pays au 5ème rang mondial sur l'Antarctique et au 1er rang mondial sur le Subantarctique, devant les Etats-Unis. Je crois que c'est assez rare pour le faire savoir.
Mais le changement climatique n'est pas le seul grand thème sociétal actuel..., La biodiversité, l'écotoxicologie sont aussi au coeur des préoccupations des citoyens comme en témoigne le Grenelle de l'environnement et en prise directe avec la notion de développement durable.
C'est pourquoi, il est d'autant plus important que la recherche qui est conduite dans ces zones polaires fragiles ne soit pas une recherche opportuniste mais une recherche qui doit se confronter à celle exécutée ailleurs. Je me félicite d'ailleurs que vous ayez utilisé la notion de "recherche en milieu polaire" et non de "recherche polaire".
III - L'IPEV, agence de moyen polaire
L'excellence de la recherche française en milieu polaire c'est aussi une agence de moyens, rompue à la logistique de ces milieux extrêmes : l'Institut Polaire Paul-Emile Victor.
Avec ses moyens l'Institut développe des programmes de recherche de premier plan appuyés sur une technologie et une logistique polaire unique.
Conscient de la qualité de cet institut et de la priorité des recherches en milieu polaire, le ministère a décidé pour 2008 une augmentation de 5 % du budget de cet institut, augmentation, qui se rajoute à l'effort réalisé au cours de l'année polaire internationale et qui démontre définitivement l'intérêt de l'Etat pour la recherche en milieu polaire.
Il faut ici souligner que seule la mise en commun des moyens nationaux permet d'organiser des campagnes de grande envergure dans des milieux extrêmes et de dresser un véritable état des lieux dans des domaines en évolution rapide.
En ce qui concerne le navire Marion-Dufresne, permettez-moi avant tout de féliciter les équipes de l'IPEV qui mettent en oeuvre avec efficacité ce grand navire plus de 200 jours par an.
Doté d'équipements scientifiques uniques au monde ce fleuron de la flotte européenne devrait désormais avoir sa place dans un dispositif national de la flotte.
A l'avenir, l'inscription d'une ligne budgétaire dédiée à ce type de Très grands Investissements de Recherche devrait permettre dans un proche avenir d'assurer le fonctionnement du Marion-Dufresne avec plus de sérénité tout en n'obérant pas la vocation première de l'IPEV qui s'inscrit dans le développement des recherches françaises en milieu polaire.
D'autre part, les enjeux concernant les moyens de recherche océanographique amènent à envisager la création dés 2008 d'un comité stratégique de la flotte océanographique, rassemblant l'ensemble des acteurs. L'avenir du Marion-Dufresne II sera l'un des premiers sujets de réflexion de ce comité.
IV - L'Europe
La recherche en milieu polaire est par essence internationale car les territoires sont internationaux et les milieux sont extrêmes. Je réaffirme donc avec force qu'il ne peut y avoir de recherche en milieu polaire isolée au risque de se transformer en aventure hasardeuse. Cette recherche, comme toute recherche de pointe, se doit d'avoir une organisation solide, d'être fondée sur l'excellence scientifique et d'être pensée dans un cadre européen.
La France par le biais de l'IPEV, avec le fort soutien de ses partenaires allemand et italien, a pris l'initiative de la constitution d'un ERANET "EUROPOLAR" qui regroupe 19 pays, y compris la Russie, et 25 institutions. Bénéficiant d'un soutien significatif de l'Europe ce projet jette les bases de ce qui pourrait devenir une entité polaire européenne. Après avoir effectué l'inventaire des forces européennes, le Consortium présidé par le directeur de l'IPEV, Gérard Jugie s'attache désormais à définir les objectifs d'une telle institution européenne.
La France a toute sa place dans cette future institution et en constitue déjà un élément prépondérant avec une base commune en Arctique avec l'Allemagne, et une base permanente partagée avec l'Italie au coeur du continent Antarctique.
J'irai d'ailleurs inaugurer officiellement, avec Annette Schavan, la station franco-allemande des Spitzberg dés le printemps prochain avec la fin de la nuit polaire.
De plus, l'association entre l'Italie et la France pour bâtir et gérer une station commune en Antarctique est régulièrement citée en exemple par les parties contractantes au Traité sur l'Antarctique, non seulement pour les bonnes pratiques de partage des installations qu'il inspire, mais aussi en raison des exigences purement scientifiques qui ont été et sont toujours aujourd'hui à la base du projet Concordia. La Présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre 2008 sera l'occasion pour moi de renforcer la coopération européenne en matière de recherche.
V - Les enjeux stratégiques
Au-delà du simple aspect de la connaissance, je crois qu'il est aussi important de rappeler ici que l'exploration scientifique polaire s'inscrit dans des enjeux stratégiques cruciaux pour notre pays.
Le premier enjeu est celui de la souveraineté sur des ressources potentielles considérables.
Souveraineté maritime qui fait l'objet du programme d'extension de notre Zone économique exclusive, EXTRAPLAC (EXTension RAisonnée du PLAteau Continental). La France présente sur tous les océans du globe, est en mesure de formuler des revendications pour des surfaces importantes (supérieur à 1 000 000 km2) devant la Commission des limites du plateau continental (CLPC) des Nations unies avant le 13 mai 2009.
Souveraineté terrestre sur des territoires fragiles qu'il nous faudra exploiter de manière raisonnée et sur lesquels nous devrons faire respecter les lois de la République et les traités internationaux.
Le deuxième enjeu est celui de la biodiversité. En termes de biodiversité et d'écosystèmes spécifiques, je crois important de rappeler que la France est la seule grande puissance économique et scientifique à disposer d'un privilège unique au monde avec, à sa disposition, un gradient d'implantation original allant de l'Equateur aux hautes latitudes passant du subantarctique (Iles Australes) à l'Antarctique côtier et, plus récemment, à l'implantation au sein du continent avec les collègues italiens. Ce gradient climatique et biogéographique est un atout majeur pour nos chercheurs.
Tous nos territoires, et je pense en particulier aux Terres Australes et Adélies Françaises, les TAAF, ont un rôle majeur à jouer, il en va de notre capacité à répondre aux interrogations de la société sur le climat ou encore la biodiversité.
J'appelle d'ailleurs de tous mes voeux, la mise en oeuvre des recommandations du comité consultatif d'IMoSEB (Mécanisme international d'expertise scientifique sur la biodiversité) et la création d'un groupe intergouvernemental d'experts sur la biodiversité, à l'image du GIEC.
VI - L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Pour terminer, je voudrais remercier le sénateur Gaudin et plus généralement les membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) pour le travail remarquable accompli depuis des années.
Et pour illustrer mon propos je citerai les rapports récents de l'OPECST sur les biotechnologies ou encore les nanotechnologies, qui doivent plus que jamais nourrir le débat public actuel trop souvent alimenté, voire pollué, par des expressions passionnées et bruyantes mais empruntes de peurs irraisonnées.
Permettez-moi aussi de rappeler, ce qui peut apparaître comme une évidence, mais dans une période où se pose la question du rôle des institutions, que la mission de l'OPECST est essentielle non seulement au bon fonctionnement de nos institutions mais aussi au bon fonctionnement de notre système de recherche.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 novembre 2007