Texte intégral
Nous avons été un peu long mais c'est parce qu'il y avait matière à discuter avec mon ami le ministre des Affaires étrangères algérien, M. Mourad Medelci.
Nous avons parlé d'abord, bien sûr, de la visite d'Etat du président de la République, dans quelques jours, en Algérie mais également des dossiers bilatéraux qui nous sont communs, des dossiers qui vont être traités en partie ou complètement lors de la visite d'Etat, qui sont très prometteurs et qui me satisfont, pour ma part, très grandement.
Enfin, nous en sommes venus aux problèmes internationaux, qui sont très importants, et nous avons passé en revue ce qui nous attend, à partir de lundi, à Washington puis à Annapolis. J'ai raconté à mon ami Mourad ce qui s'était passé au Liban et qui va connaître, je le crois, dans les jours qui viennent, des développements que je juge satisfaisants. L'élection présidentielle au Liban ne s'est pas tenue vendredi mais je pense que vous serez contents de ce que représentera l'effort qui va être fait pour la stabilité du Liban dans quelques jours. Nous avons parlé, bien sûr, de la Palestine et d'Israël.
Nous avons également évoqué la situation qui prévaut encore, hélas, au Darfour où les forces de paix des Nations unies et de l'Union africaine sont toujours attendues. Nous avons parlé du Tchad. Nous avons demandé à nos amis algériens un effort pour la mission européenne auprès des enfants et des déplacés tchadiens. Nous avons parlé de l'Union africaine et des nouveaux rapports qu'il faut installer, plus précis, plus forts, plus africains et plus européens à la fois, et qui se manifesteront, nous l'espérons, lors de la réunion de Lisbonne.
Q - Comptez-vous vous rendre au Liban dans les jours qui viennent pour tenter de débloquer la situation ? Qui tenez-vous pour responsable de l'impasse actuelle ? Vous avez parlé de développements positifs dans les jours à venir, pourriez-vous être un peu plus précis ?
R - Je viens d'y passer un nombre de jours considérables ! J'ai dit, en quittant le Liban, à côté de mes amis, le ministre des Affaires étrangères italien et le ministre des Affaires étrangères espagnol, que vous n'avez jamais vu trois pays de la Méditerranée aussi importants se trouver ensemble pour prêter leur volonté, leur entregent et leur pouvoir de conviction.
J'ai lu, de ci de là : "échec de la diplomatie ". Nous ne sommes pas concernés, ni moi ni mes amis italien et espagnol, jamais un ministre des Affaires étrangères n'a passé autant de temps au Liban. J'y suis allé six fois. J'ai rencontré tous les partis politiques, dans l'esprit de La Celle Saint-Cloud. Nous pensions que cela suffirait. Des forces libanaises, jusqu'au Hezbollah, tout le monde était là et tout le monde se parlait de bonne manière.
Nous n'avons pas réussi à faire élire un président de consensus vendredi mais je pense que cela interviendra, ainsi que nous l'avons dit. Je dénonce, en effet, les pratiques qui demeurent extrêmement particulières des Libanais entre eux. Mais pas avec nous, nous avons été très contents et bien accueillis par tous les partis.
Faites simplement une petite expérience, regardez les télévisions libanaises et vous verrez le niveau des insultes adressées de part et d'autres et dans tous les groupes. Ce n'est pas comme cela que l'on réussira, malgré le fait que tout le monde se connaisse.
J'y retournerai volontiers, si c'est utile. Je crois que vous verrez dans les jours qui viennent se développer une solution : nous y aurons participé. Si elle atteint un point de stabilité, en conservant l'intégrité et l'indépendance de ce pays, je pense que nos efforts et, en particulier, ceux de la France n'auront pas été inutiles.
Q - Le ministre algérien a exprimé récemment une réserve sur le projet d'Union méditerranéenne à cause de nombreuses ambiguïtés. Il a demandé un certain nombre de clarifications. Aujourd'hui, y a-t-il une réponse qui lève ces ambiguïtés et espérez-vous un appui de la réunion d'Annapolis pour le processus au Liban ?
R - Ce projet d'Union méditerranéenne n'est pas du tout destiné à remettre en cause le Processus de Barcelone, ni Euromed, ni un certain nombre de choses qui existent. Ce sont des projets, des projets clairs, financés pour la plupart, qui feront la différence. Nous n'en sommes qu'au début, il y a déjà eu un projet pour les riverains de la mer baltique, par exemple, elle ne s'est pas séparée de l'Union européenne pour autant. Il faut que l'on travaille ensemble.
Pour ce qui est de votre seconde question, Annapolis par rapport au Liban, c'est une très jolie question. Je pensais que le processus électoral libanais achevé aurait constitué une bonne base d'éclairage, un bon départ, une meilleure atmosphère pour ce qui allait se passer quelques jours après à Annapolis. Hélas, cela ne sera pas possible. Je crois malgré tout que, dans quelques jours, les choses iront mieux. Mais pas à temps pour Annapolis. En revanche, à Beyrouth, nous avons beaucoup insisté pour que le Liban soit représenté et il le sera.
Nous savions, durant la semaine, que les Syriens accepteraient d'aller à Annapolis, ce qui s'est concrétisé durant la réunion de la Ligue arabe. C'est très bien que les Saoudiens s'y rendent afin que tout le monde soit représenté au niveau ministériel.
Je pense en effet que cela peut avoir une influence positive sur ce qui, je l'espère, sera la stabilité du Liban.
Q - Avez-vous évoqué le Traité d'amitié entre l'Algérie et la France ?
R - Non.
Q - M. Sarkozy part cet après-midi en Chine. Vous êtes resté ici mais vous aviez fait le voyage de préparation. Selon vous, quels sont les points forts de cette visite de trois jours en Chine et quels sont les problèmes à résoudre ?
R - Je vous signale que si je n'ai pas pris part à ce voyage, c'est parce que je vais à Annapolis. Il fallait donc se séparer et c'est dommage car j'étais très heureux d'être chez vous il y a peu de temps.
Il y a beaucoup de contrats et de projets qui seront évoqués et signés. Il y a surtout une relation qui se solidifie avec la Chine, c'est tout à fait essentiel.
Q - Il y a le problème de la Birmanie, vous le savez, qui voit sa clef pour une part en Chine.
R - Je pense que le président en parlera ainsi que je l'ai fait moi-même.
Par ailleurs, avec le ministre algérien des Affaires étrangères, nous avons évoqué le problème des influences du travail et des succès de la Chine en Afrique.
Nous voyons tous les deux ceci comme quelque chose de très positif. Je ne suis pas du tout de ceux qui sont jaloux de l'influence naissante de la Chine.
J'admire le travail de la Chine en Afrique et je pense, je l'ai proposé, que nous devons travailler avec elle et non contre elle.
Je fus très heureux, lorsque je me trouvais en Chine il y a peu de temps, de voir qu'un groupe de travail franco-chinois sur le développement et la coopération avançait à grands pas vers des activités communes.
Q - Une question au sujet de la première visite d'Etat de M. Sarkozy en Algérie, quelle est sa particularité selon vous ? Vous avez parlé de dossiers importants, l'évaluation de l'importance de ces dossiers converge-t-elle ? Concernant la circulation des personnes, à plusieurs reprises, nos ministres algériens ont parlé de l'importance de veiller à ce que cette circulation de personnes se fasse dans de meilleures conditions. Au niveau français, on a entendu beaucoup de discours très encourageants, je ne sais pas si aujourd'hui, on peut dire que, concrètement, il y aura autre chose.
R - Vous me demandez ce qui est différent ? C'est, si vous voulez, le ton qui a changé. C'est le style qui a changé, certes, mais c'est surtout le ton.
Il y a eu des événements graves - la guerre d'Algérie -, et nous ne reviendrons pas là-dessus, c'est une autre génération qui vient, je vous assure, j'ai senti cela très fortement. Cela m'a fait plaisir.
L'Algérie est un grand pays, un pays ami et nous voulons en faire un pays frère.
C'est en train de se mettre en place. C'est ce que le ministre algérien vient de dire : d'un côté, il y a les hydrocarbures et, de l'autre, il y a l'énergie nucléaire. C'est un socle formidable sur lequel nous allons avancer. Vous verrez, les projets sont très importants.
Nous avons eu, c'est un mot pudique et diplomatique, des divergences et des fracas et, maintenant, nous construisons, ensemble, les deux rives de la Méditerranée pour faire entre les deux pays - dont il n'était pas toujours facile de penser qu'ils deviendraient des pays frères -, quelque chose de nouveau.
Q - Vous êtes fortement préoccupés par la construction de relations d'avenir solides mais ne pensez-vous pas que la construction de ces relations d'avenir aurait besoin de mettre au clair des relations passées, autrement dit l'Histoire ? Dans la visite qu'effectuera M. Sarkozy, n'y aura-t-il pas, un geste, une parole, un acte symbolique allant dans ce sens, pour contribuer à la construction d'une mémoire apaisée et partagée, ce que recherchent aussi bien les Algériens que les Français ?
R - L'état d'esprit est celui que j'ai pris à mon compte tout à l'heure, dans la construction de cette fraternité nécessaire. Vous dites que le passé a existé, oui, bien évidemment, et pour les hommes de ma génération, il a très fortement existé.
Mais, la France était divisée, j'étais d'un côté qui considérait l'indépendance de l'Algérie comme indispensable, nécessaire et évidente. D'autres pensaient différemment.
Le temps n'est plus, le président Sarkozy l'a dit, ni à la repentance, ni à l'acrimonie. Le temps est sans doute, en tout cas je l'espère, même si ce sera plus difficile, à une réflexion calme, éclairée, importante et décisive de ce qui s'est passé entre nos deux pays. Mais il ne faut froisser personne ; certains sont capables de l'entendre et d'autres non.
Laissez le temps offrir son temps, non pas du pardon mais du passé. Ni pour les uns, ni pour les autres, le pardon n'est un mot qui s'impose. Il y a toujours eu des difficultés historiques et l'exemple, c'est quand même l'Union européenne.
Si nous parlons maintenant de l'Union méditerranéenne, ce n'est pas un hasard. C'est que dans l'Union européenne, deux pays, mais aussi d'autres, tous les pays de l'Union européenne ont participé à des guerres les uns contre les autres et rien n'a été aussi terrible que ce qui s'est passé entre la France et l'Allemagne. Et pourtant, aujourd'hui, nous utilisons le terme " nous " quand nous parlons de nos deux pays.
J'espère que d'ici peu de temps, et comparaison n'est pas raison, cela ne s'est pas passé de la même manière, cela n'a pas été de même nature, mais je crois qu'il faudra dire "nous ", d'un côté et de l'autre de la Méditerranée.
Q - Concernant le Liban, que devrait faire la communauté internationale et notamment la France pour épargner l'escalade au Liban où, selon certains experts et commentateurs, la situation risque de se détériorer ? La France accuse-t-elle certains pays riverains comme la Syrie d'avoir créer cette situation ? Quel commentaire la France fait-elle au sujet des dernières décisions prises par l'ex président libanais ?
R - Ne me faites pas mettre de l'"huile sur le feu", ce n'est pas mon genre.
Tout d'abord, je ne suis pas sûr qu'il y ait des périodes de tensions qui s'annoncent. Il y a peut-être quelques petits incidents mais je ne crois pas à une tension très grave.
Je sais que n'importe quel conflit local peut dégénérer au Liban et de façon extrêmement grave, car j'ai vécu toutes les années de la guerre et je sais que c'est cela qu'il faut absolument empêcher. Mais, je suis optimiste.
Vous savez, l'influence de la Syrie n'est pas nouvelle, l'influence de l'Iran non plus et dans chaque problème libanais, il y a également des raisons et des pesanteurs extérieures. Nous avons tenu compte de tout cela, nous avons parlé avec tout le monde. J'espère, je le redis, que dans la semaine qui vient, une solution sera proposée qui permettra l'apaisement, un nouveau gouvernement, et un développement.
Vous savez, certains problèmes se posent tout de suite au Liban ; la dette est lourde. Il y a eu la Conférence de Paris-3 dont les implications n'ont pas été prises en compte. Ne soyons pas trop pessimistes.
Nous avions dit, en quittant le Liban, que nous étions des facilitateurs, que nous y reviendrons mais ce n'est pas mon pays, je ne peux pas y rester tout le temps.
C'est pour le Liban et tout le monde le comprend. C'est l'Union européenne et 27 pays qui sont impliqués. Je pense que jamais trois ministres, italien, espagnol et français, n'auront accordé, par leur présence et leur détermination, autant d'intérêt à ce pays. C'est bien que l'on s'occupe des amis.
Q - tout à l'heure, le ministre algérien a parlé d'une projection sur l'avenir basée sur du concret. Vous-même, vous évoquiez des dossiers très prometteurs. Comment placez-vous la question des investissements et des idéaux en Algérie ? Comment voyez-vous le marché algérien à l'heure actuelle ?
R - Vous me demandez une analyse économique du marché algérien, de la croissance algérienne et de notre possibilité d'investissements ? Je le vois comme un marché très prometteur mais pas seulement de notre côté. M. le ministre l'a dit tout à l'heure, nous augmenterons très certainement nos investissements parce que le climat bilatéral est meilleur. Les sentiments que l'on y retrouve sont des sentiments de complémentarité et d'accueil.
Pour les PME, M. le ministre vous a dit ce dont nous pourrons bénéficier et il y a un certain nombre de dossier, de grands travaux qui nécessitent de grands investissements et vous ne serez pas déçus.
Je le vois tout d'abord politiquement comme nécessaire parce que nous devons absolument, les uns et les autres et surtout l'Algérie et la France, développer des coopérations fraternelles. C'est nécessaire.
Regardez le dossier de l'eau, la nécessaire circulation de l'eau, la présidence française de l'Union européenne à partir du mois de juillet 2008 offrira des projets de ce type, venus de l'Europe vers le Maghreb et vers l'Afrique. Il y a d'énormes choses à faire.
Je reviens à la Chine. Nous devons être, avec nos amis chinois, capables d'apporter quelque chose de notre connaissance, de notre goût des autres et de notre façon de nous parler.
Je crois que c'est un dossier plein d'avenir et de promesses.
Tournons la page de ces passés qui ne sont plus.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2007
Nous avons parlé d'abord, bien sûr, de la visite d'Etat du président de la République, dans quelques jours, en Algérie mais également des dossiers bilatéraux qui nous sont communs, des dossiers qui vont être traités en partie ou complètement lors de la visite d'Etat, qui sont très prometteurs et qui me satisfont, pour ma part, très grandement.
Enfin, nous en sommes venus aux problèmes internationaux, qui sont très importants, et nous avons passé en revue ce qui nous attend, à partir de lundi, à Washington puis à Annapolis. J'ai raconté à mon ami Mourad ce qui s'était passé au Liban et qui va connaître, je le crois, dans les jours qui viennent, des développements que je juge satisfaisants. L'élection présidentielle au Liban ne s'est pas tenue vendredi mais je pense que vous serez contents de ce que représentera l'effort qui va être fait pour la stabilité du Liban dans quelques jours. Nous avons parlé, bien sûr, de la Palestine et d'Israël.
Nous avons également évoqué la situation qui prévaut encore, hélas, au Darfour où les forces de paix des Nations unies et de l'Union africaine sont toujours attendues. Nous avons parlé du Tchad. Nous avons demandé à nos amis algériens un effort pour la mission européenne auprès des enfants et des déplacés tchadiens. Nous avons parlé de l'Union africaine et des nouveaux rapports qu'il faut installer, plus précis, plus forts, plus africains et plus européens à la fois, et qui se manifesteront, nous l'espérons, lors de la réunion de Lisbonne.
Q - Comptez-vous vous rendre au Liban dans les jours qui viennent pour tenter de débloquer la situation ? Qui tenez-vous pour responsable de l'impasse actuelle ? Vous avez parlé de développements positifs dans les jours à venir, pourriez-vous être un peu plus précis ?
R - Je viens d'y passer un nombre de jours considérables ! J'ai dit, en quittant le Liban, à côté de mes amis, le ministre des Affaires étrangères italien et le ministre des Affaires étrangères espagnol, que vous n'avez jamais vu trois pays de la Méditerranée aussi importants se trouver ensemble pour prêter leur volonté, leur entregent et leur pouvoir de conviction.
J'ai lu, de ci de là : "échec de la diplomatie ". Nous ne sommes pas concernés, ni moi ni mes amis italien et espagnol, jamais un ministre des Affaires étrangères n'a passé autant de temps au Liban. J'y suis allé six fois. J'ai rencontré tous les partis politiques, dans l'esprit de La Celle Saint-Cloud. Nous pensions que cela suffirait. Des forces libanaises, jusqu'au Hezbollah, tout le monde était là et tout le monde se parlait de bonne manière.
Nous n'avons pas réussi à faire élire un président de consensus vendredi mais je pense que cela interviendra, ainsi que nous l'avons dit. Je dénonce, en effet, les pratiques qui demeurent extrêmement particulières des Libanais entre eux. Mais pas avec nous, nous avons été très contents et bien accueillis par tous les partis.
Faites simplement une petite expérience, regardez les télévisions libanaises et vous verrez le niveau des insultes adressées de part et d'autres et dans tous les groupes. Ce n'est pas comme cela que l'on réussira, malgré le fait que tout le monde se connaisse.
J'y retournerai volontiers, si c'est utile. Je crois que vous verrez dans les jours qui viennent se développer une solution : nous y aurons participé. Si elle atteint un point de stabilité, en conservant l'intégrité et l'indépendance de ce pays, je pense que nos efforts et, en particulier, ceux de la France n'auront pas été inutiles.
Q - Le ministre algérien a exprimé récemment une réserve sur le projet d'Union méditerranéenne à cause de nombreuses ambiguïtés. Il a demandé un certain nombre de clarifications. Aujourd'hui, y a-t-il une réponse qui lève ces ambiguïtés et espérez-vous un appui de la réunion d'Annapolis pour le processus au Liban ?
R - Ce projet d'Union méditerranéenne n'est pas du tout destiné à remettre en cause le Processus de Barcelone, ni Euromed, ni un certain nombre de choses qui existent. Ce sont des projets, des projets clairs, financés pour la plupart, qui feront la différence. Nous n'en sommes qu'au début, il y a déjà eu un projet pour les riverains de la mer baltique, par exemple, elle ne s'est pas séparée de l'Union européenne pour autant. Il faut que l'on travaille ensemble.
Pour ce qui est de votre seconde question, Annapolis par rapport au Liban, c'est une très jolie question. Je pensais que le processus électoral libanais achevé aurait constitué une bonne base d'éclairage, un bon départ, une meilleure atmosphère pour ce qui allait se passer quelques jours après à Annapolis. Hélas, cela ne sera pas possible. Je crois malgré tout que, dans quelques jours, les choses iront mieux. Mais pas à temps pour Annapolis. En revanche, à Beyrouth, nous avons beaucoup insisté pour que le Liban soit représenté et il le sera.
Nous savions, durant la semaine, que les Syriens accepteraient d'aller à Annapolis, ce qui s'est concrétisé durant la réunion de la Ligue arabe. C'est très bien que les Saoudiens s'y rendent afin que tout le monde soit représenté au niveau ministériel.
Je pense en effet que cela peut avoir une influence positive sur ce qui, je l'espère, sera la stabilité du Liban.
Q - Avez-vous évoqué le Traité d'amitié entre l'Algérie et la France ?
R - Non.
Q - M. Sarkozy part cet après-midi en Chine. Vous êtes resté ici mais vous aviez fait le voyage de préparation. Selon vous, quels sont les points forts de cette visite de trois jours en Chine et quels sont les problèmes à résoudre ?
R - Je vous signale que si je n'ai pas pris part à ce voyage, c'est parce que je vais à Annapolis. Il fallait donc se séparer et c'est dommage car j'étais très heureux d'être chez vous il y a peu de temps.
Il y a beaucoup de contrats et de projets qui seront évoqués et signés. Il y a surtout une relation qui se solidifie avec la Chine, c'est tout à fait essentiel.
Q - Il y a le problème de la Birmanie, vous le savez, qui voit sa clef pour une part en Chine.
R - Je pense que le président en parlera ainsi que je l'ai fait moi-même.
Par ailleurs, avec le ministre algérien des Affaires étrangères, nous avons évoqué le problème des influences du travail et des succès de la Chine en Afrique.
Nous voyons tous les deux ceci comme quelque chose de très positif. Je ne suis pas du tout de ceux qui sont jaloux de l'influence naissante de la Chine.
J'admire le travail de la Chine en Afrique et je pense, je l'ai proposé, que nous devons travailler avec elle et non contre elle.
Je fus très heureux, lorsque je me trouvais en Chine il y a peu de temps, de voir qu'un groupe de travail franco-chinois sur le développement et la coopération avançait à grands pas vers des activités communes.
Q - Une question au sujet de la première visite d'Etat de M. Sarkozy en Algérie, quelle est sa particularité selon vous ? Vous avez parlé de dossiers importants, l'évaluation de l'importance de ces dossiers converge-t-elle ? Concernant la circulation des personnes, à plusieurs reprises, nos ministres algériens ont parlé de l'importance de veiller à ce que cette circulation de personnes se fasse dans de meilleures conditions. Au niveau français, on a entendu beaucoup de discours très encourageants, je ne sais pas si aujourd'hui, on peut dire que, concrètement, il y aura autre chose.
R - Vous me demandez ce qui est différent ? C'est, si vous voulez, le ton qui a changé. C'est le style qui a changé, certes, mais c'est surtout le ton.
Il y a eu des événements graves - la guerre d'Algérie -, et nous ne reviendrons pas là-dessus, c'est une autre génération qui vient, je vous assure, j'ai senti cela très fortement. Cela m'a fait plaisir.
L'Algérie est un grand pays, un pays ami et nous voulons en faire un pays frère.
C'est en train de se mettre en place. C'est ce que le ministre algérien vient de dire : d'un côté, il y a les hydrocarbures et, de l'autre, il y a l'énergie nucléaire. C'est un socle formidable sur lequel nous allons avancer. Vous verrez, les projets sont très importants.
Nous avons eu, c'est un mot pudique et diplomatique, des divergences et des fracas et, maintenant, nous construisons, ensemble, les deux rives de la Méditerranée pour faire entre les deux pays - dont il n'était pas toujours facile de penser qu'ils deviendraient des pays frères -, quelque chose de nouveau.
Q - Vous êtes fortement préoccupés par la construction de relations d'avenir solides mais ne pensez-vous pas que la construction de ces relations d'avenir aurait besoin de mettre au clair des relations passées, autrement dit l'Histoire ? Dans la visite qu'effectuera M. Sarkozy, n'y aura-t-il pas, un geste, une parole, un acte symbolique allant dans ce sens, pour contribuer à la construction d'une mémoire apaisée et partagée, ce que recherchent aussi bien les Algériens que les Français ?
R - L'état d'esprit est celui que j'ai pris à mon compte tout à l'heure, dans la construction de cette fraternité nécessaire. Vous dites que le passé a existé, oui, bien évidemment, et pour les hommes de ma génération, il a très fortement existé.
Mais, la France était divisée, j'étais d'un côté qui considérait l'indépendance de l'Algérie comme indispensable, nécessaire et évidente. D'autres pensaient différemment.
Le temps n'est plus, le président Sarkozy l'a dit, ni à la repentance, ni à l'acrimonie. Le temps est sans doute, en tout cas je l'espère, même si ce sera plus difficile, à une réflexion calme, éclairée, importante et décisive de ce qui s'est passé entre nos deux pays. Mais il ne faut froisser personne ; certains sont capables de l'entendre et d'autres non.
Laissez le temps offrir son temps, non pas du pardon mais du passé. Ni pour les uns, ni pour les autres, le pardon n'est un mot qui s'impose. Il y a toujours eu des difficultés historiques et l'exemple, c'est quand même l'Union européenne.
Si nous parlons maintenant de l'Union méditerranéenne, ce n'est pas un hasard. C'est que dans l'Union européenne, deux pays, mais aussi d'autres, tous les pays de l'Union européenne ont participé à des guerres les uns contre les autres et rien n'a été aussi terrible que ce qui s'est passé entre la France et l'Allemagne. Et pourtant, aujourd'hui, nous utilisons le terme " nous " quand nous parlons de nos deux pays.
J'espère que d'ici peu de temps, et comparaison n'est pas raison, cela ne s'est pas passé de la même manière, cela n'a pas été de même nature, mais je crois qu'il faudra dire "nous ", d'un côté et de l'autre de la Méditerranée.
Q - Concernant le Liban, que devrait faire la communauté internationale et notamment la France pour épargner l'escalade au Liban où, selon certains experts et commentateurs, la situation risque de se détériorer ? La France accuse-t-elle certains pays riverains comme la Syrie d'avoir créer cette situation ? Quel commentaire la France fait-elle au sujet des dernières décisions prises par l'ex président libanais ?
R - Ne me faites pas mettre de l'"huile sur le feu", ce n'est pas mon genre.
Tout d'abord, je ne suis pas sûr qu'il y ait des périodes de tensions qui s'annoncent. Il y a peut-être quelques petits incidents mais je ne crois pas à une tension très grave.
Je sais que n'importe quel conflit local peut dégénérer au Liban et de façon extrêmement grave, car j'ai vécu toutes les années de la guerre et je sais que c'est cela qu'il faut absolument empêcher. Mais, je suis optimiste.
Vous savez, l'influence de la Syrie n'est pas nouvelle, l'influence de l'Iran non plus et dans chaque problème libanais, il y a également des raisons et des pesanteurs extérieures. Nous avons tenu compte de tout cela, nous avons parlé avec tout le monde. J'espère, je le redis, que dans la semaine qui vient, une solution sera proposée qui permettra l'apaisement, un nouveau gouvernement, et un développement.
Vous savez, certains problèmes se posent tout de suite au Liban ; la dette est lourde. Il y a eu la Conférence de Paris-3 dont les implications n'ont pas été prises en compte. Ne soyons pas trop pessimistes.
Nous avions dit, en quittant le Liban, que nous étions des facilitateurs, que nous y reviendrons mais ce n'est pas mon pays, je ne peux pas y rester tout le temps.
C'est pour le Liban et tout le monde le comprend. C'est l'Union européenne et 27 pays qui sont impliqués. Je pense que jamais trois ministres, italien, espagnol et français, n'auront accordé, par leur présence et leur détermination, autant d'intérêt à ce pays. C'est bien que l'on s'occupe des amis.
Q - tout à l'heure, le ministre algérien a parlé d'une projection sur l'avenir basée sur du concret. Vous-même, vous évoquiez des dossiers très prometteurs. Comment placez-vous la question des investissements et des idéaux en Algérie ? Comment voyez-vous le marché algérien à l'heure actuelle ?
R - Vous me demandez une analyse économique du marché algérien, de la croissance algérienne et de notre possibilité d'investissements ? Je le vois comme un marché très prometteur mais pas seulement de notre côté. M. le ministre l'a dit tout à l'heure, nous augmenterons très certainement nos investissements parce que le climat bilatéral est meilleur. Les sentiments que l'on y retrouve sont des sentiments de complémentarité et d'accueil.
Pour les PME, M. le ministre vous a dit ce dont nous pourrons bénéficier et il y a un certain nombre de dossier, de grands travaux qui nécessitent de grands investissements et vous ne serez pas déçus.
Je le vois tout d'abord politiquement comme nécessaire parce que nous devons absolument, les uns et les autres et surtout l'Algérie et la France, développer des coopérations fraternelles. C'est nécessaire.
Regardez le dossier de l'eau, la nécessaire circulation de l'eau, la présidence française de l'Union européenne à partir du mois de juillet 2008 offrira des projets de ce type, venus de l'Europe vers le Maghreb et vers l'Afrique. Il y a d'énormes choses à faire.
Je reviens à la Chine. Nous devons être, avec nos amis chinois, capables d'apporter quelque chose de notre connaissance, de notre goût des autres et de notre façon de nous parler.
Je crois que c'est un dossier plein d'avenir et de promesses.
Tournons la page de ces passés qui ne sont plus.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2007