Interview de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, à "France 2" le 3 décembre 2007, sur le projet de loi en faveur du pouvoir d'achat et sur la mise en vente de 2,5 % du capital d'EDF.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Hier, F. Fillon annonçait une mise en route rapide des mesures décidées par N. Sarkozy, et ça va vite, puisque dès ce matin, 2,5 % du capital d'EDF est mis en vente. Cela doit servir à financer le plan pour les universités. Pourquoi 2,5 alors que N. Sarkozy avait dit 3 % ?

R.- On ira peut-être au-delà de 2,5. On a 2,5 qui sont garantis, et je vous fais observer au passage que c'est vraiment la méthode de l'efficacité puisque la mesure a été annoncée jeudi soir. On est en mesure de placer dès lundi matin, donc on a bien mouliné pendant le week-end, mais je pense que ce sera une opération réussie.

Q.- Vous pensez que combine sera vendu, finalement ?

R.- Ecoutez, on ira peut-être au-delà de 2,5 %, peut-être un petit peu au-delà de 3 %, même, puisque le placement a l'air de très, très bien se présenter et c'est une bonne chose. Cela signifie que l'on a aussi eu raison, en son temps, de faire l'organisation d'Electricité De France, comme on l'a faite.

Q.- Alors, cela dit, ce n'est pas une vente qui est adressée aux particuliers, cette fois-ci c'est les banques, seulement, qui achètent, c'est ça ?

R.- C'est une vente qui est réservée aux institutionnels parce que l'on a privilégié...

Q.- Pourquoi ?

R.- On a privilégié l'efficacité et la rapidité. Un placement aux institutionnels, on peut l'organiser dans des délais très rapides, comme nous l'avons fait, en travaillant beaucoup, mais ça peut se faire vite. Auprès des particuliers, ça prend beaucoup plus de temps, il faut au moins quatre ou cinq semaines.

Q.- Mais les particuliers qui, la dernière fois, avaient acheté des actions EDF, avaient fait une bonne affaire, donc cette fois-ci il n'y aura pas de bonne affaire.

R.- Pas cette fois-ci, mais je pense que l'on n'a pas dit notre dernier mot, même avec l'opération réalisée maintenant, on sera à un peu plus de 83 % de détention du capital d'EDF, donc il reste de la marge. La loi exige que l'Etat conserve 70 %, on a de la marge.

Q.- En gros, vous annoncez de nouvelles ventes, dans l'avenir, du capital d'EDF ?

R.- C'est très possible, en 2008, par exemple.

Q.- Est-ce que, au final, EDF sera privatisée ?

R.- Non, je vous l'ai dit, la loi exige de toute façon que l'Etat conserve 70 % du capital. 70 % c'est une détention tout à fait significative et il n'est pas question d'aller en deçà.

Q.- Alors, sur les mesures, pour le pouvoir d'achat, F. Fillon a donc dit qu'il fallait que ça aille vite. Est-ce que vous avez une idée de ce que vont rapporter aux Français, l'ensemble de ces mesures ? Est-ce qu'on peut les chiffrer ?

R.- Vous savez, ce qui me parait important, ce sont toutes les mesures qui ont été prises depuis le mois de juillet. En fait, on est vraiment en train de mettre la France en orbite de compétitivité et c'est un peu comme une fusée, ça a plusieurs moteurs. Premier moteur, c'est le moteur travail, cet été, avec les mesures pour les heures supplémentaires ; étage concurrence, avec une loi qui très prochainement interviendra sur la concurrence et la diminution des prix de vente aux consommateurs ; et puis il y a toutes les mesures qui viennent d'être annoncées par le président de la République, jeudi soir, et que nous sommes en train de mettre en oeuvre, en particulier le déblocage de la participation, le paiement de primes dans les entreprises qui n'ont pas de participation et puis la monétisation de la RTT.

Q.- Mais tout cela, ça va rapporter combien ? Quel chiffre ?

R.- On sait surtout ce que...

Q.- Combien va aller dans le portefeuille des Français ?

R.- On sait surtout quel est le volume qui va être mis dans l'économie. La loi sur le travail, en particulier, ça représente en année pleine, à peu près, 14 milliards d'euros. Le déblocage de la participation et le paiement de primes, en fin d'année, on peut estimer, par rapport à 2004, où on avait fait une opération similaire, qu'on mettra 12 milliards d'euros sur le marché. Donc, bon an mal an, c'est au moins 25 milliards d'euros qui vont être remis sur le marché. Et puis je vais vous donner un exemple particulier : un salarié, dans une entreprise de moins de 20 salariés, payé au Smic et qui fait 4 heures supplémentaires par semaine, eh bien à la fin de l'année, il aura 2 000 euros supplémentaires de salaire, presque un 14ème mois, en tout cas un 13ème. Donc, ça, c'est un exemple de ce que ça rapporte en terme de travailler plus, gagner plus, c'était la loi de cet été sur le travail.

Q.- Une des idées, c'est les 35 heures et il sera possible de travailler au- delà de 35 heures, dans les entreprises où il y aura un accord majoritaire. Mais ça sera payé comment ? En heures supplémentaires, pas en heures supplémentaires ?

R.- Aujourd'hui, en l'état des textes, on peut très bien travailler au-delà de 35 heures, il n'y a pas de limite et ce qu'a fait la loi de cet été sur le travail, c'est de permettre aux salariés qui travaillent plus que 35 heures, d'être payés en triple bonus, c'est-à-dire + 25 %, pas de charges sociales, pas d'imposition. Ça, c'est le régime actuel.

Q.- Alors, qu'est-ce que ça change, ce qu'a annoncé N. Sarkozy ?

R.- Eh bien, cela change que dans les entreprises, il pourra y avoir des négociations sur la durée du temps de travail, sur la rémunération, sur la RTT, donc il y a toute une série de choses, sur la durée, sur le salaire, sur les phénomènes de compensations, qui vont être négociées au sein des entreprises. Donc, là, il va falloir remettre un certain nombre de choses sur la table, mais en l'état...

Q.- Donc ça ne sera plus payé en heures supplémentaires, c'est ça ?

R.- En l'état des textes, on est sur le paiement d'heures supplémentaires à partir de la 36ème heure, la durée légale du travail n'a pas changé, et la 36ème heure devient une heure supplémentaire.

Q.- Est-ce que l'idée finale c'est de mettre fin aux 35 heures ?

R.- L'idée finale, c'est d'apporter à la France de la compétitivité, et on le sait très bien, la compétitivité, elle passe par plus de travail, plus de concurrence et une modernisation de notre économie. Ce sont les trois étages de la fusée dont je vous parlais tout à l'heure. Travailler plus, gagner plus, de la concurrence, et ça, ça va s'appliquer dans les supermarchés. Le fait que les distributeurs soient en mesure de répercuter à la vente les remises qu'ils obtiennent des fournisseurs, ça va véritablement changer la donne pour les acheteurs.

Q.- Les distributeurs disent que la loi est insuffisante, parce qu'elle ne leur permet pas de négocier, justement, les prix avec les fournisseurs.

R.- Mais ils ne sont pas les seuls à le dire. Le président de la République a annoncé...

Q.- Est-ce qu'il faut changer la loi qui vient d'être... qui n'est même pas encore totalement adoptée ?

R.- On est en train de la changer, donc elle sera opérationnelle dès le début de l'année, puisqu'il faut qu'on passe au Sénat la semaine prochaine, mais le président de la République a annoncé qu'on irait plus loin. Donc, il souhaite rassembler les distributeurs, les fournisseurs, les consommateurs, pour qu'on aille un peu plus loin. Mais il faut faire très attention, parce qu'il faut à la fois permettre aux consommateurs de bénéficier de prix plus bas, il faut que les distributeurs répercutent les baisses, mais il ne faut pas écraser les fournisseurs, il faut en particulier que les petites et moyennes entreprises puissent négocier leurs prix et puissent assurer leurs coûts et un minimum de marges aussi.

Q.- Mais est-ce que les grandes surfaces, comme elles le demandent, vont pouvoir négocier les prix avec les fournisseurs, ou pas ?

R.- Elles le font déjà, vous savez, elles le font sans aucune difficulté. Elles veulent le faire de manière encore plus simple et sans contrainte. Alors, c'est très bien d'éliminer les contraintes, il faut le faire, mais il faut s'assurer que les rapports de forces soient équilibrés. Donc, il faut que les distributeurs soient encouragés à négocier et à répercuter les baisses et il faut que les fournisseurs puissent aussi sortir leur épingle du jeu. On ne veut pas se retrouver avec toute une série de petites et moyennes entreprises qui sont d'excellents fournisseurs de produits et qui fabriquent en France, qui seraient laminées par une réforme excessive.

Q.- Sur la croissance, quel est l'objectif de 2007 ? Est-ce qu'on sera à 2 % ?

R.- L'objectif, c'est la compétitivité de la France. La compétitivité, ça passe par la productivité dans les entreprises, par l'emploi des salariés et par l'attractivité du pays. Ce sont les trois objectifs que l'on poursuit. En terme de croissance, on a retenu 2 %, un peu plus que 2 %.

Q.- Ça sera tenu ?

R.- Eh bien écoutez, on fera tout ce qu'il faut pour que ça soit tenu et je crois que les chiffres nous le prouvent aujourd'hui. On a une économie qui crée des emplois, on a de moins en moins de demandeurs d'emploi, mois après mois, régulièrement. Ça, ça signifie que l'économie est créatrice d'emplois et qu'elle tourne. De la même manière, nos chiffres de croissance du troisième trimestre 2007 sont très encourageants. Vous savez, moi, je me fie à la réalité des chiffres. On a des prévisionnels de croissance qui nous permettent de déterminer un budget, mais aujourd'hui les chiffres nous donnent raison, ça marche.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2007