Interview de Mme Fadela Amara, Secrétaire d'Etat à la politique de la ville, à "RTL" le 3 décembre 2007, sur la préparation de son plan pour les banlieues, les relations entre la police et les jeunes, et son prochain voyage en Algérie.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour F. Amara. Bonjour. Une semaine après la mort de deux adolescents et les émeutes qui ont suivi, le calme semble revenu à Villiers-le-Bel. Un reportage de T. Prouteau tout à l'heure sur RTL expliquait que ceci était sans doute dû à la présence massive des policiers dans cette cité. Les policiers sont installés pour longtemps à Villiers-le-Bel, F. Amara ?

R.- Je pense qu'ils sont installés le temps nécessaire pour que cela se calme complètement et réellement ; mais je ne pense pas que c'est uniquement lié à la présence des policiers. Je pense que tout simplement, à la fois les familles et les voisins, y compris les jeunes, ne veulent pas que la violence gagne du terrain, tout simplement.

Q.- Et le temps nécessaire, on l'estime à combien ? On ne sait pas ?

R.- Je pense que cela va se lever très vite.

Q.- Très vite. Des nouvelles de l'enquête, Fadela Amara, sur la mort de ces deux adolescents qui ont percuté une voiture de police ?

R.- A l'heure où je vous parle, elle est toujours en cours.

Q.- Et l'idée semble s'installer d'un accident, quelque chose d'inéluctable qui ne pouvait pas être évitée. Voilà, un accident comme il y en a tant sur les routes ?

R.- Ecoutez, je ne peux pas présumer des résultats de l'enquête ; mais en tout cas, l'idée semblerait que cela soit un accident, oui.

Q.- Vous en acceptez l'hypothèse ? C'est-à-dire que certains jeunes disaient : on va nous cacher la vérité ?

R.- Non, non, non.

Q.- Peut-être que quelquefois, les policiers coursent les gens qui sont en moto ?

R.- Non, le président de la République s'y est engagé ; toute la vérité sera faite sur cette affaire. Donc, je n'ai aucun doute sur cette question-là.

Q.- Sur la présence policière toujours, on lit beaucoup de choses. Et dans le Parisien, encore hier, c'était un éducateur spécialisé à Villiers-le-Bel qui disait ceci : "Pour une vérification de carte grise, les policiers font plaquer les jeunes contre le mur, et ils les font fouiller. Il faudrait que leur comportement change". Est-ce qu'il y a un problème lié à l'attitude des policiers vis-à-vis des jeunes dans les cités, F. Amara ?

R.- Alors, moi je ne dirais pas : l'attitude des policiers, en général. Il faut faire attention aux mots. Je pense qu'il y a quelques éléments qui font que malheureusement, on tente de jeter l'opprobre sur l'ensemble de ce service public qu'est la Police républicaine. D'ailleurs, je l'écris très bien dans le livre de "Ni putes, ni soumises", déjà à l'époque. Je disais qu'il y avait un problème de relations avec certains policiers et certains jeunes. Et je crois, moi, qu'elle s'honorerait justement à faire en sorte que cela n'existe plus.

Q.- Qui s'honorerait ? La Police ?

R.- Oui, la police s'honorerait à ce que certains éléments qui font n'importe quoi, qui abusent un peu de leur autorité, justement, soient régulés. Mais de la même manière, j'entends aussi - puisque je reçois les syndicats de police et puis, je connais bien le contact avec la Police - je pense aussi que malheureusement, nous avons des jeunes aussi qui dans leurs comportements, sont terribles avec la police. Et cette police qui fait bien son travail, j'y tiens et j'insiste, il faut quand même leur rendre hommage parce que ce n'est pas facile de travailler dans certains quartiers, surtout quand on se fait insulter, caillasser et aujourd'hui, canarder directement par balles. Je crois qu'il faut qu'on fasse attention à la manière dont on appréhende les choses. Moi, je suis partisane pour qu'il y ait vraiment apaisement et que les relations s'améliorent. D'ailleurs, tous les syndicats de police eux-mêmes le disent.

Q.- Mais vous parlez de certains éléments dans la police. La police ne fait pas le ménage, quand elle est saisie de certains comportements des fonctionnaires qui ne sont pas ce qu'ils devraient être ?

R.- Non. Moi, je ne dirais pas cela. Je pense que ceux qui ont été montrés du doigt sur des dérapages de comportements, je pense qu'ils ont été régulés. Le problème c'est que la tension est tellement énorme et palpable dans les quartiers, que c'est difficile d'y travailler. Même les éducateurs le disent aujourd'hui. Tous les acteurs sociaux disent que les quartiers sont tellement devenus difficiles que c'est compliqué d'essayer de mettre en place une sorte de pédagogie qui ferait que les gamins comprennent bien les choses et se structurent comme citoyens. Et c'est pour cela que moi, notamment dans la question du "Plan banlieues", j'ai une notion qui est très importante, et je veux pouvoir le mettre en place. Je crois qu'il faut lancer une vraie campagne autour de la question du respect. Le respect, en le déclinant sous toutes ses formes : le respect de soi, le respect de l'autre, le respect des femmes - très important - le respect de l'ordre, le respect de la loi, etc. Et le respect du droit.

Q.- Ce "Plan banlieues", justement vous le présenterez le 22 janvier, vous dites qu'il sera axé notamment sur l'emploi...

R.- Très fort. Très fortement, oui.

Q.- La Formation... Vous disposerez de quelle enveloppe financière pour mettre en place ce plan ?

R.- A l'heure où je vous parle, je ne peux pas vous dire l'enveloppe financière.

Q.- Un ordre d'idée, peut-être ?

R.- Je ne peux pas. Non, je ne voudrais pas donner un chiffre et ...

Q.- Plusieurs milliards d'euros ?

R.- A peu près, je dirais. Mais à l'heure où je vous parle, je ne peux pas vous le dire parce qu'il n'est pas encore tout à fait structuré. Les dispositifs qui vont être mis en place, sont en train d'être chiffrés justement. Donc, je ne voudrais pas avancer un chiffre et me retrouver en situation de contradictions. Je n'aime pas mentir. Mais en tout cas, cela ne sera pas un "Plan banlieues" au rabais, comme certains le pensent.

Q.- Vous aurez l'argent ? Parce que jeudi soir, le président de la République a dit qu'il n'y avait plus d'argent dans les caisses. Vous l'aurez, vous, l'argent ?

R.- Oui. Moi je n'ai aucun doute. Et puis, il faut quand même se rappeler, tout de même, que c'est un engagement du président de la République.

Q.- Vous avez des garanties de sa part ?

R.- Oui.

Q.-...d'avoir le financement pour votre plan que vous présenterez le 22 janvier ?

R.- Oui. Mais je tiens à souligner quand même que c'est un premier rendez-vous. C'est pas le "Plan banlieues" qui va régler les problèmes dans les cités en 48 heures. C'est le premier rendez-vous d'une dynamique nationale autour de la question des banlieues.

Q.- Beaucoup à l'UMP doutent de votre action. Par exemple, N. Morano, porte-parole de l'UMP qui disait à la fin de la semaine dernière : "F. Amara n'aide pas à faire avancer la situation. Cela montre les limites du casting à la Fogiel, c'est du n'importe quoi." Pardon, pour Fogiel, au passage !

R.- Pardon pour lui ! Puis, pardon pour le président de la République ! Je trouve d'abord, un, que c'est pas gentil pour le président de la République. Et deuxièmement, je dirais que N. Morano, c'est habituel ! Moi, j'ai tendance à croire qu'elle est comme dans les personnalités de chez Tintin : c'est la Castafiore, pour moi. Elle est sympa, mais elle énerve tout le monde. Voilà. Et puis, tout le monde la fuit.

Q.- Alors, N. Morano, si vous avez quelque chose à répondre, l'antenne de RTL vous sera ouverte. Vous serez en Algérie tout à l'heure avec le président de la République. Vos parents sont nés en Algérie.

R.- Oui.

Q.- J'imagine qu'il y a beaucoup d'émotion pour vous dans ce voyage officiel ?

R.- Ah, il y a beaucoup d'émotions et puis, surtout, depuis ce matin, je chante ! Je suis très, très contente et très honorée de participer à ce voyage. Et puis, je serai très heureuse de rencontrer mes homologues algériens et de pouvoir discuter avec eux et de voir comment on peut travailler ensemble. Et j'en suis d'autant plus contente que j'ai téléphoné à mes parents, hier, pour leur annoncer la nouvelle. Cela a fait le tour du quartier. Et cela a fait une "teuf", hier.

Q.- Les propos du ministre des Anciens Combattants algérien ont jeté le trouble, des propos carrément antisémites. Comment vous les avez reçus, F. Amara ?

R.- Ecoutez, moi, tout le monde connaît mon engagement contre l'antisémitisme avec le mouvement "Ni putes, ni soumises", et je crois que les deux présidents de la République ont très bien réagi. Il faut considérer que cet incident est clos.

Q.- Vraiment, on peut tenir des propos antisémites et puis après, se dire : voilà c'est comme si rien n'avait été dit ?

R.- Moi, je regarde l'avenir. Je pense que de l'autre côté de la Méditerranée, ils sauront ce qu'ils ont à faire.

Q.- F. Amara qui a beaucoup lu "Tintin", était l'invitée de RTL ce matin. C. Hondelate :

R.- Vous voulez que je vous chante la Castafiore, non ?

Q.- Ah ! Si, si, allez-y.

R.- Ah, non, non, parce qu'on dit qu'elle casse les pieds à tout le monde.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2007