Interview de M. Bernard Laporte, secrétaire d'Etat aux sports, à "France 2" le 20 décembre 2007, sur la place du sport dans la politique, le budget 2008 et le service civique pour les jeunes.

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Média : France 2

Texte intégral

 
 
 
R. Sicard.- Cela va faire exactement deux mois que vous êtes entré au Gouvernement. Est-ce que vous vous êtes fait facilement à votre nouveau métier ?
 
R.- Oui, c'est passionnant ! C'est différent de ce que je faisais, auparavant, bien sûr. Les stades ne sont pas les mêmes, mais c'est passionnant, c'est très prenant et c'est très divers aussi. Donc, pour le moment, j'y prends beaucoup de plaisir et j'espère que ça continuera.
 
Q.- Mais vous ne connaissiez pas toutes les ficelles de la politique, est-ce qu'il y a des surprises, des bonnes, des mauvaises surprises ?
 
R.- Je ne les connais certainement pas toutes encore, mais petit à petit on se forme. Et encore une fois, c'est une expérience qui me plait, qui me passionne, et puis je prends ça avec beaucoup d'enthousiasme et pas en me disant : "attention, il risque d'y avoir des coups tordus, des coups bas". Personnellement, non, j'ai envie d'avancer, au contraire, il y a une mission qui m'a été confiée et qui me plait encore une fois, et je compte la mener avec beaucoup de détermination.
 
Q.- Il n'y a pas plus de placages dangereux que dans le rugby ?
 
R.- Non. Enfin, pour le moment, je n'en ai pas vus de plus dangereux, et puis même s'il y en avait des dangereux, cela fait partie de la vie.
 
Q.- Mais quand, par exemple, vous défendez votre budget devant les députés à l'Assemblée nationale, est-ce que c'est intimidant ?
 
R.- Oui, l'Assemblée nationale, c'est toujours intimidant, surtout la première vous où vous y allez, tout comme le Sénat, d'ailleurs, toutes ces institutions sont assez impressionnantes. Mais on défend un budget du sport, donc je crois que, encore une fois, le sport c'est universel, ce n'est pas très politique le sport. Alors, c'est vrai que certains ne sont pas d'accord, parce que le budget n'est peut-être pas assez conséquent pour eux, après il faut débattre, il faut défendre son budget, mais là aussi, c'est un exercice nouveau pour moi, mais aussi exaltant.
 
Q.- Le sport, c'est aussi un monde assez impitoyable, on l'a vu avec les photos sur la vie privée de L. Manaudou, qui sont parues sur Internet. Cela vous a particulièrement révolté...
 
R.- Oui, je trouve cela scandaleux et minable, n'ayons pas peur des mots, de ceux qui ont fait cela, tout simplement. Je l'ai dit hier, il faut défendre L. Manaudou, parce que d'abord c'est une excellente championne, c'est une excellente fille, au sens de l'état d'esprit, j'ai eu la chance de la rencontrer. J'ai voulu me mettre en avant pour la protéger et pour la défendre, parce qu'elle mérite d'être défendue, et que tous ces coups bas, tous ces mauvais gestes devraient être condamnés, d'abord, ça c'est la première des choses, et surtout dire à Laure que c'est un moment difficile, peut-être, mais qu'il ne faut surtout pas... Plus on en parle, et plus c'est donner d'importance à ces gens-là, qui sont, encore une fois, je dirais, pitoyables.
 
Q.- Ce matin, il y a un rapport d'un député européen qui sort sur le football, qui dénonce les dérives du football, le dopage, les trafics des jeunes joueurs, par exemple. Est-ce que vous, ministres des Sports, vous pouvez faire quelque chose, agir contre ces dérives dans le football ?
 
R.- Il ne faut pas non plus être alarmiste. Le football, je côtoie des gens du football, des présidents de club, le président de la fédération, le président de la Ligue, le football ne va pas si mal que cela. Encore une fois, je crois que l'on exagère, il faut trouver un juste équilibre. On me parle de dopage dans le football, je veux bien, mais qu'on me montre des exemples de dopage dans le football ; pour le moment, je n'en ai pas vu. On me dit, "il y a beaucoup d'argent dans le football, mais à partir du moment où on est dans un monde professionnel, il y a une régulation du marché qui s'établit et une économie de marché qui se fait, et ce n'est pas à nous de dire, "les télés paient trop" ou "elles ne paient pas assez". Encore une fois, c'est le monde professionnel qui veut ça. Alors, effectivement, il faut être vigilant, vigilant en termes de dopage, mais il n'y a pas que dans le football qu'il faut être vigilant en termes de dopage. La violence est aussi un sujet fort, malheureusement, dans le football. Bien sûr qu'il faut y être veillant (sic), avec la création, peut-être, effectivement, d'une police européenne, pourquoi pas ? Mais encore une fois, je voudrais défendre le football parce qu'il n'y a pas que des mauvaises choses dans le football. Il faut être vigilant, effectivement, on parle des agents de joueur ; nous avons à coeur de mettre à l'ordre du jour, à partir du 1er juillet, dès que nous aurons la présidence...
 
Q.- Les agents, c'est ceux qui négocient les contrats pour les joueurs ?
 
R.- Exactement.
 
Q.- Sans statut très défini...
 
R.- Nous voulons un statut clair, précis, bien établi, qui fasse que ça aussi, ce soit sain.
 
Q.- A propos de football, vous avez dit que vous souhaitiez que la France organise l'Euro 2016 de football. Cela va supposer de très gros investissements ?
 
R.- Oui et non, je dirais, puisque vous savez, en termes d'infrastructure, il y a aujourd'hui des clubs qui se dotent de clubs (sic) qui vont leur appartenir. Il y a un très gros projet à Lille, il y a un très gros projet à Lyon...
 
Q.- De stades...
 
R.- De stades, qui vont appartenir aux clubs et qui peuvent être mis à la disposition, justement, de ce fameux Euro 2016 que nous voulons emporter.
 
Q.- La France n'a pas eu les Jeux Olympiques de 2012, ce sera un lot de consolation ?
 
R.-  Non, ce n'est pas le lot de consolation, c'est la continuité. D'abord, ce n'est pas le même sport, c'est de football, là, dont on parle et c'est surtout une volonté de la Fédération française de football de vouloir l'organiser. Elle m'en a fait par la semaine dernière. J'ai trouvé ça judicieux d'abord, puisqu'on a quand même un savoir-faire et une reconnaissance des pays européens en termes d'organisation d'évènements mondiaux ou européens, puisque 1998 a été une réussite en football, 2003 en athlétisme, 2007 en rugby. Donc c'est pour cela que j'ai trouvé la candidature judicieuse.
 
Q.- Vous avez annoncé un service civique pour les jeunes, 100 jours. Est-ce que ce sera mis en application rapidement, l'année prochaine, dans deux ans ? Est-ce que vous avez un plan là-dessus ?
 
R.- Oui. D'abord c'est 100 heures, pas 100 jours. Le service civique, c'était d'abord au programme du président de la République durant cette campagne présidentielle. C'est lui qui avait lancé cette idée, que je trouvais formidable. Pourquoi ? Parce que l'on est aujourd'hui dans une société où il y a une certaine crise morale chez les jeunes. On pense que l'on a beaucoup plus de devoirs que de droits, et je crois, encore une fois, rendre aux autres, aller vers les autres, créer justement ce fameux service civique, obligatoire ou facultatif. Moi je dis que s'il est facultatif, on passera à côté de beaucoup de choses et le rendre obligatoire, ça passe par une loi. Mais je crois qu'en termes de citoyenneté, ce serait recréer une certaine solidarité, ce serait recréer un certain dynamisme, les gens iraient vers les autres, auraient pour mission de s'occuper des autres. Alors, 100 heures, 200 heures, encore une fois, j'ai lancé le principe qui me semble intéressant. Il faut affiner tout ça et surtout vite le mettre en place, notamment en ce qui me concerne...
 
Q.- Votre objectif, c'est une mise en place quand ?
 
R.- 2008. Mais en ce qui nous concerne nous, moi je parle du domaine du sport, encore une fois.
 
Q.- Vous avez un autre projet, une heure de sport à l'école primaire, tous les jours. Ça, ça pourrait entrer en vigueur quand ?
 
R.- Ça, c'est un projet interministériel, que nous défendons avec X. Darcos, le ministre de l'Education nationale, qui a déjà fait beaucoup pour le sport à l'école, il a déjà imposé une heure supplémentaire chez les primaires. Nous souhaitons effectivement qu'il y ait une heure par jour et que le sport retrouve une place importante au sein de l'école...
 
Q.- Mais c'est dès 2008, aussi ?
 
R.- Oui, dès la rentrée 2008/2009.
 
Q.- Il y a le budget ?
 
R.- Oui, il y a le budget. C'était aussi une volonté du président de la République et je trouve qu'encore une fois, c'est une mission très importante. Que ce soit en termes de santé publique, c'est déjà très important, mais surtout en termes de valeur que peut apporter le sport. Encore une fois, il va recréer cette citoyenneté, cette solidarité, dont on a besoin aujourd'hui. Et le passage obligé, c'est 6 ans-11 ans. On sait que tous les jeunes passent là, donc leur inculquer les valeurs et les vertus du sport à cet âge là, me semble être une bonne chose.
 
Q.- Juste un mot sur le tennis. Les Espagnols veulent organiser un tournoi du grand chelem sur terre battue. Est-ce que le tournoi de Roland Garros est menacé ?
 
R.- Vous savez, Roland Garros, c'est comme le Tour de France, c'est comme le grand prix de Formule 1, cela fait partie du patrimoine sportif. Donc nous allons le défendre, encore une fois. Que les Espagnols aient un projet, tant mieux, nous, nous existons et nous voulons continuer à exister.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 décembre 2007