Déclaration de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur la politique sociale et économique, les régimes de retraite et le syndicalisme, Lille le 7 novembre 2007.

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Circonstance : 6ème congrès de la FILPAC à Lille le 7 novembre 2007

Texte intégral


Chers camarades,
C'est avec beaucoup de plaisir que j'interviens devant vous.
Nous nous rencontrons dans une situation que la Cgt a qualifiée d'inédite à bien des égards tant sur le plan économique, social et politique.
Michel dans le rapport à ce congrès a largement développé l'analyse de cette situation ce qui me dispensera d'y revenir trop largement.
Je vous propose quelques réflexions complémentaires comme contribution à vos travaux.
Comme tous les délégués d'un congrès d'une organisation de la Cgt vous allez décider, après en avoir débattu, des orientations et du projet qui seront les vôtres pour les années qui viennent. Bien sûr ces orientations et ce débat porteront la marque des professions et des catégories de salariés que vous représentez, dont vous vous êtes engagés, en tant que syndiqués, à défendre collectivement les intérêts. Mais votre congrès c'est aussi une occasion à ne pas manquer de passer en revue les principaux axes stratégiques de la confédération à laquelle vous adhérez, d'apprécier dans quelle mesure vos orientations fédérales constituent à la fois des déclinaisons spécifiques et des prolongements des résolutions adoptées par le congrès confédéral ; résolutions qui sont le reflet de la conception que l'ensemble des syndicats de la Cgt ont de leur appartenance à une même confédération, du degré de solidarité qu'ils veulent développer entre organisations de tailles et de professions différentes.
C'est la noblesse du syndicalisme confédéré que de mettre au premier plan de ses préoccupations la recherche et l'affirmation des convergences revendicatives, d'être porteur de l'intérêt général des salariés. Beaucoup de nos fédérations, et la vôtre en particulier, rassemblent déjà en leur sein des salariés de professions, de statuts sociaux et de traditions historiques très divers. Au fond, la Filpac est déjà à elle seule une petite Cgt et c'est bien qu'il en soit ainsi. En ce sens, le projet fédéral que vous allez adopter sera un projet pour toute la Cgt.
On peut ramasser les lignes de force du combat syndical que mène la Cgt autour de cinq axes de progrès et de transformation de la société :
Premier axe : gagner la bataille de l'emploi solidaire et du progrès social
C'est d'abord revaloriser les salaires et le pouvoir d'achat, promouvoir la sécurité sociale professionnelle, à travers de droits transférables attachés à la personne et garantis collectivement. C'est ce que vise votre fédération en conférant « la priorité de son action au combat pour l'emploi, pour l'entrée de nouveaux salariés dans le secteur de la communication », en exigeant « la construction d'un cadre social où le travail se trouve reconnu, où « le cursus professionnel bénéficie d'une sécurité sociale professionnelle ».
C'est aussi affirmer la cohérence nécessaire entre l'économique, le social et l'environnemental, promouvoir des politiques industrielles en France et au niveau de l'Union européenne qui non seulement respecte cette cohérence mais s'appuie sur elle pour construire les bases d'une société plus juste, plus solidaire, plus démocratique.
Deuxième axe, renouveler les politiques publiques et assurer qualité et égalité des droits
C'est dénoncer les risques et lutter contre les méfaits économiques et sociaux de la privatisation des biens publics, c'est mener la contre-offensive sur le contenu de la réforme de l'Etat pour étendre, moderniser et démocratiser le service public. C'est en particulier promouvoir une organisation et un financement du système de santé capable d'organiser une prévention efficace et de garantir à tous l'accès à des prestations de qualité. C'est également redéfinir l'assiette et la répartition des cotisations sociales pour financer un système de retraites centré sur le principe de la répartition, fondé sur la croissance et un partage équitable des richesses créées.
Troisième axe, renforcer la citoyenneté dans l'entreprise
C'est-à-dire : mettre la vie syndicale au service de cette citoyenneté, déployer des pratiques de négociation démocratiques et offensives pour en faire des moyens du progrès social, contribuer aux débats politiques et sociétaux de façon ouverte, indépendante et respectueuse de la diversité des syndiqués.
À la fois droit des salariés et responsabilité des syndicats, la négociation sociale doit devenir un mode normal et responsable de la vie démocratique. Elle est en même temps un lieu important de l'expression d'un rapport de force, reflet de la contradiction d'intérêt entre employeurs et salariés, comme de la réalité et de la nécessité de leur coopération au fonctionnement de la société, même si, à l'évidence, cette coopération n'exclut pas le conflit.
Trois dangers majeurs guettent la négociation sociale : l'absence de dialogue entre les acteurs, dont le patronat porte souvent la responsabilité ; l'enfermement institutionnel dans des jeux de rôles, où l'importance accordée aux discours et aux positionnements finit par faire oublier la réalité des problèmes posés ; l'avilissement dans des pratiques souterraines de marchandage dont la teneur reste inconnue des salariés concernés.
Ces dangers peuvent être conjurés.
Une des principales conditions pour y parvenir réside dans deux réformes à mettre à l'ordre du jour pour consacrer la force et la valeur de la négociation sociale :
* celle de la représentativité syndicale, qui doit reposer sur des critères établis par des procédures électorales incontestables ;
* celle reconnaissant le principe de l'accord majoritaire à tous les niveaux de la négociation sociale.
Ces deux réformes doivent être menées conjointement si l'on veut bannir des attitudes préjudiciables à la crédibilité de la négociation, notamment celle où la signature d'un accord devient un simple moyen d'exister, déconnecté d'une activité syndicale réelle et laissant planer une suspicion légitime sur l'indépendance de cette prise de décision vis-à-vis des pouvoirs économique et politique.
C'est à ces conditions que les salariés pourront accorder leur confiance de façon beaucoup plus large et plus profonde à la mobilisation syndicale.
Comme le dit votre projet fédéral : « Il est trop souvent admis par nombre de salariés que les générations futures connaîtront une régression sociale obligée ». Le premier objectif de la Cgt doit être de redonner cette confiance aux salariés dans leur capacité à se mobiliser sur la défense de leurs intérêts en réaffirmant la légitimité et l'autonomie de la lutte syndicale et du mouvement social. C'est d'autant plus nécessaire en ce moment qu'au plus haut niveau de l'Etat on met en cause la légitimité des luttes sociales en lui opposant celle de l'élection au suffrage universel du Président de la République.
Depuis quand la démocratie imposerait-elle à celui qui a donné sa voix un jour de devoir la fermer le reste du temps ?
Le droit de manifestation, le droit de grève sont des droits constitutionnels. La légitimité c'est la qualité de ce qui est fondé en raison en droit et en justice. Il est clair que la légitimité de la représentation politique ne saurait prétendre épuiser ou rendre caduques toutes les autres. Il est vrai que ceux qui campent sur cette position sont aussi ceux qui verraient bien les magistrats devenir des préfets du pouvoir...
Nous ne pourrons pas non plus redonner aux salariés cette confiance dans l'action syndicale si nous ne franchissons pas des seuils, si nous n'actualisons pas notre potentiel. Et là nous sommes au coeur de ce qui constitue les deux derniers axes majeurs de notre stratégie :
* faire décoller l'ensemble du mouvement syndical et renforcer la Cgt
C'est-à-dire : promouvoir et mettre en oeuvre à chaque niveau de multiples formes de travail de coopération et d'échange avec les autres organisations syndicales françaises et européennes ; placer la syndicalisation au coeur du renouveau syndical, mettre la Cgt en phase avec la diversité du salariat, innover dans les formes d'organisation de la vie syndicale ; viser l'objectif d'une plus grande visibilité et d'une plus grande efficacité de l'action revendicative en identifiant les convergences et en les mettant au principe d'un mouvement de recomposition des champs professionnels, de synergie entre les fédérations et avec la confédération, de coopération élaborée et organisée avec les organisations territoriales.
* porter à un haut niveau la coopération syndicale européenne et internationale
On ne peut notamment que regretter l'absence totale de politique industrielle européenne. « Comment peut-on distribuer des fonds structurels pour aider à des implantations d'industries dans telle ou telle région sans qu'il y ait une vision industrielle à l'échelle de l'Union ? » C'est une des questions majeures posées dans votre projet. Dans votre secteur comme dans beaucoup d'autres, la dimension internationale de la lutte apparaît d'emblée, et à cet égard, en saluant nos invités des délégations étrangères, je veux redire la détermination de la Cgt à travailler au renforcement du syndicalisme international.
Cet engagement entre autre dans l'action syndicale européenne est d'autant plus indispensable que le traité modificatif de l'Union européenne ne donne pas les moyens de répondre aux préoccupations exprimées par les salariés français.
A ce propos, la Cgt s'est prononcée pour que les citoyens français soient consultés par référendum avant toute ratification.
Vous le savez, après un mois d'octobre de regain de l'activité revendicative dans plusieurs secteurs professionnels, le mois de novembre s'annonce tout aussi intense avec plusieurs rendez-vous déjà à l'ordre du jour.
Hier, François FILLON, dont je rappelle qu'il est Premier Ministre, a prévenu les élus de l'UMP que les turbulences sociales allaient se multiplier en novembre. Il leur a demandé de tenir bon et « d'attacher leur ceinture ».
J'ai trouvé la déclaration un peu surprenante. En effet, la veille, la Ministre de l'Economie demandait que nous changions nos habitudes pour faire face à la hausse des prix du carburant en préconisant l'usage de la bicyclette.
Faire du vélo avec une ceinture de sécurité décidément c'est pas facile d'être ministre sous l'ère du Président SARKOZY.
La réforme des régimes spéciaux de retraite va donner lieu à de nouvelles mobilisations.
Nous savons combien nous avons de travail à faire pour rétablir la vérité sur la situation des salariés présentés comme les privilégiés de la société française afin de masquer la principale logique de cette réforme : aligner systématiquement par le bas les droits sociaux au nom de l'équité et de la justice sociale.
La Président de la République lui-même, dans un style qu'il affectionne, avec le concours de caméras toujours disponibles, a voulu marquer sa détermination et son courage face à une « meute de cheminots » présentés comme inconscients tout simplement parce qu'ils prétendent défendre leurs conditions de départ à la retraite.
Ce matin, Xavier BERTRAND vient de transmettre ce qu'il appelle d'ultimes propositions dans une lettre adressée aux syndicats. Permettez-moi de profiter de cette tribune pour réagir à ce courrier.
Certaines annonces sont de l'ordre du symbolique : décalage de 6 mois du début de l'allongement de la durée de cotisation (1er juillet 2008 au lieu du 1er janvier 2008) report d'un an de la mesure de désindexation des retraites sur les salaires (1er janvier 2009 au lieu du 1er janvier 2008). Par contre, l'atténuation de l'effet de la décote est plus substantielle : la décote s'annulerait non plus au bout de 5 ans au-delà de l'âge pivot, mais dès 2 ans et demi après cet âge pivot ; c'est-à-dire 52,5 pour un droit au départ à 50 ans, 57,5 pour un droit au départ à 55 ans et 62,5 pour un droit au départ à 60 ans.
C'est un premier recul qui est à mettre à l'actif de la mobilisation du 18 octobre.
Pourtant depuis 15 jours, tout a été fait pour tenir la Cgt, première organisation syndicale dans les entreprises et branches professionnelles concernées, ainsi que les agents à l'écart des concertations qui se sont multipliées. Le Gouvernement se trompe s'il croit pouvoir sélectionner ses interlocuteurs. Il n'y aura pas une majorité d'agents pour accepter qu'une des conséquences de cette réforme soit la perte d'un à deux mois de retraite par an pour les futurs retraités. La Cgt réaffirme avec les salariés et retraités concernés qu'il n'est pas question d'accepter de travailler plus longtemps pour gagner moins à la retraite.
C'est pourquoi nous sommes loin du compte. Des questions essentielles demeurent en suspend. Une commission tripartite pour examiner la prise en compte de la pénibilité ne suffit pas. Elle doit intégrer la dimension des contraintes et astreintes liées à l'exercice de missions publiques. Elle ne règle pas en soi le problème du double statut et de la suspension des bonifications qui pénalisent les jeunes embauchés.
D'autres exigences demeurent posées : prise en compte des primes et rémunérations complémentaires dans la base de calcul des pensions, inclusion des périodes d'études, d'apprentissage, de formation dans la durée de cotisation, maintien de l'indexation des retraites sur les salaires...
Faute de réponses sur ces points, le flou demeure entier sur les marges de discussion dans chaque entreprise ou branche. D'un mauvais cadre global ne peuvent sortir de bonnes mesures au niveau des entreprises.
L'action est bien à l'ordre du jour. L'objectif est et demeure la tenue d'une table ronde ministérielle demandée par une majorité d'organisations syndicales qui permette une négociation transparente sur le cadre global de la réforme et qui précise un programme concret de discussions dans chaque entreprise ou branche concernée.
Plus largement, c'est une nouvelle fois la condition faite aux retraités dont il est question. Les prévisions de la Cgt s'avèrent exactes. Les réformes de 1993, celle de Fillon en 2003 produisent leurs effets, c'est-à-dire un effondrement du niveau des pensions versées et une fragilité accrue de notre système de retraite par répartition.
Vous aurez aussi relevé que pour le gouvernement, le rendez-vous sur les retraites pour 2008 ne serait que pure formalité. Pour lui, l'allongement mécanique à 41 puis 42 ans de cotisation pour tous pour avoir le plein de ses droits n'est plus discutable. A terme , suivant cette logique, la majorité des pensions versées ne dépassera pas les 40% du salaire d'activité : c'est impensable.
Il va falloir ensemble parvenir à déjouer ce projet. Chacun doit y apporter sa pierre en occupant un bout de la campagne sur les retraites lancée par la Cgt depuis septembre dernier. Il y a maintenant urgence pour ne pas être cantonnés au rôle de témoin d'un affrontement entre quelques professions en lutte et un gouvernement pour lequel l'essentiel n'est jamais négociable.
Le 20 novembre, c'est une journée de mobilisation unitaire dans la fonction publique pour les salaires et l'emploi.
Le 20, c'est aussi la journée retenue par les camarades de la Construction pour une journée de grève sur les salaires et pour la reconnaissance de la pénibilité du travail dans un secteur qui compte 200 décès et 120 000 accidents du travail par an.
Le 29 novembre, les camarades concernés par la réforme de la carte judiciaire participeront à la mobilisation décidée dans un cadre unitaire.
Dans plusieurs secteurs, les mobilisations sur les salaires prennent de l'importance et c'est indispensable tant il devient urgent de rassembler et d'agir sur le pouvoir d'achat.
La Cgt l'a réaffirmé récemment, nous avons besoin d'un foisonnement d'initiatives revendicatives.
Notre intervention syndicale dans les entreprises délibérément tournée vers les salariés doit être de nature à les aider à passer du cap du mécontentement, de l'insatisfaction, à l'action collective concrète pour des résultats susceptibles de changer la donne.
Je suis persuadé que vous apporterez votre concours à cette démarche dès la fin du congrès.
Chers camarades,
Les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) concernent aujourd'hui la quasi totalité de la vie sociale et individuelle. Internet pénètre dans les foyers 7 fois plus vite que la radio dans les années 50 ou la télévision dans les années 60, l'utilisation du téléphone portable se généralise. Grâce aux nouvelles technologies, l'information semble plus que jamais un « bien public ». On nous dit que le monde entier est devenu un immense réseau accessible à tous, que les valeurs fondatrices de nos démocraties (la liberté, l'égalité et même la fraternité inter nautique !) vont enfin devenir réalité pour les individus « autonomes » et « libérés » des devoirs (et des droits) qu'imposaient les formes anciennes de participation démocratique.
Nous savons aussi que l'inégalité sera plus vive pour ceux qui ne sont pas « branchés », que l'information devient simple « bruit » pour ceux qui n'ont ni le temps ni les moyens de la transformer en connaissances puis en compétences véritables. Concrétiser les potentialités que les NTIC recèlent pour une amélioration des conditions de travail et de vie et de la qualité des services et des produits, prévenir les abus et dissiper les illusions qu'elles engendrent, dénoncer et empêcher la main mise de quelques groupes tentaculaires sur leur utilisation et leur développement, constitue aujourd'hui un champ d'action important pour le syndicalisme
Comme le dit si bien l'analyse présentée dans votre projet fédéral : « Si le patronat prend prétexte de cette révolution numérique pour exiger de nouvelles réductions de la masse salariale, la démultiplication des effets de la numérisation offre de nouvelles possibilités d'intervention et de développement de notre organisation syndicale. La marche au numérique, pas plus que les différentes vagues de l'informatisation, n'emprunte une voie unique, royale, comme une espèce de point de passage obligé, surdéterminé par les « impératifs » techniques.
Comment ne pas reprendre à son compte votre diagnostic de la coexistence de deux courants contradictoires sur Internet : « l'un qui se saisit du réseau mondial comme d'une nouvelle opportunité de faire des affaires, l'autre qui regarde Internet comme un lieu d'expression libre ». Ce que le capitalisme entend par « société de l'information » risque en effet de se réduire à une immense galerie commerciale numérique, réplique virtuelle mais tout aussi envahissante de ces centres commerciaux qui défigurent les abords de toutes nos villes.
Vous avez raison de « refuser d'amalgamer révolution numérique et libéralisme », et d'opter « pour une utilisation démocratique des réseaux numérisés contre leur appropriation par les groupes qui dominent la communication, l'information, les biens culturels ». L'objectif « de reconstruire un mouvement majoritaire pour le pluralisme de l'information à l'ère numérique » doit être tenu.
A cet égard, nous nous sentons pleinement concernés par la mobilisation des salariés des quotidiens « les Echos » et « la Tribune ».
La prise de conscience de cette réalité économique, sociale, culturelle en évolution rapide portée par le mouvement irréversible de numérisation de l'information justifie cette affirmation qui m'a semblé être au coeur de votre projet fédéral : « L'activité industrielle de la communication tient une place centrale dans le pays, bien au-delà de l'importance de ses 700 000 salariés ». Elle justifie que « conformément à son héritage historique, votre fédération veuille contribuer à l'émergence d'un salariat de la communication, et à forger une conscience de ce salariat ».
Oui, la mise en place des procédés de fabrication liés à la numérisation généralisée crée une nouvelle situation dans laquelle le sentiment d'appartenir à un même secteur peut devenir un levier puissant de syndicalisation, de solidarité, d'action collective. Oui, elle ouvre la possibilité de conquérir de nouvelles qualifications, de nouveaux métiers, de nouvelles places dans les secteurs de la communication, de l'information, de la publicité, de l'éducation. Oui c'est l'intérêt de ces salariés et c'est l'intérêt de toute la société que la Cgt se montre capable d'anticiper le potentiel porté par ces innovations et de proposer les formes d'organisation et de travail syndical qui leur correspondent.
Nous n'allons pas demander aux salariés de s'adapter à la Cgt, mais nous allons bouger la Cgt pour aller vers eux, disais-je à l'ouverture du congrès de Lille l'année dernière. C'est dans ce sens que je veux comprendre votre réflexion.
Et bouger la Cgt, c'est la redéployer pour faire en sorte qu'un salarié, quel que soit son employeur, sache que la Cgt est là, que des militants peuvent intervenir, qu'il n'y a aucune zone de non droit syndical ; c'est faire en sorte, comme vous le dites, que « les négociations de branche, les analyses et projets élaborés à l'échelon fédéral ne soient pas uniquement destinés à alimenter les rencontres paritaires avec les Fédérations patronales ou les instances gouvernementales : la priorité des priorités étant d'alimenter l'activité des syndicats sur le lieu de travail » ; c'est, je vous cite toujours, de « concevoir, avec les syndicats, des formes de travail en réseau s'appuyant sur les technologies de l'information où la branche et le territoire seront présents » ; c'est encore « tisser les liens de solidarité entre des salariés et faciliter les actions communes envers les instances de pouvoirs économiques et politiques où qu'ils soient », « favoriser les coordinations syndicales au sein des groupes qui sont des lieux où des formes de solidarité peuvent s'exprimer, où des politiques revendicatives peuvent être menées par l'ensemble des syndicats concernés ».
La confédéralisation, comme vous le dites, est, avant tout, « une nouvelle manière de mener, d'harmoniser, d'unifier, les démarches revendicatives pouvant conduire à redéfinir des champs conventionnels et unifier des conventions collectives » ; « les structures assurant ce fonctionnement, ne sauraient être figées », elles doivent évoluer avec les modifications qui touchent le monde du travail. Cette évolution ne se fera pas en dehors de l'édification « d'une démarche revendicative convergente » produit du « travail en commun entre les structures concernées ».
La « mise en place systématique d'un travail interfédéral » devient en particulier une nécessité impérieuse « quand des actions, luttes, négociations » s'engagent. Non moins vitale est « la nécessité d'occuper le territoire », car, et la période que nous vivons le démontrera encore, « aucune grande lutte revendicative ne peut se mener sans que des solidarités se construisent dans le tissu industriel local, départemental, régional » et « la place de l'opinion publique dans le rapport de force est une des clés fondamentales du succès ».
Demain, la Commission exécutive confédérale de la Cgt fera un point d'étape sur l'évolution des structures composant la Cgt au regard des orientations définies par les syndicats réunis au dernier congrès confédéral.
Nous mesurerons sans doute qu'entre les objectifs affichés et partagés et notre capacité à prendre les décisions qu'elles appellent, l'écart est réel.
Réfléchir et décider d'évolutions de nos organisations n'est pas chose aisée dans vos secteurs comme dans bien d'autres. Attention cependant à ce que la prudence et le respect indispensable à des processus démocratiques dans la Cgt ne nous empêchent pas d'agir à temps pour être mieux en mesure que nous ne le sommes aujourd'hui d'atteindre nos objectifs revendicatifs.
Pour progresser ensemble, il faut créer les conditions d'une implication de toutes les organisations et des militants concernés, il faut reconnaître le besoin de construire ensemble à partir d'une histoire syndicale singulière qui a marqué pendant des décennies des métiers et des secteurs professionnels entiers.
Il faut l'esprit d'écoute, de dialogue entre militants aux expériences différents mais animés du même idéal.
Permettez-moi pour conclure de formuler le voeu que les décisions de votre congrès y participeront et qu'elles seront de nature à conforter la Cgt dans sa première place dans la défense des intérêts des travailleurs de la Filpac et de l'ensemble des salariés de notre pays.
Vive le 6ème Congrès de la Filpac, vive la Cgt !Source http://blog.cgtbayard.org, le 19 décembre 2007