Texte intégral
Avec l'entrée de Malte et de Chypre dans la zone euro, c'est désormais la majorité des pays de l'Union européenne qui partage la même monnaie, preuve de son succès s'il en est. Paradoxalement, l'euro n'a jamais été aussi critiqué : l'appréciation forte de la monnaie européenne au cours des derniers mois a suscité, à juste titre, des inquiétudes en France et en Europe.
L'euro s'apprécie parce qu'il continue à consolider ses positions internationales. Il est, depuis 2004, la première devise mondiale sur les marchés obligataires, 47% du stock de titres de dette internationaux étant libellés en euros contre un peu plus de 30% en dollars. Sa part dans le libellé des échanges internationaux est croissante, grâce notamment à son rôle dominant dans les échanges de l'Europe avec son voisinage. La part de l'euro dans les réserves officielles de change a atteint 25% (contre encore 65% pour le dollar). L'euro est devenue la deuxième monnaie mondiale. Ce sont ainsi 40 pays qui ont établi un lien monétaire officiel avec l'euro, et les mouvements de la devise européenne face au dollar se retrouvent de plus en plus dans les propres variations de la livre sterling, mais aussi dans celles des devises du Canada, de l'Australie ou d'Amérique latine.
Cette puissance monétaire de l'Europe repose sur des fondements très solides. Elle découle tout d'abord du poids économique de la zone euro : 22% du PIB mondial (27% pour les Etats-Unis), 13% du commerce mondial (hors échanges intra-européens) et un marché intégré de 320 millions d'habitants aujourd'hui (300 millions d'habitants aux Etats-Unis). L'euro s'appuie également sur un système financier puissant et compétitif, notamment son secteur bancaire, dont l'intégration a notablement progressé dans les dernières années. Enfin, les investisseurs du monde entier ont confiance dans la stabilité à long terme de la valeur de l'euro.
L'euro est donc un succès. La forte demande dont notre monnaie fait l'objet est structurelle sur le marché des changes face à un déficit courant américain qui sera long à résorber et à une volonté des pays émergents de diversifier leurs réserves en devises. En outre, dans un monde financier en turbulence, la zone euro apparaît comme un pôle de stabilité attractif.
On ne le dit pas assez, cette appréciation de l'euro n'a d'ailleurs pas que des effets négatifs. Elle protège significativement le pouvoir d'achat des Européens face à la montée des prix des matières premières, en particulier du pétrole, et renforce ce pouvoir d'achat à l'extérieur.
L'euro est une monnaie mondiale et l'Europe doit s'adapter à cette nouvelle donne. Sur la scène internationale, elle a commencé à se mobiliser. Elle exerce une pression grandissante, avec ses partenaires du G7, sur les autorités chinoises afin d'obtenir une appréciation accélérée du yuan, dont la gestion administrée a des conséquences économiques de plus en plus négatives, tant pour l'Europe que pour la Chine. Dans ce contexte, les grandes banques centrales ont un rôle clé. Mais il ne faut pas surestimer leur capacité à infléchir efficacement et durablement les tendances structurelles sur les marchés des changes. Et ce d'autant plus que la BCE doit agir dans un contexte de retour de tensions inflationnistes, de forte appréciation de l'euro et d'incertitudes à la suite des turbulences financières de l'été. Enfin et surtout, l'Europe a fait le choix de la stabilité des prix et du refus des facilités des stratégies de monnaie faible pour assurer la compétitivité. Ce choix est un des fondements de la création de l'euro, inscrit dans le Traité et sur lequel il n'est pas question de revenir.
En Europe même, cette adaptation passe d'abord par la conduite de réformes structurelles. Ce constat est au coeur de la stratégie de l'Union européenne pour assurer sa croissance et ses emplois à long terme. Les réformes doivent permettre d'assouplir nos structures économiques afin de mieux mobiliser le travail en Europe. Elles doivent également permettre de développer l'économie de la connaissance (recherche, innovation, universités) et de renforcer l'éducation et la formation.
Sur ces grands chantiers, l'Europe avance : Galiléo, la nouvelle politique industrielle, le soutien aux secteurs d'avenir dans le cadre des Initiatives technologiques conjointes, la création de l'Institut européen d'innovation et de technologies. Cette stratégie d'investissement dans l'économie de la connaissance est la bonne et devra être confortée, notamment lors de la révision des politiques communes et de leur financement.
Au niveau national, les réformes que conduisent les Etats membres sont aussi décisives. C'est parce qu'ils ont su nous devancer dans l'adaptation de leur système productif que nos partenaires allemands résistent mieux aujourd'hui à l'appréciation de notre monnaie commune.
La conduite de ces réformes ne sera cependant pas en elle-même suffisante tant que l'Europe n'aura pas compris tout le parti qu'elle pouvait tirer d'une "monnaie monde". L'horizon de notre politique économique n'est plus le même et nous devons donc changer d'échelle. Ce message politique, peu entendu aujourd'hui à Bruxelles, devra être porté par la France à l'occasion des "Dix ans de l'euro".
Nos gouvernements continuent trop souvent à concevoir la politique économique avec des lunettes de petites économies ouvertes qui visent prioritairement à assurer l'ancrage extérieur de la devise nationale. Cette époque est révolue. Le taux de change nominal de l'euro face aux autres grandes devises n'est plus un objectif aussi central compte tenu de la taille de la zone euro et de son nouveau statut mondial.
La zone euro doit aussi davantage prendre conscience du fait que son poids économique considérable lui permet de peser, si elle s'en donne les moyens, sur les grands équilibres mondiaux au même titre que les Etats-Unis, le Japon ou la Chine. De même qu'il y a une diplomatie du dollar, nous devons avoir une diplomatie de l'euro. C'est un autre grand changement de perspective pour nos pays qui, pris individuellement, n'étaient pas, peu ou plus en mesure de peser seuls sur la scène internationale. Pour pleinement assumer son rôle, la zone euro doit donc se doter d'instruments décisionnels efficaces : une meilleure gouvernance afin de renforcer le dialogue entre les différents pôles chargés de la conduite de la politique économique et la coordination entre les gouvernements ; une meilleure représentation extérieure au sein des organes de coordination internationale, au premier rang desquels le G7 et le Fonds monétaire international.
En 2008 nous célébrons le succès de la création de l'euro. La Présidence française du Conseil de l'Union européenne sera, au second semestre, l'occasion de mieux prendre conscience des opportunités nouvelles qu'apporte la monnaie unique. C'est à cette condition que nous concrétiserons collectivement toutes les promesses de l'euro.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 janvier 2008
L'euro s'apprécie parce qu'il continue à consolider ses positions internationales. Il est, depuis 2004, la première devise mondiale sur les marchés obligataires, 47% du stock de titres de dette internationaux étant libellés en euros contre un peu plus de 30% en dollars. Sa part dans le libellé des échanges internationaux est croissante, grâce notamment à son rôle dominant dans les échanges de l'Europe avec son voisinage. La part de l'euro dans les réserves officielles de change a atteint 25% (contre encore 65% pour le dollar). L'euro est devenue la deuxième monnaie mondiale. Ce sont ainsi 40 pays qui ont établi un lien monétaire officiel avec l'euro, et les mouvements de la devise européenne face au dollar se retrouvent de plus en plus dans les propres variations de la livre sterling, mais aussi dans celles des devises du Canada, de l'Australie ou d'Amérique latine.
Cette puissance monétaire de l'Europe repose sur des fondements très solides. Elle découle tout d'abord du poids économique de la zone euro : 22% du PIB mondial (27% pour les Etats-Unis), 13% du commerce mondial (hors échanges intra-européens) et un marché intégré de 320 millions d'habitants aujourd'hui (300 millions d'habitants aux Etats-Unis). L'euro s'appuie également sur un système financier puissant et compétitif, notamment son secteur bancaire, dont l'intégration a notablement progressé dans les dernières années. Enfin, les investisseurs du monde entier ont confiance dans la stabilité à long terme de la valeur de l'euro.
L'euro est donc un succès. La forte demande dont notre monnaie fait l'objet est structurelle sur le marché des changes face à un déficit courant américain qui sera long à résorber et à une volonté des pays émergents de diversifier leurs réserves en devises. En outre, dans un monde financier en turbulence, la zone euro apparaît comme un pôle de stabilité attractif.
On ne le dit pas assez, cette appréciation de l'euro n'a d'ailleurs pas que des effets négatifs. Elle protège significativement le pouvoir d'achat des Européens face à la montée des prix des matières premières, en particulier du pétrole, et renforce ce pouvoir d'achat à l'extérieur.
L'euro est une monnaie mondiale et l'Europe doit s'adapter à cette nouvelle donne. Sur la scène internationale, elle a commencé à se mobiliser. Elle exerce une pression grandissante, avec ses partenaires du G7, sur les autorités chinoises afin d'obtenir une appréciation accélérée du yuan, dont la gestion administrée a des conséquences économiques de plus en plus négatives, tant pour l'Europe que pour la Chine. Dans ce contexte, les grandes banques centrales ont un rôle clé. Mais il ne faut pas surestimer leur capacité à infléchir efficacement et durablement les tendances structurelles sur les marchés des changes. Et ce d'autant plus que la BCE doit agir dans un contexte de retour de tensions inflationnistes, de forte appréciation de l'euro et d'incertitudes à la suite des turbulences financières de l'été. Enfin et surtout, l'Europe a fait le choix de la stabilité des prix et du refus des facilités des stratégies de monnaie faible pour assurer la compétitivité. Ce choix est un des fondements de la création de l'euro, inscrit dans le Traité et sur lequel il n'est pas question de revenir.
En Europe même, cette adaptation passe d'abord par la conduite de réformes structurelles. Ce constat est au coeur de la stratégie de l'Union européenne pour assurer sa croissance et ses emplois à long terme. Les réformes doivent permettre d'assouplir nos structures économiques afin de mieux mobiliser le travail en Europe. Elles doivent également permettre de développer l'économie de la connaissance (recherche, innovation, universités) et de renforcer l'éducation et la formation.
Sur ces grands chantiers, l'Europe avance : Galiléo, la nouvelle politique industrielle, le soutien aux secteurs d'avenir dans le cadre des Initiatives technologiques conjointes, la création de l'Institut européen d'innovation et de technologies. Cette stratégie d'investissement dans l'économie de la connaissance est la bonne et devra être confortée, notamment lors de la révision des politiques communes et de leur financement.
Au niveau national, les réformes que conduisent les Etats membres sont aussi décisives. C'est parce qu'ils ont su nous devancer dans l'adaptation de leur système productif que nos partenaires allemands résistent mieux aujourd'hui à l'appréciation de notre monnaie commune.
La conduite de ces réformes ne sera cependant pas en elle-même suffisante tant que l'Europe n'aura pas compris tout le parti qu'elle pouvait tirer d'une "monnaie monde". L'horizon de notre politique économique n'est plus le même et nous devons donc changer d'échelle. Ce message politique, peu entendu aujourd'hui à Bruxelles, devra être porté par la France à l'occasion des "Dix ans de l'euro".
Nos gouvernements continuent trop souvent à concevoir la politique économique avec des lunettes de petites économies ouvertes qui visent prioritairement à assurer l'ancrage extérieur de la devise nationale. Cette époque est révolue. Le taux de change nominal de l'euro face aux autres grandes devises n'est plus un objectif aussi central compte tenu de la taille de la zone euro et de son nouveau statut mondial.
La zone euro doit aussi davantage prendre conscience du fait que son poids économique considérable lui permet de peser, si elle s'en donne les moyens, sur les grands équilibres mondiaux au même titre que les Etats-Unis, le Japon ou la Chine. De même qu'il y a une diplomatie du dollar, nous devons avoir une diplomatie de l'euro. C'est un autre grand changement de perspective pour nos pays qui, pris individuellement, n'étaient pas, peu ou plus en mesure de peser seuls sur la scène internationale. Pour pleinement assumer son rôle, la zone euro doit donc se doter d'instruments décisionnels efficaces : une meilleure gouvernance afin de renforcer le dialogue entre les différents pôles chargés de la conduite de la politique économique et la coordination entre les gouvernements ; une meilleure représentation extérieure au sein des organes de coordination internationale, au premier rang desquels le G7 et le Fonds monétaire international.
En 2008 nous célébrons le succès de la création de l'euro. La Présidence française du Conseil de l'Union européenne sera, au second semestre, l'occasion de mieux prendre conscience des opportunités nouvelles qu'apporte la monnaie unique. C'est à cette condition que nous concrétiserons collectivement toutes les promesses de l'euro.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 janvier 2008