Texte intégral
Chers Amis, Chers Camarades,
Nous avons pour Toulouse beaucoup d'espoir car nous voulons en finir avec la malédiction qui veut que dans cette ville qui vote à chaque grand scrutin national pour la gauche et pourtant, encore et toujours une municipalité de droite depuis 1971 ! Tous les espoirs de victoire reposent donc sur les épaules de Pierre Cohen. Je ne veux pas charger trop le fardeau, je veux plutôt élever le défi.
Il a d'ailleurs préparé le terrain ; il a rassemblé les conditions : d'abord unir les socialistes -et ce n'est pas une mince affaire ! Il a été désigné par les militants -mais cela ne suffit pas toujours ! Il a fait mieux que cela : il a rassemblé la gauche. Toute la gauche sera sur la liste de Pierre Cohen ! C'est la première fois, à Toulouse, que nous nous présentons ainsi, unis et rassemblés. Cela ne garantit pas le succès, mais cela aide à le préparer.
On peut aussi nous interroger : jusqu'où allez-vous vous rassembler ?
Nous répondons : chaque chose en son temps. Au premier tour, toute la gauche ; au second tour, nous ne refuserons aucun concours, aucun électeur de toute part. Ceux qui sont plus à gauche que nous -ceci reste à vérifier- pourront toujours venir au second tour ; ceux qui sont plus au centre que nous -c'est possible- auront l'occasion de venir avec nous, travailler ensemble sur la base du contrat que leur proposera Pierre Cohen avec nos alliés et dans une opposition claire à Nicolas Sarkozy. Voilà la règle de conduite.
J'ai confiance dans cette formidable aventure qui commence pour Pierre et la gauche toulousaine. Vous serez regardés, observés ; on dira que c'est une ville test. N'ayez aucune crainte, soyez vous-mêmes ; développez vos propositions, regardez vers l'avenir car c'est vous qui portez l'avenir de Toulouse. C'est Pierre qui sera demain celui qui nous accueillera dans cette salle quand nous y reviendrons.
Je retrouve ce lieu où nous avons vécu des moments de joie, de clameurs, de victoire. Nous nous y sommes d'ailleurs toujours rassemblés dans des moments particuliers. Je me souviens d'une réunion que nous avions organisée ici, après les élections régionales, au moment des élections européennes avec J.L. Zapatero. Je me souviens aussi de réunions dans des moments plus difficiles -la campagne présidentielle. Et nous sommes là à la veille d'élections cantonales, municipales, pour lancer une campagne. Une campagne où nous ne devons penser ni au bulletin de vote ni au suffrage, mais aux Français eux-mêmes et à ce qu'ils attendent : un progrès, une justice. Et c'est tout le sens du pouvoir d'achat.
Ce fut en effet le grand thème, la grande question de l'élection présidentielle. Ce fut sans doute là où nous n'avons pas su suffisamment convaincre pour empêcher Nicolas Sarkozy de réussir cette mystification de faire croire qu'il avait, lui, la formule : travaillez plus, disait-il, et vous gagnerez plus ! Je sais qu'il y a eu des Français, faisant partie des catégories les plus modestes de la population, qui y ont été sensibles, qui y ont cru en se disant qu'il avait trouvé la solution. Certes, ils savaient qu'il avait déjà exercé le pouvoir en 1993 avec Balladur -c'était tout de même une référence qui aurait dû les inquiéter- et ils pensaient que Sarkozy s'était depuis amendé ! Certes, il avait été Ministre, numéro deux du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, de Dominique de Villepin -cela aurait dû les inquiéter ! Mais, en même temps, Nicolas Sarkozy tenait le langage de la rupture ! Ils voulaient donc y croire.
On peut gagner une élection présidentielle sur une mystification, une illusion, un mensonge. Son prédécesseur avait gagné l'élection présidentielle de 1995 sur la fracture sociale ; il pensait qu'il avait trouvé, lui aussi, la recette pour combler cette fracture. Certes, il l'a trouvée, mais il ne l'a jamais résorbée.
Il est normal, légitime, en démocratie -y compris 7 mois après une élection présidentielle- de revenir à la vérité des faits, des actes, des résultats. Et je veux que cette campagne soit aussi non pas la revanche de l'élection présidentielle, non pas la préparation simplement des élections municipales, mais le moment de vérité où nous, opposition, nous avons à faire justement la démonstration que ce que nous disions hier s'est vérifié aujourd'hui et que ce que nous proposons aujourd'hui peut s'appliquer demain.
Mais, dire qu'ils sont au pouvoir depuis 7 mois s'est s'abuser soi-même ! ils ne sont pas au pouvoir depuis 7 mois. Ils sont au pouvoir depuis 5 ans et 7 mois et ce serait finalement leur faire un grand crédit que de penser qu'ils sont une nouvelle majorité, qu'il y a là un nouveau gouvernement. Ils sont en continuité avec ce qui s'est fait précédemment. Certes, le style a changé, il faut en convenir. Il y en a un que l'on voyait deux fois par an à la télévision (le 14 juillet et le 31 décembre). Il y en a un que l'on voit tous les jours à la télévision... Cela fait tout de même une différence ! Est-ce que le premier ne faisait rien ? Je me pose la question. Est-ce que le second fait tout ? Sans doute. Mais c'est la même politique qui s'applique.
Depuis maintenant 5 ans et 7 mois, jamais la croissance de notre pays n'a été aussi faible, jamais le pouvoir d'achat n'a été aussi réduit, jamais les déficits publics n'ont été aussi lourds, jamais la balance commerciale de notre pays n'a été aussi déficitaire, jamais l'endettement public n'a été aussi élevé. Voilà leur bilan !
Mais il est aussi aggravé par ce qui s'est passé depuis 7 mois. « Candidat du pouvoir d'achat » disait-il ! « Président de l'amélioration du pouvoir d'achat » ajoutait-il au lendemain du 6 mai ! Et quelle a été sa première décision ? Le paquet fiscal ! Ce paquet fiscal qui, finalement, entachera l'ensemble de son mandat. 15 milliards d'euros qui ont été distribués... C'est le père noël au mois de juillet ! 15 milliards d'euros : la moitié pour la défiscalisation et l'exonération de cotisation sociale sur les heures supplémentaires, l'autre moitié pour les plus favorisés des contribuables ; suppression de l'impôt sur les successions, allègement de l'impôt sur la fortune, introduction du bouclier fiscal à 50 %, déduction d'intérêt pour les acheteurs de biens immobiliers. Voilà ce qu'ont été leurs premiers actes ! Et ils disaient que cela créerait un choc de confiance qui lui-même créerait un choc de croissance. Qu'a-t-on vu ? La consommation des ménages se rétracter à l'automne ; on a vu la croissance fléchir ; on a vu les entreprises aggraver encore leur difficulté de compétitivité.
Il est temps de porter jugement. Nous sommes, en ce moment, dans une stagnation générale des revenus et une augmentation du niveau des prix. Jamais les revenus du plus grand nombre n'ont été aussi compressés et jamais les prix n'ont été à ce point stimulés : prix alimentaires, prix des carburants, prix des loyers. C'est pourquoi les Français, en cette fin d'année, expriment une exigence à travers la revendication de leur pouvoir d'achat.
Lorsque nous avons évoqué cette nécessité de revalorisation du pouvoir d'achat des Français, peu nous entendaient. D'ailleurs, on affirme que l'on n'entend pas le Parti socialiste. Si on nous invite à la télévision tous les soirs, on nous entendra peut-être ! On ne demande pas à être invités comme le Président de la République ; nous n'avons pas la même responsabilité. Mais, nous demandons au moins que le temps d'antenne du Président de la République puisse être décompté du temps d'antenne de la majorité, il en est le chef. Il est le chef du gouvernement, le chef de la majorité, le chef du patronat... Il est le chef de tout ! Il est même le maire de Neuilly, le Président du Conseil général des Hauts-de-Seine, soit ! Mais cela ne justifie pas qu'il puisse être celui qui s'exprime sans que d'autres ne puissent lui porter contradiction !
Nous faisons en sorte, justement à travers la question du pouvoir d'achat, d'être entendus par la protestation, par la contestation mais pas par l'incantation. L'incantation est à la portée de la première formation politique venue. Il y en a même qui en font profession ! Ceux qui disent qu'ils sont dans la radicalité, dans le refus, le rejet. Nous avons, parce que nous sommes socialistes, un devoir supplémentaire à la protestation, la contestation. Nous sommes aussi là pour proposer. Et, cette campagne sur le pouvoir d'achat doit être une campagne de propositions.
Néanmoins, notre campagne doit partir d'un constat critique. Il y a eu les erreurs du mois de juillet (le paquet fiscal) et les annonces de Nicolas Sarkozy. Les 15 milliards d'euros du paquet fiscal privent le gouvernement de toutes les marges de manoeuvre possible. Si bien que le Président de la République vient à la télévision pour nous dire qu'il n'y a plus de « Père noël »... Terrible annonce en plein mois de décembre ! Il a déjà tout donné !
Nous devons donc dire qu'il y a eu une triple erreur, au mois de juillet, avec le paquet fiscal :
. La première erreur est économique : l'argent public qui a été dépensé pour les cadeaux fiscaux, pour les heures supplémentaires n'a pas eu d'impact sur la croissance et donc sur le travail des Français, et donc sur le pouvoir d'achat.
. La deuxième erreur est budgétaire : dès lors que l'Etat s'est privé des 15 milliards qui pouvaient être utiles à la relance, aux entreprises, aux Français, il n'y a évidemment plus le moindre euro à distribuer. De ce point de vue, reconnaissons que le Premier ministre a, lui, dit la vérité quand il a dit que c'était la faillite. Il le disait sans doute pour calmer les revendications qui montaient, mais il le disait aussi parce que, quand l'endettement public atteint 1 200 milliards, quand nous sommes le pays qui a le plus haut niveau de déficit public de la zone euro, quand effectivement le déficit de la Sécurité Sociale dépasse 13 milliards d'euros -aussi bien pour le régime général vieillesse que pour le régime de l'assurance maladie, il n'y a plus de marges de manoeuvre.
. La troisième erreur est sociale : il y a eu une aggravation des inégalités. Un chiffre terrible a été publié : c'est le montant des rémunérations des patrons du CAC 40, ceux-là mêmes qui ont été pour partie -voire même pour la totalité- bénéficiaires d'ailleurs des mesures du paquet fiscal. En moyenne (le chiffre vaut pour 2006), les patrons des 40 premières entreprises françaises ont reçu 365 fois le SMIC. C'est-à-dire qu'un smicard aurait dû travailler 365 ans pour avoir l'équivalent de la rémunération annuelle d'un PDG du CAC 40. Si l'on fait les comptes, on constate qu'il aurait fallu commencer à travailler à la fin du royaume de Louis XIV, tenir bon sous Louis XV, passer la Révolution française, continuer son labeur tout au long de la période napoléonienne, je vous épargne le XIXè Siècle, mais si remettre au XXè, passer la première guerre mondiale où, là, on a évité de travailler plus car on y risquait sa vie, faire l'entre deux guerres -là il y a quand même eu la période heureuse du Front populaire où quelques congés payés ont été possibles- mais, si remettre encore après la guerre, continuer sous la IVe République, ne pas cesser sous la Vè et là, peut-être, on aurait touché l'équivalent pour un smicard aujourd'hui d'un an de PDG du CAC 40 !
Arrive donc la pression qui monte et qui exige du Président de la République qu'il parle -ce n'est pas le plus difficile pour lui- et qu'il annonce -il s'y est mis. C'est là qu'il agite la baguette magique. Il n'est plus le Père Noël, mais il aurait une formule qu'il suffirait de prononcer : « si vous travaillez plus, vous aurez plus ! »... Donc, si vous n'avez pas de pouvoir d'achat, c'est de votre faute.
Le Français, regardant la télévision, est pris de stupeur : c'était donc cela ! Je n'ai pas de pouvoir d'achat parce que je ne travaille pas assez. Le lendemain donc, il va voir son patron :
Le Français : « je suis prêt à travailler »
Le patron : « Heureusement ! »
Le Français : « mais je veux travailler plus »
Le patron : « encore faut-il avoir du travail ! »
Je vous passe : le chômeur qui va à l'ANPE pour dire qu'il a entendu le Président de la République et qu'il veut travailler ! La caissière du supermarché qui travaille à temps partiel, elle aussi veut travailler ! Le jeune qui n'arrive pas à rentrer sur le marché du travail sans passer par la case intérim ou intermittence, lui aussi veut travailler ! Et celui qui est en CDD veut un CDI... Tous ceux-là ne demandent qu'à travailler, mais on ne leur donne pas justement le sésame espéré.
Entrons un peu dans le détail des mesures :
Emeutes urbaines : -celles de 2005 plus localisées mais terribles par le déchaînement de violence et de haine- c'est de notre faute, parce que nous serions ceux qui excusent la violence. Nous n'excusons rien. Nous disons que pour prévenir la violence, il faut avoir une police de proximité, il faut avoir une politique sociale juste, il faut lutter contre les ghettos, il faut briser les discriminations. Voilà pourquoi, nous disons que ce qui se passe aujourd'hui n'est pas simplement le produit de violences criminelles mais, hélas, le déchaînement d'un système qui n'est plus maîtrisé.
Pouvoir d'achat : c'est la faute aux 35 heures, au gouvernement de Lionel Jospin ! Parce que tout est de notre faute. Cela fait 5 ans et 7 mois qu'ils y touchent, qu'ils y retouchent à travers au moins 3 lois qui se sont succédées. Ils n'y arrivent pas donc c'est de la faute aux 35 heures. Ils vont, là, jusqu'au bout. Les jours de RTT on pourra les échanger contre une rémunération -c'était déjà fait. Il faut savoir que l'annonce de Nicolas Sarkozy était déjà prévue par un précédent texte ; il faut un accord collectif dans les entreprises. L'ajout, c'est qu'il n'y aura plus besoin d'accord collectif ; l'employeur pourra décider lui-même si le jour RTT peut être payé ou pas. Il n'y aura donc plus de jour RTT dans les entreprises.
La durée légale de travail : Elle est maintenue, sauf s'il y a un accord dans une entreprise qui fixe une autre durée. Ici est donc morte la réduction du temps de travail car cela voudra dire que dans toutes les entreprises où un accord majoritaire aura été possible la durée de travail sera fixée par l'employeur. En d'autres termes, les heures supplémentaires courront à partir non pas de l'heure de la durée légale de travail (35 heures), mais à partir de la durée qui aura été fixée par contrat dans l'entreprise. C'est donc la fin des 35 heures, mais pas pour le retour aux 39 heures ; il n'y aura pas de limite, sauf la durée maximale de travail prévue par les directives européennes (48 heures). En poussant le raisonnement à l'extrême : si une entreprise signe un accord majoritaire avec les représentants des salariés pourra fixer la durée conventionnelle jusqu'à 48 heures.
Ils nous parlent donc d'heures supplémentaires, alors qu'ils sont en train de créer un système où il n'y aura plus d'heures supplémentaires ! Voilà le sens des mesures qui ont été présentées.
Exonération de cotisation sociale des rémunérations : Les salariés qui -peu d'entre eux d'ailleurs- auront éventuellement des heures supplémentaires ou des jours RTT monétisés auront une rémunération sans charge sociale. Cela veut dire aussi sans la protection sociale correspondante. Cela veut dire sans les droits à la retraite qui correspondent justement à cette rémunération. Et, si l'on va jusqu'au bout du raisonnement, non seulement les salariés perdront des droits, mais la Sécurité Sociale perdra des recettes, sauf si l'Etat compense ces exonérations. Mais il n'y a plus rien dans les caisses de l'Etat.
Les réserves de participation : c'est l'anticipation de Nicolas Sarkozy. C'est donc le « cadeau type Nicolas Sarkozy ». En clair, vous avez déjà de l'argent, je vous autorise à le dépenser plus tôt. Il avait déjà fait le coup lorsqu'il était, pour quelques mois, Ministre des finances, il le refait aujourd'hui. Tout ce qui a été mis en réserve au nom de la participation pour permettre une épargne salariale est autorisé à être dépensé tout de suite et toujours sans cotisation.
Nous avons donc là des effets de leurre ! Il n'y aura pas de pouvoir d'achat supplémentaire tout de suite ; il n'y aura peut-être pas de pouvoir d'achat supplémentaire plus tard. Mais, en attendant, au nom du pouvoir d'achat, on a remis en cause le code du travail, le droit du travail, la durée légale du travail. La seule qui ait eu au moins le courage de la dire, c'est la présidente du Medef. Elle a dit « tout ce qu'a annoncé Nicolas Sarkozy est ce que nous avions demandé ». En voilà au moins une qui n'aura pas été déçue ! Parce que, depuis plusieurs mois, Madame Parisot avait une revendication, une seule. Ce n'était pas les heures supplémentaires, ce n'était pas des aides fiscales pour les entreprises. C'était la fin de la durée légale de travail à 35 heures. Elle vient d'obtenir satisfaction.
Le plan de Nicolas Sarkozy pour le pouvoir d'achat est lointain et aléatoire . Lointain, parce que pour avoir éventuellement la monétisation de ces jours RTT ou le bénéfice des heures supplémentaires, il faut qu'il y ait du travail et, aujourd'hui, il n'y en a pas.
Il faut aussi que l'on soit salarié bénéficiant des jours RTT. Or, il faut savoir que seul un salarié sur trois en France a des jours de RTT. Les mesures qui ont été présentées ne bénéficieront ni aux salariés des PME, ni aux salariés à temps partiel, ni aux salariés avec un temps de travail annualisé, ni aux fonctionnaires. C'est donc des mesures qui ne concernent qu'une minorité de salariés et qui ne sont même pas sûres, faute de travail, faute de croissance, faute d'activité.
C'est une mesure aléatoire, car elle dépend essentiellement du bon vouloir des entreprises. Nous l'avions dit d'ailleurs dans la campagne électorale pour l'élection présidentielle. Ce ne sont pas les salariés qui fixent le volume de leurs heures supplémentaires. Ce sont les employeurs qui décident -et c'est leur droit- de faire travailler plus ceux qui sont déjà dans l'entreprise.
Mais là encore, imaginons que la croissance reparte, qu'il y ait plus de travail, plus d'activité. Si l'employeur peut utiliser des heures supplémentaires qui lui coûtent moins cher que des heures normales ; s'il peut utiliser des jours de RTT qui lui seront défiscalisés ou déchargés sur le plan de la cotisation sociale, pourquoi donc considèrerait-il qu'il faut embaucher dans une entreprise ! C'est cela le terrible mal qui s'est introduit dans notre système social. Ceux qui sont dans l'emploi, ceux qui ont cette chance, sont les seuls qui pourront, éventuellement, avoir plus de travail quand tant d'autres attendent à la porte de l'entreprise. Voilà la différence qui s'est installée là : il y aurait donc une concurrence entre ceux qui sont dans l'entreprise et ceux qui n'y sont pas, ceux qui sont à temps partiel et ceux qui sont à temps plein, ceux qui sont fonctionnaire et ceux qui sont dans les entreprises privées, ceux qui sont dans les grandes entreprises et ceux qui sont dans les PME. On a donc divisé les Français !
Notre rôle est donc d'unir, de rassembler, de rendre les Français solidaires et non pas de les séparer les uns par rapport aux autres.
Le plan donc de Nicolas Sarkozy est lointain quant aux effets espérés, aléatoire quand tant de Français sont écartés des mesures présentées et il est profondément injuste. Rien pour les salariés des PME, sauf cette prime de 1 000 euros qu'on leur accorderait peut-être, et encore sans cotisation sociale -ce qui d'ailleurs conduira les employeurs des petites et moyennes entreprises à faire des augmentations de salaires sous la forme de prime ! Et oui ! pourquoi payer des salaires avec cotisations sociales si l'on peut avoir le bénéfice de prime sans cotisation sociale !
Cela ne concernera pas les fonctionnaires, les chômeurs -par définition, les étudiants, les non-salariés, les artisans, les commerçants. Et que dire des retraités ! Beaucoup avaient entendu Nicolas Sarkozy, le coeur sur la main -car en matière de compassion, il est champion. Pour lui, ce qui est important, c'est de nommer le problème.
C'est ce qu'il a fait pour le pouvoir d'achat d'ailleurs. Il a tout de même dit qu'il était le premier Président de la République à avoir dit qu'il y avait un problème de pouvoir d'achat en France. Formidable ! Il nomme les problèmes. Mais, ce que l'on demande à un Président de la République, ce n'est pas de nommer le problème, c'est de le régler. Alors, il dit se dépenser pour régler le problème. Il est partout ! Il court, il voyage, il prend les contrats... À l'en croire, tout est grâce à lui : il les négocie, les prépare ; c'est peut-être lui qui en fait la production aussi ! Il fait tout. Y a-t-il donc encore des chefs d'entreprises alors !
Il demande donc à être jugé sur le temps qu'il passe, l'activité qu'il déploie. On ne lui demande pas de se dépenser, on lui demande surtout de mieux dépenser notre argent. On lui demande d'avoir des résultats. Et, en matière de retraite, il avait fait des promesses : augmentation des petites retraites, les retraites agricoles, les retraites des commerçants. Le constat est là : jamais le pouvoir d'achat des retraités n'a été aussi entamé. Pire même ! Nous venons d'apprendre que l'exonération de redevance télévision qui, jusque-là, bénéficiait au plus de 65 ans qui ne payaient pas l'impôt sur le revenu a été supprimée. Cela a créé un mouvement, y compris chez les députés de l'UMP. Ils ont donc dialogué, colloqué en pensant aux élections municipales de mars 2008. Ils ont trouvé la mesure : cela sera supprimé en 2009, mais en 2008, on coupe « la poire en deux » ; ils auront une demi exonération. Ils auront donc peut-être demi télévision avec un demi-écran ! Bref, ceux qui sont aujourd'hui frappés par la fin de l'exonération de la redevance télévision ce sont les personnes de plus de 65 ans. Mais, comme par hasard, Nicolas Sarkozy n'a pas parlé du prix du gaz, de l'énergie, des carburants, du chauffage. On apprend que le prix du gaz devrait augmenter de 5,5 % pour en arriver, aujourd'hui, à 3,5 %. C'est leur méthode : remerciez-nous car vous auriez pu payer 5,5 et l'on vous fait payer 3,5 ! Enfin, au 1 er janvier, qui va payer les franchises médicales ? Tous les assurés sociaux, y compris les malades, surtout les malades, parce que pour payer la franchise, il faut être malade ! Les malades vont donc payer pour les malades. Et encore, même les très malades car on nous dit que cela servira à ceux qui souffrent d'Alzheimer. Même ceux qui ont cette maladie paieront la franchise, même s'ils ne s'en apercevront pas.
Les mesures les plus injustes touchent les personnes justement les plus âgées.
Mais, je ne veux pas désespérer tout le monde. Il y a quand même de bonnes choses que Nicolas Sarkozy a annoncées. Toutes ces bonnes choses étaient dans les propositions socialistes.
Nous avions dit encadrement des loyers au niveau de l'inflation. Ils y sont venus... Tant mieux.
On avait dit système de la caution publique... C'est fait. Ils auraient pu aller plus loin ; ils se sont arrêtés là, mais cela prouve qu'il faut continuer la pression.
Donc si nous faisons aujourd'hui des propositions, c'est à la fois pour préparer l'alternance -car il faudra tout de même y venir- et pour faire pression sur le gouvernement et le Président de la République pour qu'ils acceptent nos propositions.
Le plan des socialistes, à la différence de celui de Nicolas Sarkozy, est immédiat et concret. Nous proposons d'agir sur trois niveaux :
1/ - Les revenus
Pour augmenter le pouvoir d'achat, mieux vaut augmenter les salaires. Nous avons formulé trois dispositions :
L'augmentation immédiate de la prime pour l'emploi de 50 % :
La prime pour l'emploi a été introduite par Lionel Jospin en 2000 et qui devait aboutir progressivement un treizième mois pour les salariés payés autour du SMIC, les salariés à temps partiels ou ceux qui, chômeurs, retrouvaient un emploi. Il y avait donc une nécessité de leur donner une incitation forte à la reprise du travail au moment même où on accordait des baisses d'impôt sur le revenu à ceux qui, précisément, payaient cet impôt. La moindre justice était de dire que, puisque l'on allège une part des contributions de ceux qui ont un emploi, stable, durable qui leur permet de payer l'impôt sur le revenu, l'effort devait être fait du côté des salariés modestes. 9 millions aujourd'hui de salariés touchent la prime pour l'emploi ; souvent des femmes, des ménages jeunes, les personnes touchées par le rythme de « petits boulots » en CDD. Il y avait là l'attente d'un revenu supplémentaire qui pouvait être immédiatement dépensé. Tout de même, avec le bouclier fiscal, l'administration fait aujourd'hui des chèques en moyenne de 80 000 euros pour les plus fortunés ! et il n'est pas sûr que cela se retrouve dans la consommation de produits de première nécessité ! Quand en revanche, on accorde un supplément de 200 ou 300 euros à ceux qui sont au niveau le plus bas de la hiérarchie salariale, il est vrai que la chance de les retrouver dans la consommation est tout de même plus grande.
La conférence salariale :
Il faut aussi que les salariés qui ont un travail à temps complet, ceux qui ont des diplômes, la récompense de leur travail, de leur effort puissent trouver aussi une amélioration de leur condition. Nous disons donc « conférence salariale », au-delà de l'augmentation du SMIC. Comment conditionner les aides pour qu'il y ait non pas ouverture des négociations -comme l'a dit Nicolas Sarkozy- mais conclusion d'accords salariaux ? Nous disons qu'il faut moduler les cotisations sociales, faire en sorte que ceux qui augmentent les salaires puissent avoir moins de cotisation sociale à payer. Voilà le mécanisme que nous voulions engager.
Augmentation des petites retraites de 5 % :
C'était un engagement de Ségolène Royal. Nous le maintenons.
2/- Les prix
Mais, au-delà de l'action sur les revenus, il faut aussi agir sur les prix. Nous faisons trois propositions :
Chèque - transport :
C'est, à l'instar des chèques-restaurant, de donner la possibilité à tous les salariés une réduction sur le coût de leur transport ; transport public ou transport personnel. Nous avions d'ailleurs fait cette proposition, il y a déjà plusieurs mois, et la majorité précédente -qui est la majorité actuelle- l'avait introduite. C'était Dominique de Villepin le Premier ministre de l'époque. La mesure qui a été bâtie pour les chèques transport doit être mise en oeuvre. Pour ce faire, il faudrait rendre le dispositif obligatoire, puisque les entreprises signalent que l'obligation ne leur est pas faite. Les entreprises précisent aussi qu'elles ne peuvent pas à elles seules en assumer le coût et demandent un soutien de l'Etat. C'est une demande légitime. Il faut que ce soutien existe. Immédiatement, ceux qui ont dépensé 15 milliards d'euros au mois de juillet protestent, nous considèrent comme imprévoyants. Il faut savoir que le chèque transport coûte 2 milliards d'euros. Ce sont justement ceux qui ont vidé les caisses qui rappellent aujourd'hui qu'il n'y a plus rien. Il y a pourtant un moyen possible de financer le chèque transport : faire une contribution exceptionnelle sur les profits, eux-mêmes exceptionnels, des grands groupes pétroliers, à commencer par Total. On nous répond qu'il ne faut pas toucher à Total, c'est le premier contribuable de l'Etat. Justement ! 10 milliards d'euros de bénéfices ! On nous répond qu'il ne faut pas toucher à Total, car leur activité est faite à l'étranger. Sans doute, car je rappelle à ceux qui nous gouvernent qu'il n'y a pas de pétrole en France ! Il n'empêche ! C'est une entreprise française qui ne va pas se délocaliser au prétexte qu'elle paye un peu plus d'impôts sur les sociétés ! Ou, alors, avec ce raisonnement, il ne faudrait plus qu'il y ait d'impôt sur les sociétés. D'ailleurs, je me demande si ce n'est pas leur intention.
Prix des produits de première nécessité :
Nous faisons la proposition de baisser la TVA sur les produits de première nécessité à 5 %. Et nous allons même plus loin : nous demandons qu'une négociation puisse s'ouvrir sur les produits alimentaires pour que la TVA soit baissée non pas à 5 %, comme c'est la règle aujourd'hui en Europe, mais à 2,1 %, à un taux super réduit pour que l'ensemble des ménages puisse bénéficier d'une baisse légitime des prix des produits de première nécessité.
Le loyer :
C'est un coût qu'il faut maîtriser. Il y a eu l'encadrement. C'est une bonne mesure puisque nous l'avions proposée. Mais, il y a aussi l'obligation qui doit être faite -et j'en parle avant les élections municipales- à toutes les communes de respecter les 20 % de logements sociaux qui sont inscrits dans la loi sur la solidarité urbaine. De la même manière, le rôle de l'Etat et des collectivités locales, c'est de maîtriser le foncier et de permettre que les logements sociaux -mais aussi les promotions immobilières- puissent avoir les coûts du terrain au plus bas pour permettre l'accession à la propriété ou le logement social. Il vaut mieux, enfin, faire des prêts à taux-zéro pour les catégories moyennes et modestes, plutôt que des avantages fiscaux pour les propriétaires dont on ne connaît pas le niveau de revenus ou de patrimoine.
Il faut donc agir sur les prix, agir sur les revenus, agir sur la croissance. Il faut tout de même partir d'une réalité : il ne peut pas y avoir de pouvoir d'achat s'il n'y a pas de croissance. C'est le niveau de richesses créées qui permet le partage. Nous ne pensons pas, nous, qu'il soit possible par quelques mesures -forcément limitées- de distribuer un pouvoir d'achat qui n'a pas été au préalable constitué. Bien sûr, il faut plus de pouvoir d'achat pour qu'il y ait plus de croissance, parce que la consommation permet de tirer l'activité. Mais il faut d'abord une stratégie de croissance. Les historiens et les économistes retiendront sans doute que c'est depuis 2002 que la croissance s'est affaiblie dans notre pays par rapport à la zone euro et que cela n'a rien à voir avec le contexte international qui reste extrêmement porteur avec les pays émergents. Il n'y a pas eu de stratégie de croissance depuis 2002. Nous en proposons une : elle doit être fondée sur la Recherche, sur l'innovation, sur l'enseignement supérieur, sur la formation des jeunes. Il faut de la compétitivité de nos entreprises ; et plutôt que d'accorder des avantages fiscaux aux chefs d'entreprises, il vaut mieux accorder des aides fiscales aux entreprises. Le Parti socialiste doit être le Parti de la création de richesses de l'entreprise, de l'activité économique et même de la compétitivité.
Nous devons aussi avoir une stratégie de croissance qui doit être fondée sur le travail. Non pas le travail dont il faudrait forcément allonger la durée, mais la qualité du travail, la productivité du travail, la valorisation du travail. Le Parti socialiste est le Parti du travail, parce que nous voulons qu'il y ait du travail pour toutes et tous. Il n'est pas normal qu'un jeune soit obligé d'attendre 20, 22 ou 23 ans et quelques fois davantage pour entrer sur le marché du travail. Il n'est pas possible non plus que, seulement, une personne sur trois entre 55 et 65 ans ait encore un travail. Surtout lorsque l'on nous dit qu'il va falloir rallonger la durée de cotisation. Mais comment allons-nous faire si l'on entre sur le marché du travail à 25 ans et qu'on en sort à 55 pour avoir des durées de cotisations de 40, 41 ou 42 ans. Nous devons faire en sorte qu'il y ait du travail pour tous, que l'on puisse avoir des périodes où l'on se forme et d'autres où l'on puisse être au travail au maximum de sa productivité, de son efficacité ; il faut pouvoir changer d'emploi régulièrement, toute sa vie, mais avec la sécurité professionnelle. Voilà le grand enjeu que nous devons porter.
CONCLUSION
Nicolas Sarkozy nous disait « travailler plus pour gagner plus ». Aujourd'hui, les Français gagnent moins et payent plus.
Nous devons donc leur donner espoir. Je sais bien qu'il y a des doutes, des interrogations après une défaite électorale, même si la campagne que nous avons menée tous ensemble avec Ségolène Royal était une belle campagne, même si nous aurions tous pu faire mieux chacun à sa place. Il y a donc de la déception après tant d'espérance. Nous avons eu ce bonheur avec les élections législatives, alors qu'on les annonçait comme une calamité pour le Parti socialiste. J'ai pourtant, à un moment, pensé que l'on deviendrait majoritaire ! Car il s'en est finalement fallu de peu. Au moins 50 circonscriptions que nous avons perdu à à peine 1000 voix. Si beaucoup d'électeurs y avaient cru et si beaucoup leur avaient dit que c'était possible, si on s'était mobilisé comme il convenait, nous aurions peut-être été capables d'inverser le sort. Nous ne le saurons pas.
Il faut lever ces doutes, terrasser cette déception. Il faut être fiers de ce que nous sommes, même s'il nous faut sans doute tirer les leçons et rassembler tous les talents -il y en a, toutes les bonnes volontés -il y en a beaucoup parmi nos militants, nos sympathisants, et redonner confiance dans la politique et dans la gauche. Voilà notre responsabilité aujourd'hui.
Et c'est là que viennent les élections municipales et cantonales. Nous ne devons pas les concevoir comme une revanche. Même si nous gagnons -et je ne désespère pas, Nicolas Sarkozy sera toujours Président de la République après ! Mais, nous ne sommes pas là pour faire un troisième tour de l'élection présidentielle ; nous sommes là pour être utiles aux Français. Etre utile aux Français, c'est le socialisme municipal, le socialisme départemental qui s'alliera au socialisme régional car, quand on a 20 régions sur 22, plus de la moitié des départements -et peut-être davantage après les élections de mars 2008- et une large part des villes de France, on peut agir dans notre pays. On n'a pas le pouvoir, mais on a tous les éléments pour innover, investir, apaiser, amortir les chocs de la politique gouvernementale.
Nous devons faire une campagne pour les élections municipales et cantonales sur le pouvoir d'achat. Si nous avons une politique de transport dans nos villes, cela coûtera moins à l'usager. Si nous avons une politique pour la petite enfance, cela coûtera moins aux jeunes familles. Si nous avons une politique de logement pour les étudiants, cela coûtera moins pour les jeunes. Si nous avons une politique qui permet aux loyers d'être moins élevés grâce à un logement social de qualité, cela coûtera moins cher pour les familles modestes.
Nous devons porter ces valeurs-là, ces propositions-là. Nous ne devons pas simplement attendre, mais être à l'offensive. Bien sûr qu'il faudra, après les élections municipales, avoir notre Congrès, renouveler nos équipes, fixer nos orientations, clarifier notre ligne. Mais, chaque chose en son temps. Aujourd'hui, ce dont ont besoin les Français, ce sont de socialistes unis, mobilisés, à l'offensive.
Parlez fort ! Parlez juste ! Vous êtes les héritiers d'un grand mouvement qui nous portera loin. Nous n'avons rien à rejeter de ce que nous sommes. Nous avons simplement à être présents, face aux défis du XXIe Siècle. Nous avons à renouveler la pensée socialiste, mais en même temps à être sûrs de nos valeurs. Vous avez à donner à tous ceux qui souffrent aujourd'hui de la politique gouvernementale non pas de la complainte, de la commisération, de la compensation. Vous devez leur donner la fierté de se battre et de se battre avec nous.
Nous aurons beaucoup à faire après les élections municipales dans les responsabilités qui seront les nôtres. Nous aurons beaucoup à faire pour élargir le Parti socialiste autant qu'il sera nécessaire pour rassembler la gauche.
C'est pourquoi nous devons continuer, poursuivre notre chemin. Il y a eu des périodes difficiles dans l'histoire du socialisme -bien plus difficile qu'aujourd'hui. J'ai été le Premier secrétaire de l'après 2002 où tout semblait s'effondrer, avec Lionel qui n'était pas au second tour et qui annonçait son départ de la vie politique ; ensuite, obligés d'appeler à notre adversaire dans la République pour éviter l'ennemi de la République ! Mais, on a redressé la barre ; quelques années après, nous avons gagné les élections régionales et cantonales.
Il faut donc avoir cette confiance en nous-mêmes, ne pas nous diviser inutilement, ne pas chercher chicane, chamaille ou autres. Il faut être ensemble. On me reproche souvent d'être le Premier secrétaire qui veut toujours faire l'unité des socialistes. Pourtant, il faut faire l'unité des socialistes et être clair dans les convictions.
Partez avec fierté et avec force pour les élections municipales et cantonales. Faites de la question du pouvoir d'achat la question centrale et vous serez porteurs de la belle histoire du socialisme.
Source http://www.parti-socialisme.fr, le 14 décembre 2007
Nous avons pour Toulouse beaucoup d'espoir car nous voulons en finir avec la malédiction qui veut que dans cette ville qui vote à chaque grand scrutin national pour la gauche et pourtant, encore et toujours une municipalité de droite depuis 1971 ! Tous les espoirs de victoire reposent donc sur les épaules de Pierre Cohen. Je ne veux pas charger trop le fardeau, je veux plutôt élever le défi.
Il a d'ailleurs préparé le terrain ; il a rassemblé les conditions : d'abord unir les socialistes -et ce n'est pas une mince affaire ! Il a été désigné par les militants -mais cela ne suffit pas toujours ! Il a fait mieux que cela : il a rassemblé la gauche. Toute la gauche sera sur la liste de Pierre Cohen ! C'est la première fois, à Toulouse, que nous nous présentons ainsi, unis et rassemblés. Cela ne garantit pas le succès, mais cela aide à le préparer.
On peut aussi nous interroger : jusqu'où allez-vous vous rassembler ?
Nous répondons : chaque chose en son temps. Au premier tour, toute la gauche ; au second tour, nous ne refuserons aucun concours, aucun électeur de toute part. Ceux qui sont plus à gauche que nous -ceci reste à vérifier- pourront toujours venir au second tour ; ceux qui sont plus au centre que nous -c'est possible- auront l'occasion de venir avec nous, travailler ensemble sur la base du contrat que leur proposera Pierre Cohen avec nos alliés et dans une opposition claire à Nicolas Sarkozy. Voilà la règle de conduite.
J'ai confiance dans cette formidable aventure qui commence pour Pierre et la gauche toulousaine. Vous serez regardés, observés ; on dira que c'est une ville test. N'ayez aucune crainte, soyez vous-mêmes ; développez vos propositions, regardez vers l'avenir car c'est vous qui portez l'avenir de Toulouse. C'est Pierre qui sera demain celui qui nous accueillera dans cette salle quand nous y reviendrons.
Je retrouve ce lieu où nous avons vécu des moments de joie, de clameurs, de victoire. Nous nous y sommes d'ailleurs toujours rassemblés dans des moments particuliers. Je me souviens d'une réunion que nous avions organisée ici, après les élections régionales, au moment des élections européennes avec J.L. Zapatero. Je me souviens aussi de réunions dans des moments plus difficiles -la campagne présidentielle. Et nous sommes là à la veille d'élections cantonales, municipales, pour lancer une campagne. Une campagne où nous ne devons penser ni au bulletin de vote ni au suffrage, mais aux Français eux-mêmes et à ce qu'ils attendent : un progrès, une justice. Et c'est tout le sens du pouvoir d'achat.
Ce fut en effet le grand thème, la grande question de l'élection présidentielle. Ce fut sans doute là où nous n'avons pas su suffisamment convaincre pour empêcher Nicolas Sarkozy de réussir cette mystification de faire croire qu'il avait, lui, la formule : travaillez plus, disait-il, et vous gagnerez plus ! Je sais qu'il y a eu des Français, faisant partie des catégories les plus modestes de la population, qui y ont été sensibles, qui y ont cru en se disant qu'il avait trouvé la solution. Certes, ils savaient qu'il avait déjà exercé le pouvoir en 1993 avec Balladur -c'était tout de même une référence qui aurait dû les inquiéter- et ils pensaient que Sarkozy s'était depuis amendé ! Certes, il avait été Ministre, numéro deux du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, de Dominique de Villepin -cela aurait dû les inquiéter ! Mais, en même temps, Nicolas Sarkozy tenait le langage de la rupture ! Ils voulaient donc y croire.
On peut gagner une élection présidentielle sur une mystification, une illusion, un mensonge. Son prédécesseur avait gagné l'élection présidentielle de 1995 sur la fracture sociale ; il pensait qu'il avait trouvé, lui aussi, la recette pour combler cette fracture. Certes, il l'a trouvée, mais il ne l'a jamais résorbée.
Il est normal, légitime, en démocratie -y compris 7 mois après une élection présidentielle- de revenir à la vérité des faits, des actes, des résultats. Et je veux que cette campagne soit aussi non pas la revanche de l'élection présidentielle, non pas la préparation simplement des élections municipales, mais le moment de vérité où nous, opposition, nous avons à faire justement la démonstration que ce que nous disions hier s'est vérifié aujourd'hui et que ce que nous proposons aujourd'hui peut s'appliquer demain.
Mais, dire qu'ils sont au pouvoir depuis 7 mois s'est s'abuser soi-même ! ils ne sont pas au pouvoir depuis 7 mois. Ils sont au pouvoir depuis 5 ans et 7 mois et ce serait finalement leur faire un grand crédit que de penser qu'ils sont une nouvelle majorité, qu'il y a là un nouveau gouvernement. Ils sont en continuité avec ce qui s'est fait précédemment. Certes, le style a changé, il faut en convenir. Il y en a un que l'on voyait deux fois par an à la télévision (le 14 juillet et le 31 décembre). Il y en a un que l'on voit tous les jours à la télévision... Cela fait tout de même une différence ! Est-ce que le premier ne faisait rien ? Je me pose la question. Est-ce que le second fait tout ? Sans doute. Mais c'est la même politique qui s'applique.
Depuis maintenant 5 ans et 7 mois, jamais la croissance de notre pays n'a été aussi faible, jamais le pouvoir d'achat n'a été aussi réduit, jamais les déficits publics n'ont été aussi lourds, jamais la balance commerciale de notre pays n'a été aussi déficitaire, jamais l'endettement public n'a été aussi élevé. Voilà leur bilan !
Mais il est aussi aggravé par ce qui s'est passé depuis 7 mois. « Candidat du pouvoir d'achat » disait-il ! « Président de l'amélioration du pouvoir d'achat » ajoutait-il au lendemain du 6 mai ! Et quelle a été sa première décision ? Le paquet fiscal ! Ce paquet fiscal qui, finalement, entachera l'ensemble de son mandat. 15 milliards d'euros qui ont été distribués... C'est le père noël au mois de juillet ! 15 milliards d'euros : la moitié pour la défiscalisation et l'exonération de cotisation sociale sur les heures supplémentaires, l'autre moitié pour les plus favorisés des contribuables ; suppression de l'impôt sur les successions, allègement de l'impôt sur la fortune, introduction du bouclier fiscal à 50 %, déduction d'intérêt pour les acheteurs de biens immobiliers. Voilà ce qu'ont été leurs premiers actes ! Et ils disaient que cela créerait un choc de confiance qui lui-même créerait un choc de croissance. Qu'a-t-on vu ? La consommation des ménages se rétracter à l'automne ; on a vu la croissance fléchir ; on a vu les entreprises aggraver encore leur difficulté de compétitivité.
Il est temps de porter jugement. Nous sommes, en ce moment, dans une stagnation générale des revenus et une augmentation du niveau des prix. Jamais les revenus du plus grand nombre n'ont été aussi compressés et jamais les prix n'ont été à ce point stimulés : prix alimentaires, prix des carburants, prix des loyers. C'est pourquoi les Français, en cette fin d'année, expriment une exigence à travers la revendication de leur pouvoir d'achat.
Lorsque nous avons évoqué cette nécessité de revalorisation du pouvoir d'achat des Français, peu nous entendaient. D'ailleurs, on affirme que l'on n'entend pas le Parti socialiste. Si on nous invite à la télévision tous les soirs, on nous entendra peut-être ! On ne demande pas à être invités comme le Président de la République ; nous n'avons pas la même responsabilité. Mais, nous demandons au moins que le temps d'antenne du Président de la République puisse être décompté du temps d'antenne de la majorité, il en est le chef. Il est le chef du gouvernement, le chef de la majorité, le chef du patronat... Il est le chef de tout ! Il est même le maire de Neuilly, le Président du Conseil général des Hauts-de-Seine, soit ! Mais cela ne justifie pas qu'il puisse être celui qui s'exprime sans que d'autres ne puissent lui porter contradiction !
Nous faisons en sorte, justement à travers la question du pouvoir d'achat, d'être entendus par la protestation, par la contestation mais pas par l'incantation. L'incantation est à la portée de la première formation politique venue. Il y en a même qui en font profession ! Ceux qui disent qu'ils sont dans la radicalité, dans le refus, le rejet. Nous avons, parce que nous sommes socialistes, un devoir supplémentaire à la protestation, la contestation. Nous sommes aussi là pour proposer. Et, cette campagne sur le pouvoir d'achat doit être une campagne de propositions.
Néanmoins, notre campagne doit partir d'un constat critique. Il y a eu les erreurs du mois de juillet (le paquet fiscal) et les annonces de Nicolas Sarkozy. Les 15 milliards d'euros du paquet fiscal privent le gouvernement de toutes les marges de manoeuvre possible. Si bien que le Président de la République vient à la télévision pour nous dire qu'il n'y a plus de « Père noël »... Terrible annonce en plein mois de décembre ! Il a déjà tout donné !
Nous devons donc dire qu'il y a eu une triple erreur, au mois de juillet, avec le paquet fiscal :
. La première erreur est économique : l'argent public qui a été dépensé pour les cadeaux fiscaux, pour les heures supplémentaires n'a pas eu d'impact sur la croissance et donc sur le travail des Français, et donc sur le pouvoir d'achat.
. La deuxième erreur est budgétaire : dès lors que l'Etat s'est privé des 15 milliards qui pouvaient être utiles à la relance, aux entreprises, aux Français, il n'y a évidemment plus le moindre euro à distribuer. De ce point de vue, reconnaissons que le Premier ministre a, lui, dit la vérité quand il a dit que c'était la faillite. Il le disait sans doute pour calmer les revendications qui montaient, mais il le disait aussi parce que, quand l'endettement public atteint 1 200 milliards, quand nous sommes le pays qui a le plus haut niveau de déficit public de la zone euro, quand effectivement le déficit de la Sécurité Sociale dépasse 13 milliards d'euros -aussi bien pour le régime général vieillesse que pour le régime de l'assurance maladie, il n'y a plus de marges de manoeuvre.
. La troisième erreur est sociale : il y a eu une aggravation des inégalités. Un chiffre terrible a été publié : c'est le montant des rémunérations des patrons du CAC 40, ceux-là mêmes qui ont été pour partie -voire même pour la totalité- bénéficiaires d'ailleurs des mesures du paquet fiscal. En moyenne (le chiffre vaut pour 2006), les patrons des 40 premières entreprises françaises ont reçu 365 fois le SMIC. C'est-à-dire qu'un smicard aurait dû travailler 365 ans pour avoir l'équivalent de la rémunération annuelle d'un PDG du CAC 40. Si l'on fait les comptes, on constate qu'il aurait fallu commencer à travailler à la fin du royaume de Louis XIV, tenir bon sous Louis XV, passer la Révolution française, continuer son labeur tout au long de la période napoléonienne, je vous épargne le XIXè Siècle, mais si remettre au XXè, passer la première guerre mondiale où, là, on a évité de travailler plus car on y risquait sa vie, faire l'entre deux guerres -là il y a quand même eu la période heureuse du Front populaire où quelques congés payés ont été possibles- mais, si remettre encore après la guerre, continuer sous la IVe République, ne pas cesser sous la Vè et là, peut-être, on aurait touché l'équivalent pour un smicard aujourd'hui d'un an de PDG du CAC 40 !
Arrive donc la pression qui monte et qui exige du Président de la République qu'il parle -ce n'est pas le plus difficile pour lui- et qu'il annonce -il s'y est mis. C'est là qu'il agite la baguette magique. Il n'est plus le Père Noël, mais il aurait une formule qu'il suffirait de prononcer : « si vous travaillez plus, vous aurez plus ! »... Donc, si vous n'avez pas de pouvoir d'achat, c'est de votre faute.
Le Français, regardant la télévision, est pris de stupeur : c'était donc cela ! Je n'ai pas de pouvoir d'achat parce que je ne travaille pas assez. Le lendemain donc, il va voir son patron :
Le Français : « je suis prêt à travailler »
Le patron : « Heureusement ! »
Le Français : « mais je veux travailler plus »
Le patron : « encore faut-il avoir du travail ! »
Je vous passe : le chômeur qui va à l'ANPE pour dire qu'il a entendu le Président de la République et qu'il veut travailler ! La caissière du supermarché qui travaille à temps partiel, elle aussi veut travailler ! Le jeune qui n'arrive pas à rentrer sur le marché du travail sans passer par la case intérim ou intermittence, lui aussi veut travailler ! Et celui qui est en CDD veut un CDI... Tous ceux-là ne demandent qu'à travailler, mais on ne leur donne pas justement le sésame espéré.
Entrons un peu dans le détail des mesures :
Emeutes urbaines : -celles de 2005 plus localisées mais terribles par le déchaînement de violence et de haine- c'est de notre faute, parce que nous serions ceux qui excusent la violence. Nous n'excusons rien. Nous disons que pour prévenir la violence, il faut avoir une police de proximité, il faut avoir une politique sociale juste, il faut lutter contre les ghettos, il faut briser les discriminations. Voilà pourquoi, nous disons que ce qui se passe aujourd'hui n'est pas simplement le produit de violences criminelles mais, hélas, le déchaînement d'un système qui n'est plus maîtrisé.
Pouvoir d'achat : c'est la faute aux 35 heures, au gouvernement de Lionel Jospin ! Parce que tout est de notre faute. Cela fait 5 ans et 7 mois qu'ils y touchent, qu'ils y retouchent à travers au moins 3 lois qui se sont succédées. Ils n'y arrivent pas donc c'est de la faute aux 35 heures. Ils vont, là, jusqu'au bout. Les jours de RTT on pourra les échanger contre une rémunération -c'était déjà fait. Il faut savoir que l'annonce de Nicolas Sarkozy était déjà prévue par un précédent texte ; il faut un accord collectif dans les entreprises. L'ajout, c'est qu'il n'y aura plus besoin d'accord collectif ; l'employeur pourra décider lui-même si le jour RTT peut être payé ou pas. Il n'y aura donc plus de jour RTT dans les entreprises.
La durée légale de travail : Elle est maintenue, sauf s'il y a un accord dans une entreprise qui fixe une autre durée. Ici est donc morte la réduction du temps de travail car cela voudra dire que dans toutes les entreprises où un accord majoritaire aura été possible la durée de travail sera fixée par l'employeur. En d'autres termes, les heures supplémentaires courront à partir non pas de l'heure de la durée légale de travail (35 heures), mais à partir de la durée qui aura été fixée par contrat dans l'entreprise. C'est donc la fin des 35 heures, mais pas pour le retour aux 39 heures ; il n'y aura pas de limite, sauf la durée maximale de travail prévue par les directives européennes (48 heures). En poussant le raisonnement à l'extrême : si une entreprise signe un accord majoritaire avec les représentants des salariés pourra fixer la durée conventionnelle jusqu'à 48 heures.
Ils nous parlent donc d'heures supplémentaires, alors qu'ils sont en train de créer un système où il n'y aura plus d'heures supplémentaires ! Voilà le sens des mesures qui ont été présentées.
Exonération de cotisation sociale des rémunérations : Les salariés qui -peu d'entre eux d'ailleurs- auront éventuellement des heures supplémentaires ou des jours RTT monétisés auront une rémunération sans charge sociale. Cela veut dire aussi sans la protection sociale correspondante. Cela veut dire sans les droits à la retraite qui correspondent justement à cette rémunération. Et, si l'on va jusqu'au bout du raisonnement, non seulement les salariés perdront des droits, mais la Sécurité Sociale perdra des recettes, sauf si l'Etat compense ces exonérations. Mais il n'y a plus rien dans les caisses de l'Etat.
Les réserves de participation : c'est l'anticipation de Nicolas Sarkozy. C'est donc le « cadeau type Nicolas Sarkozy ». En clair, vous avez déjà de l'argent, je vous autorise à le dépenser plus tôt. Il avait déjà fait le coup lorsqu'il était, pour quelques mois, Ministre des finances, il le refait aujourd'hui. Tout ce qui a été mis en réserve au nom de la participation pour permettre une épargne salariale est autorisé à être dépensé tout de suite et toujours sans cotisation.
Nous avons donc là des effets de leurre ! Il n'y aura pas de pouvoir d'achat supplémentaire tout de suite ; il n'y aura peut-être pas de pouvoir d'achat supplémentaire plus tard. Mais, en attendant, au nom du pouvoir d'achat, on a remis en cause le code du travail, le droit du travail, la durée légale du travail. La seule qui ait eu au moins le courage de la dire, c'est la présidente du Medef. Elle a dit « tout ce qu'a annoncé Nicolas Sarkozy est ce que nous avions demandé ». En voilà au moins une qui n'aura pas été déçue ! Parce que, depuis plusieurs mois, Madame Parisot avait une revendication, une seule. Ce n'était pas les heures supplémentaires, ce n'était pas des aides fiscales pour les entreprises. C'était la fin de la durée légale de travail à 35 heures. Elle vient d'obtenir satisfaction.
Le plan de Nicolas Sarkozy pour le pouvoir d'achat est lointain et aléatoire . Lointain, parce que pour avoir éventuellement la monétisation de ces jours RTT ou le bénéfice des heures supplémentaires, il faut qu'il y ait du travail et, aujourd'hui, il n'y en a pas.
Il faut aussi que l'on soit salarié bénéficiant des jours RTT. Or, il faut savoir que seul un salarié sur trois en France a des jours de RTT. Les mesures qui ont été présentées ne bénéficieront ni aux salariés des PME, ni aux salariés à temps partiel, ni aux salariés avec un temps de travail annualisé, ni aux fonctionnaires. C'est donc des mesures qui ne concernent qu'une minorité de salariés et qui ne sont même pas sûres, faute de travail, faute de croissance, faute d'activité.
C'est une mesure aléatoire, car elle dépend essentiellement du bon vouloir des entreprises. Nous l'avions dit d'ailleurs dans la campagne électorale pour l'élection présidentielle. Ce ne sont pas les salariés qui fixent le volume de leurs heures supplémentaires. Ce sont les employeurs qui décident -et c'est leur droit- de faire travailler plus ceux qui sont déjà dans l'entreprise.
Mais là encore, imaginons que la croissance reparte, qu'il y ait plus de travail, plus d'activité. Si l'employeur peut utiliser des heures supplémentaires qui lui coûtent moins cher que des heures normales ; s'il peut utiliser des jours de RTT qui lui seront défiscalisés ou déchargés sur le plan de la cotisation sociale, pourquoi donc considèrerait-il qu'il faut embaucher dans une entreprise ! C'est cela le terrible mal qui s'est introduit dans notre système social. Ceux qui sont dans l'emploi, ceux qui ont cette chance, sont les seuls qui pourront, éventuellement, avoir plus de travail quand tant d'autres attendent à la porte de l'entreprise. Voilà la différence qui s'est installée là : il y aurait donc une concurrence entre ceux qui sont dans l'entreprise et ceux qui n'y sont pas, ceux qui sont à temps partiel et ceux qui sont à temps plein, ceux qui sont fonctionnaire et ceux qui sont dans les entreprises privées, ceux qui sont dans les grandes entreprises et ceux qui sont dans les PME. On a donc divisé les Français !
Notre rôle est donc d'unir, de rassembler, de rendre les Français solidaires et non pas de les séparer les uns par rapport aux autres.
Le plan donc de Nicolas Sarkozy est lointain quant aux effets espérés, aléatoire quand tant de Français sont écartés des mesures présentées et il est profondément injuste. Rien pour les salariés des PME, sauf cette prime de 1 000 euros qu'on leur accorderait peut-être, et encore sans cotisation sociale -ce qui d'ailleurs conduira les employeurs des petites et moyennes entreprises à faire des augmentations de salaires sous la forme de prime ! Et oui ! pourquoi payer des salaires avec cotisations sociales si l'on peut avoir le bénéfice de prime sans cotisation sociale !
Cela ne concernera pas les fonctionnaires, les chômeurs -par définition, les étudiants, les non-salariés, les artisans, les commerçants. Et que dire des retraités ! Beaucoup avaient entendu Nicolas Sarkozy, le coeur sur la main -car en matière de compassion, il est champion. Pour lui, ce qui est important, c'est de nommer le problème.
C'est ce qu'il a fait pour le pouvoir d'achat d'ailleurs. Il a tout de même dit qu'il était le premier Président de la République à avoir dit qu'il y avait un problème de pouvoir d'achat en France. Formidable ! Il nomme les problèmes. Mais, ce que l'on demande à un Président de la République, ce n'est pas de nommer le problème, c'est de le régler. Alors, il dit se dépenser pour régler le problème. Il est partout ! Il court, il voyage, il prend les contrats... À l'en croire, tout est grâce à lui : il les négocie, les prépare ; c'est peut-être lui qui en fait la production aussi ! Il fait tout. Y a-t-il donc encore des chefs d'entreprises alors !
Il demande donc à être jugé sur le temps qu'il passe, l'activité qu'il déploie. On ne lui demande pas de se dépenser, on lui demande surtout de mieux dépenser notre argent. On lui demande d'avoir des résultats. Et, en matière de retraite, il avait fait des promesses : augmentation des petites retraites, les retraites agricoles, les retraites des commerçants. Le constat est là : jamais le pouvoir d'achat des retraités n'a été aussi entamé. Pire même ! Nous venons d'apprendre que l'exonération de redevance télévision qui, jusque-là, bénéficiait au plus de 65 ans qui ne payaient pas l'impôt sur le revenu a été supprimée. Cela a créé un mouvement, y compris chez les députés de l'UMP. Ils ont donc dialogué, colloqué en pensant aux élections municipales de mars 2008. Ils ont trouvé la mesure : cela sera supprimé en 2009, mais en 2008, on coupe « la poire en deux » ; ils auront une demi exonération. Ils auront donc peut-être demi télévision avec un demi-écran ! Bref, ceux qui sont aujourd'hui frappés par la fin de l'exonération de la redevance télévision ce sont les personnes de plus de 65 ans. Mais, comme par hasard, Nicolas Sarkozy n'a pas parlé du prix du gaz, de l'énergie, des carburants, du chauffage. On apprend que le prix du gaz devrait augmenter de 5,5 % pour en arriver, aujourd'hui, à 3,5 %. C'est leur méthode : remerciez-nous car vous auriez pu payer 5,5 et l'on vous fait payer 3,5 ! Enfin, au 1 er janvier, qui va payer les franchises médicales ? Tous les assurés sociaux, y compris les malades, surtout les malades, parce que pour payer la franchise, il faut être malade ! Les malades vont donc payer pour les malades. Et encore, même les très malades car on nous dit que cela servira à ceux qui souffrent d'Alzheimer. Même ceux qui ont cette maladie paieront la franchise, même s'ils ne s'en apercevront pas.
Les mesures les plus injustes touchent les personnes justement les plus âgées.
Mais, je ne veux pas désespérer tout le monde. Il y a quand même de bonnes choses que Nicolas Sarkozy a annoncées. Toutes ces bonnes choses étaient dans les propositions socialistes.
Nous avions dit encadrement des loyers au niveau de l'inflation. Ils y sont venus... Tant mieux.
On avait dit système de la caution publique... C'est fait. Ils auraient pu aller plus loin ; ils se sont arrêtés là, mais cela prouve qu'il faut continuer la pression.
Donc si nous faisons aujourd'hui des propositions, c'est à la fois pour préparer l'alternance -car il faudra tout de même y venir- et pour faire pression sur le gouvernement et le Président de la République pour qu'ils acceptent nos propositions.
Le plan des socialistes, à la différence de celui de Nicolas Sarkozy, est immédiat et concret. Nous proposons d'agir sur trois niveaux :
1/ - Les revenus
Pour augmenter le pouvoir d'achat, mieux vaut augmenter les salaires. Nous avons formulé trois dispositions :
L'augmentation immédiate de la prime pour l'emploi de 50 % :
La prime pour l'emploi a été introduite par Lionel Jospin en 2000 et qui devait aboutir progressivement un treizième mois pour les salariés payés autour du SMIC, les salariés à temps partiels ou ceux qui, chômeurs, retrouvaient un emploi. Il y avait donc une nécessité de leur donner une incitation forte à la reprise du travail au moment même où on accordait des baisses d'impôt sur le revenu à ceux qui, précisément, payaient cet impôt. La moindre justice était de dire que, puisque l'on allège une part des contributions de ceux qui ont un emploi, stable, durable qui leur permet de payer l'impôt sur le revenu, l'effort devait être fait du côté des salariés modestes. 9 millions aujourd'hui de salariés touchent la prime pour l'emploi ; souvent des femmes, des ménages jeunes, les personnes touchées par le rythme de « petits boulots » en CDD. Il y avait là l'attente d'un revenu supplémentaire qui pouvait être immédiatement dépensé. Tout de même, avec le bouclier fiscal, l'administration fait aujourd'hui des chèques en moyenne de 80 000 euros pour les plus fortunés ! et il n'est pas sûr que cela se retrouve dans la consommation de produits de première nécessité ! Quand en revanche, on accorde un supplément de 200 ou 300 euros à ceux qui sont au niveau le plus bas de la hiérarchie salariale, il est vrai que la chance de les retrouver dans la consommation est tout de même plus grande.
La conférence salariale :
Il faut aussi que les salariés qui ont un travail à temps complet, ceux qui ont des diplômes, la récompense de leur travail, de leur effort puissent trouver aussi une amélioration de leur condition. Nous disons donc « conférence salariale », au-delà de l'augmentation du SMIC. Comment conditionner les aides pour qu'il y ait non pas ouverture des négociations -comme l'a dit Nicolas Sarkozy- mais conclusion d'accords salariaux ? Nous disons qu'il faut moduler les cotisations sociales, faire en sorte que ceux qui augmentent les salaires puissent avoir moins de cotisation sociale à payer. Voilà le mécanisme que nous voulions engager.
Augmentation des petites retraites de 5 % :
C'était un engagement de Ségolène Royal. Nous le maintenons.
2/- Les prix
Mais, au-delà de l'action sur les revenus, il faut aussi agir sur les prix. Nous faisons trois propositions :
Chèque - transport :
C'est, à l'instar des chèques-restaurant, de donner la possibilité à tous les salariés une réduction sur le coût de leur transport ; transport public ou transport personnel. Nous avions d'ailleurs fait cette proposition, il y a déjà plusieurs mois, et la majorité précédente -qui est la majorité actuelle- l'avait introduite. C'était Dominique de Villepin le Premier ministre de l'époque. La mesure qui a été bâtie pour les chèques transport doit être mise en oeuvre. Pour ce faire, il faudrait rendre le dispositif obligatoire, puisque les entreprises signalent que l'obligation ne leur est pas faite. Les entreprises précisent aussi qu'elles ne peuvent pas à elles seules en assumer le coût et demandent un soutien de l'Etat. C'est une demande légitime. Il faut que ce soutien existe. Immédiatement, ceux qui ont dépensé 15 milliards d'euros au mois de juillet protestent, nous considèrent comme imprévoyants. Il faut savoir que le chèque transport coûte 2 milliards d'euros. Ce sont justement ceux qui ont vidé les caisses qui rappellent aujourd'hui qu'il n'y a plus rien. Il y a pourtant un moyen possible de financer le chèque transport : faire une contribution exceptionnelle sur les profits, eux-mêmes exceptionnels, des grands groupes pétroliers, à commencer par Total. On nous répond qu'il ne faut pas toucher à Total, c'est le premier contribuable de l'Etat. Justement ! 10 milliards d'euros de bénéfices ! On nous répond qu'il ne faut pas toucher à Total, car leur activité est faite à l'étranger. Sans doute, car je rappelle à ceux qui nous gouvernent qu'il n'y a pas de pétrole en France ! Il n'empêche ! C'est une entreprise française qui ne va pas se délocaliser au prétexte qu'elle paye un peu plus d'impôts sur les sociétés ! Ou, alors, avec ce raisonnement, il ne faudrait plus qu'il y ait d'impôt sur les sociétés. D'ailleurs, je me demande si ce n'est pas leur intention.
Prix des produits de première nécessité :
Nous faisons la proposition de baisser la TVA sur les produits de première nécessité à 5 %. Et nous allons même plus loin : nous demandons qu'une négociation puisse s'ouvrir sur les produits alimentaires pour que la TVA soit baissée non pas à 5 %, comme c'est la règle aujourd'hui en Europe, mais à 2,1 %, à un taux super réduit pour que l'ensemble des ménages puisse bénéficier d'une baisse légitime des prix des produits de première nécessité.
Le loyer :
C'est un coût qu'il faut maîtriser. Il y a eu l'encadrement. C'est une bonne mesure puisque nous l'avions proposée. Mais, il y a aussi l'obligation qui doit être faite -et j'en parle avant les élections municipales- à toutes les communes de respecter les 20 % de logements sociaux qui sont inscrits dans la loi sur la solidarité urbaine. De la même manière, le rôle de l'Etat et des collectivités locales, c'est de maîtriser le foncier et de permettre que les logements sociaux -mais aussi les promotions immobilières- puissent avoir les coûts du terrain au plus bas pour permettre l'accession à la propriété ou le logement social. Il vaut mieux, enfin, faire des prêts à taux-zéro pour les catégories moyennes et modestes, plutôt que des avantages fiscaux pour les propriétaires dont on ne connaît pas le niveau de revenus ou de patrimoine.
Il faut donc agir sur les prix, agir sur les revenus, agir sur la croissance. Il faut tout de même partir d'une réalité : il ne peut pas y avoir de pouvoir d'achat s'il n'y a pas de croissance. C'est le niveau de richesses créées qui permet le partage. Nous ne pensons pas, nous, qu'il soit possible par quelques mesures -forcément limitées- de distribuer un pouvoir d'achat qui n'a pas été au préalable constitué. Bien sûr, il faut plus de pouvoir d'achat pour qu'il y ait plus de croissance, parce que la consommation permet de tirer l'activité. Mais il faut d'abord une stratégie de croissance. Les historiens et les économistes retiendront sans doute que c'est depuis 2002 que la croissance s'est affaiblie dans notre pays par rapport à la zone euro et que cela n'a rien à voir avec le contexte international qui reste extrêmement porteur avec les pays émergents. Il n'y a pas eu de stratégie de croissance depuis 2002. Nous en proposons une : elle doit être fondée sur la Recherche, sur l'innovation, sur l'enseignement supérieur, sur la formation des jeunes. Il faut de la compétitivité de nos entreprises ; et plutôt que d'accorder des avantages fiscaux aux chefs d'entreprises, il vaut mieux accorder des aides fiscales aux entreprises. Le Parti socialiste doit être le Parti de la création de richesses de l'entreprise, de l'activité économique et même de la compétitivité.
Nous devons aussi avoir une stratégie de croissance qui doit être fondée sur le travail. Non pas le travail dont il faudrait forcément allonger la durée, mais la qualité du travail, la productivité du travail, la valorisation du travail. Le Parti socialiste est le Parti du travail, parce que nous voulons qu'il y ait du travail pour toutes et tous. Il n'est pas normal qu'un jeune soit obligé d'attendre 20, 22 ou 23 ans et quelques fois davantage pour entrer sur le marché du travail. Il n'est pas possible non plus que, seulement, une personne sur trois entre 55 et 65 ans ait encore un travail. Surtout lorsque l'on nous dit qu'il va falloir rallonger la durée de cotisation. Mais comment allons-nous faire si l'on entre sur le marché du travail à 25 ans et qu'on en sort à 55 pour avoir des durées de cotisations de 40, 41 ou 42 ans. Nous devons faire en sorte qu'il y ait du travail pour tous, que l'on puisse avoir des périodes où l'on se forme et d'autres où l'on puisse être au travail au maximum de sa productivité, de son efficacité ; il faut pouvoir changer d'emploi régulièrement, toute sa vie, mais avec la sécurité professionnelle. Voilà le grand enjeu que nous devons porter.
CONCLUSION
Nicolas Sarkozy nous disait « travailler plus pour gagner plus ». Aujourd'hui, les Français gagnent moins et payent plus.
Nous devons donc leur donner espoir. Je sais bien qu'il y a des doutes, des interrogations après une défaite électorale, même si la campagne que nous avons menée tous ensemble avec Ségolène Royal était une belle campagne, même si nous aurions tous pu faire mieux chacun à sa place. Il y a donc de la déception après tant d'espérance. Nous avons eu ce bonheur avec les élections législatives, alors qu'on les annonçait comme une calamité pour le Parti socialiste. J'ai pourtant, à un moment, pensé que l'on deviendrait majoritaire ! Car il s'en est finalement fallu de peu. Au moins 50 circonscriptions que nous avons perdu à à peine 1000 voix. Si beaucoup d'électeurs y avaient cru et si beaucoup leur avaient dit que c'était possible, si on s'était mobilisé comme il convenait, nous aurions peut-être été capables d'inverser le sort. Nous ne le saurons pas.
Il faut lever ces doutes, terrasser cette déception. Il faut être fiers de ce que nous sommes, même s'il nous faut sans doute tirer les leçons et rassembler tous les talents -il y en a, toutes les bonnes volontés -il y en a beaucoup parmi nos militants, nos sympathisants, et redonner confiance dans la politique et dans la gauche. Voilà notre responsabilité aujourd'hui.
Et c'est là que viennent les élections municipales et cantonales. Nous ne devons pas les concevoir comme une revanche. Même si nous gagnons -et je ne désespère pas, Nicolas Sarkozy sera toujours Président de la République après ! Mais, nous ne sommes pas là pour faire un troisième tour de l'élection présidentielle ; nous sommes là pour être utiles aux Français. Etre utile aux Français, c'est le socialisme municipal, le socialisme départemental qui s'alliera au socialisme régional car, quand on a 20 régions sur 22, plus de la moitié des départements -et peut-être davantage après les élections de mars 2008- et une large part des villes de France, on peut agir dans notre pays. On n'a pas le pouvoir, mais on a tous les éléments pour innover, investir, apaiser, amortir les chocs de la politique gouvernementale.
Nous devons faire une campagne pour les élections municipales et cantonales sur le pouvoir d'achat. Si nous avons une politique de transport dans nos villes, cela coûtera moins à l'usager. Si nous avons une politique pour la petite enfance, cela coûtera moins aux jeunes familles. Si nous avons une politique de logement pour les étudiants, cela coûtera moins pour les jeunes. Si nous avons une politique qui permet aux loyers d'être moins élevés grâce à un logement social de qualité, cela coûtera moins cher pour les familles modestes.
Nous devons porter ces valeurs-là, ces propositions-là. Nous ne devons pas simplement attendre, mais être à l'offensive. Bien sûr qu'il faudra, après les élections municipales, avoir notre Congrès, renouveler nos équipes, fixer nos orientations, clarifier notre ligne. Mais, chaque chose en son temps. Aujourd'hui, ce dont ont besoin les Français, ce sont de socialistes unis, mobilisés, à l'offensive.
Parlez fort ! Parlez juste ! Vous êtes les héritiers d'un grand mouvement qui nous portera loin. Nous n'avons rien à rejeter de ce que nous sommes. Nous avons simplement à être présents, face aux défis du XXIe Siècle. Nous avons à renouveler la pensée socialiste, mais en même temps à être sûrs de nos valeurs. Vous avez à donner à tous ceux qui souffrent aujourd'hui de la politique gouvernementale non pas de la complainte, de la commisération, de la compensation. Vous devez leur donner la fierté de se battre et de se battre avec nous.
Nous aurons beaucoup à faire après les élections municipales dans les responsabilités qui seront les nôtres. Nous aurons beaucoup à faire pour élargir le Parti socialiste autant qu'il sera nécessaire pour rassembler la gauche.
C'est pourquoi nous devons continuer, poursuivre notre chemin. Il y a eu des périodes difficiles dans l'histoire du socialisme -bien plus difficile qu'aujourd'hui. J'ai été le Premier secrétaire de l'après 2002 où tout semblait s'effondrer, avec Lionel qui n'était pas au second tour et qui annonçait son départ de la vie politique ; ensuite, obligés d'appeler à notre adversaire dans la République pour éviter l'ennemi de la République ! Mais, on a redressé la barre ; quelques années après, nous avons gagné les élections régionales et cantonales.
Il faut donc avoir cette confiance en nous-mêmes, ne pas nous diviser inutilement, ne pas chercher chicane, chamaille ou autres. Il faut être ensemble. On me reproche souvent d'être le Premier secrétaire qui veut toujours faire l'unité des socialistes. Pourtant, il faut faire l'unité des socialistes et être clair dans les convictions.
Partez avec fierté et avec force pour les élections municipales et cantonales. Faites de la question du pouvoir d'achat la question centrale et vous serez porteurs de la belle histoire du socialisme.
Source http://www.parti-socialisme.fr, le 14 décembre 2007