Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre de la ville et du logement, sur les mesures gouvernementales en faveur des quartiers et populations en difficulté d'insertion et l'annonce d'un plan "Respect-égalité des chances" d'ici à fin janvier 2008, Paris le 13 décembre 2007.

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Circonstance : Séminaire " Comment accompagner les PME dans la diversité" au siège social d'AXA, à Paris le 13 décembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président (M. Claude Bébéar, président du conseil de surveillance d'Axa)
Monsieur le Préfet, directeur général de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et
l'égalité des chances (M. Dominique Dubois)
Madame la Présidente (du MEDEF, Laurence Parisot),
Monsieur le délégué général d'IMS-Entreprendre pour la cité (M. Henri de Reboul)
Mesdames et Messieurs les présidents et directeurs d'entreprises ici représentées,
Mesdames, Messieurs,
Je suis ravie de me retrouver une fois de plus aux côtés de Mme Parisot, quelques jours à peine après le lancement du club des parrains de « Nos quartiers ont des talents », pour plaider en faveur de la diversité dans l'entreprise.
Je souhaite avant tout remercier Claude Bébéar. Il va sans dire que la Charte de la diversité, lui doit beaucoup et plus encore. Elle constitue pour le ministre que je suis, un atout de poids pour encourager toutes les entreprises hexagonales à mieux refléter la diversité de la population française dans leur effectif, et à faire de cette diversité un moteur de leur développement. Je veux lui rendre un hommage très solennel.
En trois ans, la Charte a fait son chemin puisqu'au 1er mars dernier, 1500 entreprises l'avaient signée, dont 70 % de PME.
Mesdames, Messieurs,
Il y a encore dans notre pays d'immenses talents en réserve de la République. Nous n'avons pas le droit de les laisser se gâcher.
De même qu'IMS Entreprendre pour la cité a perçu que l'intérêt des entreprises rejoignait tôt ou tard l'intérêt de la société, nous sommes convaincus au sein du gouvernement - je suis convaincue - que l'avenir de notre pays et son dynamisme économique dépendent de notre capacité à fédérer tous ses talents.
Or, si la France, notamment la France masculine des villes, hors quartiers sensibles, vit actuellement quasiment au plein emploi, la situation est inverse dans les « ZUS » où le taux de chômage peut dépasser parfois les 40 %, pour certaines catégories d'actifs, notamment et malheureusement les jeunes.
Cet écart s'explique d'abord par la ségrégation urbaine.
On trouve certes dans ces quartiers, des populations ayant plus de difficultés en termes économique et de formation. Mais à cette « donne » s'ajoute un « effet origine », parce que certains responsables peuvent s'inquiéter de la capacité des équipes de l'entreprise, à intégrer ces jeunes.
Mais heureusement, les choses bougent. Les choses avancent. De plus en plus d'entreprises sont « partantes » pour mobiliser l'extraordinaire potentiel humain des habitants des quartiers fragiles.
Demain, nous allons mener une politique très volontariste de compensation des inégalités avec le Plan « Respect-Egalité des Chances » qui sera présenté le 22 janvier prochain.
Quelle sera la philosophie de ce Plan ?
Elle sera à peu de chose près la même que celle que vous avez défendue au sein du monde patronal: nous miserons beaucoup sur la rencontre et le désenclavement des quartiers !
Je m'explique...
A la minute où vous avez décidé de vous intéresser aux quartiers sensibles, vous avez fait se rencontrer des gens que rien ne prédestinait à se croiser : des hommes de haut niveau, « arrivés », accomplis professionnellement ont fait la connaissance de jeunes qui n'avaient dans leur besace que leur énergie, peu d'expérience du monde professionnel, aucun carnet d'adresses...
Ces entrepreneurs, ces cadres ont découvert les aspects cachés de la réalité de nos quartiers, de ces bouts de ville, de cette France qui en affolent certains et que d'autres ignorent, oublient ou caricaturent. Beaucoup en sont revenus avec le sentiment que ces quartiers « dits » aujourd'hui « fragiles » étaient peut être l'un des terreaux de la vitalité française de demain et que = du succès de leurs habitants = dépendait l'avenir du pays tout entier.
A notre tour, dans le cadre du Plan respect égalité des chances, nous allons favoriser au maximum les échanges des jeunes des quartiers avec ce qui est extérieur.
D'abord pour des raisons que je qualifierais de... pédagogiques. Nous voulons, une bonne fois pour toute, déciller les yeux de la population française et du monde de l'entreprise sur la plus value évidente de la jeunesse des quartiers fragiles. Il y a bien sûr des voitures qui brûlent dans les quartiers fragiles, mais il y a aussi une majorité de jeunes prêts à redoubler d'effort pour se faire une place dans le monde des adultes. Et vous soulignez dans votre Charte de la diversité que, pour une entreprise, « favoriser le pluralisme au travers des recrutements et de la gestion des carrières est un facteur de progrès pour l'entreprise. Une telle démarche contribue à son efficacité et à la qualité de ses relations sociales. Elle peut avoir un effet positif sur l'image de l'entreprise vis-à-vis de ses clients, de ses prestataires extérieurs et de ses consommateurs, en France et dans le reste du monde ».
Dans un deuxième temps, nous voulons bien sûr favoriser les échanges pour offrir des opportunités nouvelles à nos jeunes. Nous n'avons pas assez fait pour désenclaver les quartiers fragiles. Nous les avons soutenus financièrement mais nous ne les avons pas ouverts sur les autres réalités de la ville. Les jeunes ont grandi en vase clos, enferrés dans quelques centaines de mètres carrés. Il faut leur permettre aujourd'hui d'aller et venir hors du territoire où ils ont grandi, de connaître autre chose, d'autres personnes et de faire très tôt l'expérience de la mixité sociale.
Je souhaite clairement donner la priorité aux initiatives menées hors quartier accueillant des habitants des quartiers et inversement. Le Plan « Respect et égalité des chances » s'inscrit en droite ligne dans cette philosophie. C'est à mon sens la meilleure manière de lutter contre la déqualification attachée aux lieux habités par les plus pauvres et par là, d'enrayer la discrimination à l'embauche des jeunes qui en sont issus.
Dans le cadre de la préparation de ce plan pour les jeunes des banlieues, nous voulons travailler dans plusieurs directions :
- Aider les jeunes diplômés à décrocher un emploi à la hauteur de leurs compétences, notamment par la généralisation du parrainage et du coaching ; je salue à ce titre les initiatives prises par des chefs d'entreprise sur le sujet, qui font aujourd'hui école ;
- Rapprocher de l'emploi, les jeunes qui en sont les plus éloignés : 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification : ils ont droit à une 2ème chance ;
- Faire se rencontrer les besoins de jeunesse, de dynamisme, de créativité de nombreuses entreprises avec l'offre de talents de ces jeunes : c'est tout l'enjeu du combat pour la diversité dans le monde du travail.
Pendant le temps où ma fonction ministérielle donne du poids et de l'efficacité à mon action, vous pouvez compter sur moi pour encourager toute initiative visant à valoriser les entreprises qui jouent le jeu. Je veux mentionner à ce titre la sortie du « label diversité » AFNOR en 2008. Il constituera un outil très précieux pour reconnaître les entreprises exemplaires en ce domaine.
Mesdames, Messieurs,
Ce doit être une ambition et un défi partagés que de reconstruire, tous ensemble, une société ré-agrégée, forte et confiante dans l'avenir. Il n'y a pas de plus grand cadeau à faire à ces jeunes que de leur dire: « nous avons besoin de vous ». C'est ce que le monde de l'entreprise leur a dit par votre voix et je tiens à vous en remercier.
Le 22 janvier prochain, à la demande du Président de la République, le gouvernement annoncera toutes les mesures du Plan respect égalité des chances, pour permettre à chaque jeune qui le souhaite, de prendre son destin en main.
Je suis convaincue et je sais que vous l'êtes aussi qu'avec vous nous parviendrons à faire des quartiers sensibles des quartiers d'avenir et de sa jeunesse, une chance pour la France.
Je vous remercie.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 17 décembre 2007