Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, sur le rôle du Haut Conseil de la santé publique, Paris le 7 janvier 2008.

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Circonstance : 1ere réunion plénière du Haut Conseil de la santé publique, officiellement installé en mars 2007, à Paris le 7 janvier 2008

Texte intégral

Monsieur le directeur général de la santé, cher Didier Houssin,
Monsieur le président du haut conseil de la santé publique, cher Roger Salomon,
Madame la vice-présidente,
Mesdames et messieurs les présidents des commissions spécialisées,
Mesdames et messieurs les directeurs,
Mesdames et messieurs,
La politique de santé publique constitue le coeur de notre mission. Elle constitue même un élément clef de cette politique de la vie que le Président de la République appelle de ses voeux, une politique qui ne saurait se réduire à la stricte gestion des choses, la politique en son sens le plus noble.
Cette politique, en effet, se définit d'abord et essentiellement par sa portée éthique.
Comme le Président de la République l'a, plus d'une fois, souligné : « la politique de la vie, c'est une politique qui part du principe que la vie n'est pas une marchandise. La politique de la vie, c'est une politique qui part du principe que la qualité est plus importante que la quantité ». Et d'ajouter : « c'est bien pour cela que la politique existe : parce que tout n'est pas quantitatif ».
La ministre de la qualité des soins que je veux être ne peut que reprendre à son compte de tels propos.
Ainsi, les questions de santé publique, compte tenu de leurs enjeux éthiques, devraient occuper la toute première place dans le débat public. C'est, en ce sens, d'ailleurs, faut-il le souligner, qu'elle ne saurait être la seule affaire des spécialistes.
Dès lors, l'expertise requise pour élaborer une politique de santé publique exclut le cloisonnement disciplinaire.
La complexité des enjeux exige, au contraire, une méthode toute particulière, adaptée à l'objet de notre réflexion. Esprit de géométrie et esprit de finesse doivent ainsi s'allier pour appréhender une réalité qui, par définition, ne saurait se réduire à quelque abstraction mathématique.
C'est en ce sens que votre haut conseil a été conçu dans une perspective résolument pluridisciplinaire.
Sans doute, la difficulté qu'éprouve à exister, dans notre pays, la politique de santé publique, peut-elle s'expliquer, en partie, par ce tropisme particulier qui consiste à tenir séparés des domaines de compétence qui devraient, au contraire, se fertiliser réciproquement par la pratique de l'échange.
Aussi, le haut conseil de santé publique, défini comme une instance d'expertise pluridisciplinaire, devrait être le creuset de cette culture de santé publique dont notre pays a tant besoin.
Un des intérêts majeurs de votre travail consiste, au préalable, à définir une méthode qui permette d'élaborer des critères d'évaluation pertinents.
Je souhaiterais ici réfléchir avec vous au principe même de l'évaluation des politiques de santé publique dont l'utilité ne saurait être remise en question.
Une première observation s'impose : les politiques mises en oeuvre sont des politiques à grand effet d'inertie et ne sauraient, en ce sens, être évaluées à l'horizon de quelques mois. Cela tient à la nature même de la vie dont on peut convenir, après Bergson, qu'elle se définit d'abord par cette caractéristique essentielle qu'est la durée.
Cette durée, suppose bien, sinon une véritable implication du passé dans le présent, du moins une certaine présence du passé. Ceci constitue d'ailleurs un des points communs entre la politique et la vie. La plupart de nos décisions, quand il faut agir au long cours et qu'il convient de prévenir, ne font jamais sentir leurs effets de manière strictement mécanique.
Aussi, parce que la séparation abstraite des causes et des effets ne rend jamais compte du fait fondamental, dans l'ordre de la vie, qu'est la durée, nous devons, pour évaluer nos politiques de santé, recourir plutôt à des critères d'évaluation qualitatifs.
La formation de tels indicateurs est d'une complexité évidente. Cependant, le haut conseil , outre le fait qu'il nous aide à prendre les bonnes décisions en situation d'urgence sanitaire, a pour vocation de nous éclairer par des recommandations portant sur le moyen-long terme.
A l'heure où les questions de santé publique sont amenées à occuper une place de plus en plus prépondérante dans le débat public, j'attends de votre haut conseil qu'il joue pleinement son rôle d'instance prospective et exerce sa fonction stratégique de manière innovante. Ainsi, le HCSP a pour mission de réfléchir aux conséquences sur la santé des changements environnementaux.
De même, j'ai saisi le haut conseil de santé publique pour évaluer le plan cancer 2003-2007 de manière à valider les nouvelles orientations du Gouvernement, visant à redonner un nouvel élan à la lutte contre le cancer.
Vous devrez poursuivre une réflexion permanente sur d'autres grandes questions de santé publique, telles que les maladies chroniques, les inégalités de santé, l'accès aux soins, la prévention. Je suivrai avec la plus grande attention vos analyses sur la santé des femmes et sur la santé des jeunes qui constituent deux grandes priorités de mon ministère.
A chaque fois, c'est bien la finalité qualitative de nos politiques de santé qui devra structurer votre appréhension des problèmes.
Il ne faudra pas hésiter, alors même que la nouvelle donne planétaire induit partout de profondes mutations psycho-sociologiques, à réviser quelques unes de nos glorieuses certitudes et à réformer nos manières habituelles de penser.
Je souhaite, en particulier, élaborer une politique de prévention ambitieuse qui offre à chaque citoyen les moyens d'opérer des choix réfléchis, éclairés et autonomes en matière de santé. Pour mener une politique de prévention adaptée aux évolutions du monde contemporain, il convient sans doute de repenser la manière même dont nous nous adressons aux individus qui attendent d'être considérés comme des arbitres autonomes de leur propre santé.
Cependant, nous ne saurions responsabiliser l'individu sans nous assurer que chacun puisse effectivement être bien informé et également prévenu du risques auxquels il peut s'exposer ou être exposé. Aussi, la question des inégalités en matière de santé doit être placée, sans tabou, au coeur de nos débats sur la politique de santé.
C'est donc bien sur nos deux jambes qu'il nous faut avancer, sans séparer jamais les exigences consubstantiellement liées de responsabilité et de solidarité qui fondent notre pacte républicain.
Mener une politique de santé, c'est donc bien poursuivre un projet de société dont les responsables politiques doivent être porteurs.
C'est pourquoi, je le crois, la santé, en raison de ses enjeux collectifs mais aussi en raison de l'attention que chacun lui porte individuellement, devrait être, dans les toutes prochaines années, un des domaines de prédilection de l'action publique. A cet égard, le projet de loi sur la modernisation du système de santé que je devrais présenter, dès l'été, trace désormais clairement la perspective de notre action.
Aussi, le rôle que vous êtes appelé à jouer est primordial. Car c'est bien notre démarche de santé publique, démarche résolument qualitative, qui justifie toutes nos réformes.
Je compte sur vos qualités d'expertise pour accomplir, dans le souci du bien commun, dans l'intérêt du patient, et pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens, pour préparer l'avenir, une mission dont j'ai voulu souligner, au-delà des compétences techniques qu'elle requiert, la portée éthique.
Je vous remerciesource http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 9 janvier 2008