Interview de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, à Radio France Internationale le 9 janvier 2008, sur les propos tenus par le Président de la République lors de sa conférence de presse, notamment la durée du travail, le pouvoir l'achat, les pouvoirs du Parlement et l'élargissement des organismes internationaux aux grandes puissances.

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Texte intégral

F. Rivière.- Le président de la République a donc, tenu hier sa première conférence de presse à l'Elysée, depuis son élection. L'exercice a duré un peu plus de deux heures au total, et avant de se livrer au jeu des questions-réponses, N. Sarkozy avait prononcé un discours, qui avait duré pas loin d'une heure, dans lequel, il a notamment, développer sa conception de la désormais fameuse "politique de civilisation". Je ne vais pas vous demandez comment vous avez trouvé le président de la République, parce que vous allez me dire vous allez me dire "formidable" ! On va plutôt... Non ?
 
R.- Je vais vous dire "exceptionnel", comme ça, ça va changer un peu...
 
Q.- On va plutôt entrer dans le vif du sujet avec le propos qui suscite le plus de commentaires depuis hier, cette déclaration sur les 35 heures. "Souhaitez-vous que 2008 soit, au moins dans les faits, l'année de la disparition des 35 heures ?" Réponse sans détour du président de la République : "oui". Sans détour, et d'ailleurs sans commentaire supplémentaire ! La question qui se pose depuis hier, c'est si les 35 heures disparaissent au moins de fait, quelle est la durée légale du temps de travail en France ?
 
R.- Les choses ont été dites hier. X. Bertrand, d'ailleurs en réponse puisque, vous le savez, il y a eu y,à la suite de l'intervention du chef de l'Etat, les questions d'actualité à l'Assemblée nationale, et naturellement, les élus socialistes se sont jetés là-dessus, comme la misère sur le pauvre monde, pour essayer d'en savoir davantage. X. Bertrand a répondu de la manière la plus claire : "aujourd'hui, le sujet est dans les mains de la négociation et de la concertation." Les partenaires sociaux sont saisis. Il y a des discussions entre le ministère, les partenaires sociaux, les syndicats, qui doivent durer jusqu'au 31 mars. Nous avons donc presque trois mois devant nous, pour évoquer avec les partenaires sociaux l'ensemble des éléments tournant autour de la durée du travail, parce qu'il n'y a pas que les 35 heures, mais enfin l'ensemble des éléments. On va voir comment les négociations se passent, se déroulent. Mais le ministre l'a redit hier, "naturellement, il y aura après le 31 mars, et quoi qu'il advienne pendant les négociations, une durée légale du travail". Je ne vais pas vous dire aujourd'hui comment elle va être déterminée. Cela va dépendre en grande partie des discussions et négociations qui vont durer les trois mois qui viennent.
 
Q.- Le principe d'une durée légale du travail ?
 
R.- Le principe a été réaffirmé avec force, hier après- midi. Et ce principe n'est pas, en lui-même, remis en cause. Alors ensuite, comment cela s'applique, dans quel cadre etc., je crois que les choses vont être dites. En deux mots, ce que dit le chef de l'Etat, ce que disent un certain nombre d'observateurs économiques, c'est que l'application par en haut, imposée par l'Etat quasiment, des 35 heures a été un véritable drame économique. On le voit encore aujourd'hui, avec ce qui se passe dans les hôpitaux, on le voit dans un certain nombre de collectivités locales. Donc, plus de souplesse, plus de discussions de négociations au niveau de l'entreprise, au niveau de la branche, des négociations et de la concertations jusqu'au 31 mars. Ensuite, on verra avec X. Bertrand ce qu'il est bon de faire.
 
Q.- L'opposition et les syndicats ont exprimé leur frustration sur les questions de pouvoir d'achat. Le président de la République a expliqué hier, "qu'il ne pouvait pas vider des caisses déjà vides". Il a, en revanche, évoqué la question du partage des richesses dans les entreprises : mieux redistribuer les bénéfices. Et il a semblé à cet égard assez ... presque menaçant à l'égard des entreprises, oui, assez ferme en disant, "attention, nous le ferons". Et notamment, la question de conditionner les exonérations de charges à une meilleure redistribution, pensez vous que les entreprises vont suivre le président de la République dans cette voie et qu'on peut s'attendre réellement à une meilleure redistribution ?
 
R.- En la matière, le Gouvernement l'avait d'ailleurs dit et le président de la République l'a réaffirmé avec force, "il est quand même normal, - dans un pays où les allègements de charges dont bénéficient les entreprises représentent des sommes considérables - qu'il y ait non pas un deal, - il n'y a pas de deal à avoir - mais qu'il y ait un comportement des entreprises bénéficiant d'allègements de charges importants, il est quand même normal que ces entreprises soient un petit peu sous les regards de la puissance publique pas rapport à leur politique salariale. Il peut paraître un petit peu curieux d'avoir des entreprises bénéficiant d'allègements de charges importantes, de manière légale, ce n'est pas du tout le problème, faisant des bénéfices importants ; - je parle évidemment de celles -là - et ne faisant pas de hausses de salaires suffisantes.
 
Q.- Voire une sanction dans certain cas !
 
R.- Voir dans certains cas une sanction ! Si l'entreprise qui a naturellement des allègements de charges, est une entreprise puissante ; mais en difficulté, qui ne fait pas de bénéfice, c'est difficile de lui dire aller, aller, aller. Mais quand l'entreprise bénéficie d'avantages publics ; fait des bénéfices, il est normal, et d'ailleurs, le ministre des Affaires sociales avait déjà dit ; le président de la République l'a réaffirmé avec force ; le Premier ministre l'a déjà dit, " il est normal qu'il y ait un peu de conditionnalité quand on regarde de près". Les chefs d'entreprises concernés savent bien que les choses doivent être à l'équilibre.
 
Q.- Parmi les sujets qui vous concerne directement, et qui d'ailleurs sont arrivés très tôt dans cette conférence de presse, dans le discours, dans le préambule, il y a la question du pouvoir du Parlement. Le président de la République souhaite le renforcer. Et il a, notamment, indiqué qu'il voulait que le Parlement maîtrise mieux son ordre du jour. C'est pour quand, cette réforme, et dans quelle proportion. La question, c'est entre les propositions et les projets de lois, les propositions venant du Gouvernement et les propositions des députés ?
 
R.- Aujourd'hui, le brave ministre que je suis va à la conférence des présidents de l'Assemblée et du Sénat et puis dit, "voilà, je vous donne l'ordre du jour de l'Assemblée et du Sénat". Voilà ! C'est comme ça, c'est moi qui dis : "demain, vous faites ça ; après-demain, vous faites ça". Je ne sis pas que ça plaît ou ça ne plaît pas, parce que, en réalité, on dit ça...
 
Q.- D'où l'idée du Parlement-godillot quand il y a une majorité...
 
R.- Mais enfin, en même temps, naturellement en réalité, vus avez des contacts préalables, vous discutez quand même avant. Ça, ce n'est pas aussi simple, mais en fin bon, c'est comme ça. Le texte prévoit la partage quasi à 50 % du temps. C'est-à-dire que le Gouvernement aurait l'initiative d'inscription sur 50 % du temps parlementaire et la conférence des présidents, c'est-à-dire en réalité les responsables des groupes et le président de l'Assemblée ou du Sénat, 50 % du temps. Cela veut sire que, naturellement, beaucoup plus de textes issus de parlementaires seront inscrits à l'ordre du jour. Cette réforme, elle est liée à l'ensemble de la réforme constitutionnelle, aussi bien sur la revitalisation du Parlement, la limitation du 49-3, etc., et ce sera donc avec la révision constitutionnelle au printemps.
 
Q.- Quelques mots sur deux grands sujets internationaux, qui se rejoignent d'ailleurs, qu'a évoqués le président de la République hier : le G8 deviendrait, selon ses voeux, un G13, c'est-à-dire G8 + la Chine, l'Afrique du Sud, l'Inde, le Brésil et le Mexique, et il souhaite également que les membres permanents du Conseil de sécurité soient élargis à l'Allemagne, au Japon, au Brésil, à l'Inde et à un grand pays d'Afrique. C'est tout de même extrêmement ambitieux. Est-ce que vous pensez que N. Sarkozy peut rassembler suffisamment de monde et convaincre dans les mois qui viennent d'une réforme pareille ?
 
R.- Il a dit ça hier matin ; j'ai déjà vu que le Royaume-Uni, dès hier après-midi, disait qu'il était d'accord. Donc, a priori, ça démarre fort et ça démarre bien. Je crois qu'il avait été très frappé, puisqu'il a assisté bien sûr à des réunions du G8, de voir notamment le Président chinois invité au tout dernier moment, quasi sur le bord de table et ne pas participer vraiment à la réunion sauf à l'extrême fin. Et il dit : "c'est quand même hallucinant ; on se réunit, il y a un Président qui représente plus d'un milliard d'habitants, qui arrive, qui apparaît comme l'invité de dernière heure, qui n'a pas beaucoup de poids dans la balance. Si on veut un système international à l'équilibre, si on veut un système international puissant et qui réellement soit respecté, eh bien, il faut que les grands pays du Tiers-monde ou les grands pays qui, jusqu'ici étaient écartés... Le Conseil de sécurité de l'ONU, il a été mis pour l'essentiel, pour les membres permanents, en place en 1945. Donc, c'est sûr que, après-guerre, on a écarté volontairement le Japon et l'Allemagne pour des raisons évidentes. Bon, tout ça, près de 60 ans après doit être revu et corrigé. Donc je crois qu'effectivement, il a une vision planétaire d'un ordre international beaucoup plus à l'équilibre.
 
Q.- Un mot d'un sujet qui nous concerné évidemment de très près ici : le président de la République a souhaité hier que une nouvelle chaîne publique qui serait appelée France Monde, qui regrouperait les moyens de nos confrères de TV5, de France 24 et donc de Radio France International soit créée cette année et qu'elle ne diffuse qu'en français. Ça, ce serait vraiment une révolution - RFI diffuse ne près de 20 langues, France 24 en trois langues. Le français seul peut suffire ?
 
R.- Moi, je crois que ce qui manque beaucoup à nos compatriotes et à beaucoup de francophones à l'étranger et à beaucoup d'élites de grands pays, c'est d'avoir une chaîne puissante, largement diffusée, ayant une puissance éditoriale en français. Il l'a dit hier pour la télévision : elle peut être sous-titrée naturellement pour les pays concernés. C'est sûr qu'en radio, c'est plus difficile de sous-titrer. On n'a pas encore trouvé le truc. Mais je crois que l'idée, elle est là : France Monde, un groupe mondial, puissant, en français, pour Français, les francophones et les élites étrangères souhaitant un peu avoir et la vision et la langue française en même temps, et puis, il y aura, par définition, des adaptations pour la radio, parce que je peux comprendre que le sous-titrage est difficile.
 
Q.- Merci R. Karoutchi.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 janvier 2008