Texte intégral
C. Barbier.- C. Gonzalez et C. Rojas sont libres. Vous avez eu à gérer à Matignon en votre temps une partie des dossiers des otages. Peut-on vraiment négocier avec les FARC ?
R.- Je le pense, je pense qu'il y a des discussions. Ces discussions doivent être prolongées, c'est pour cela que je pense que, d'abord, c'est une formidable nouvelle, c'est un signe d'espoir pour tous les otages, y compris naturellement, pour I. Betancourt. Je pense que ces résultats ne sont pas étrangers aux initiatives du président de la République française...
Q.- La vidéo envoyée...
R.-...Je pense que ce message, tel qu'il a été envoyé, a donné un impact mondial qui a servi la cause pour la libération des otages. Je pense qu'il faut continuer...
Q.- Continuer avec Chavez ?
R.- Avec Chavez, avec Uribe, et avec N. Sarkozy, et avec un dialogue pour faire en sorte que les FARC s'engagent dans un processus de négociations.
Q.- Est-ce que la France n'a pas compliqué les choses en 2003, quand D. de Villepin avait envoyé une équipe, à la frontière du Brésil et de la Colombie, de manière un peu cavalière ?
R.- Je pense qu'il y a eu un changement d'orientation. A un moment, on a pensé qu'on pouvait sortir de ces difficultés par des voies discrètes. Il est clair que c'est la mobilisation mondiale - et c'est pour cela que l'expression de N. Sarkozy à travers une cassette, c'est-à-dire, une communication qui était comparable à celle des preneurs d'otages, c'était une communication qui a eu un impact mondial considérable et - qui a donc servi la libération des otages, partielle.
Q.- N. Sarkozy diffère sa réponse sur le maïs OGM : clause de sauvegarde ou pas clause de sauvegarde. Vous l'incitez à déclencher la clause de sauvegarde ?
R.- Non, je pense qu'il a raison de réfléchir. Je pense que sur ce sujet il faut être vigilant. D'abord, je ne comprends pas pourquoi on ne demande pas l'avis au Parlement. Parce qu'il ne s'agit pas seulement d'une expertise, il s'agit d'une responsabilité. Il faut que quelqu'un prenne la responsabilité. Le Parlement il est là pour prendre des responsabilités.
Q.- En votant, oui ou non, à la clause de sauvegarde ?
R.- En prenant une position sur le fait qu'on décide de saisir l'Union européenne, ou qu'on décide d'assumer la diffusion des OGM, en France, en tout cas, celui qui est concerné. Donc, je pense que, aujourd'hui, il ne faut pas avoir une décision précipitée, je crois vraiment qu'il ne faut pas tourner le dos au progrès. On ne sait jamais, le résultat d'un progrès. Quand on a inventé des médicaments, il y a forcément derrière les médicaments des effets pervers. Donc, la précaution, cela veut dire qu'il faut mettre les instances scientifiques, techniques, morales. Mais il ne faut pas fermer la porte au progrès, il ne faut pas tourner le dos aux initiatives. Il y a des gens qui sont guéris par des OGM, il y a des peuples qui pourront avoir la possibilité de résoudre les crises de la faim par les OGM. Et donc, il faut que la science puisse apporter à l'humanité les progrès ; l'homme doit mettre le principe de précaution en avant, mais pas systématiquement le principe d'interdiction. Je pense que dans notre pays la peur prend trop de place. Il faut rassurer et on rassurera, notamment par les progrès scientifiques et certainement en tournant le dos à l'avenir, en se repliant sur nous-mêmes.
Q.- Votre position n'est-elle pas fondée aussi sur l'existence d'un vote agricole, d'un vote rural, que l'UMP veut garder ?
R.- Vous savez, quand les agriculteurs et les scientifiques sont d'accord dans notre pays, il faut réfléchir. Il faut réfléchir au choix scientifique qui est fait. Et puis, en effet, le monde rural aujourd'hui est sans doute un des mondes, parce qu'il est proche de la nature, qui n'a pas peur de l'avenir. Quand j'ai vu des récents sondages sur les jeunes Français, que je vois qu'ils ont moins confiance en l'avenir que les jeunes Américains, que les jeunes Danois, je voudrais que notre pays n'ait pas peur de l'avenir. Il y a des capacités d'intelligence pour trouver les solutions scientifiques, techniques, humaines au progrès. Et donc, il faut avoir confiance dans l'avenir. "N'ayez pas peur " reste le vrai message en ce début de XXI ème siècle.
Q.- Alors, n'ayez pas peur de supprimer les départements, créés en 1790. La commission Attali devrait proposer la fin des départements.
R.- C'est loufoque, c'est assez surprenant de voir qu'on fait appel à des gens de grande intelligence, de grande expertise, et qui nous sortent les vieilles lunes.
Q.- Enfin, c'est un peu obsolète les départements : la journée de cheval pour se rendre au chef-lieu, c'est un peu passé...
R.- Je pense que la vraie question aujourd'hui, moderne... La commission Attali n'est pas moderne, elle nous propose un article, elle nous sort vieilles lunes : le commerce le dimanche, la grande sympathie pour les grandes surfaces, et puis la suppression des départements. La vraie question en France aujourd'hui, c'est le pouvoir des régions, c'est le développement économique territorial. Et quel est le problème en France ? Nos régions sont trop petites, qu'on fusionne deux régions, qu'on divise par deux le nombre de régions. Quand la France aura 12 régions, elle pourra avoir, comme l'Allemagne, comme l'Espagne, un vrai impact économique régional. Et donc, c'est plutôt sur la région qu'il faut agrandir et développer plutôt que de remettre en cause le département, parce que le département a comme vocation la proximité, et c'est par ce terrain, cette proximité-là qui fait que chacun a une identité territoriale affirmée, le département. Donc, la vraie question de la modernité aujourd'hui, c'est la force des régions et la division par deux du nombre des régions, et ce n'est pas la remise en cause du département, vieille idée, qui naturellement, si elle avait été bonne aura déjà été engagée.
Q.- Supprimer la publicité dans l'audiovisuel public, vieille idée ou idée neuve ?
R.- Plutôt idée neuve, idée développée par les Anglais, une BBC à la française, pourquoi pas.
Q.- Faut-il regrouper au passage les chaînes publiques, voire en privatiser quelques-unes, comme le suggère P. Devedjian, secrétaire général de l'UMP ?
R.- Je pense qu'il faut sans doute redistribuer les cartes. Il nous faut un service public identifié, dont la logique du service public soit vraiment une logique qui dépasse l'intérêt simplement commercial, l'intérêt du marché. Le marché n'arbitre pas tout, il arbitre là où il y a initiative privée, il n'arbitre pas forcément là où il y a initiative publique. Et donc, un vrai service public. De ce point de vue là, pas besoin d'aller chercher des solutions miracles. BBC à la française.
Q.- Sur les 35 heures, plutôt qu'un pas en avant, un pas en arrière, ne fallait-il pas aller carrément jusqu'au bout et dire : plus de durée légale du travail en France, chacun négocie son contrat ?
R.- On a besoin d'une durée légale pour avoir des heures supplémentaires. On veut des heures supplémentaires, à la fois, parce qu'il faut travailler plus, mais aussi, parce qu'il faut gagner plus. Et donc, comme il faut pouvoir déclencher un seuil d'heures supplémentaires, il faut bien un seuil de durée légale, à partir du moment où il y a heures supplémentaires. Donc, la durée légale du travail est d'évidence nécessaire à notre système social.
Q.- "La politique locale ne doit pas être un enjeu national", dites-vous, aujourd'hui, dans Le Parisien. N. Sarkozy et P. Devedjian ont donc tort de vouloir politiser les municipales ?
R.- Je pense qu'il ne faut pas aller à un excès de politisation. Vous ne pouvez pas demander à un décentralisateur, à un Girondin, une renationalisation, une recentralisation du débat local avec des thèmes nationaux. Le thème des 35 heures n'est pas un thème municipal. Les 35 heures dans les entreprises, ce n'est pas un thème d'arbitrage électoral local. Le local c'est la fiscalité locale, les impôts locaux par rapport aux impôts nationaux. Est-ce qu'on augmente les impôts locaux, est-ce qu'on les baisse ? Nous, nous disons à l'UMP, nous ne voulons pas augmenter les impôts locaux. C'est un engagement, mais c'est un engagement qui a un impact local, qui n'est pas d'une nationalisation du sujet. Il y a des sujets nationaux, il y a des sujets locaux, il faut bien doser. On fait un conseil samedi, justement pour bien doser la part du local et la part du national dans notre message politique pour les municipales.
Q.- Donc, vous allez demander au Président de ne pas trop s'impliquer dans les municipales, parce que cela nationaliserait le débat, cela donnerait un référendum, pour ou contre Sarkozy ?
R.- Je pense qu'il faut qu'il s'implique mais sur des thèmes qui sont ceux de l'aménagement du territoire, ceux de la cohésion territoriale, de la cohésion sociale, qui ne sont pas des thèmes de sujets nationaux seulement. Il faut tenir compte du fait qu'une campagne à Marseille ou une campagne à Lille, qu'une campagne à Quimper ou une campagne à Strasbourg, ce ne sont pas les mêmes campagnes. Je suis décentralisateur, je fais partie de ceux qui souhaiteraient même que les élections locales n'aient pas lieu en France le même jour. En Allemagne, on vote dans un Land un jour et un mois après dans un autre Land. Le fait d'avoir des élections municipales partout en France le même jour, ça a tendance à nationaliser le débat. Je suis pour territorialiser les débats locaux. Il y a des questions nationales, élections nationales ; questions locales, élections locales.
Q.- L'ouverture à gauche des listes UMP, question nationale. Vous souhaitez donc un peu de modération, pas trop d'ouverture systématique ?
R.- Je suis pour l'ouverture, mais l'ouverture autour d'un projet. L'ouverture, ce n'est pas aller chercher l'adversaire pour le mettre à l'intérieur de son propre camp, pour faire de la division. Il s'agit simplement que tout le monde adhère à un projet, mais ce projet ne doit pas avoir d'esprit partisan. Et on peut très bien être avec J.-C. Gaudin et avoir une culture socialiste dans l'intérêt de Marseille. On peut être à Strasbourg avec F. Keller, dans l'intérêt de Strasbourg, avec des idées différentes de celles de F. Keller. A condition qu'on adhère au projet pour Strasbourg ou au projet pour Marseille.
Q.- Votre expérience d'ancien Premier ministre vous amène-t-elle à penser qu'il faudrait un remaniement après les municipales, comme il y en avait eu un après les régionales 2004, dans votre Gouvernement ?
R.- Je pense qu'en effet, c'est quelque chose qui est probable, c'est la décision du président de la République et du Premier ministre. Mais au bout d'un an, une élection locale, je pense que le diagnostic peut être fait. Il y a des ministères qui sont aujourd'hui à renforcer. Je trouve que, aujourd'hui, il y a un manque dans la politique gouvernementale, un déficit, qui est celui de l'aménagement du territoire, par exemple. Donc, il est clair que sur ce sujet, il faut une action relancée.
Q.- Le conseil national de l'UMP se réunit ce week-end, et accueille T. Blair. T. Blair, c'est "le" modèle à suivre, c'est "le" modèle pour Sarkozy ?
R.- Ce n'est pas "le" modèle, mais dans le parcours de T. Blair, il y a des choses très significatives. C'est un réformateur. Nous avons eu de vraies divergences avec T. Blair, notamment sur la question irakienne. Ces divergences demeurent. Mais nous avons remarqué, noté que T. Blair avait une méthode de réforme qui nous intéresse. Et puis T. Blair est quelqu'un qui, sur le plan européen, s'est engagé. C'est sans doute l'Anglais le plus européen. Et je pense qu'il a un avenir en Europe. Je pense que, si on veut le Royaume-Uni tienne toute sa place dans un projet européen, qu'il sorte de son isolationnisme, nous avons besoin de T. Blair dans les instances européennes.
Q.- Son avenir, dans la tête de Sarkozy, c'est d'en faire le président de l'Europe, quand le Traité de Lisbonne aura été ratifié ?
R.- On n'en est pas là, mais il est clair...
Q.- Il serait bon, très crédible...
R.-...que nous avons besoin d'un leader anglais dans notre projet européen, avec naturellement le gouvernement du Royaume-Uni. Il est clair que nous avons besoin de T. Blair, qui est un vrai européen, pour le développement de l'Europe dans ce XXI ème siècle.
Q.- "Président m'as-tu vu", accuse F. Hollande. Conseillez-vous à N. Sarkozy d'être un peu plus discret sur sa vie privée ?
R.- Sa vie privée le regarde et le regarde seul. Et je trouve que notre débat politique est bien souvent médiocre quand il s'égare des grands intérêts nationaux. Quant à F. Hollande, il n'a vraiment pas de leçons à donner. Quand je le vois prôner l'absence au Congrès de Versailles sur le choix européen de la France ! Quelle médiocrité, que de vouloir jouer la chaise vide, de cacher les divisions du PS par la non participation.
Q.- Il voulait un référendum !
R.- Quand on est député, on ne pratique pas le rôle de la chaise vide ou alors on démissionne. Etre député, c'est représenter les Français, et d'aller porter l'opinion au Parlement. On doit porter cette opinion, et on ne doit pas rester chez soi. Ce nihilisme politique - "je me fais élire, mais je n'irai pas au vote" - est quelque chose qui est, je crois, profondément condamnable.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 janvier 2008
R.- Je le pense, je pense qu'il y a des discussions. Ces discussions doivent être prolongées, c'est pour cela que je pense que, d'abord, c'est une formidable nouvelle, c'est un signe d'espoir pour tous les otages, y compris naturellement, pour I. Betancourt. Je pense que ces résultats ne sont pas étrangers aux initiatives du président de la République française...
Q.- La vidéo envoyée...
R.-...Je pense que ce message, tel qu'il a été envoyé, a donné un impact mondial qui a servi la cause pour la libération des otages. Je pense qu'il faut continuer...
Q.- Continuer avec Chavez ?
R.- Avec Chavez, avec Uribe, et avec N. Sarkozy, et avec un dialogue pour faire en sorte que les FARC s'engagent dans un processus de négociations.
Q.- Est-ce que la France n'a pas compliqué les choses en 2003, quand D. de Villepin avait envoyé une équipe, à la frontière du Brésil et de la Colombie, de manière un peu cavalière ?
R.- Je pense qu'il y a eu un changement d'orientation. A un moment, on a pensé qu'on pouvait sortir de ces difficultés par des voies discrètes. Il est clair que c'est la mobilisation mondiale - et c'est pour cela que l'expression de N. Sarkozy à travers une cassette, c'est-à-dire, une communication qui était comparable à celle des preneurs d'otages, c'était une communication qui a eu un impact mondial considérable et - qui a donc servi la libération des otages, partielle.
Q.- N. Sarkozy diffère sa réponse sur le maïs OGM : clause de sauvegarde ou pas clause de sauvegarde. Vous l'incitez à déclencher la clause de sauvegarde ?
R.- Non, je pense qu'il a raison de réfléchir. Je pense que sur ce sujet il faut être vigilant. D'abord, je ne comprends pas pourquoi on ne demande pas l'avis au Parlement. Parce qu'il ne s'agit pas seulement d'une expertise, il s'agit d'une responsabilité. Il faut que quelqu'un prenne la responsabilité. Le Parlement il est là pour prendre des responsabilités.
Q.- En votant, oui ou non, à la clause de sauvegarde ?
R.- En prenant une position sur le fait qu'on décide de saisir l'Union européenne, ou qu'on décide d'assumer la diffusion des OGM, en France, en tout cas, celui qui est concerné. Donc, je pense que, aujourd'hui, il ne faut pas avoir une décision précipitée, je crois vraiment qu'il ne faut pas tourner le dos au progrès. On ne sait jamais, le résultat d'un progrès. Quand on a inventé des médicaments, il y a forcément derrière les médicaments des effets pervers. Donc, la précaution, cela veut dire qu'il faut mettre les instances scientifiques, techniques, morales. Mais il ne faut pas fermer la porte au progrès, il ne faut pas tourner le dos aux initiatives. Il y a des gens qui sont guéris par des OGM, il y a des peuples qui pourront avoir la possibilité de résoudre les crises de la faim par les OGM. Et donc, il faut que la science puisse apporter à l'humanité les progrès ; l'homme doit mettre le principe de précaution en avant, mais pas systématiquement le principe d'interdiction. Je pense que dans notre pays la peur prend trop de place. Il faut rassurer et on rassurera, notamment par les progrès scientifiques et certainement en tournant le dos à l'avenir, en se repliant sur nous-mêmes.
Q.- Votre position n'est-elle pas fondée aussi sur l'existence d'un vote agricole, d'un vote rural, que l'UMP veut garder ?
R.- Vous savez, quand les agriculteurs et les scientifiques sont d'accord dans notre pays, il faut réfléchir. Il faut réfléchir au choix scientifique qui est fait. Et puis, en effet, le monde rural aujourd'hui est sans doute un des mondes, parce qu'il est proche de la nature, qui n'a pas peur de l'avenir. Quand j'ai vu des récents sondages sur les jeunes Français, que je vois qu'ils ont moins confiance en l'avenir que les jeunes Américains, que les jeunes Danois, je voudrais que notre pays n'ait pas peur de l'avenir. Il y a des capacités d'intelligence pour trouver les solutions scientifiques, techniques, humaines au progrès. Et donc, il faut avoir confiance dans l'avenir. "N'ayez pas peur " reste le vrai message en ce début de XXI ème siècle.
Q.- Alors, n'ayez pas peur de supprimer les départements, créés en 1790. La commission Attali devrait proposer la fin des départements.
R.- C'est loufoque, c'est assez surprenant de voir qu'on fait appel à des gens de grande intelligence, de grande expertise, et qui nous sortent les vieilles lunes.
Q.- Enfin, c'est un peu obsolète les départements : la journée de cheval pour se rendre au chef-lieu, c'est un peu passé...
R.- Je pense que la vraie question aujourd'hui, moderne... La commission Attali n'est pas moderne, elle nous propose un article, elle nous sort vieilles lunes : le commerce le dimanche, la grande sympathie pour les grandes surfaces, et puis la suppression des départements. La vraie question en France aujourd'hui, c'est le pouvoir des régions, c'est le développement économique territorial. Et quel est le problème en France ? Nos régions sont trop petites, qu'on fusionne deux régions, qu'on divise par deux le nombre de régions. Quand la France aura 12 régions, elle pourra avoir, comme l'Allemagne, comme l'Espagne, un vrai impact économique régional. Et donc, c'est plutôt sur la région qu'il faut agrandir et développer plutôt que de remettre en cause le département, parce que le département a comme vocation la proximité, et c'est par ce terrain, cette proximité-là qui fait que chacun a une identité territoriale affirmée, le département. Donc, la vraie question de la modernité aujourd'hui, c'est la force des régions et la division par deux du nombre des régions, et ce n'est pas la remise en cause du département, vieille idée, qui naturellement, si elle avait été bonne aura déjà été engagée.
Q.- Supprimer la publicité dans l'audiovisuel public, vieille idée ou idée neuve ?
R.- Plutôt idée neuve, idée développée par les Anglais, une BBC à la française, pourquoi pas.
Q.- Faut-il regrouper au passage les chaînes publiques, voire en privatiser quelques-unes, comme le suggère P. Devedjian, secrétaire général de l'UMP ?
R.- Je pense qu'il faut sans doute redistribuer les cartes. Il nous faut un service public identifié, dont la logique du service public soit vraiment une logique qui dépasse l'intérêt simplement commercial, l'intérêt du marché. Le marché n'arbitre pas tout, il arbitre là où il y a initiative privée, il n'arbitre pas forcément là où il y a initiative publique. Et donc, un vrai service public. De ce point de vue là, pas besoin d'aller chercher des solutions miracles. BBC à la française.
Q.- Sur les 35 heures, plutôt qu'un pas en avant, un pas en arrière, ne fallait-il pas aller carrément jusqu'au bout et dire : plus de durée légale du travail en France, chacun négocie son contrat ?
R.- On a besoin d'une durée légale pour avoir des heures supplémentaires. On veut des heures supplémentaires, à la fois, parce qu'il faut travailler plus, mais aussi, parce qu'il faut gagner plus. Et donc, comme il faut pouvoir déclencher un seuil d'heures supplémentaires, il faut bien un seuil de durée légale, à partir du moment où il y a heures supplémentaires. Donc, la durée légale du travail est d'évidence nécessaire à notre système social.
Q.- "La politique locale ne doit pas être un enjeu national", dites-vous, aujourd'hui, dans Le Parisien. N. Sarkozy et P. Devedjian ont donc tort de vouloir politiser les municipales ?
R.- Je pense qu'il ne faut pas aller à un excès de politisation. Vous ne pouvez pas demander à un décentralisateur, à un Girondin, une renationalisation, une recentralisation du débat local avec des thèmes nationaux. Le thème des 35 heures n'est pas un thème municipal. Les 35 heures dans les entreprises, ce n'est pas un thème d'arbitrage électoral local. Le local c'est la fiscalité locale, les impôts locaux par rapport aux impôts nationaux. Est-ce qu'on augmente les impôts locaux, est-ce qu'on les baisse ? Nous, nous disons à l'UMP, nous ne voulons pas augmenter les impôts locaux. C'est un engagement, mais c'est un engagement qui a un impact local, qui n'est pas d'une nationalisation du sujet. Il y a des sujets nationaux, il y a des sujets locaux, il faut bien doser. On fait un conseil samedi, justement pour bien doser la part du local et la part du national dans notre message politique pour les municipales.
Q.- Donc, vous allez demander au Président de ne pas trop s'impliquer dans les municipales, parce que cela nationaliserait le débat, cela donnerait un référendum, pour ou contre Sarkozy ?
R.- Je pense qu'il faut qu'il s'implique mais sur des thèmes qui sont ceux de l'aménagement du territoire, ceux de la cohésion territoriale, de la cohésion sociale, qui ne sont pas des thèmes de sujets nationaux seulement. Il faut tenir compte du fait qu'une campagne à Marseille ou une campagne à Lille, qu'une campagne à Quimper ou une campagne à Strasbourg, ce ne sont pas les mêmes campagnes. Je suis décentralisateur, je fais partie de ceux qui souhaiteraient même que les élections locales n'aient pas lieu en France le même jour. En Allemagne, on vote dans un Land un jour et un mois après dans un autre Land. Le fait d'avoir des élections municipales partout en France le même jour, ça a tendance à nationaliser le débat. Je suis pour territorialiser les débats locaux. Il y a des questions nationales, élections nationales ; questions locales, élections locales.
Q.- L'ouverture à gauche des listes UMP, question nationale. Vous souhaitez donc un peu de modération, pas trop d'ouverture systématique ?
R.- Je suis pour l'ouverture, mais l'ouverture autour d'un projet. L'ouverture, ce n'est pas aller chercher l'adversaire pour le mettre à l'intérieur de son propre camp, pour faire de la division. Il s'agit simplement que tout le monde adhère à un projet, mais ce projet ne doit pas avoir d'esprit partisan. Et on peut très bien être avec J.-C. Gaudin et avoir une culture socialiste dans l'intérêt de Marseille. On peut être à Strasbourg avec F. Keller, dans l'intérêt de Strasbourg, avec des idées différentes de celles de F. Keller. A condition qu'on adhère au projet pour Strasbourg ou au projet pour Marseille.
Q.- Votre expérience d'ancien Premier ministre vous amène-t-elle à penser qu'il faudrait un remaniement après les municipales, comme il y en avait eu un après les régionales 2004, dans votre Gouvernement ?
R.- Je pense qu'en effet, c'est quelque chose qui est probable, c'est la décision du président de la République et du Premier ministre. Mais au bout d'un an, une élection locale, je pense que le diagnostic peut être fait. Il y a des ministères qui sont aujourd'hui à renforcer. Je trouve que, aujourd'hui, il y a un manque dans la politique gouvernementale, un déficit, qui est celui de l'aménagement du territoire, par exemple. Donc, il est clair que sur ce sujet, il faut une action relancée.
Q.- Le conseil national de l'UMP se réunit ce week-end, et accueille T. Blair. T. Blair, c'est "le" modèle à suivre, c'est "le" modèle pour Sarkozy ?
R.- Ce n'est pas "le" modèle, mais dans le parcours de T. Blair, il y a des choses très significatives. C'est un réformateur. Nous avons eu de vraies divergences avec T. Blair, notamment sur la question irakienne. Ces divergences demeurent. Mais nous avons remarqué, noté que T. Blair avait une méthode de réforme qui nous intéresse. Et puis T. Blair est quelqu'un qui, sur le plan européen, s'est engagé. C'est sans doute l'Anglais le plus européen. Et je pense qu'il a un avenir en Europe. Je pense que, si on veut le Royaume-Uni tienne toute sa place dans un projet européen, qu'il sorte de son isolationnisme, nous avons besoin de T. Blair dans les instances européennes.
Q.- Son avenir, dans la tête de Sarkozy, c'est d'en faire le président de l'Europe, quand le Traité de Lisbonne aura été ratifié ?
R.- On n'en est pas là, mais il est clair...
Q.- Il serait bon, très crédible...
R.-...que nous avons besoin d'un leader anglais dans notre projet européen, avec naturellement le gouvernement du Royaume-Uni. Il est clair que nous avons besoin de T. Blair, qui est un vrai européen, pour le développement de l'Europe dans ce XXI ème siècle.
Q.- "Président m'as-tu vu", accuse F. Hollande. Conseillez-vous à N. Sarkozy d'être un peu plus discret sur sa vie privée ?
R.- Sa vie privée le regarde et le regarde seul. Et je trouve que notre débat politique est bien souvent médiocre quand il s'égare des grands intérêts nationaux. Quant à F. Hollande, il n'a vraiment pas de leçons à donner. Quand je le vois prôner l'absence au Congrès de Versailles sur le choix européen de la France ! Quelle médiocrité, que de vouloir jouer la chaise vide, de cacher les divisions du PS par la non participation.
Q.- Il voulait un référendum !
R.- Quand on est député, on ne pratique pas le rôle de la chaise vide ou alors on démissionne. Etre député, c'est représenter les Français, et d'aller porter l'opinion au Parlement. On doit porter cette opinion, et on ne doit pas rester chez soi. Ce nihilisme politique - "je me fais élire, mais je n'irai pas au vote" - est quelque chose qui est, je crois, profondément condamnable.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 janvier 2008