Conférence de presse de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur la place de la transparence et de la concertation dans la politique de l'environnement, Paris le 18 février 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Au mois de janvier, jai été fort occupée par le débat parlementaire sur le projet de loi dorientation pour laménagement et le développement durable du territoire (LOADDT), qui a abouti, le 9 février dernier, à ladoption du texte en première lecture à lAssemblée nationale. Cest ce qui explique le retard avec lequel je vous présente mes vux. Mais je tenais surtout à faire un point avec vous sur laction et les perspectives de ce ministère en matière denvironnement.
Je ne vous infligerai pas linventaire à la Prévert de lensemble des initiatives prises, des batailles engagées, ou des chantiers ouverts. Je souhaite en effet davantage échanger avec vous et prendre le temps de répondre à vos questions. Mon intervention sera donc brève. Je voudrais cependant insister sur les gains que nous avons réalisés en matière de transparence et de concertation, à travers quelques exemples concrets, et vous énumérer les objectifs que nous nous sommes donnés pour lannée 1999.
1. La transparence, tout dabord.
Dans le domaine de lenvironnement plus que dans tout autre, il est indispensable de porter à la connaissance des usagers les informations les concernant. La transparence est une exigence de la démocratie. Cest aussi un moyen pour faire progresser la prise en compte de lenvironnement dans lensemble des politiques que nous menons. Cest aussi une nécessité croissante pour un développement économique équilibré. Les entrepreneurs les plus dynamiques lont compris.
Jillustrerai ce souci de transparence avec notre approche de la politique " déchets ". Suite à ma communication en conseil des ministres, le 26 août dernier, plusieurs textes réglementaires sont sur le point dêtre publiés, qui vont tous dans le sens de cette plus grande transparence : mise en place du Conseil national des déchets ; ou généralisation des Commissions locales dinformation et de sécurité (CLIS) à tous les sites de traitement des déchets. Dans les toutes prochaines semaines doit également paraître un décret relatif à linformation du public sur la qualité du service public délimination des déchets ménagers et assimilés. Lobservatoire des déchets, dont le secrétariat sera assuré par lAdeme, sous la présidence dun élu, est quant à lui techniquement prêt à fonctionner.
Sagissant plus particulièrement des incinérateurs, le 3 avril dernier, nous avions tiré la sonnette dalarme, après avoir constaté que certaines installations rejetaient des quantités alarmantes de dioxine. Javais alors demandé aux préfets quils me fassent linventaire précis des émissions des incinérateurs de leur département. Vous aviez du reste relayé auprès de lopinion publique les données que nous avions recueillies, qui traduisaient déjà, indépendamment de la question des dioxines, une situation inacceptable en matière de respect dune réglementation vieille de 10 ans.
Constatant quil sagissait dun problème généralisé à tout le pays, des mesures ont été prises, installation par installation, pour diminuer ces émissions et se rapprocher des seuils pratiqués ailleurs en Europe. Un an plus tard, jai le plaisir de vous communiquer les résultats précis des efforts réalisés dans ce domaine : nous sommes parvenus à réduire de 40 % les émissions en un an ! Et, bien sûr, toutes ces informations ont été mises à la disposition du public sur le site Internet du ministère, et vous ont été communiquées. Cest une première étape.
En matière de transparence, la bataille nest jamais définitivement gagnée. Cela restera donc un axe essentiel de notre travail dans les mois qui viennent. Je pense notamment à deux dossiers majeurs. En premier lieu, il y a le nucléaire. Il ne vous aura pas échappé que les incidents techniques semblent se multiplier. Les défaillances des installations n'ont pourtant pas été plus nombreuses que les années précédentes. Ce qui est nouveau en revanche, c'est qu'elles font l'objet d'une information systématique à destination des populations concernées. Il y a lieu de sen féliciter.
Mais ce nest pas suffisant. Cest pourquoi nous travaillons, avec le secrétariat dÉtat à lIndustrie, au projet de loi sur la transparence et la sûreté en matière nucléaire. Ce projet sera présenté en Conseil des ministres dici le mois de juin. Ainsi, une autorité indépendante sera enfin créée ; lexercice du droit à linformation sera organisé ; lexpertise et la recherche seront indépendantes ; et les grandes installations nucléaires seront régies par les mêmes textes que les autres installations dangereuses en matière denvironnement. Ce sera une étape décisive.
Je suis en effet convaincue que la transparence passe par une nette séparation entre le contrôleur et le contrôlé. Cela est vrai pour le nucléaire cest lobjet de ce projet de loi , mais ça lest aussi pour la chasse. Les nouveaux statuts des agents de lOffice national de la chasse (ONC), avec la fonctionnarisation des agents et la création dune véritable police de la nature et de lenvironnement, permettront de mieux distinguer entre ce qui relève de lintérêt général et ce qui relève de lexpression dintérêts catégoriels.
Autre exemple de transparence : la diffusion de linformation en matière de sols pollués. Certains dentre vous avaient, non sans raison, critiqué linventaire publié par mon ministère fin 1997. Cest pourquoi, avant la fin du premier semestre, je compte rendre public létat davancement des inventaires historiques, qui seront nourris par les enquêtes réalisées en région et mis gratuitement à la disposition du public via Internet. Pour les régions où le travail naurait pas suffisamment avancé, des moyens et des objectifs seront fixés, à horizon de trois ans, par les Contrats de plan Etat-régions (CPER). Je souhaite faire prochainement une communication en conseil des ministres dédiée à lensemble de la thématique " sites pollués ".
Dans tous les domaines couverts par mon administration, seule la diffusion des informations peut nous permettre de prendre des décisions qui, sinon, restent parfois incomprises.
2 La concertation. Si la transparence est un fil conducteur de notre action, la concertation constitue notre méthode de travail ministériel. Là encore, je prendrai quelques exemples concrets.
Dans le domaine de leau, tout dabord. Le décret instituant le Haut Conseil du service public de leau et de lassainissement sera pris avant la fin du premier semestre, de même que celui qui permettra daugmenter la place des associations dans les institutions de bassin. De plus, le Parlement sera, dès 2001, amené à voter la loi de programmation quinquennale. De façon peut-être plus opérationnelle et plus immédiate, la concertation a prévalu pour réfléchir sur la forme que pourra prendre la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), au sujet de laquelle on mavait prédit une opposition générale. Pourtant, la concertation approfondie avec les acteurs de bassin, les syndicats et les associations a permis daboutir à un accord de principe sur lapplication de la TGAP au domaine de leau, le 11 décembre dernier, à Orléans. Grâce à ce patient et fécond dialogue, la TGAP trouvera ainsi une traduction concrète et consensuelle, dès la loi de finances 2000.
Mais la concertation nest jamais terminée : lundi dernier, je recevais ici même les représentants des grandes associations représentant les familles et les consommateurs afin découter leurs doléances sur les problèmes soulevés par le prix de leau, et de leur demander leur avis sur plusieurs propositions : transférer le paiement de la redevance pour pollution domestique du consommateur à la collectivité locale ou au syndicat intercommunal ; mettre en place une facturation progressive et non plus dégressive, pour encourager les économies deau sans pénaliser les ménages à faible revenu ; instaurer un certain degré de péréquation du prix de leau, par exemple au niveau départemental.
Autre exemple de concertation : Natura 2000. Dès notre arrivée, en juin 1997, nous avions décidé de relancer la transcription de la directive européenne " Habitats ", qui avait été gelée par le précédent gouvernement. Des rencontres, au niveau national mais aussi sur le terrain, ont permis de restaurer un dialogue serein avec les différentes parties concernées.
Résultat : nous avons réussi à transmettre lannée dernière 690 propositions de sites à la Commission européenne, sur environ 1 300 sites inventoriés, soit une surface correspondant à près de 5 % du territoire, et cela sans soulever démeutes dans les campagnes. Nous achèverons cette année la transmission des sites nationaux. Simultanément, nous travaillons, avec le Comité national de suivi et de concertation, au projet de loi permettant de transcrire dans le droit interne la directive. Ce projet sera présenté en conseil des ministres avant lété.
Cest également ce souci de concertation qui mincite à prêter une attention particulière aux débats et aux avis formulés par la Commission nationale du débat public (CNDP), instance que jai eu le plaisir de mettre en place en septembre 1997. La CNDP a déjà rendu ses avis sur le projet Port 2000, pour lequel il sagit de concilier la sauvegarde dun milieu très fragile, lestuaire de la Seine, avec le nécessaire développement des activités portuaires du Havre ; et sur le projet de ligne à très haute tension Boutre-Carros, pour lequel le débat a montré quun projet alternatif était possible, crédible, et éviterait lagression environnementale des célèbres paysages de la région du Verdon.
Dautres dossiers sont en cours dinstruction par la CNDP. Mais je ne voudrais pas déflorer le contenu de la conférence de presse que tiendra ici même le Président Blanc mardi prochain. Mais sachez que je veillerai à ce que lindépendance de cette structure soit préservée, et je mappuierai sur ses capacités dexpertise pour réformer les procédures dutilité publique.
En effet, la concertation nest pas un frein. Elle accompagne le développement puisquelle permet déviter des coûts inutiles et de mieux prendre en compte les besoins réels des populations concernées. En cela, le chantier de la réforme de lutilité publique est essentiel.
Un groupe de travail du Conseil dEtat, présidé par Nicole Questiaux, a été mis en place. Il a déjà procédé à de nombreuses auditions et devrait me remettre son rapport avant la fin du mois davril. Ce travail nous permettra alors de rédiger un projet de loi qui devrait pouvoir être discuté au cours du second semestre.
Si jinsiste sur la transparence et la concertation, cest parce que je suis convaincue que nous ne pourrons pas avancer autrement. Prenez la question de la pollution de lair. En août 1997, javais insisté sur le fait que cétait une question de santé publique et de protection de lenvironnement extrêmement grave, qui ne se posait pas seulement les jours de pics de pollution lors desquels, évidemment, tout le monde saccorde à dire quil faut agir. Cest la prévention, le traitement de fond, qui doivent primer même si cela est moins médiatique.
La cartographie de la pollution par les oxydes dazote en Ile-de-France, qui vient dêtre réalisée à partir des relevés dAirparif, et qui a suscité beaucoup démoi, montre quil est nécessaire de prendre en compte la qualité de lair de tous les jours par des choix politiques de long terme, notamment dans le domaine des transports.
Certes, il nous faut aussi gérer les pics de pollution pour lesquels une riposte graduée simpose. Lavis rendu, pas plus tard quhier, par le Conseil national de lair est à étudier : la solution passe peut-être, comme il l'indique, par une riposte graduée dès le niveau 2, nexcluant pas les restrictions de circulation et prenant en compte la pollution par les particules.
La pollution de lair nest pas quune question dappareils de mesure. Elle exige de nous des choix lourds de conséquence. Le CNA est en cela un outil précieux. Cest un organe paritaire de concertation, de consultation et de proposition, qui permet au public, aux élus et au gouvernement, de distinguer les enjeux fondamentaux du débat sur la qualité de l'air et de prendre les décisions qui simposent.
Mesdames et Messieurs, comme vous le voyez, je nai pas été exhaustive, mais je suis certaine que vous aurez à cur de minterroger sur les sujets variés qui font la une de lactualité, et je suis donc prête à répondre à vos questions.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 22 février 1999)