Texte intégral
Mesdames et messieurs, Monsieur le Professeur Olié,
Ces congrès annuels de l'Encéphale sont très attendus par votre profession. En vous donnant la possibilité de faire le point ensemble - et en français ! - sur les dernières avancées scientifiques, cliniques et sur votre expérience commune, ces trois journées d'échanges sont devenues un temps fort de votre vie de praticiens.
C'est pourquoi je tenais beaucoup à être présente aujourd'hui, et remercie les organisateurs, en particulier le professeur Jean- Pierre Olié, de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole devant vous.
La forte prévalence des troubles mentaux dans notre pays montre assez l'ampleur de votre tâche : 10 millions de personnes sont concernées, les troubles psychiatriques avérés touchent 8 à 9% de notre population, et l'ensemble des besoins en santé mentale concernent plus d'un quart des Français.
Au cours de ces journées, vous allez aborder de nombreux thèmes : addictions, troubles du comportement alimentaire, troubles obsessionnels compulsifs ou autisme, en faisant porter un accent plus particulier sur deux sujets : les troubles dépressifs et la schizophrénie.
La diversité de ces questions suffit à montrer combien votre pratique est complexe. Elle témoigne aussi de l'ampleur des questions que nos sociétés- avides de réponse et de solutions- vous somment aujourd'hui de régler pour elles.
La psychiatrie, plus encore que toute autre branche de la médecine, est plutôt rétive aux réponses toutes faites et trop tranchées.
Les pathologies qui relèvent de votre spécialité ont été si longtemps objets de mépris ou de crainte.
Associées au vice plutôt qu'à la maladie, ces souffrances ont été jugées avant d'être comprises, condamnées avant d'être soignées. La psychiatrie, qui a connu des avancées majeures depuis ses origines, obéit, dans son développement, à une seule et même constante : l'amélioration qualitative des soins prodigués.
Aujourd'hui pourtant, des craintes se font jour. Serions-nous en train de revenir en arrière ? Un diagnostic pourrait-il devenir un verdict ? Les psychiatres sont-ils bien dans leur rôle lorsqu'on les appelle à prendre des décisions judiciaires ?
N'attendez pas de moi que je déploie des « stratégies d'évitement » dans ce discours.
J'aborderai d'emblée une question qui, je le sais, suscite de vives inquiétudes dans votre profession. Il s'agit de la révision de la loi de 1990, que j'ai alors suivi de près en tant que parlementaire. Cette loi a eu pour finalité de mieux encadrer le recours à la contrainte par une répartition du poids de la décision entre tous ceux qui sont concernés par la santé mentale d'un patient. Aujourd'hui, les familles, les médecins généralistes, les directeurs des établissements psychiatriques, partagent la responsabilité de ce choix avec les psychiatres, et c'est heureux.
Si une réforme apparaît aujourd'hui nécessaire, et je la conduirai cette année, je reste fermement attachée à l'esprit de la loi de 90.
Les psychiatres n'ont pas vocation à se substituer aux juges. Le serment que vous avez prêté vous engage à soigner vos patients, parfois à les protéger contre eux-mêmes, non à protéger la société. C'est pour cette raison que je demeure aussi très attachée au secret médical qui garantit une prise en charge de vos patients dans le respect de leur sécurité, de leur santé et de leurs droits fondamentaux.
Que faire en cas de refus des soins ? Doit-on imaginer de mettre en oeuvre une obligation de soins, dissociée de l'obligation d'hospitalisation ? Ces questions font l'objet d'échange entre praticiens, experts, et représentants de familles et de patients.
Une chose est claire. Ce n'est qu'en garantissant le partage des rôles entre Santé et Justice que nous parviendrons à mener à bien, les uns et les autres, les missions qui sont les nôtres.
Ce rôle d'oracle que nos contemporains vous somment de jouer, vous ne l'avez pas voulu. Les demandes contradictoires et les pressions que notre société exerce sur vous ont pu aboutir à brouiller les contours de la psychiatrie et des pratiques psychothérapeutiques. Aussi devons-nous travailler ensemble à rendre vos missions plus lisibles aux yeux de nos concitoyens.
Nous devons les assurer de la qualité des soins qu'ils reçoivent. C'est pourquoi je tiens à mener à son terme le dossier de l'encadrement des psychothérapies. Un projet de décret, qui tient compte des demandes du Conseil d'Etat, est en cours d'élaboration. Ce texte permettra de dissiper les soupçons qui pèsent sur la psychothérapie, élément pourtant essentiel de notre système de santé. Nous devons en garantir la pérennité.
Ces trois journées de congrès vont vous amener à évoquer la dépression. 3 millions de Français ont connu un épisode dépressif au cours des 12 derniers mois. Les troubles dépressifs sont devenus un enjeu de santé publique majeur, tant leur coût humain, social et économique pèse sur notre société.
Nous savons tous ici que cette souffrance particulière est avivée par le silence ou l'ignorance. Avec le concours de l'Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé, mon ministère a lancé en 2007 une vaste campagne médiatique, afin d'informer le public et de le guider dans son recours aux soins. 600 000 guides ont été distribués entre octobre et fin décembre 2007. Le nombre des retirages, ainsi que le trafic très important du site internet auquel renvoyaient les brochures et les spots télévisés, montrent que le besoin d'information était vif. Le succès de cette campagne est dû en grande partie à votre implication, et je tenais à vous en remercier. Ce succès nous invite à concevoir, conformément aux principes humanistes et éthiques qui sont les nôtres, des campagnes de prévention portées par le souci de délivrer une information qui sonne juste.
L'action du ministère sur le thème de la dépression se prolongera en 2008, en se tournant plus spécialement vers le dépistage des jeunes ainsi que de nos aînés. La société française de gériatrie et de gérontologie, le concours de la fédération française de psychiatrie et la société de psychogériatrie de langue française expérimentent actuellement une mallette d'outils de repérage des troubles dépressifs chez les plus âgés, dont nous attendons beaucoup.
Votre profession, j'en suis bien consciente, doit faire face à de grands défis. 73 000 lits et places sont aujourd'hui consacrés à la psychiatrie générale en France. 63 000 infirmiers et près de 14 0000 psychiatres participant à la prise en charge des malades mentaux. Au total, ce sont plus de 1,2 million de personnes qui sont prises en charge annuellement en psychiatrie publique. Et ces chiffres ne font qu'augmenter. Je tiens ici à saluer l'effort que vous menez pour prendre en charge vos patients aussi souvent que possible en mode ambulatoire. Permettre aux malades, notamment aux enfants et aux jeunes, de continuer à vivre avec leur famille exige de vous, je le sais, un travail de coordination considérable. Chaque jour, vous vivez au rythme de décisions difficiles à prendre. Aussi, je tenais à saisir l'occasion qui m'est ici donnée pour souligner la reconnaissance légitime qui est due à votre profession.
Nous sommes à vos côtés pour les progrès qui restent à accomplir. Le plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 présente à l'heure actuelle un bilan plutôt favorable. Près de 60 % des actions programmées ont été engagées ou réalisées et plus de 3.000 personnes ont été formées dès la fin 2006. 1.500 postes non médicaux et de 180 postes médicaux ont été créés dans les établissements de santé. Les régions nous soutiennent, en mobilisant des crédits complémentaires en direction de la psychiatrie infanto-juvénile et des alternatives à l'hospitalisation, en particulier.
Ce plan psychiatrie et santé mentale arrive à échéance dans onze mois. Quelle suite allons-nous choisir de lui donner ? Il nous appartient d'y réfléchir dès aujourd'hui, car le rôle, les missions, et l'organisation de la psychiatrie seront concernés par les réformes à venir. Je pense à la réforme de l'hôpital, de l'organisation territoriale de la santé par le biais des agences régionales de la santé, sans oublier les soins de premier recours.
2008 sera une année très chargée de réformes pour les acteurs du monde de la santé. Ces réformes se feront dans un esprit de dialogue et de concertation, avec pour seul souci de favoriser l'amélioration de la qualité des soins dont nous devons garantir équitablement l'accès.
Je voudrais, pour finir, mettre en valeur une initiative remarquable : vous consacrez la journée de samedi matin à vos confrères médecins généralistes. Eux-aussi sont effectivement souvent en première ligne pour suivre au quotidien un grand nombre de vos patients. Ce dialogue entre psychiatres et généralistes est, à mes yeux, essentiel. Il prend acte de la nécessité d'offrir aux patients une prise en charge continue. Car l'être humain est un tout, et ne saurait se réduire à telle ou telle pathologie prise isolément.
Psychiatres et généralistes, vous avez besoin des uns et des autres. Et nous nous avons besoin de vous.
Je vous souhaite de fructueux échanges au cours de ces journées.Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 31 janvier 2008
Ces congrès annuels de l'Encéphale sont très attendus par votre profession. En vous donnant la possibilité de faire le point ensemble - et en français ! - sur les dernières avancées scientifiques, cliniques et sur votre expérience commune, ces trois journées d'échanges sont devenues un temps fort de votre vie de praticiens.
C'est pourquoi je tenais beaucoup à être présente aujourd'hui, et remercie les organisateurs, en particulier le professeur Jean- Pierre Olié, de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole devant vous.
La forte prévalence des troubles mentaux dans notre pays montre assez l'ampleur de votre tâche : 10 millions de personnes sont concernées, les troubles psychiatriques avérés touchent 8 à 9% de notre population, et l'ensemble des besoins en santé mentale concernent plus d'un quart des Français.
Au cours de ces journées, vous allez aborder de nombreux thèmes : addictions, troubles du comportement alimentaire, troubles obsessionnels compulsifs ou autisme, en faisant porter un accent plus particulier sur deux sujets : les troubles dépressifs et la schizophrénie.
La diversité de ces questions suffit à montrer combien votre pratique est complexe. Elle témoigne aussi de l'ampleur des questions que nos sociétés- avides de réponse et de solutions- vous somment aujourd'hui de régler pour elles.
La psychiatrie, plus encore que toute autre branche de la médecine, est plutôt rétive aux réponses toutes faites et trop tranchées.
Les pathologies qui relèvent de votre spécialité ont été si longtemps objets de mépris ou de crainte.
Associées au vice plutôt qu'à la maladie, ces souffrances ont été jugées avant d'être comprises, condamnées avant d'être soignées. La psychiatrie, qui a connu des avancées majeures depuis ses origines, obéit, dans son développement, à une seule et même constante : l'amélioration qualitative des soins prodigués.
Aujourd'hui pourtant, des craintes se font jour. Serions-nous en train de revenir en arrière ? Un diagnostic pourrait-il devenir un verdict ? Les psychiatres sont-ils bien dans leur rôle lorsqu'on les appelle à prendre des décisions judiciaires ?
N'attendez pas de moi que je déploie des « stratégies d'évitement » dans ce discours.
J'aborderai d'emblée une question qui, je le sais, suscite de vives inquiétudes dans votre profession. Il s'agit de la révision de la loi de 1990, que j'ai alors suivi de près en tant que parlementaire. Cette loi a eu pour finalité de mieux encadrer le recours à la contrainte par une répartition du poids de la décision entre tous ceux qui sont concernés par la santé mentale d'un patient. Aujourd'hui, les familles, les médecins généralistes, les directeurs des établissements psychiatriques, partagent la responsabilité de ce choix avec les psychiatres, et c'est heureux.
Si une réforme apparaît aujourd'hui nécessaire, et je la conduirai cette année, je reste fermement attachée à l'esprit de la loi de 90.
Les psychiatres n'ont pas vocation à se substituer aux juges. Le serment que vous avez prêté vous engage à soigner vos patients, parfois à les protéger contre eux-mêmes, non à protéger la société. C'est pour cette raison que je demeure aussi très attachée au secret médical qui garantit une prise en charge de vos patients dans le respect de leur sécurité, de leur santé et de leurs droits fondamentaux.
Que faire en cas de refus des soins ? Doit-on imaginer de mettre en oeuvre une obligation de soins, dissociée de l'obligation d'hospitalisation ? Ces questions font l'objet d'échange entre praticiens, experts, et représentants de familles et de patients.
Une chose est claire. Ce n'est qu'en garantissant le partage des rôles entre Santé et Justice que nous parviendrons à mener à bien, les uns et les autres, les missions qui sont les nôtres.
Ce rôle d'oracle que nos contemporains vous somment de jouer, vous ne l'avez pas voulu. Les demandes contradictoires et les pressions que notre société exerce sur vous ont pu aboutir à brouiller les contours de la psychiatrie et des pratiques psychothérapeutiques. Aussi devons-nous travailler ensemble à rendre vos missions plus lisibles aux yeux de nos concitoyens.
Nous devons les assurer de la qualité des soins qu'ils reçoivent. C'est pourquoi je tiens à mener à son terme le dossier de l'encadrement des psychothérapies. Un projet de décret, qui tient compte des demandes du Conseil d'Etat, est en cours d'élaboration. Ce texte permettra de dissiper les soupçons qui pèsent sur la psychothérapie, élément pourtant essentiel de notre système de santé. Nous devons en garantir la pérennité.
Ces trois journées de congrès vont vous amener à évoquer la dépression. 3 millions de Français ont connu un épisode dépressif au cours des 12 derniers mois. Les troubles dépressifs sont devenus un enjeu de santé publique majeur, tant leur coût humain, social et économique pèse sur notre société.
Nous savons tous ici que cette souffrance particulière est avivée par le silence ou l'ignorance. Avec le concours de l'Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé, mon ministère a lancé en 2007 une vaste campagne médiatique, afin d'informer le public et de le guider dans son recours aux soins. 600 000 guides ont été distribués entre octobre et fin décembre 2007. Le nombre des retirages, ainsi que le trafic très important du site internet auquel renvoyaient les brochures et les spots télévisés, montrent que le besoin d'information était vif. Le succès de cette campagne est dû en grande partie à votre implication, et je tenais à vous en remercier. Ce succès nous invite à concevoir, conformément aux principes humanistes et éthiques qui sont les nôtres, des campagnes de prévention portées par le souci de délivrer une information qui sonne juste.
L'action du ministère sur le thème de la dépression se prolongera en 2008, en se tournant plus spécialement vers le dépistage des jeunes ainsi que de nos aînés. La société française de gériatrie et de gérontologie, le concours de la fédération française de psychiatrie et la société de psychogériatrie de langue française expérimentent actuellement une mallette d'outils de repérage des troubles dépressifs chez les plus âgés, dont nous attendons beaucoup.
Votre profession, j'en suis bien consciente, doit faire face à de grands défis. 73 000 lits et places sont aujourd'hui consacrés à la psychiatrie générale en France. 63 000 infirmiers et près de 14 0000 psychiatres participant à la prise en charge des malades mentaux. Au total, ce sont plus de 1,2 million de personnes qui sont prises en charge annuellement en psychiatrie publique. Et ces chiffres ne font qu'augmenter. Je tiens ici à saluer l'effort que vous menez pour prendre en charge vos patients aussi souvent que possible en mode ambulatoire. Permettre aux malades, notamment aux enfants et aux jeunes, de continuer à vivre avec leur famille exige de vous, je le sais, un travail de coordination considérable. Chaque jour, vous vivez au rythme de décisions difficiles à prendre. Aussi, je tenais à saisir l'occasion qui m'est ici donnée pour souligner la reconnaissance légitime qui est due à votre profession.
Nous sommes à vos côtés pour les progrès qui restent à accomplir. Le plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 présente à l'heure actuelle un bilan plutôt favorable. Près de 60 % des actions programmées ont été engagées ou réalisées et plus de 3.000 personnes ont été formées dès la fin 2006. 1.500 postes non médicaux et de 180 postes médicaux ont été créés dans les établissements de santé. Les régions nous soutiennent, en mobilisant des crédits complémentaires en direction de la psychiatrie infanto-juvénile et des alternatives à l'hospitalisation, en particulier.
Ce plan psychiatrie et santé mentale arrive à échéance dans onze mois. Quelle suite allons-nous choisir de lui donner ? Il nous appartient d'y réfléchir dès aujourd'hui, car le rôle, les missions, et l'organisation de la psychiatrie seront concernés par les réformes à venir. Je pense à la réforme de l'hôpital, de l'organisation territoriale de la santé par le biais des agences régionales de la santé, sans oublier les soins de premier recours.
2008 sera une année très chargée de réformes pour les acteurs du monde de la santé. Ces réformes se feront dans un esprit de dialogue et de concertation, avec pour seul souci de favoriser l'amélioration de la qualité des soins dont nous devons garantir équitablement l'accès.
Je voudrais, pour finir, mettre en valeur une initiative remarquable : vous consacrez la journée de samedi matin à vos confrères médecins généralistes. Eux-aussi sont effectivement souvent en première ligne pour suivre au quotidien un grand nombre de vos patients. Ce dialogue entre psychiatres et généralistes est, à mes yeux, essentiel. Il prend acte de la nécessité d'offrir aux patients une prise en charge continue. Car l'être humain est un tout, et ne saurait se réduire à telle ou telle pathologie prise isolément.
Psychiatres et généralistes, vous avez besoin des uns et des autres. Et nous nous avons besoin de vous.
Je vous souhaite de fructueux échanges au cours de ces journées.Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 31 janvier 2008