Déclaration de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme, sur la stratégie envisagée pour le tourisme français d'ici 2020, axée sur la qualité du service, l'excellence écologique et l'innovation, Vittel le 30 novembre 2007.

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Circonstance : Deuxième édition du Campus des talents, à Vittel le 30 novembre 2007

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président,
Je suis particulièrement heureux d'intervenir ce soir devant vous. D'abord parce que je viens à l'invitation d'un ami, Monsieur le Président, cher Henri. Ensuite, bien sûr, parce que le Club Med est un opérateur essentiel du tourisme français. Un opérateur qui compte non seulement par son poids, mais aussi par son exemplarité en matière d'innovation, de qualité de service et d'esprit d'entreprise.
Les axes stratégiques que vous avez évoqués, Monsieur le Président, me parlent très directement. Il parlent à la fois au Secrétaire d'Etat chargé du tourisme que je suis, mais aussi à l'homme de marketing que j'ai été et que je suis resté.
Pourquoi ? Parce que, tel que le monde se dessine, la France va devoir, à l'instar de votre entreprise, affirmer son identité et son positionnement, dans un paysage global du tourisme qui va changer radicalement. Selon l'organisation mondiale du tourisme, le tourisme va continuer à connaître une croissance fantastique dans les années qui viennent : le nombre de touristes devrait doubler d'ici 2020 !
Ce mouvement général est poussé par la mondialisation, avec l'enrichissement global qui l'accompagne, particulièrement dans les pays émergents.
La France et ses opérateurs de tourisme voient donc s'ouvrir des marchés nouveaux et immenses.
Songez simplement qu'en 2010, un million de Chinois visiteront Paris. C'est 2,5 fois plus qu'aujourd'hui ! Je sais que vous prenez résolument en compte cette nouvelle donne mondiale : si j'en crois vos projections, le potentiel de clients en Asie pour le club Med serait ainsi de 27 millions. Alors que le club a accueilli 70 000 visiteurs Chinois en 2006, vous en attendez 200 000 en 2011. Je ne peux que saluer votre orientation stratégique en direction de ces nouveaux marchés, car elle représente l'avenir de notre industrie du tourisme.
Mais si la demande mondiale évolue, c'est aussi le cas de l'offre mondiale. De même que les opérateurs français voient arriver de nouveaux concurrents sur leur marché, la « destination France » subit la concurrence de nouvelles destinations.
Dans ce contexte, ma première action en tant que Secrétaire d'Etat chargé du tourisme a été de lancer une réflexion stratégique inédite. Elle devra répondre à la question : quelle stratégie pour le tourisme français à l'horizon 2020 ? Elle comportera une phase de diagnostic - qui sera le touriste de 2020, quelles seront ces attentes, comment se situe l'offre touristique française par rapport à cette demande ? - et une phase de recommandations, qui devra répondre à la question : comment adapter notre offre touristique globale ? Comment faire évoluer nos compétences et notre formation professionnelle ?

Si cette démarche correspond à une nécessité économique, elle rejoint aussi ma conception du rôle de l'Etat, un Etat stratège bien plus qu'un état gestionnaire.

A mon sens, la France doit se fixer un objectif en partant d'un constat simple. Si la France est le premier pays au monde pour le nombre de visiteurs accueillis, en revanche, elle se situe seulement à la troisième place pour les recettes touristiques. Mon objectif, vous l'avez deviné : faire de la France la première destination mondiale en termes de recettes.

Cela passera par notre capacité à accueillir des touristes à forte contribution et donc par une adaptation de notre offre. Celle-ci devra prendre la forme d'une montée en gamme progressive et globale et d'une amélioration constante de notre qualité d'accueil et de service.

Cette réflexion que nous initions à l'échelle de la France, vous l'avez déjà menée pour votre entreprise, Monsieur le Président. Et votre réponse est tout aussi claire que la nôtre : vous visez un tourisme de qualité et de bien être, un tourisme à la fois haut de gamme et convivial.
L'ouverture de votre premier village 5 tridents, à Albion, est un signe fort de cette stratégie de montée en gamme, qui se concrétisera également par le passage de tous vos sites en village 3 tridents ou 4 tridents.
Vous anticipez ainsi un mouvement structurel de nos sociétés : la transition d'un tourisme de masse, initiée dans les années 60, vers un tourisme plus qualitatif, plus personnalisé, axé sur la qualité d'accueil et la prise en compte des attentes des consommateurs.

C'est ce modèle que j'entends généraliser en France.

Car les touristes ont changé. Les évolutions sociologiques font que les « touristes-plage » se transforment désormais en « touriste zappeurs ». Ils souhaitent un séjour à la carte, leur permettant de concilier la détente avec la découverte des cultures et des patrimoines locaux.

Pour la France en tant que destination, cette évolution structurelle des comportements est évidemment une chance, parce que notre pays possède un des patrimoines les plus riches au monde. Mais le patrimoine dont je parle, ce n'est pas seulement un patrimoine naturel et culturel au sens où on l'entend spontanément, avec nos merveilleux paysages, nos belles églises et nos musées. C'est aussi un patrimoine culturel au sens de l'art de vivre français, ce qui fait aux yeux des étrangers la « french touch » : la gastronomie, le design, la créativité et une certaine idée du luxe. Je sais que cet art de vivre fait aussi partie de votre valeur ajoutée aux yeux de votre clientèle étrangère. Vous vous en inspirez notamment en matière de design et d'aménagement, pour des sites plus beaux, plus stylés et plus modernes.

Comment le tourisme français dans son ensemble peut-il s'inspirer de cette montée en gamme ?

Le premier grand chantier, que j'ai lancé dès juillet dernier, est la réforme du classement des hébergements touristiques.
Vous le savez sans doute, notre système d'étoiles est dépassé, et d'ailleurs bien souvent illisible pour les étrangers. Il est axé sur des critères uniquement « physiques », souvent obsolètes.
Un exemple vaut mieux que de longs discours : dans le classement actuel, il est exigé pour un hôtel une étoile d'avoir une cabine téléphonique fermée, accessible au public. En revanche, pas un mot sur l'accessibilité à internet, y compris pour les 4 étoiles !
Si notre offre touristique doit viser l'excellence, encore faut-il que les critères de notation encouragent et récompensent cette excellence, à travers d'un classement qui repose sur des nouveaux critères de qualité de service et d'accueil, d'hygiène, d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, et aussi sur des critères environnementaux.
La question environnementale mérite d'ailleurs que l'on s'y arrête, car elle devient non seulement un enjeu citoyen et éthique, mais aussi économique.
Pour le tourisme français et ses principaux opérateurs, l'excellence environnementale sera un investissement et non un coût.

Ce sera un investissement d'abord parce que, dans un monde de ressources rares, nous sommes condamnés à subir une hausse du coût de l'énergie. La maîtrise des coûts passent pour le Club Med comme pour tous les opérateurs touristiques par une adaptation à cette nouvelle donne.
Mais ce sera un investissement surtout parce que l'excellence écologique deviendra dans l'avenir un avantage compétitif déterminant. Les clients sont de plus en plus sensibilisés à la question de l'environnement, qui devient un critère d'achat à part entière. D'ailleurs, de plus en plus de tour-opérateurs, notamment anglo-saxons, classent les hébergements et les destinations en fonction de leur « vertu écologique ». Dans ce domaine, il y aura donc une prime aux pionniers : les acteurs qui s'adapteront le plus vite seront les grands gagnants de cette nouvelle tendance mondiale.
Je sais que la question environnementale est importante pour le club Med ; elle correspond d'ailleurs à la fois au positionnement « qualité » que vous promouvez, et au positionnement « forme et santé » que vous développez notamment au travers des Club Med Gym.

Dans l'avenir, la qualité passera également par l'innovation.

On entend souvent dire, à juste titre, que dans le cadre de la mondialisation et avec l'apparition de nouveaux concurrents offrant des coûts bas, la planche de salut pour l'économie des pays développés se trouve dans l'innovation et la recherche de produits et services à forte valeur ajoutée. Ce qui est vrai pour notre économie en général l'est aussi pour notre industrie du tourisme.

Je sais que vous êtes résolument engagé dans cette démarche d'innovation, avec notamment l'apparition de forfaits courts séjours, un nouveau modèle de vente de villas, une diversité sans cesse accrue de votre offre.
Vous l'avez compris sans doute mieux que personne, la qualité du service passe aussi par la formation d'un personnel compétent et qualifié. Ce qui fait la force d'une entreprise, à fortiori dans une activité de service comme la vôtre, c'est avant tout son capital humain.

Cette édition 2008 du campus des talents illustre votre volonté de développer et de valoriser pleinement ce potentiel humain !
Là encore, mes préoccupations en tant que Secrétaire d'Etat chargé du tourisme rejoignent les vôtres. J'ai confié une mission spécifique à l'ancien ministre du tourisme Jean-Jacques Descamps, qui sera chargé de proposer des pistes pour l'avenir de la formation française en matière de tourisme. Globalement, notre système de formation doit devenir plus lisible, plus structuré, plus tourné vers l'innovation et l'ouverture internationale.

Ce que nous apprend encore chaque jour le Club Med, c'est que la qualité de service passe aussi par la qualité de l'accueil réservé au client. Le sourire, l'attention, l'écoute, l'anticipation de ses souhaits et de ses attentes. Or, nous le savons, l'accueil au sens large est un des talons d'Achille de la France. C'est pourquoi j'ai décidé de réunir au ministère, à Bercy, l'ensemble des acteurs qui contribuent à l'accueil des visiteurs étrangers en France : Air France, la SNCF, les représentants des taxis, les opérateurs touristiques publics comme privés. C'est l'occasion pour moi, Monsieur le Président, de vous réitérer mon invitation. Nous aurons besoin de votre expertise en la matière !
Vous le constatez, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président, vos ambitions pour le Club Med ne sont pas très éloignées de celles que j'ai pour le tourisme français. Notre pays a de la chance de pouvoir compter sur des acteurs d'excellence comme le Club Med et sur des professionnels comme vous, salariés, qui participez tous les jours à cette excellence, à cette ambition, à cet esprit d'entreprise. Je vous souhaite sincèrement beaucoup de réussite pour l'avenir.
Je vous remercie.
Source http://www.tourisme.gouv.fr, le 21 janvier 2008