Déclaration de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, sur le rôle et les missions des professions comptables dans le monde agricole et l'impact des nouvelles technologies dans le cadre de la réforme de la comptabilité dans le secteur, Le Mans le 22 novembre 2000.

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Circonstance : Deuxième congrès national de l'AS CLPC au Mans le 22 novembre 2000

Texte intégral

Cher Président,
Mesdames, Messieurs les Présidents de centres,
Chers amis,
Je vous remercie de m'avoir invité à clôturer ce Congrès AS-CLCP au Mans. C'est le second que vous organisez, ce qui montre le nouvel élan que vous donnez à votre organisation et à votre action. Alors, bravo à tous et sachez que la FNSEA est à vos côtés.
Par ma présence ici, dans un contexte de changement, pour les professions comptables et le monde agricole, je souhaitais en effet souligner que votre rôle, votre mission sont essentiels. Comptables, conseillers, administrateurs de centre, vous êtes des médiateurs, des facilitateurs, des hommes de dialogue, mais aussi et surtout, des hommes de solutions.
Quelles sont à cet égard, les attentes des agriculteurs ?
- être accompagnés face à leurs multiples obligations comptables et réglementaires,
- favoriser l'équilibre de leurs exploitations en bénéficiant des meilleures solutions
- anticiper pour mieux préparer l'avenir afin d'assurer le développement des exploitations et leur transmission
Le métier d'agriculteur, davantage sans doute que d'autres, est en effet incroyablement divers.
Homme de terrain, l'agriculteur est un entrepreneur par nature, un entrepreneur de la nature.
C'est aussi un gestionnaire, qui doit veiller à l'équilibre économique de son exploitation.
C'est un acteur économique au sens plein : qui crée de la richesse, de l'emploi, en amont et en aval, et contribue au développement des territoires.
Et comme tout acteur économique, il doit savoir anticiper sur les marchés pour mieux positionner son offre. Nous sommes sortis de la production pour la production, aujourd'hui, il faut répondre à des marchés de plus de plus segmentés, développer ces débouchés, qu'ils soient locaux, nationaux, européens ou mondiaux, répondre en quantité mais aussi et de plus en plus, faire de la qualité. Aujourd'hui, il y a presque autant de réponses que d'agriculteurs : tous doivent avoir leur chance.
J'ajouterai enfin, que l'agriculteur est aussi un citoyen, dans l'exercice de son métier. Il sait qu'il doit replacer son activité, dans le contexte de l'évolution de la société. Il n'en est pas déconnecté. Mieux, il veut être acteur de son devenir. Il connaît les attentes en terme de territoire, d'environnement, de sécurité alimentaire. Il prend ses responsabilités à cet égard et souvent mieux qu'on ne le dit. Il sait qu'il doit continuer à faire évoluer son exploitation pour répondre à ces attentes.
C'est tout ce contexte qu'il faut appréhender aujourd'hui.
Aussi, avez-vous raison de considérer que le conseil individuel à l'agriculteur, doit être relié à la dimension collective des enjeux de la profession agricole, comme le dit Jean Pierre Mariné.
En effet, notre métier d'agriculteur se transforme.
- Des agriculteurs de plus en plus divers
- Une multifonctionalité à accompagner
L'environnement de nos entreprises évolue également :
- Une compétition accrue sur les marchés,
- Une réforme qui libéralise la PAC,
- Une mondialisation à maîtriser,
- Une suradmnistration tentaculaire,
- Des géants de l'agroalimentaire avec la grande distribution qui écrase les prix
La société aussi, bouge :
- des peurs alimentaires qui deviennent irrationnelles, car le consommateur réalise soudain qu'il ne sait plus ce qu'il mange,
- une société de plus en plus urbanisée, qui veut des campagnes de plus en plus propres,
- un individualisme croissant,
- une révolution de la communication avec internet et les réseaux
Et l'agriculteur dans tout cela ?
Il s'interroge sur le devenir de son exploitation, celui de son métier, sa place dans la société aujourd'hui et demain.
Il se sent souvent, incompris, ignoré voire bafoué, surtout lorsqu'il subit un déferlement médiatique comme sur l'ESB qui le remet en cause dans son métier et sa dignité. Ceux qui n'ont cessé de dénigrer les agriculteurs et leur production en parlant à tort et à travers de " mal bouffe ", ont une responsabilité écrasante à cet égard, en France et à l'étranger. Elle se traduit aujourd'hui par la crise de confiance du consommateur, des embargos contre les produits français, l'isolement de la France, alors que nous sommes le pays qui est allé le plus loin en Europe pour sécuriser le consommateur.
Quel doit être notre rôle face à cela ? Sûrement pas d'être de ceux qui dénoncent. Mais plutôt de ceux qui construisent, qui accompagnent les agriculteurs dans le changement, qui leur permettent de rebondir, qui leur donnent les meilleurs atouts pour conjuguer l'agriculture au futur.
Le syndicalisme, dans son rôle de représentation et de défense des intérêts collectifs. Les partenaires et conseillers, dans leur mission d'appui individualisé aux agriculteurs.
La défense collective et le conseil individuel sont les deux jambes sur lesquelles les agriculteurs doivent s'appuyer pour avancer.
La FNSEA pour sa part, continuera à jouer son rôle en se battant sur tous les fronts pour les agriculteurs. C'est-à-dire :
- Répondre aux préoccupations immédiates : défense du revenu, des prix et de la valeur ajoutée, baisse des charges, simplification administrative
- Faire un pari sur l'avenir et défendre notre place dans la société à travers l'installation mais aussi un nouveau pacte de confiance avec les consommateurs et la société
- Sans oublier la dimension européenne et internationale de l'agriculture : l'évolution de la PAC, de l'Europe, l'OMC, qui doit se faire avec les agriculteurs.
Cette défense syndicale sur tous les tableaux n'est pas toujours facile, mais elle est incontournable pour assurer l'avenir des agriculteurs.
Quelques mots par ailleurs, sur la réforme des professions comptables préparée par le Gouvernement.
Pour souligner d'abord l'esprit de responsabilité avec lequel vous abordez cette réforme. Pour appuyer aussi votre volonté de préserver la spécificité associative qui est au cur des centres de gestion. Car changer et s'adapter, n'implique pas pour autant de renoncer à ses valeurs et à son identité .
L'accompagnement des centres dans la réforme reste également essentiel. Car derrière les textes et les règlements, je pense aux hommes, aux équipes des conseillers : il faut s'appuyer sur leurs compétences, sur leur savoir-faire, elles le méritent largement et vous le démontrez au quotidien avec les agriculteurs.
Aujourd'hui, davantage qu'hier, ce sont les équipes qui feront la différence. C'est la dimension personnelle, celle des hommes et des femmes, qui permettra d'apporter plus de valeur ajoutée aux agriculteurs, à travers un conseil bien adapté et un véritable conseil stratégique.
Vous l'avez bien compris en positionnant de manière volontariste votre structure, rebaptisée AS - CLCP : " Accompagnement Stratégique ". Je suis persuadé que vous saurez relever ce défi, même dans un contexte concurrentiel accru. Car vous travaillez dans la bonne voie et vous êtes particulièrement bien placés auprès des agriculteurs.
La révolution numérique et l'internet sera bien sûr une de ces dimensions nouvelles qu'il faudra intégrer dans nos métiers. Pour remplacer complètement le contact direct, personnel ? Sûrement pas. Pour basculer dans un monde virtuel ? Pas plus. Les agriculteurs sont des hommes de la terre et les consommateurs ne veulent pas de la nourriture virtuelle, même avec le risque zéro !
Mais aujourd'hui, tous les prestataires de services aux agriculteurs, banquiers, comptables, assureurs etc... savent qu'ils doivent mettre en place des plates-formes de services à entrée multiples. C'est-à-dire, permettre au client de choisir son mode d'accès, entre le guichet ou l'internet. Et marier intelligemment, dans leurs métiers, ces différents outils.
Par ailleurs les échanges de données informatisées vont aussi changer la donne. Souhaitons qu'ils contribuent à simplifier l'administration, dans son aspect le plus visible, la paperasserie omniprésente !
Globalement, nous sommes tous devant une véritable révolution de la communication. Comme tout changement, il comporte sont lot de promesses, mais aussi d'inquiétudes.
Dans une logique de réseau, l'internet peut rapprocher des hommes répartis sur tout le territoire, comme les agriculteurs. Il peut contribuer à désenclaver certaines zones. Améliorer l'accès des agriculteurs aux informations. Permettre à l'agriculteur d'acheter et de vendre sur un marché plus large. Ce qui remettra aussi en cause certaines pratiques des intermédiaires, comme c'est le cas dans d'autres secteurs. Internet est aussi un formidable facteur d'ouverture au monde et à la société qui nous entoure.
Mais pour que cet outil soit profitable à tous, il faut d'abord permettre à chacun d'y accéder. Il faut éviter que les zones rurales deviennent les parents pauvres de l'internet. Ne créons pas une fracture numérique dans les campagnes, en les coupant des infrastructures qui permettront, demain, à l'information de circuler plus vite.
Car les agriculteurs, eux, répondront présents et le font déjà. Ils ont largement démontré dans leur histoire, leur capacité à se moderniser, à développer de nouvelles technologies dans leur métier. Je ne doute pas qu'ils apprivoiseront les outils du XXIème siècle. Je suis certain qu'ils sauront ainsi conjuguer tradition et modernité, cultiver la terre tout en " surfant sur le net ", et relever ce défi paysan au service de la société.
Ce défi est le nôtre, c'est le vôtre aussi car les agriculteurs doivent s'appuyer sur tous leurs partenaires pour progresser. Et nous avons tous besoin les uns des autres pour avancer. Alors, face à un contexte de nos métiers peut-être plus difficile, face aux obstacles sur notre route, faisons front commun, travaillons tous ensemble, resserrons nos liens et notre partenariat pour être des acteurs du changement, au service des agriculteurs et de leur avenir.
(source http://www.fnsea.fr, le 1 décembre 2000)