Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, sur l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique, à l'Assemblée nationale le 7 février 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Rama Yade - Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme

Circonstance : Discussion de projets de lois autorisant l'approbation de conventions internationales, à l'Assemblée nationale le 7 février 2008

Texte intégral

Madame la Présidente,
Madame la Rapporteure de la Commission des Affaires étrangères,
Mesdames, Messieurs les Députés,

L'accord de transport aérien dont la ratification est aujourd'hui soumise à votre autorisation est un accord majeur entre l'Union européenne et les Etats-Unis.
Les services aériens entre l'Union européenne et les Etats-Unis sont actuellement régis par une vingtaine d'accords bilatéraux entre les Etats membres et les Etats-Unis, qui contiennent des dispositions que la Cour de justice des Communautés européennes a jugées incompatibles avec le droit communautaire, et plus particulièrement avec les prescriptions du traité instituant la Communauté européenne relative à la liberté d'établissement.
Dans la situation actuelle, un citoyen de l'Union qui souhaite se rendre aux Etats-Unis depuis un Etat membre est contraint d'emprunter soit une compagnie américaine, soit une compagnie ayant la nationalité de cet Etat membre. Parce que de tels accords aboutissaient à une discrimination entre les compagnies européennes sur la base de la nationalité, la Cour de justice les a jugés illégaux.
C'est donc d'abord pour créer un nouveau cadre juridique conforme aux traités entre l'Union et les Etats-Unis que la Commission européenne a reçu, en juin 2003, un mandat de négociation du Conseil des ministres chargé des transports. Celui-ci fixait comme objectif l'établissement d'un espace aérien sans frontières entre l'Union européenne et les Etats-Unis, avec la perspective d'aboutir à un marché unique des services aériens de part et d'autre de l'Atlantique.
Je ne vous cacherai pas que, comme le commissaire européen aux Transports, M. Jacques Barrot, l'a lui-même reconnu, ces négociations ont été longues et complexes : il n'a pas fallu moins de quatre années et onze sessions de négociations entre Européens et Américains pour aboutir à l'accord examiné aujourd'hui.
S'agissant du contenu, cet accord, dit "mixte" - car il comporte des dispositions relevant encore de la compétence des Etats membres - tend à libéraliser les échanges aériens entre l'Europe et les Etats-Unis. Il garantit aux transporteurs aériens communautaires la possibilité non seulement de fixer librement les tarifs et les capacités de leurs vols, mais surtout de voler librement au départ de tout Etat membre, indépendamment de leur nationalité. Se trouveront ainsi levées les contraintes réglementaires concernant l'aéroport d'Heathrow, où, en vertu d'un accord bilatéral datant de 1977, seules deux compagnies britanniques, British Airways et Virgin Atlantic, et deux compagnies américaines, American Airlines et United Airlines, avaient la possibilité de desservir les Etats-Unis au départ de Londres ; avec l'application du nouvel accord, toute compagnie communautaire, et en premier lieu Air France-KLM, pourra prendre position sur ce marché.
Je voudrais également souligner le caractère évolutif de cet accord : le présent texte n'est qu'une première étape, une seconde - qui doit se concrétiser par un autre accord - étant explicitement prévue à l'article 21. De ce fait, il peut par certains côtés laisser une impression d'inachèvement. Vous aurez notamment observé que la libéralisation du droit de cabotage - c'est-à-dire la possibilité pour une compagnie d'effectuer des vols à l'intérieur du territoire de l'autre partie - n'a pas été incluse dans ce premier accord, en raison de la volonté des Etats-Unis de réserver à leurs seules compagnies l'accès à leur marché intérieur. L'un des principaux objectifs de l'accord de seconde étape sera précisément d'obtenir l'ouverture du marché intérieur américain aux compagnies européennes.
Cette ouverture passera sans doute par la levée des restrictions concernant la propriété et le contrôle des transporteurs aériens des Etats-Unis, ce qui permettrait aux capitaux communautaires de prendre le contrôle d'une compagnie américaine - ce qui est aujourd'hui impossible, la loi américaine limitant à 25% des actions avec droit de vote la participation étrangère dans une compagnie aérienne. Cela dit, l'Europe a déjà obtenu pour ses investisseurs le droit de détenir plus de 50% du capital d'une compagnie américaine, sans que cette détention soit présumée constituer un contrôle dudit transporteur. Réciproquement, l'Europe s'est réservé la possibilité de limiter à 25% les prises de participation américaines au capital de sociétés européennes.
Nous devons par ailleurs nous réjouir que cet accord renforce la convergence réglementaire dans des domaines aussi importants que la sécurité, la sûreté ou la concurrence, et qu'il institue une coopération, certes encore timide, sur les questions d'environnement.
Il s'agit en définitive d'un accord équilibré qui représente, pour les cinq années à venir, des enjeux colossaux, estimés à 12 milliards d'euros de bénéfices, 80 000 emplois nouveaux de part et d'autre de l'Atlantique, et 26 millions de passagers supplémentaires. C'est à cette lumière que sa ratification par la France prend toute son importance.
Les parties prenantes se sont en effet engagées à ce que l'accord soit appliqué dès le 30 mars prochain, avant son entrée en vigueur définitive. Compte tenu de ses obligations constitutionnelles, la France ne pourrait être en mesure de le faire sans une rapide autorisation de ratification du Parlement. C'est pourquoi, Mesdames, Messieurs les Députés, tout en vous remerciant, vous et votre rapporteur, de la diligence que vous avez mis à étudier ce texte après un préavis assez court du gouvernement, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir autoriser la ratification de l'accord de transport aérien entre, d'une part, la Communauté européenne et ses Etats membres et, d'autre part, les Etats-Unis d'Amérique.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 février 2008