Interview de M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, à RMC le 30 janvier 2008, sur les heures supplémentaires des enseignants, les élèves en difficulté scolaire et les programmes scolaires.

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Texte intégral


 
 
J.-J. Bourdin.- Est-il vrai - je vais être direct, tout de suite - que si les enseignants travaillaient autant que les proviseurs, ils gagneraient une fortune ?
 
R.- C'est-à-dire que les proviseurs sont tout le temps sur place, du matin au soir, et souvent le week-end. Et que, si on calculait en heures supplémentaires par rapport à un professeur qui fait 16 ou 18 heures, le temps qui irait de 18 heures à 35 heures, je pense, en effet, que ce serait quand même beaucoup d'argent.
 
Q.- C'est une déclaration que vous avez faite sur RTL, je crois, il y a quelques jours, a fait du bruit, j'ai reçu beaucoup, beaucoup de courriers de la part d'enseignants. Expliquez-vous, parce que cela a provoqué des réactions, je peux vous le dire.
 
R.- Oui, je suis au courant. Ce que je voulais dire, c'est qu'un professeur peut prendre des heures supplémentaires ; il fait 16 à 18 heures, il peut prendre des heures supplémentaires. Un proviseur, rien du tout. Il fait 30, 40, 50 heures, il est tout le temps dans son établissement, il ne peut pas prendre d'heures supplémentaires. Et donc, il m'a semblé légitime que, pour ces proviseurs, ces chefs d'établissement qui sont tout le temps exposés, qui sont tout le temps présents, que nous trouvions un système pour leur donner une petite compensation financière sous forme d'une prime. Alors que les professeurs, évidemment, ont d'autres dispositifs.
 
Q.- Alors, les heures supplémentaires, justement, des enseignants, combien ? Combien d'heures supplémentaires ? Jusqu'à combien d'heures supplémentaires allez-vous pouvoir payer ?
 
R.- Il faut savoir que, globalement, le chiffre d'heures supplémentaires que nous payons aux professeurs est très élevé ; nous sommes à 1 milliard d'euros. 1 milliard d'euros c'est considérable tout de même !
 
Q.- Cela représente combien d'heures supplémentaires pour chaque enseignant, maximum ?
 
R.- On peut dire qu'un professeur, la plupart des professeurs, font deux heures supplémentaires, mais peuvent être un petit...
 
Q.- Deux heures par semaine ?
 
R.- Oui, en plus de leurs 16 ou 18 heures. Ils peuvent aller plus loin s'ils le souhaitent, cela dépend quels types d'heures supplémentaires ils font. Ceux qui, par exemple, vont s'engager...
 
Q.- Mais vous allez payer jusqu'à combien d'heures supplémentaires ?
 
R.- Il n'y a pas de quota, évidemment, rien du tout. Par exemple, quelqu'un qui ferait quatre heures de cours, de plus, strictement, je pense, en effet ce serait beaucoup. Mais pour des professeurs qui vont s'engager, par exemple, qui se sont engagés dans les études surveillées, dans l'accompagnement éducatif de 16 à 18 heures, c'est une autre façon de travailler. Je ne dis pas qu'elle soit légère et qu'elle ne soit pas stressante, mais c'est une autre façon de travailler, qui permet d'avoir des heures supplémentaires, avec un autre mode de responsabilité ou d'engagement, et qui est supportable, en tous les cas...
 
Q.- Vous allez pouvoir, grâce aux heures supplémentaires, augmenter le traitement des enseignants, c'est le "travailler plus pour gagner plus" ?
 
R.- Ce n'est pas négligeable...
 
Q.- Alors combien peut gagner plus un enseignant qui fait des heures supplémentaires, vous avez chiffré un peu ?
 
R.- Oui, un professeur qui fait deux heures supplémentaires, en gros, par semaine, ça lui représente dans l'année à peu près 2.600 euros.
 
Q.- 2.600 euros de plus s'il fait deux heures supplémentaires payées par semaine ?
 
R.- C'est pas mal.
 
Q.- Fiscalisées ces heures supplémentaires ?
 
R.- Bien entendu. Dans les 2.600, je compte le fait qu'il n'y ait pas de prélèvement fiscal sur le traitement des heures supplémentaires.
 
Q.- Parlons du primaire. Est-il vrai que vous allez diminuer le nombre d'heures de cours en primaire ?
 
R.- Ce n'est pas exactement ce que nous avons décidé. Nous avons décidé que, dans le service des enseignants qui est de 26 heures, deux heures de leur service seraient consacrées aux élèves qui sont en plus grande difficulté. Le problème de l'école primaire...
 
Q.- C'est-à-dire que les élèves qui ne sont pas en difficulté n'auront plus que 24 heures de cours ?
 
R.- Absolument.
 
Q.- Vous diminuez le nombre d'heures de cours destinées aux élèves qui marchent bien, quoi ?
 
R.- Ce qui fera qu'ils resteront, de très loin, parmi les élèves d'Europe qui font le plus d'heures tout de même.
 
Q.- Trop ?
 
R.- Non, pas trop, mais enfin ils en font beaucoup.
 
Q.- Pas trop ?
 
R.- Pas trop, non. 24 heures, c'est pas mal déjà. Non, mais, c'est une question absolument centrale : pourquoi avons-nous de mauvaises statistiques dans les comparaisons internationales en matière d'école primaire ? Ce n'est pas tellement que les élèves soient plus mauvais en moyenne que les autres ; ce n'est pas parce que nos professeurs sont moins bons, ils sont plutôt meilleurs, d'ailleurs tout le monde le reconnaît. Mais c'est parce que nous avons une petite frange d'élèves qui sont en très grande difficulté très tôt, 15 à 20 %. Très, très tôt, dès la grande section maternelle, et on ne sait pas comment les traiter. Donc, c'est à ceux-là qu'il faut que nous nous consacrions. Alors, non seulement, avec les 2 heures qui, dans le service obligatoire des enseignants leur seront consacrées, mais aussi par d'autres dispositifs, en particulier par des dispositifs que je vais mettre en place dès cette année, là, dans quelques semaines, de remédiation, pendant des stages, à Pâques, ou au début des vacances d'été, sous forme d'une semaine complète de stage, de remédiation, avec trois...
 
Q.- Obligatoires ?
 
R.- En tous les cas, on fera des prescriptions fortes pour les élèves qui sont en grande difficulté. Parce que, souvent...
 
Q.- Donc, pendant les vacances, les élèves qui sont en grande difficulté seront pris en charge par l'école ?
 
R.- Oui.
 
Q.-...et on leur donnera des cours complémentaires, en quelque sorte, pour les aider à surmonter ces difficultés ?
 
R.- Exactement. Alors, on n'obligera pas, si vraiment les familles refusent. Mais la prescription sera forte, et il faut qu'elle soit forte parce que c'est souvent dans ces familles-là où les enfants sont le plus en difficulté, c'est souvent là que les parents s'en rendent le moins compte.
 
Q.- Ils ne seront pas en vacances, ces enseignants ?
 
R.- Bien sûr, ce seront les enseignants volontaires. Et vous verrez que, comme pour les études surveillées que nous avons mises en place depuis le 1er novembre, les professeurs le feront. D'ailleurs, cela existe déjà sous la forme d'école ouverte, par exemple. Au mois de juillet, ça ne marche pas si mal tout cela. Mais il faut que nous aidions certains élèves à sortir de ces difficultés.
 
Q.- Le problème avec "les orphelins de 16 heures", comme vous dites, c'est que, ceux qui suivent ces cours supplémentaires ne sont pas forcément ceux qui en ont en le plus besoin.
 
R.- Vous avez raison, il faut que nous ayons un petit correctif à cet égard. J'étais en train de le dire. D'ailleurs, au fond, ce sont souvent des familles qui sont souvent les plus démunies, qui se rendent moins compte de l'obligation scolaire. Eh bien, sans aucun doute, nous allons en parler avec les professeurs eux-mêmes, il faut voir. Mais il faut que nous puissions être un peu plus contraignants, un peu plus prescriptifs...
 
Q.- Les rendre obligatoires ?
 
R.- Je ne pense pas qu'on puisse en arriver là. Mais en tous les cas, il faut voir les familles, il faut voir les enfants, il faut les convaincre, et c'est quand même faisable, de l'intérêt des enfants à suivre ces études surveillées ou cet accompagnement éducatif.
 
Q.- "Une heure de sport de plus", c'est ce que nous disait B. Laporte, l'autre jour. Comment ? A chaque semaine, une heure de plus de sport de plus ?
 
R.- Il y a actuellement déjà, dans le premier degré, les élèves ont trois heures d'éducation physique. On passe à quatre heures, et nous allons monter aussi en progression dans le second degré, parce que c'est une des promesses du président de la République, et parce que nous avons besoin...
 
Q.- A-t- on les moyens ?
 
R.- Oui, on sait faire des choses. C'est toujours un peu compliqué parce que l'Education nationale c'est beaucoup de monde, c'est 13 millions d'élèves ; Donc, la moindre décision... Quand vous dites une heure, ça veut dire beaucoup d'heures. Donc, il faut toujours faire monter le système en charge d'une manière un peu compliquée, mais nous avons les moyens de le faire.
 
Q.- Donc, dans le primaire, 24 heures pour les bons élèves, moins 1 heure...
 
R.- Pour tous les élèves...
 
Q.-....24 heures, y compris cette heure de sport, hein ?
 
R.- Oui.
 
Ça fait un peu moins d'heures pour le reste ?
 
R.- Oui, un peu.
 
Q.- Pour le reste, c'est-à-dire, on va enlever quoi ?
 
R.- On 'enlèvera rien, ce n'est pas comme cela que ça se présente dans le premier degré...
 
Q.- (Rire) alors on n'aura pas un peu moins de français, de maths, de...
 
R.- Surtout pas !
 
Q.- Voilà, je voulais vous l'entendre dire. Alors quoi ?
 
R.- Surtout pas, ni de français, ni de mathématiques, tout ça. Vous savez, dans le premier degré, ce n'est pas comme cela que ça s'organise.
 
Q.- On enlève quoi : une heure d'histoire-géo, 1 heure de... ?
 
R.- On n'enlève rien du tout, on refait des programmes beaucoup plus concentrés, on évite de se disperser trop. Nous allons présenter des programmes de l'école primaire très concentrés sur l'essentiel, très ramassés, très lisibles et très simples, de sorte que ce qui compte, c'est-à-dire, lire, écrire et compter, comme chacun le sait, soit privilégié. Mais...
 
Q.- On nous parle aussi de cours d'économie, on nous parle d'informatique, on nous parle... C'est très bien tout cela, il va falloir glisser tout cela dans les programmes ?
 
R.- On vous en parle ! Pas moi en tout cas.
 
Q.- Pas vous. Bon, donc...
 
R.- Parce que je sais que, par exemple, dans le rapport Attali, on dit qu'il faudrait enseigner l'économie très tôt aux petits élèves...
 
Q.- Oui, voilà.
 
R.- Moi, je n'ai rien contre.
 
Q.- Vous êtes d'accord avec cette idée ?
 
R.- Je crois surtout qu'il faut d'abord que les élèves sachent lire et écrire. Et que, lorsqu'ils lisent et lorsqu'ils écrivent, et lorsqu'ils font des exercices de mathématique, ils font des exercices qui renvoient à l'économie ; ils parlent de monnaie, on parle d'échanges...
 
Q.- Encore une mesure Attali qui a peu de chance de voir le jour ?
 
R.- Non, ce n'est pas une mesure... Ce que je veux dire, il faut à tout prix refaire de l'école à l'école. Tout le monde a des idées pour l'école primaire. Tous les matins, quelqu'un se lève en disant : voici ce qu'on faire faire de plus aux élèves. Ça suffit comme ça ! Il faut que ces enfants lisent, écrivent, comptent. Et lorsqu'ils liront, lorsqu'ils écriront, lorsqu'ils compteront, eh bien ils feront aussi tout le reste, ils apprendront tout le reste, y compris l'économie, dans des exercices, dans des textes qu'ils font, dans des petits travaux qu'ils font en classe, autour de la monnaie, de l'échange, ou que sais-je ?  
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 janvier 2008