Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Comme beaucoup d'autres responsables de l'UMP, vous êtes en campagne pour les élections municipales. Vous même, vous êtes maire sortant de Meaux en Seine-et-Marne. L'émulation démocratique que l'on constate ces jours-ci du côté de Neuilly, vous aide-t-elle dans votre campagne ?
R.- Pas forcément, non, pas forcément.
Q.- Il faut que ça s'arrête, pour parler clair ? C'est le bazar ?
R.- Oui. Et puis, en l'occurence, ça va s'arrêter puisque comme vous le savez, on va désigner aujourd'hui la nouvelle tête de liste, et c'est très bien ainsi.
Q.- A un mois du premier tour, on désigne une nouvelle tête de liste dans la ville du président de la République. Comment arrive-t-on à ce fiasco ? Vous l'avez compris ?
R.- Sur l'histoire de Neuilly, vous savez, ce sont des choses qui arrivent. Vous avez une liste qui est constituée, avec une tête de liste qui est investie, et puis vous avez trois des piliers majeurs de la liste qui, du jour au lendemain, sur la base d'un mauvais sondage, le quittent. A partir de là, il n'y a plus de liste. On est à un mois, il faut aller vite.
Q.- Cela n'arrive pas souvent !
R.- Non, ça n'arrive pas souvent, heureusement.
Q.- Et puis, dans la ville du président de la République, c'est quand même assez exceptionnel...
R.- Je ne vais pas vous dire que tout ça me réjouit. Vous savez, nous, on est en campagne en ce moment dans des villes où l'essentiel de l'enjeu n'est pas de savoir qui va gagner entre deux listes de droite mais comment est-ce que nous allons l'emporter face à des listes de gauche, du Front National ou du MoDem. C'est 99 % de nos situations. Je le vois chez moi à Meaux, comme je le vois, dans un certain nombre de villes où je vais prêter main forte à un certain nombre de mes amis. Donc, je ne vais pas vous dire que tout ça nous réjouit. Pour être très clair, Neuilly ce n'est pas notre quotidien.
Q.- Vous êtes cité dans Libération aujourd'hui : "J.-F. Copé, dit Libération, rame tout le week-end pour calmer les esprits. Et entre guillemets, vous dites : "Entre le rapport Attali, les annonces de Guéant, les règlements de compte entre ministres et maintenant Neuilly, c'est dramatique."
R.- Oui, parce que je pense que ce n'est pas comme ça que les choses doivent se faire. Aujourd'hui, on est totalement mobilisés pour partir en campagne. D'ailleurs, je m'empresse de vous dire, nous, les députés, il ne faut pas compter sur nous pour crier "au loup", et pour tout d'un coup céder à la mode ambiante qui consiste à dire qu'on va brûler aujourd'hui ce qu'on adorait il y a deux mois. Ce n'est pas l'ambiance et ce n'est pas comme ça qu'on est construit.
Q.- Qu'est-ce que vous adoriez, il y a deux mois ?
R.- Mais la politique qu'on mène. Attendez, il ne faut pas se tromper. Nous, on a été élus... Petit rappel des épisodes précédents : on a été, il y a un an, mobilisés au côté de N. Sarkozy pour gagner. Nous avons bâti un projet ensemble, on a fait campagne ensemble, il a été élu à la présidentielle et nous aux législatives. Donc, nous, on n'a qu'une idée, au-delà des étapes plus difficiles qui font partie de la vie politique : mener nos réformes et convaincre tous les jours les Français qu'on ne reculera pas sur ce qu'ils ont voulu, c'est-à-dire une modernisation de notre pays, et ce, sur cinq ans. Donc là, il y a une période qui est difficile. On a un mois de campagne municipales et c'est un moment clé pour nous. Donc on est en campagne et on est mobilisés que là-dessus. Donc c'est vrai que de ce point de vue, je ne vais pas vous dire qu'il n'y a pas des agacements lorsqu'il y a des successions, tels que le rapport Attali, qui est un bon rapport, avec des choses intéressantes mais une communication désastreuse de la part de J. Attali lui-même d'ailleurs ; les ministres qui se querellent ; ici ou là les problèmes tels que ceux de Neuilly. C'est vrai qu'on a envie d'une seule chose, nous, c'est faire campagne sur nos terroirs respectifs.
Q.- Qui est responsable de temps de maladresse ?
R.- C'est l'ensemble du système, vous l'avez bien vu. Pourquoi ?
Q.- Mais le système, il a un chef.
R.- Oui, bien sûr, mais vous savez comment c'est !
Q.- Vous savez qui c'est le chef ?
R.- Oui, je sais ce que vous voulez me faire dire.
Q.- Non, je ne veux pas vous faire dire quelque chose...
R.- Mais attendez, je vais vous dire, je vous l'ai dit tout à l'heure : pour moi, c'est très clair, on ne va pas crier "au loup" parce que ce n'est pas comme ça qu'on est construits. Là, on est en campagne municipale, dans un mois, ces élections seront terminées, on ne sera pas en train de commenter des sondages, on sera en train de commenter des résultats, c'est-à-dire les votes effectifs des Français. Et à ce moment-là, évidemment qu'il faudra tirer toutes les leçons de tout ça, cela va de soi. Mais aujourd'hui, on est dans une seule idée : gagner ces élections, et se mobiliser pour ça. Et nous, en tant que députés et candidats aux élections, on ne pense aujourd'hui qu'à ça.
Q.- Il faudra tirer des leçons. Ca veut dire que vous demanderez des comptes après les élections ?
R.- Mais ça veut dire quoi ? Cela veut dire que quoi qu'il arrive, à chaque fois qu'il y a une élection, il faut en tirer les conséquences. D'ailleurs, j'imagine que le chef de l'Etat est dans cet état d'esprit et qu'il y travaille parce que je vois bien qu'à travers les déclarations qu'il a pu faire ici ou là, que dans sa tête, il va évidemment, après les élections, réfléchir à tenir compte de tout ce qui se fait et de tout ce qui se sera fait...
Q.- Un remaniement, pour appeler les choses par leur nom. C'est ça ?
R.- Enfin moi, personnellement...
Q.- Il n'y a que moi qui dis les mots là ! Un remaniement, c'est ça que vous voulez dire ?
R.- D'abord, attendez. Vous voulez mon sentiment ?
Q.- Oui.
R.- Je pense que ce n'est pas que la question d'un remaniement. Ce n'est pas parce que vous changez des ministres, ce n'est pas parce qu'on change des têtes dans des ministères - surtout qu'en ce moment, ça se passe de manière un peu tendu entre eux - pour renverser le problème...
Q.- Non, il n'y a pas que le remaniement, mais il y a le remaniement aussi ?
R.- Mais il n'y a pas que ça. Cela faisait beaucoup plus que ça. Je vais vous dire une chose...
Q.- Changement de politique ?
R.- Mais pas changement de politique. C'est de passer la vitesse supérieure sur toute une série de sujets sur lesquels les Français nous attendent. Parce que ce qu'il y a à la clef, là vous êtes en train de démontrer...
Q.- La Une du Parisien : "Jusqu'où il va chuter ?"
R.- Voilà.
Q.- La chute de popularité de N. Sarkozy...
R.- Comme c'est une radio, je voudrais être bien sûr que chacun sache que vous allez jusqu'à me montrer la courbe du sondage qui baisse. Donc, disons les choses clairement : en réalité, il y a plein de raisons pour lesquelles elle baisse. Moi, personnellement, je ne suis pas encore en situation de les interpréter toutes, parce qu'encore une fois, j'attends les résultats des élections. Et ce que je crois, c'est que ce sont des moments aussi où cela permet de voir : qui est-ce qui tient et qui est-ce qui cale ? Et dans ces moments-là, je peux vous dire que nous, députés que nous sommes, on est là pour tenir et pour faire en sorte que sur ces sujets, on ait qu'une seule idée : mener à bien le boulot pour lequel nous avons été désignés par les Français.
Q.- Que les choses soient claires : "tout journaliste qui publie une information doit être capable d'en apporter la preuve" ; et dans ce sens, la plainte déposée par N. Sarkozy pour "faux, usage de faux" contre A. Routier du Nouvel Observateur a sa légitimité. Cependant, le chef de l'Etat bénéficie depuis quelques années d'un statut juridique particulier. Il est consigné dans l'article 67 de la Constitution. Et dans cet article, il est dit que "pendant son mandat, le président de la république ne peut être requis de témoigner, non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuites devant aucune juridiction". Si le juge qui veut instruire la plainte qu'a déposée N. Sarkozy, convoque à un moment de la procédure Nicolas Sarkozy, que se passe-t-il ?
R.- D'abord, on verra bien. C'est au président de la République d'apprécier ce qu'il en sera. Moi, je peux vous parler...
Q.- Non, il a porté plainte.
R.- Il a porté plainte. Absolument. Ecoutez, c'est à lui d'apprécier. Moi, je ne suis ni son avocat, ni en l'occurrence au coeur de cette affaire.
Q.- Mais vous êtes législateur, vous avez voté un statut particulier ? Un statut pénal particulier au chef de l'Etat. Oui, exact. Le chef de l'Etat ne peut pas être l'objet d'une plainte mais il peut déposer plainte, ce n'est pas contradictoire, ça ?
R.- Alors qu'est-ce qu'on fait, dans ces cas-là, monsieur Aphatie ? C'est une bonne question.
Q.- Ah, mais je ne sais pas. On applique la loi ? Ce n'est pas une bonne réponse.
R.- Je vais vous dire une chose : ce qui s'est passé avec cette affaire de SMS, je l'ai vécue comme étant le coup de trop ! Et je vous le dis tel quel, d'abord parce que tout ce que je lis sur toutes ces affaires-là, me donne la nausée. Je vous le dis tel que je le ressens. Et deuxièmement, parce que cette histoire du SMS, pose à nous tous - à nous tous -, et à vous en particulier, vous journaliste, la question centrale...
Q.- Mais je vous l'ai dit : tout journaliste doit être en mesure d'apporter les preuves. Ma question s'adresse au législateur J.-F. Copé : appliquer le statut pénal du chef de l'Etat, que vous avez voté, lui permet-il de porter plainte ?
R.- Moi, personnellement, je pense que sur un sujet comme celui-là, il a eu raison de le faire. Il appartiendra au juge de décider ce qu'il en est. Donc, je vous propose qu'on se substitue, ni vous ni moi, à ce qui sera son rôle. Mais maintenant, allons sur le fond des choses.
Q.- Non, le fond des choses, c'est ça, l'article 67...
R.- Mais on verra s'il est débouté. Attendez, laissons le juge interpréter...
Q.- Un juge ne peut pas écouter l'opinion.
R.- Comme il n'y a pas de précédent, je propose qu'on regarde. On verra bien ce que le juge décidera. Il appréciera.
Q.- Au fond, le législateur est indifférent à l'application des textes qu'il vote.
R.- Non, ne dites pas ça. Vous avez énormément de talent, J.-M. Aphatie, vous n'êtes pas forcément obligé d'aller plus vite que la musique sur des sujets comme ça. Moi, je ne le ferai pas.
Q.- Cela ne vous interpelle pas, ça, le statut pénal du chef de l'Etat ? Cela ne vous interpelle pas que le chef de l'Etat puisse porter plainte ?
R.- Mais attendez, ne dites pas ça. Oui, ça m'interpelle comme tout le monde. La seule question que je pose aujourd'hui : c'est qu'aujourd'hui s'il l'a fait, c'est parce qu'il a considéré - et je ne suis pas loin de penser comme lui - qu'on a dépassé toutes les limites en termes de violation.
Q.- Il a le droit de le faire ?
R.- On verra bien ce que dira le juge.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 février 2008