Texte intégral
Q - La construction de lUnion européenne fait naître une grande zone culturelle européenne. Pourriez-vous expliquer dans cette perspective la stratégie culturelle de votre pays et, notamment, la contribution que la France pourra apporter à cette grande zone et la façon dont elle entend défendre ses spécificités ?
R - Le renforcement de lUnion européenne nous permettra délargir le champ des investissements culturels. nous continuons dapporter des soutiens à la création. Il sera en même temps de plus en plus important de mener une politique culturelle à léchelle européenne, qui pourrait comporter la création dune cinémathèque reliée à un réseau européen, la protection du patrimoine culturel et notamment architectural, ou lenrichissement de bibliothèques. Parallèlement, nous avons à donner lexemple à nos partenaires de lUnion européenne.
Q - Madame la Ministre, nous savons que vous défendez la diversité culturelle. Or, à lère de lInternet, linquiétude saccroît concernant lhypertrophie de la culture anglophone, notamment celle de limpérialisme culturel américain.
R - Au train où vont les choses en Europe, le risque est grand dune uniformisation culturelle. Il est dangereux de laisser disparaître la langue et la culture de chaque pays. Il faut résister à luniformisation culturelle. Pour cela, il est nécessaire, à mon sens, de refuser le principe de marché en matière culturelle et de préciser les mesures qui pourraient être prises pour résister à cette tendance. Deux orientations doivent être envisagées : dabord, respecter sa propre identité nationale et dautre part, accepter la culture des autres et de la diversité culturelle. Une fois quils sauront quil existe des cultures multiples, les gens seront capables de prendre conscience de limportance de chacune delles.
Q - Dans ce contexte, comment concevez-vous la zone culturelle francophone ?
R - Nous avons soutenu le principe d »exception culturelle » concernant laudiovisuel et lart lors des négociations de lUruguay Round, et sur le même principe, nous continuons à marquer nos réserves envers les projets de lAMI. Notre idée de fond est quil faut respecter les cultures des autres. La Francophonie nest pas fermée. Elle permet des échanges culturels sur un fond linguistique en commun. Cest un groupe fondé sur lidée de solidarité. A côté de la zone francophone, il existe une zone de la langue portugaise, hispanique, ou japonaise. Nous attachons la grande importance aux échanges entre les différentes cultures.
Q - A lère des conflits régionaux et ethniques, la survie des spécificités culturelles est menacée, tandis que sengage en même temps un débat sur la forme nouvelle que devraient revêtir ces spécificités. Comment envisagez-vous de ce point de vue le XXIème siècle, vous qui avez été maire de Strasbourg, carrefour des cultures française et allemande ?
R - Le second danger, après luniformisation de la culture, cest lidée qui consiste à considérer la culture comme une marchandise qui peut être échangée contre largent. En poussant à lextrême cette idée, nous risquerions de voir naître par réaction une culture identitaire qui refuse la communication.
La région où je suis née a connu une expérience particulière au point de vue culture : quand elle a été considérée comme une partie de lAllemagne, la langue française a totalement été interdite, et lorsquelle est redevenue française, nous avons été obligés dabandonner la culture allemande. La culture nest pas un monde de soustraction mais celui daddition. Je pense que les progrès de lêtre humain au XXIème siècle seront réalisés à travers les échanges culturels. Lexclusivisme naboutit à rien, dans ce domaine.
Q - La prédominance dans le monde daujourdhui de la pensée économique anglo-saxonne tend à soumettre le domaine de la culture aux impératifs de léconomie de marché. La construction de lUnion européenne donne aussi cette impression. Face à cette tendance à la dérégulation, mise en valeur par lexception que constitue la politique du prix unique du libre, et compte tenu aussi de la rivalité entre ce qui relève de la culture et ce qui appartient au marché, pourriez-vous exposer les principes fondamentaux de la politique culturelle de votre pays ?
R - Nous marquons vis-à-vis de nos partenaires étrangers notre volonté de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour permettre à chacun dexercer son choix. Depuis le temps dAndré Malraux, la politique culturelle du gouvernement français est guidée par deux principes, celui dencouragement à la création et celui de démocratisation de la culture qui permet à tous de se familiariser avec la culture. En ce qui concerne lédition, nous avons opté pour le système du prix unique du livre, et nous apportons des soutiens aux différents médias, comme les journaux et les périodiques. Je pense que chaque pays a une politique culturelle. Il est important, au niveau européen, den donner les moyens.
Q - Le système du prix unique du livre est-il efficace pour préserver la culture ?
R - Bien sûr. Différents pays européens, comme lAllemagne, lAutriche et lEspagne ont une position proche de la nôtre. Quand ce système a été mis en cause, nous en avons pris la défense ensemble.
Q - Comment envisagez-vous lavenir des échanges culturels franco-japonais ? Pourriez-vous expliquer ce que signifie pour vous lexposition de la « Liberté guidant le peuple » au Japon ?
R - « Lannée du Japon en France » et « Lannée de la France au Japon » ont été un grand succès. Il faut continuer sur les différentes voies qui ont ainsi été ouvertes. En France, nous devrions faire en sorte que les médias traitent plus souvent du Japon. Nous pensons que ce tableau a été choisi sur la base de la compréhension que vous, Japonais, avez de ce que nous sommes. Nous sommes heureux que vous vous intéressiez à nous et que nous partagions les mêmes valeurs./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, mars 1999)
R - Le renforcement de lUnion européenne nous permettra délargir le champ des investissements culturels. nous continuons dapporter des soutiens à la création. Il sera en même temps de plus en plus important de mener une politique culturelle à léchelle européenne, qui pourrait comporter la création dune cinémathèque reliée à un réseau européen, la protection du patrimoine culturel et notamment architectural, ou lenrichissement de bibliothèques. Parallèlement, nous avons à donner lexemple à nos partenaires de lUnion européenne.
Q - Madame la Ministre, nous savons que vous défendez la diversité culturelle. Or, à lère de lInternet, linquiétude saccroît concernant lhypertrophie de la culture anglophone, notamment celle de limpérialisme culturel américain.
R - Au train où vont les choses en Europe, le risque est grand dune uniformisation culturelle. Il est dangereux de laisser disparaître la langue et la culture de chaque pays. Il faut résister à luniformisation culturelle. Pour cela, il est nécessaire, à mon sens, de refuser le principe de marché en matière culturelle et de préciser les mesures qui pourraient être prises pour résister à cette tendance. Deux orientations doivent être envisagées : dabord, respecter sa propre identité nationale et dautre part, accepter la culture des autres et de la diversité culturelle. Une fois quils sauront quil existe des cultures multiples, les gens seront capables de prendre conscience de limportance de chacune delles.
Q - Dans ce contexte, comment concevez-vous la zone culturelle francophone ?
R - Nous avons soutenu le principe d »exception culturelle » concernant laudiovisuel et lart lors des négociations de lUruguay Round, et sur le même principe, nous continuons à marquer nos réserves envers les projets de lAMI. Notre idée de fond est quil faut respecter les cultures des autres. La Francophonie nest pas fermée. Elle permet des échanges culturels sur un fond linguistique en commun. Cest un groupe fondé sur lidée de solidarité. A côté de la zone francophone, il existe une zone de la langue portugaise, hispanique, ou japonaise. Nous attachons la grande importance aux échanges entre les différentes cultures.
Q - A lère des conflits régionaux et ethniques, la survie des spécificités culturelles est menacée, tandis que sengage en même temps un débat sur la forme nouvelle que devraient revêtir ces spécificités. Comment envisagez-vous de ce point de vue le XXIème siècle, vous qui avez été maire de Strasbourg, carrefour des cultures française et allemande ?
R - Le second danger, après luniformisation de la culture, cest lidée qui consiste à considérer la culture comme une marchandise qui peut être échangée contre largent. En poussant à lextrême cette idée, nous risquerions de voir naître par réaction une culture identitaire qui refuse la communication.
La région où je suis née a connu une expérience particulière au point de vue culture : quand elle a été considérée comme une partie de lAllemagne, la langue française a totalement été interdite, et lorsquelle est redevenue française, nous avons été obligés dabandonner la culture allemande. La culture nest pas un monde de soustraction mais celui daddition. Je pense que les progrès de lêtre humain au XXIème siècle seront réalisés à travers les échanges culturels. Lexclusivisme naboutit à rien, dans ce domaine.
Q - La prédominance dans le monde daujourdhui de la pensée économique anglo-saxonne tend à soumettre le domaine de la culture aux impératifs de léconomie de marché. La construction de lUnion européenne donne aussi cette impression. Face à cette tendance à la dérégulation, mise en valeur par lexception que constitue la politique du prix unique du libre, et compte tenu aussi de la rivalité entre ce qui relève de la culture et ce qui appartient au marché, pourriez-vous exposer les principes fondamentaux de la politique culturelle de votre pays ?
R - Nous marquons vis-à-vis de nos partenaires étrangers notre volonté de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour permettre à chacun dexercer son choix. Depuis le temps dAndré Malraux, la politique culturelle du gouvernement français est guidée par deux principes, celui dencouragement à la création et celui de démocratisation de la culture qui permet à tous de se familiariser avec la culture. En ce qui concerne lédition, nous avons opté pour le système du prix unique du livre, et nous apportons des soutiens aux différents médias, comme les journaux et les périodiques. Je pense que chaque pays a une politique culturelle. Il est important, au niveau européen, den donner les moyens.
Q - Le système du prix unique du livre est-il efficace pour préserver la culture ?
R - Bien sûr. Différents pays européens, comme lAllemagne, lAutriche et lEspagne ont une position proche de la nôtre. Quand ce système a été mis en cause, nous en avons pris la défense ensemble.
Q - Comment envisagez-vous lavenir des échanges culturels franco-japonais ? Pourriez-vous expliquer ce que signifie pour vous lexposition de la « Liberté guidant le peuple » au Japon ?
R - « Lannée du Japon en France » et « Lannée de la France au Japon » ont été un grand succès. Il faut continuer sur les différentes voies qui ont ainsi été ouvertes. En France, nous devrions faire en sorte que les médias traitent plus souvent du Japon. Nous pensons que ce tableau a été choisi sur la base de la compréhension que vous, Japonais, avez de ce que nous sommes. Nous sommes heureux que vous vous intéressiez à nous et que nous partagions les mêmes valeurs./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, mars 1999)