Texte intégral
Q - Le Président de la République vous a confié la charge de la Réserve il y a 6 mois, par un décret du 13 juillet 2007. Quel est aujourd'hui votre appréciation de la réserve opérationnelle ?
R - La réserve militaire mise en place pour accompagner la professionnalisation des forces armées, fondée sur le volontariat, se subdivise en deux composantes perméables entre elles: la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne.
La réserve opérationnelle, prévue pour atteindre à terme un effectif de 94000 volontaires, est aujourd'hui une composante d'emploi, pleinement intégrée aux forces d'active auxquelles les réservistes apportent des compétences et des capacités qui leur sont nécessaires pour remplir l'intégralité des missions qui leur sont confiées.
L'actualité démontre chaque jour combien la réserve opérationnelle est devenue indispensable.
Des réservistes occupent partout, au quotidien, des postes essentiels, que ce soit sur les théâtres d'opération, au sein de nos forces pré positionnées ou en métropole.
Je l'ai constaté à chacun de mes déplacements, sur la Base navale de Toulon, à Mostar où j'ai rencontré un peloton de l'arme du Train de l'armée de terre composé exclusivement de réservistes; en Afrique au début de l'année aussi bien qu'au Sénégal, au Gabon ou au Tchad, tout récemment au Bataillon de marins-pompiers de Marseille ou au sein d'une unité aussi prestigieuse que le 2ème REI à Nîmes ou au CEITO, au camp du Larzac.
De fait, les réservistes opérationnels participent à toutes les missions de leurs camarades d'active et dans les mêmes conditions: savez-vous qu'en juillet dernier, chaque jour, 2400 réservistes de la gendarmerie nationale étaient engagés sur le terrain ?
J'ajouterai enfin que l'excellent niveau atteint dans la montée en puissance de la réserve opérationnelle fin 2007, prés de 60000 volontaires recrutés et employés en moyenne quasiment 23 jours sur l'année, démontre la capacité des armées à recruter des réservistes opérationnels et atteste du dynamisme de cette composante.
Q - La construction de la réserve opérationnelle est dépendante des facilités accordées aux employeurs civils des militaires de réserve. Quel bilan tirez-vous des mesures existantes favorisant la mise à disposition de leurs employés réservistes par les entreprises ? Pensez-vous pouvoir mettre en oeuvre de nouveaux dispositifs incitant à une plus grande disponibilité : crédit d'impôts plus important, formations offertes par les armées, ... ?
R - Le dispositif actuel a des qualités, je n'en veux pour preuve que le chiffre de la durée moyenne annuelle d'emploi du réserviste opérationnel que je viens de vous indiquer alors que les dispositions de la loi d'avril 2006 visant à l'amélioration de l'efficacité de la réserve opérationnelle n'atteignaient pas leur plein effet, faute du décret d'application, dont la publication n'est intervenue qu'en octobre 2007.
Désormais de nouveaux dispositifs sont opérants. Tel est le cas de la prise en compte au titre du droit individuel à formation, des formations délivrées par les armées aux réservistes opérationnels lorsqu'elles présentent un caractère dual avec l'emploi civil du réserviste. La mise en place, depuis le mois de juin 2007, du "passeport de compétences professionnelles du réserviste" permet désormais à l'employeur civil de connaître les qualifications et les savoir-faire professionnels acquis par leurs salariés réservistes au cours des activités militaires accomplies dans le cadre de la réserve opérationnelle.
D'autres voies innovantes intéressant particulièrement le monde de l'entreprise ont été ouvertes. Je pense, par exemple, à l'emploi de réserviste auprès d'entreprises titulaires de marchés de soutien opérationnel des forces ainsi que dans les actions de défense des intérêts de la France là où nos soldats sont présents.
Les pistes de travail ne se résument pas au seul crédit d'impôt, en faveur des entreprises facilitant l'activité de leurs salariés réservistes, même si son expérimentation a heureusement été prolongée d'une année.
Toutefois n'oublions pas la volonté du législateur de renforcer les liens entre l'entreprise et la réserve en aménageant et en organisant un espace ouvert de concertation entre toutes les parties concernées par la réserve opérationnelle volontaire. Voilà pourquoi la réserve opérationnelle est fortement adossée à un partenariat confiant et volontariste entre la Défense et l'entreprise afin que celle ci participe concrètement, à travers l'engagement de ses salariés réservistes, à l'effort de défense de notre Nation.
Le Conseil supérieur de la réserve militaire a en charge de promouvoir et de faire vivre ce partenariat, véritable acte de citoyenneté qu'il faut saluer: en trois années 140 entreprises on rejoint ce réseau en signant une convention de soutien à la politique de la réserve militaire et autant sont en cours d'élaboration. J'ajouterai que, contrairement à une idée reçue, il n'y a pas que des grands groupes qui adhèrent à cette démarche. D'ailleurs, la réserve militaire a été présente, par les correspondants régionaux entreprises défense, à "Planète PME" en 2007 et elle a intéressé de nombreux chefs d'entreprise. L'effort engagé dans ce domaine doit être poursuivi avec détermination.
Q - Dans un entretien que vous avez accordé à « Armée d'Aujourd'hui » en septembre 2007, vous indiquiez attacher beaucoup d'importance à la fidélisation des militaires de réserve. Quelles actions allez-vous lancer sur ce sujet ?
R - Les armées savent recruter et former des réservistes, de plus en plus nombreux, issus directement de la sphère civile et donc sans aucune expérience militaire préalable. La formation de ces volontaires, dont certains ont vocation à rejoindre à terme le corps des sous-officiers et celui des officiers, est lourde et onéreuse. A lui seul, l'importance de cet investissement humain justifierait la nécessité de fidéliser les réservistes !
Une étude objective des raisons qui entraînent, trop souvent, une désaffection précoce des volontaires est en cours. Nous avons déjà quelques indications sur des leviers d'action, amélioration de la gestion, allègement des contraintes administratives, meilleure exemplarité de l'employeur public en matière de facilités accordées aux réservistes (une convention dans ce sens vient d'être signée avec le Ministre de l'éducation nationale et celui de la recherche et de l'enseignement supérieur). Mais n'anticipons pas sur les résultats de l'enquête en cours qui nous permettra, lorsqu'elle aura été menée à son terme, d'ouvrir les pistes les plus pertinentes d'action visant à améliorer le taux de fidélisation du réserviste opérationnel.
Q - Vous avez été récemment promu au grade de capitaine de frégate dans la Réserve Citoyenne. Lors de la présentation du budget 2008 à l'Assemblée Nationale, vous avez déclaré qu'il fallait « consacrer davantage de moyens à la réserve citoyenne (...) qui reste encore très méconnue ». Quels sont les moyens que vous envisagez et que vous allez mettre en place ?
R - Avoir été reçu comme capitaine de vaisseau de la réserve citoyenne de la Marine Nationale est d'abord pour moi un honneur. C'est également un engagement : en rejoignant la réserve citoyenne je veux dire à tous nos soldats, nos marins, nos aviateurs et nos gendarmes, d'active et de réserve, qu'ils peuvent compter sur moi. C'est aussi un message d'admiration, de confiance et de solidarité à leur égard.
Les citoyens qui ont fait le choix de rejoindre la réserve militaire ont un rôle irremplaçable à tenir dans le maintien du lien entre la Nation et ses armées, non seulement parce qu'ils se situent à la charnière du civil et du militaire, mais surtout parce que l'engagement du réserviste militaire, au service du pays et de leurs concitoyens, est par lui-même un exemple.
Ce rayonnement des armées dans la Nation est une des missions que remplissent les réservistes citoyens. La réserve citoyenne est en outre plus particulièrement chargée de développer l'esprit de défense. Elle ne peut en aucun cas avoir d'activités relevant du domaine opérationnel, même à titre bénévole. En revanche, elle peut apporter un soutien permanent à l'armée d'active en matière de recrutement, de reconversion et de relations publiques
Ce concept était entièrement novateur et il est normal qu'il n'accède à la notoriété que de manière progressive. Il faut donc dire aux Français et aux Françaises la nature particulière de cet engagement, expliquer sa force et sa finalité, la part qu'il prend dans la construction de la culture de défense de la Nation.
A ce titre, il convient de mieux reconnaître et d'encourager l'engagement des élus, correspondants défense des communes, mais aussi les actions conduites au titre de l'enseignement de défense dans nos écoles, nos lycées et nos facultés.
Dans ce domaine la communication est bien sûr essentielle. Beaucoup a déjà été fait et bien fait, mais en la matière il convient de sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier.
J'ajouterai que la Commission chargée de l'élaboration du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale travaille sur ce concept particulier et apportera sans aucun doute matière à réflexions nouvelles.
Q - Vous êtes en charge des anciens combattants et de la réserve, pourtant votre ministère porte seulement mention « des Anciens Combattants » alors que le nombre d'anciens combattants des conflits mondiaux et de l'après 2nde Guerre Mondiale diminue et que les militaires quittant aujourd'hui l'institution ont une vocation immédiate à intégrer la réserve. Pensez-vous donc qu'il existera un jour un Secrétariat d'Etat « à la Réserve militaire » ou « des Anciens combattants et de la Réserve militaire »?
R - Nous comptons encore 1,5 millions titulaires de la carte du combattant et le nombre de ressortissants du département ministériel qui m'est confié est de 3,5 millions en comptant l'ensemble des ayants droit. Le budget du secrétariat d'Etat représente le 13ème budget de l'Etat. Désormais, la quatrième génération du feu, dont des réservistes, vient rejoindre des rangs qui avec le temps, très naturellement, tendent à devenir plus clairsemés.
Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est la volonté du Président de la République et du Premier Ministre de confier au secrétaire d'Etat à la Défense deux grands champs de compétences, les anciens combattants et le lien armées-Nation. La réserve militaire est ainsi, avec le service national, au coeur de mes préoccupations. C'est cela qui importe !
Il s'agit là à l'évidence, de la part du Gouvernement, de la marque de l'attention et de l'intérêt qu'il porte à la réserve militaire et aux volontaires qui la composent qui peuvent être à la fois réservistes opérationnels et anciens combattants !
Q - Les premières conclusions connues de la RGPP (Revue Générale des Politiques Publiques) conduisent à une réduction des effectifs des armées. Cette réduction des effectifs va-t-elle inclure ceux de la Réserve ou, au contraire, pensez-vous que la réduction des personnels d'active pourra être partiellement compensée par une augmentation du nombre des personnels de réserve ?
R - La revue générale des politiques publiques doit permettre d'améliorer l'efficience de l'Etat. S'agissant de la défense de la France, le Président de la République a bien affirmé que les capacités opérationnelles des armées, leur coeur de métier, ne seraient pas affectées par cette recherche de gains de productivité dans les politiques publiques.
La réserve militaire ne peut être traitée isolement. Elle tient une place parfaitement affirmée dans les capacités de nos forces. De ce fait, elle représente une composante de la problématique générale des forces armées. Il appartient à chaque état-major et chaque direction de définir ses besoins futurs en compléments apportés par sa réserve opérationnelle. Cette définition a comme préalable évident l'analyse du futur contrat opérationnel de chaque armée, direction ou service. Et cette définition tient d'abord aux conclusions du Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale.
La réserve militaire représente des atouts reconnus tant économiques qu'opérationnels. Le Livre blanc sur la Défense va proposer de nouvelles conditions d'emploi de nos forces, conditions d'emploi qui seront mises en oeuvre dans le cadre de la Loi de Programmation Militaire 2008.
Q - Pensez-vous que la réserve militaire sera plus utilisée ? Son rôle et ses missions seront-ils modifiés ? La réserve ne risque-t-elle pas de passer au second plan des priorités budgétaires face aux militaires professionnels ?
R - Pourquoi voudriez-vous qu'il y ait opposition entre militaires d'active et militaires de réserve ?
Je vous ai dit toute l'importance dans notre défense de la réserve opérationnelle, puisque c'est elle que vous évoquez dans votre question.
Les réservistes occupent et, je vous dis là ma conviction profonde, continueront à occuper toute la place qui leur revient, intégrés à l'armée d'active, pour renforcer la capacité des forces face au poids fluctuant de leurs missions et apporter des compétences particulières, spécialisées que les armées n'entretiennent pas au sein des unités d'active et dont elles ont un besoin conjoncturel.
En matière de réserve militaire les avancées de ces dernières années sont importantes. On peut, sans risque de se tromper, affirmer que la réserve a réussit la profonde mutation qui lui était demandée avec la professionnalisation des armées: passer d'une réserve de masse peu entraînée et employée, à une réserve certes ramassée, mais densifiée, diversifiée et efficace.
Alors regardons l'avenir avec sérénité et en attendant, préservons tous nos acquis.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 22 février 2008