Conférence de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la position européenne sur le processus de paix au Proche-Orient, la crise libanaise, le déploiement de l'opération EUFOR au Tchad et en République centrafricaine, et le nucléaire iranien, Bruxelles le 28 janvier 2008.

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Circonstance : Réunion Conseil Affaires générales et Relations extérieures le 28 janvier 2008 à Bruxelles

Texte intégral

Ce fut long et ce n'est pas fini. Ce matin, les choses sont allées vite. Les débats ont été très dynamiques aussi bien sur le Moyen-Orient, sur l'attitude vis à vis de Gaza et sur le fait qu'il fallait que l'Union européenne reprenne pied à Rafah, qu'elle soit disposée à faire pression pour que la population palestinienne de Gaza ait accès à l'élémentaire. Mais surtout, si l'on devait soutenir le processus d'Annapolis et de la Conférence de Paris, il fallait proposer des projets, de vrais projets avec lesquels nous sommes en accord avec les Israéliens et les Palestiniens ; c'est la seule façon aussi bien à Gaza qu'en Cisjordanie de changer les conditions de vie des Palestiniens, parce qu'il y aura toujours des événements surprenants, scandaleux, impossibles à accepter. Si à chaque fois que l'on s'attache à faire une résolution supplémentaire, on oublie l'essentiel - l'Etat palestinien à construire - ce n'est pas pour refuser d'aider les Egyptiens et d'aider les Palestiniens de Gaza. Au contraire, il s'agit de faire en sorte que les projets (dont deux d'entre eux pour la Cisjordanie, deux autres pour Gaza) soient prêts début février. Ces projets portent sur l'éducation, la santé, l'eau, l'économie. Sur ces projets, s'est tenue il y a trois jours une réunion, avec Tony Blair, Jonas Store, Benita Ferrero-Waldner et moi-même. Ces quatre projets très solides sont financés. "D'accord" a dit Ehud Barak, "d'accord" a dit Salam Fayyad. C'est cela qu'il faut faire. Je crois à la signification de la discussion sur le Moyen-Orient.
Sur le Liban, tout le monde a accepté que, chacun prenant le chemin de Damas ou en tout cas recevant les Syriens, il n'y avait pas de solution de saut de puce en saut de puce. Il faut vraiment que la détermination d'une attitude commune de l'Union européenne soit affirmée. S'il n'y a pas d'attitude commune, on va à chaque fois entretenir des illusions. Comme vous le savez, il y a eu non seulement l'attentat contre le numéro 3 des services de l'intelligence de l'armée mais également hier une manifestation avec des morts et aujourd'hui théoriquement un deuil national. La situation est donc très dangereuse. Oui, nous avons soutenu, l'Union européenne a soutenu, l'initiative de la Ligue arabe, bien sûr, mais c'était aussi l'initiative commune de la France, de l'Espagne et de l'Italie. Nous avons déjà entretenu un certain nombre d'illusions, de solutions et finalement c'était le même document, donc vous voyez, nous n'avançons pas. A chaque fois que l'on croit avancer, il y a quelque chose qui vient contrecarrer le projet même sur lequel on était en accord. C'est négatif d'une certaine façon, mais il y a eu cette réunion du Caire, de la Ligue arabe dimanche, et il y aura une décision prise sur la conférence de Damas - mais cela ne nous appartient pas. Nous sommes aux côtés de la Ligue arabe pour essayer de trouver des solutions.
Au Kenya, nous avons dû reconnaître que malgré la médiation de Kofi Annan, la belle image du Président et de son adversaire se serrant la main, les exactions, les heurts, les combats et les exécutions se sont déplacés de Nairobi vers la vallée du Rift. La dernière communication des membres de l'Union européenne avec Kofi Annan, c'était une pression faite sur le président pour que l'armée soit envoyée, pour que les troubles à grande échelle cessent dans la vallée du Rift.
Aujourd'hui, nous avons eu un accord sur l'opération Eufor pour le Tchad et la République centrafricaine. L'opération non seulement est acceptée mais elle va démarrer. Il y a maintenant 14 pays européens qui sont impliqués, il y en aura d'autres qui viendront, il faut maintenir l'effort. Le financement a été voté avec une participation très généreuse des pays qui n'ont pas voulu participer directement, en envoyant des soldats, en particulier l'Angleterre et l'Allemagne. Je crois que maintenant il n'y a plus d'obstacles au déploiement dans les jours qui viennent. J'espère le plus vite possible pour intervenir auprès des personnes déplacées au Tchad, venant au Soudan. Nous avons entendu avec espoir ce que nous a dit Jan Eliasson, l'envoyé spécial des Nations unies (qui travaille avec Salim Ahmed Salim de l'Union africaine). Son rapport est plutôt optimiste mais nous ne savons pas à quel moment le déploiement des troupes aura lieu de façon significative même si des soldats égyptiens sont déjà en chemin. Il y a donc beaucoup d'obstacles qui se multiplient du côté soudanais et nous souhaitons qu'il y ait des contacts permanents entre la Mission Eufor au Tchad et la Mission des Nations unies et de l'Union africaine au Soudan. Contacts permanents pour que des deux côtés de la frontière l'on puisse assister les populations, car c'est aussi une mission de développement - que les armées européennes n'accompliront pas bien sûr -, mais que les ONG et les fondations vont mettre en oeuvre, comme la reconstruction des villages.
Nous avons également parlé de l'Iran, en donnant les dernières informations à propos de cette signature à Six, Russes, Américains, Chinois, Allemands, Britanniques et Français, d'un document qui va être porté au Conseil de Sécurité, ainsi que d'un accord pour attendre la mission de M. Mohamed El Baradeï, de l'Agence internationale de l'Energie atomique qui, dans les 15 premiers jours de février, aura complété sa mission "d'éclairage des zones d'ombre". Nous avons constaté une ambiance tout à fait étonnante des Six qui se sont mis d'accord très vite, beaucoup plus vite qu'à New York, pour la deuxième résolution. Là il s'agirait, si elle est votée par le Conseil de sécurité, de la 3ème résolution qui associe la nécessité du dialogue et les sanctions nouvelles.
Pour le reste, nous attendons toujours. Pour la Serbie, il va y avoir un texte d'accord, dans les minutes qui viennent, sur une offre faite à la Serbie avant les élections. J'espère que cette offre sera complétée ensuite. Je ne vais pas violer les secrets, puisque d'ailleurs elle n'est pas entièrement rédigée, elle va l'être dans les minutes qui suivent. C'est une offre précise pour les Serbes à propos de la signature d'un accord de stabilisation et d'association. Vous le verrez.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 janvier 2008