Texte intégral
Je suis très heureuse de participer à cette conférence qui nous permet de renouveler les engagements politiques pris en 2002, à Madrid et à Berlin, dans le cadre du Plan d'action international sur le vieillissement. Je remercie tous ceux et celles qui se sont impliqués dans la préparation de ce temps d'échange, en particulier le Secrétaire Exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe et le Gouvernement espagnol.
1. Je voudrais d'abord souligner l'impact concret que les échanges menés au sein de la Commission économique pour l'Europe au sujet du vieillissement peuvent avoir sur la vie quotidienne de nos concitoyens.
Ces échanges complètent ceux qui existent entre les Etats membres de l'Union Européenne et facilitent la diffusion des expérimentations qui réussissent : ils font donc gagner du temps à chacun. Je veux profiter de cette rencontre pour vous donner trois exemples qui montrent à la fois en quoi la France s'inspire des expérimentations de ses partenaires, et en quoi elle peut peut-être, sur certains points, les inspirer en retour.
Premier exemple : les autorités françaises ont lancé un programme de valorisation de l'habitat intergénérationnel intitulé « Un toit, deux générations », qui offre aux étudiants qui le souhaitent la possibilité d'être hébergés chez une personne âgée. Cette possibilité suppose que l'étudiant et la personne âgée en cause adhèrent à une charte, un code de bonne conduite et une convention d'hébergement, qui ont été élaborés en liaison avec la Fédération Nationale de Gérontologie. Ce programme est directement inspiré d'une réalisation du Gouvernement espagnol, et je suis très heureuse de pouvoir le souligner, ici à Léon.
Deuxième exemple : les premiers travaux de synthèse du Secrétariat dans le cadre du rapport de suivi montrent que plusieurs pays ont récemment adopté un congé de soutien familial qui permet au salarié d'interrompre son activité professionnelle pour s'occuper d'un parent dépendant. J'y vois la preuve que les idées se diffusent, et qu'elles répondent à des problèmes qui se posent en des termes très proches, si ce n'est identiques, dans nos différents pays. En France, la mise en place du congé de soutien familial s'est accompagnée de formations d' « aide aux aidants », sur la base d'un guide qui a été élaboré par les services placés sous mon autorité (http://www.famille.gouv.fr/dossiers/guide_aidant_familial/guide.pdf). C'est un prolongement qui peut sans doute intéresser les autres Etats qui se sont dotés de ce congé de soutien familial.
J'en viens à mon troisième exemple, et je voudrais décrire l'expérience originale qui est menée dans la commune française de Saint-Apollinaire, où vivent 7000 habitants. Dans cette commune, au sein d'un lotissement de 600 logements privatifs, 76 logements sociaux ont été aménagés en 2002, dont la moitié a été attribuée à des retraités et l'autre à des couples ayant un enfant de moins de 5 ans. Pour obtenir un logement, il est nécessaire de ratifier la charte « Bonjour voisin ! », qui encourage les relations sociales. Les allées et les entrées des immeubles sont par ailleurs conçues de manière à ce que les locataires se croisent en rentrant chez eux. Chaque logement est relié à un réseau téléphonique interne gratuit. Le premier bilan de cette expérimentation montre que les jeunes parents apprécient de pouvoir faire garder leur enfant par une voisine, et qu'ils sont heureux, en contrepartie, par exemple, d'aider cette voisine à faire ses courses. Déjà, l'idée a essaimé dans d'autres communes françaises, et l'aménagement d'un second quartier est à l'étude. Je veux croire, à nouveau, que cette démarche peut intéresser certains d'entre vous ici présents.
J'ai la conviction que, malgré nos différences d'approche, nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres, d'une collectivité locale à l'autre, d'un pays à l'autre, pour répondre au défi que constitue vieillissement de la population. En France, pour favoriser cet apprentissage mutuel au plan national, nous avons instauré la « semaine bleue », qui s'est donné pour slogan : « 365 jours pour agir, 7 jours pour le dire ». Durant cette semaine, l'opinion française est informée de la contribution des personnes âgées à la vie économique, sociale et culturelle à travers des animations intergénérationnelles. Les initiatives de terrain sont mises en ligne sur un site web (www.semaine-bleue.org) et les meilleures d'entre elles sont récompensées par des prix.
Les exemples que je viens de citer ne constituent, bien sûr, que quelques pistes, mais il me paraissait utile de pouvoir témoigner devant vous d'avancées concrètes. J'entends trop souvent dire que les sommets internationaux se traduisent uniquement par de belles déclarations.
2. Pourtant, et ce sera mon deuxième point, les déclarations de principe sont là pour guider notre action et je suis convaincue qu'elles sont absolument nécessaires pour avancer.
Dans la Déclaration ministérielle que nous allons adopter tout à l'heure, nous réaffirmons l'engagement, déjà pris à Madrid et à Berlin, de protéger les droits des personnes de tous âges et de prévenir la discrimination fondée sur l'âge. La perte d'autonomie, en effet, n'est pas une maladie qui frapperait chacun d'entre nous, avec la ponctualité d'un métronome, dès l'âge fatidique de 60 ans atteint. Certains n'auront jamais à en souffrir, même très âgés. D'autres, malheureusement, y seront confrontés dès leur petite enfance, à travers le handicap.
En France, cette affirmation nous a conduit à remettre en cause l'utilisation de l'âge comme critère d'entrée dans certains dispositifs ou comme critère d'attribution de certaines prestations. Nous avons décidé d'abandonner l'approche traditionnelle, devenue complexe et parfois inéquitable, qui segmentait les dispositifs selon qu'ils s'adressaient aux personnes handicapées ou aux personnes dépendantes de plus de 60 ans. C'est dans cette perspective que va être créée une nouvelle branche de la sécurité sociale, destinée à compenser la « perte d'autonomie ».
Pour autant, la convergence ne veut pas dire l'uniformisation. Les aides médicales et sociales seront personnalisées pour tenir compte du passé et de l'environnement de chacun. Aider les personnes qui en besoin à avoir plus d'autonomie, cela suppose en effet d'apporter des services et des aides diversifiées, y compris financières, pour faciliter l'exécution des gestes de la vie courante et assurer le maintien d'une vie sociale.
Il reste en France un grand travail à accomplir pour mener à bien ce chantier : définir le panier des besoins à prendre en considération, former des personnels qualifiés, et concilier la création de cette nouvelle branche de la sécurité sociale avec le souci légitime de maîtriser les dépenses publiques. Pour résoudre ces questions, votre expérience et vos réflexions seront précieux.
3. J'en viens maintenant au troisième et dernier point de mon intervention : après avoir souligné l'utilité des comparaisons et des déclarations communes, je veux insister sur l'apport de la coopération internationale dans les politiques en faveur de l'accès des personnes âgées aux technologies de la communication et de l'information.
Il y a des défis que les Etats ne peuvent relever qu'ensemble : l'accès des personnes âgées aux technologies de l'information et de la communication, à mon sens, en est un.
Nous savons en effet qu'une part de plus en plus importante des foyers européens - 20% en 2015 selon certaines sources - aura besoin de produits et services basés sur ces technologies pour faire prendre en charge son état de santé. Qu'il s'agisse de personnes handicapées, âgées, fragiles, de malades à domicile, tous peuvent tirer avantage de ces technologies pour pallier un manque d'autonomie, maintenir un lien social ou encore se faire aider - bref, pour mieux vivre.
Dans ce domaine, les programmes de recherche sont encore très indépendants les uns des autres, et exclusivement orientés vers les aspects technologiques. Du fait de ce cloisonnement, nous ne disposons pas des informations qui permettent d'anticiper les besoins, notamment des données qualitatives et quantitatives suffisantes. Or ces données sont absolument nécessaires pour que les technologies de l'information et de la communication puissent à l'avenir être mises à la disposition des personnes dépendantes, et ce à un prix raisonnable. C'est pourquoi je souhaite que nous puissions encourager les programmes nationaux, européens et internationaux de recherche dans ce domaine.
Je me félicite que la Déclaration ministérielle fasse mention des technologies de l'information et de la communication, et j'espère que cette mention permettra de développer les programmes de coopération dont je viens de faire état.
A titre de conclusion, je voudrais précisément souligner la richesse de la Déclaration qui sera adoptée tout à l'heure : son grand mérite est de nous fournir des orientations cohérentes pour des politiques menées, tant au plan national qu'international, alors que nous nous efforçons tous de trouver des réponses adaptées au défi inédit que constitue le vieillissement démographique en Europe. La Déclaration ministérielle nous propose une approche soucieuse de préserver l'harmonie entre tous les âges de la vie, à laquelle le Gouvernement français souscrit pleinement.
Je vous remercie.Source http://www.unece.org, le 28 février 2008