Interview de M. Patrick Devedjian, secrétaire général de l'UMP et président du conseil général des Hauts-de-Seine, à France-Inter le 6 mars 2008, sur la poursuite des réformes et de la politique d'ouverture, dans le contexte des élections municipales et cantonales les 9 et 16 mars.

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Média : France Inter

Texte intégral

T. Steiner.- Vous avez lu l'interview de N. Sarkozy dans Le Figaro, ce
matin, bien sûr. "Le changement est une ardente obligation", à la Une
du quotidien. C'est d'ailleurs vous, qui hier, demandiez au chef de l'
Etat de prendre la parole, pour, disiez-vous "cadrer le débat et
évacuer les phantasmes". Vous saviez déjà qu'il y aurait cette
interview ?
 
R.- Je l'espérais.
 
Q.- Vous trouvez que les réponses cadrent le débat et évacuent les
phantasmes ?
 
R.- Oui, d'abord elles commencent par démentir les éternelles
allégations socialistes : il n'y aura pas de plan de rigueur. D'
ailleurs, à chaque élection, le PS nous annonce une catastrophe qui n'a
pas lieu. On a eu la TVA sociale aux législatives, le plan B pour le
référendum sur la constitution européenne. C'est chaque fois la même
méthode, mensonge et compagnie.
 
Q.- F. Hollande me disait hier matin qu'on nous menait en bateau sur
cette histoire de plan de rigueur.
 
R.- Le président de la République est quand même bien placé pour dire
qu'il n'y aura pas de plan de rigueur. Donc celui qui nous mène en
bateau, et un bateau d'ailleurs, à fond percé, c'est monsieur Hollande.
 
Q.- Du coup, pour être bien sûr, je vous pose des questions très
concrètes : y aura-t-il des augmentations de la CSG, de la CRDS ou de
la TVA en 2008.
 
R.- Non.
 
Q.- Pas de TVA sociale ?
 
R.- Il n'y aura pas de TVA sociale. Il n'y en a pas eu après les
élections législatives malgré l'annonce de la gauche et il n'y en aura
pas après les élections municipales.
 
Q.- Et pas de nouvelles cotisations ?
 
R.- Pas de nouvelles cotisations.
 
Q.- Comment va-t-on réduire les déficits alors, avec un taux de
croissance que le FMI prévoit à 1,5 %.
 
R.- Il y a deux manières de... Enfin, il y a même trois manières de
réduire les déficits. La première, c'est celle d'augmenter les impôts,
c'est celle de la gauche, c'est d'augmenter les prélèvements, c'est ce
que fait la gauche sans d'ailleurs réduire la dépense. La deuxième, c'
est de réduire sa propre dépense, et la troisième, c'est d'augmenter la
croissance.
 
Q.- On va donc dépenser moins ? Sur quoi ?
 
R.- Déjà, on dépense moins, le périmètre de l'Etat se réduit. Par
exemple, le Président, dans son interview du Figaro ce matin, rappelle
qu'on a remplacé seulement un poste sur deux dans les départs de la
fonction publique, donc on a un peu réduit, sans doute pas assez pour
que ce soit très efficace, mais progressivement, ça le devient.
 
Q.- On reste un peu sur sa faim dans l'interview de N. Sarkozy sur le
pouvoir d'achat. Il rappelle évidemment que la hausse des salaires ne
se décrète pas, et il propose seulement des mesures sur l'
intéressement.
 
R.- Il a quand même rappelé, premièrement, les heures
supplémentaires...
 
Q.- Ça, ça existe déjà, mais sur ce qui est à venir...
 
R.- Ça existe déjà et ça produit des effets. Je vous rappelle quand
même - parce que la gauche aussi, a daubé là-dessus - : les heures
supplémentaires sont défiscalisées, au mois d'octobre, 20 millions d'
heures supplémentaires, au mois de novembre 38 millions d'heures
supplémentaires, au mois de décembre 50 millions d'heures
supplémentaires. Donc la montée en puissance du dispositif est très
forte, et elles sont totalement défiscalisées.
 
Q.- Tout le monde ne peut pas faire d'heures supplémentaires, malgré
tout...
 
R.- Non, mais quand même, 500.000 entreprises ont donné des heures
supplémentaires. Et je vous le disais, on est passé de 20 millions à 50
millions, donc il y a de plus en plus de gens qui en profitent.
 
Q.- N. Sarkozy affirme qu'il n'y aura pas de grand remaniement après
les municipales. Le grand remaniement, ce sera dans neuf mois, après la
présidence de l'Union européenne ?
 
R.- C'est ce que le Président a annoncé. C'est d'ailleurs raisonnable
parce que pour affronter la présidence européenne, il vaut mieux avoir
des ministres français expérimentés, à l'aise dans leurs dossiers, donc
ayant eu le temps d'en prendre vraiment toute la mesure.
 
Q.- Et dans l'immédiat, est-ce que les résultats du scrutin municipal
auront quand même un impact sur le petit remaniement ?
 
R.- Le Président a dit qu'il entendrait ce que diront les Français à
cette occasion. Et donc, il en tiendra compte.
 
Q.- On vous prévoit au ministère de la Défense monsieur Devedjian...
 
R.- Je ne suis demandeur à rien et je suis déjà très pris par mes
responsabilités.
 
Q.- Vous aviez été assez critique sur l'ouverture à gauche. Quelques
mois après, vous souhaitez que l'on poursuive dans cette voie ?
 
R.- Oui, je souhaite que l'on poursuive dans cette voie. Je n'ai pas
été critique sur l'ouverture à gauche, j'ai d'ailleurs expliqué que j'
étais pour l'ouverture à gauche...
 
Q.-...Vous aviez des réserves.
 
R.- Non, pas sur l'ouverture à gauche. Je souhaitais, au contraire, un
profond renouvellement du personnel politique, en particulier à droite.
Et donc, de ce point de vue-là, je souhaitais l'émergence d'une
génération sarkozyste à droite. Mais l'ouverture à gauche, c'est un
complément indispensable et moi je souhaite qu'elle soit poursuivie,
pour une simple raison, c'est qu'elle est une des conditions pour
réussir les réformes, pour faire les réformes dans un pays où l'
affrontement entre la gauche et la droite est si fort, plus fort que
dans les autres pays européens, parce que sans doute plus empreint de
sectarismes idéologiques, eh bien l'ouverture est un moyen de
rassembler davantage les Français et c'est seulement en les rassemblant
que l'on peut faire les réformes.
 
Q.- Et l'ouverture à droite fait rentrer P. de Villiers au
Gouvernement, comme ça se dit en ce moment ?
 
R.- Ça se dit mais ce n'est obligé que ça se fasse.
 
Q.- C'était une bonne idée d'envoyer autant de ministres à la bataille
pour les municipales ?
 
R.- On ne les a pas envoyés à la bataille, mais c'est aussi naturel que
les ministres affrontent le suffrage universel. On est ministre par l'
effet de nomination, malgré tout, un peu de légitimité démocratique ne
peut pas faire de mal.
 
Q.- En tout cas, L. Wauquiez l'a rappelé hier, le sort des ministres
n'est pas lié à leurs résultats dans l'élection municipale.
 
R.- Bien sûr. Surtout quand ils sont allés en conquête ; parfois dans
des batailles difficiles.
 
Q.- Les socialistes avaient perdu une quarantaine de villes aux
municipales de 2001, dans quelques jours ils espèrent en conquérir une
trentaine ; ce sera une victoire pour le PS ou une défaite pour N.
Sarkozy ? En d'autres termes, à trois jours du premier tour, est-ce que
c'est une élection locale dimanche, ou un référendum sur N. Sarkozy ?
 
R.- Ce n'est pas un référendum, ce sont des élections locales avec une
dimension nationale. La démocratie marche sur deux jambes, une jambe
locale et une jambe nationale. Moi, je considère, grosso modo, que c'
est deux tiers local un tiers national. Malgré tout, on choisit des
administrateurs, on choisit des gens qui sont capables d'administrer
une ville. Moi, j'ai souvent vu par exemple, quand j'étais maire d'
Antony, des gens de gauche dire "je vote pour vous aux élections
municipales parce que vous êtes un bon maire mais aux législatives, je
ne vote pas pour vous, parce que je suis de gauche". Bon, c'est ça les
élections municipales.
 
Q.- L. Faux [ndlr : journaliste de France Inter] le disait dans le
journal de P. Cohen à 8 heures : on s'attend à une bérézina dans les
rangs de l'UMP et à l'Elysée.
 
R.- Moi, je ne m'attends pas à la bérézina mais je suis combatif et je
suis prêt à affronter toutes les situations. Cela dit, bientôt, on dira
aux Français que ce n'est même plus la peine d'aller voter. Le
carrousel des sondages est quand même assez scandaleux, parce qu'on
nous explique que l'élection est déjà faite. Moi, je pense que cela va
conduire les Français à réagir.
 
Q.- Vous pensez que l'interview de N. Sarkozy, en particulier, peut
provoquer un sursaut de l'électorat ?
 
R.- Non, mais elle a le mérite de mettre les choses au point, de dire
que le Gouvernement continuera sa politique de réformes, que la
question du pouvoir d'achat est centrale dans la politique du
Gouvernement et qu'il n'y aura pas de plan de rigueur, contrairement
aux faussetés annoncées par le PS.
 
Q.- Il y a quelques villes quand même plus symboliques que d'autres sur
la liste de celles qui pourraient basculer. D'après les sondages, la
gauche pourrait remporter Toulouse, Strasbourg et Marseille, quand même
; Marseille, c'est une victoire qui aurait une saveur particulière !
 
R.- Nous verrons bien, mais moi je crois que la bataille n'est pas
faite. D'abord, les électeurs ne se sont pas déplacés, le combat
continue...
 
Q.- Les sondages sont têtus ?
 
R.- Oui, les sondages sont têtus mais ils disent 50/50, et déjà, ils en
font un évènement. Quand vous pensez qu'il y a 2 %... Je vais vous
donner une observation sur les sondages qui m'a beaucoup frappée : j'ai
vu un sondage, première question, "êtes-vous favorable à la politique
sociale conduite par le Premier ministre,", oui à 59 % ; dans le même
sondage : "Etes-vous favorable à la politique sociale conduite par le
président de la République ?", oui à 39 %. La même réponse pour la même
politique avec 20 % d'écart, suivant la manière dont elle est posée.
Cela en dit long sur les sondages.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6
mars 2008