Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, F. Fillon. François Fillon. RTL accorde une large place, ce matin, au calvaire que vit C. Sebire, 52 ans, défigurée par une maladie incurable. Elle demande à la Justice le droit d'aller volontairement vers sa mort et elle s'est adressée, en ce sens, au président de la République. Faut-il accéder à la demande de C Sebire ?
R.- C'est une demande qui provoque chez beaucoup de Français, en tout cas pour moi, beaucoup d'émotion, comme en avait provoqué beaucoup la demande de M. Humbert, il y a quelques années. Il y a un texte qui a été voté par les parlementaires, il y a deux ans : la loi Leonetti. La demande est faite, au fond, au juge d'interpréter ce texte. On va voir ce que le juge va dire. La difficulté pour moi, dans cette affaire, c'est que je crois qu'on est là aux limites de ce que la société peut dire, de ce que la loi peut faire. La question qui est posée par cette femme... La réponse, en tout cas, qu'elle voudrait obtenir, ce n'est pas forcément la même que celle que vous voudriez obtenir ou que je voudrais obtenir. On est là aux limites de l'intime. Et je pense qu'il faut avoir la modestie de reconnaître que la société ne peut pas répondre à toutes ces questions.
Q.- Alors, comment l'aider ?
R.- Il y a déjà une avancée considérable qui a été faite avec cette loi qui permet, au fond, de l'accompagner. Il y a d'ailleurs des propositions médicales qui lui ont été faites mais qui ne sont pas exactement celles qu'elle souhaite. On va voir ce que le juge va dire. C'est important, l'interprétation du juge. Mais je ne crois pas qu'il faille, à cette occasion, faire penser aux Français qu'on pourrait, par la loi, régler dans le détail cette question qui est la question de la vie, qui est la question de la mort.
Q.- Et si la Justice répond négativement, comment la laisser face à son drame ?
R.- Si la Justice répond négativement, il reste quand même la solution qui lui a été proposée qui est une solution, de mon point de vue, acceptable.
Q.- Une hospitalisation avec, pratiquement, une mise en coma.
R.- C'est ça.
Q.- Ce qu'elle refuse pour l'instant ?
R.- C'est ça. On peut continuer à débattre de ce sujet...
Q.- La politique ne peut rien pour elle, au fond ?
R.- Non, ce n'est pas que la politique ne peut rien pour elle. Attention, je n'ai pas dit ça. Simplement, c'est un sujet sur lequel on ne peut pas prévoir dans un texte, dans le détail la réponse à la question qui est posée, parce que chaque question est une question individuelle ; et puis, il faut que la société toute entière prenne en charge cette question et mûrisse. Il y a déjà eu... la loi Leonetti était impensable, il y a trente ou quarante ans. Donc, ce débat doit continuer. Mais je ne peux pas, moi aujourd'hui, en tant que Premier ministre, apporter comme ça une réponse péremptoire à une question qui touche au plus profond de nos consciences.
Q.- Nous allons, maintenant, parler, F. Fillon, des élections municipales. La majorité UMP a subi une défaite dimanche lors du premier tour de cette élection. Avez-vous compris les raisons de cette défaite ?
R.- D'abord, votre auditeur, il y a un instant, avait tout à fait raison de dire qu'il y a 36.000 interprétations, il y en a autant que de communes. Qu'est-ce que ça veut dire donner une interprétation strictement nationale à une élection municipale ? Cela veut dire que la personnalité du maire n'a aucune importance ? Cela veut dire que le bilan du maire n'a aucune importance ?
Q.- Vous n'en tirerez aucune leçon ?
R.- Attendez ! Attendez ! Cela veut dire que le projet du maire ça n'a aucune importance ? Quand, dans une municipalité, aux élections présidentielles, dans une municipalité de gauche, le président de la République fait, à la majorité, cela veut dire que le maire n'est plus légitime ! Il faut quand même revenir à des choses simples et à une interprétation normale de la démocratie. C'est une élection municipale. Et les conséquences d'une élection municipale, elles sont d'abord locales.
Q.- Ce ne sont pas les conséquences. Vous n'en tirez aucune leçon, F. Fillon ?
R.- En même temps... Si ! Mais on écoute ce qui se passe dans le pays. On l'écoute au moment des élections comme on l'écoute tout au long de l'année, à chaque occasion, pour les Français d'exprimer quelque chose. Ce qu'on sait, c'est qu'en France, depuis très longtemps et dans tous les pays européens, après une élection nationale, quand vient une élection locale, elle est toujours difficile pour le pouvoir parce que le pouvoir a engagé des réformes qui n'ont pas forcément encore donné des résultats. Le pouvoir a pris des engagements, qui ne sont pas forcément encore tenus parce qu'il faut du temps pour les tenir. Il y a donc forcément une sorte de déception ou en tout cas, une démobilisation d'une partie de l'électorat de la majorité qui, pour telle ou telle raison, estime qu'on n'est pas allé assez si vite ou qu'on n'est pas allé assez loin ou qui est en désaccord avec telle décision qui a été prise.
Q.- Vous l'avez sentie, la déception, sur le terrain, vous, F. Fillon ?
R.- Ce qui est très intéressant c'est que je l'ai sentie beaucoup moins qu'à l'occasion des autres élections intermédiaires de ces vingt dernières années. La campagne que j'ai faite tout au long de cette élection municipale, n'a rien à voir avec celle que j'avais connue en 2004 où il y avait là franchement un rejet de la politique qui était conduite, de mon point de vue injuste, mais il y avait un rejet. De la même façon, en 2001, le gouvernement de L. Jospin a pris un revers aux élections municipales considérables, la plupart des ministres de gauche ayant été balayés par l'élection municipale.
Q.- Et là, vous ne l'avez pas senti ?
R.- Là, je n'ai pas senti ce climat. J'ai senti un climat d'impatience, d'attente. J'ai trouvé certains de nos électeurs parfois un peu silencieux ...
Q.- Ce n'est jamais bon signe !
R.- Non, ce n'est jamais bon signe. Ce qui voulait sans doute dire qu'ils n'allaient pas aller voter ou en tout cas, peut-être pas comme je l'aurais souhaité. Mais je n'ai pas senti d'agressivité. J'ai plutôt senti de l'impatience. Les Français se disent : "on a mis beaucoup d'espoir dans le Président de la république et dans l'équipe qui est aujourd'hui au pouvoir. Ils ont pris des engagements. Est-ce qu'ils ont vraiment les tenir ?" Et je pense qu'au fond - puisque vous me demandez la leçon qu'il faut tirer du premier tour -, la leçon que je tire, c'est qu'il faut accélérer le rythme des réformes, montrer que tous les engagements qui ont été pris vont être tenus.
Q.- Pensez-vous que le pouvoir d'achat soit toujours le principal problème, aujourd'hui, dans la société française ?
R.- Oui, le pouvoir d'achat est une question importante pour les Français.
Q.- Les prix augmentent. L'essence augmente.
R.- Parce que les prix augmentent, parce qu'il y a des matières premières qui augmentent, et s'agissant de l'essence, il faut bien se mettre dans la tête, qu'il n'y a pas de solution à cette question autre que de changer progressivement de sources d'énergie parce qu'on est devant une pénurie annoncée.
Q.- A court terme, vous ne pourrez rien faire ?
R.- A court terme, on peut prendre des mesures. Il y en a eu qui ont été prises d'ailleurs sur le chauffage au fuel pour les ménages modestes. On peut continuer à réfléchir à des mesures du même type. Mais il faut faire très attention à ne pas se fermer les yeux sur la réalité de cette question. Si on dit aux Français : "Non, non, ne vous inquiétez pas, on va trouver des moyens artificiels pour baisser le prix de l'essence et vous pouvez continuer à consommer de l'essence comme avant", on se trompe. C'est d'ailleurs la conclusion du Grenelle de l'Environnement, c'est qu'il faut mettre tout l'argent disponible y compris celui qui provient des taxes sur l'essence sur la recherche d'énergies alternatives.
Q.- Vous avez dit, hier que vous étiez pour la stabilité gouvernementale ; et pourtant, on annonce un léger remaniement à l'Elysée, après ces élections municipales. Qui a raison ?
R.- D'abord, je ne sais pas qui annonce quoi ? Je pense que personne n'a rien annoncé. Je ne me renie pas. Je ne veux pas me renier. Depuis des années, j'ai essayé de démontrer qu'une des grandes faiblesses de notre pays, c'était son instabilité gouvernementale. Malgré des institutions qui donnent une stabilité politique, la France est le seul pays européen, un petit peu avec l'Italie (mais même l'Italie fait mieux que nous sur une longue période) à changer de gouvernement à un rythme qui, en gros, je ne sais pas : tous les dix-huit mois. Et depuis vingt ans, qu'est-ce qu'on voit ? On voit des majorités qui prennent des engagements vis-à-vis des Français, qui commencent à les mettre en oeuvre ; et puis, à la première élection intermédiaire perdue, à la première difficulté avec l'opinion, on remanie et on change de politique. Je ne dis pas du tout que ce qui est aujourd'hui en train de se préparer, au contraire.
Q.- Vous, vous êtes favorable à une stabilité gouvernementale ?
R.- Pourquoi est-ce qu'en Grande Bretagne, en Suède, en Espagne, en Allemagne, enfin dans tous les pays européens, vous avez une équipe gouvernementale qui dirige pendant quatre ans, ou pendant cinq ans, pendant la durée d'un mandat, et qui essaie de mettre en oeuvre un programme. Alors, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas changer à tel ou tel moment des individus parce qu'il peut y avoir telle ou telle difficulté qui se pose...
Q.- Mais là, vous souhaitez que l'équipe continue ?
R.- Je ne souhaite rien parce que c'est un choix qui appartient au président de la République et que je ne veux pas m'exprimer sur cette question. Mais j'exprime une position générale sur la nécessité de conduire des politiques dans notre pays dans la durée.
Q.- Souhaitez-vous qu'après ces élections municipales, les conseillers du Président de la république deviennent silencieux ?
R.- Je ne souhaite rien du tout parce que cette question est du ressort du président de la République.
Q.- Mais leur expression ne vous a pas gêné ?
R.- Moi je m'occupe de l'expression du gouvernement, de son rôle...
Q.- Leur expression passée vous a gêné ?
R.- ... et sur le fonctionnement de l'entourage du président de la République, je n'ai aucune remarque à faire et aucun conseil à donner, de même que je n'aimerais qu'on me donne des conseils sur le fonctionnement de mon entourage.
Q.- Leur expression passée vous a-t-elle gênée, F. Fillon ?
R.- Non, mais je vous ai dit que je ne m'exprimerai pas sur cette question. Donc, vous pouvez toujours continuer à me poser la question de la même façon, Monsieur Aphatie.
Q.- C'est comme le silence de vos électeurs, c'est une façon de répondre : oui, ça vous a gêné ? (silence)- D'accord ! Dans une lettre que Nicolas Sarkozy vous a adressée le 12 novembre, le président de la République, vous écrivait ceci : "Je suis favorable à l'interdiction du cumul d'une fonction ministérielle avec tout mandat électif". Et malgré tout, des ministres ont été candidat aux élections municipales. Pourquoi la volonté du président de la République n'a-t-elle pas été respectée ?
R.- On a eu un débat ensemble sur cette question. La volonté du président de la République n'était pas tout à fait aussi claire que cette lettre.
Q.- Ah, je lis sa phrase !
R.- Non... Mais vous avez raison de lire cette phrase. On parle aussi avec le président de la République. On ne communique pas que par courrier et par message.
Q.- Il ne pense pas ce qu'il écrit ?
R.- Lui-même s'est interrogé sur cette question. C'est normal. Enfin, je veux dire, ce sont des sujets très difficiles. La France a une très, très longue tradition dans ce domaine. Le président de la République lui-même a été maire, président de conseil général et membre du gouvernement en même temps. C'est aussi mon cas. Il y a eu des ministres qui ont très, très bien réussi et qui ont été, en même temps, des grands maires. Il y a eu aussi des ministres ou des maires pour lesquels le cumul des mandats était un vrai sujet. Ce qu'on a décidé avec le président de la République après avoir longuement réfléchi à la question, c'est de faire en sorte que chaque cas soit un cas individuel ; c'est-à-dire qu'on considère que changer la Constitution pour régler la question de quinze personnes qui sont au gouvernement...
Q.- Ce n'est pas rien !
R.- ... Non, ce n'est pas raisonnable.
Q.- Ce n'est pas rien, savoir si les ministres peuvent être candidat ?
R.- C'est à chaque chef de gouvernement de décider s'il souhaite qu'il y ait une interdiction de cumul ou pas. Cela peut dépendre des responsabilités. Il y a des responsabilités qui sont incompatibles avec la gestion d'une grande ville. Il y a des communes de 200 habitants, il y a des communes d'un million d'habitants. Ce n'est pas la même chose.
Q.- Souhaitez-vous la défaite de F. Bayrou à Pau ?
R.- Je ne souhaite la défaite de personne. Je pense simplement que F. Bayrou poursuit un seul objectif qui est son élection à la présidence de la République et qu'il asservit tout son combat politique à cet objectif. Et je pense que c'est quand même un peu court par rapport aux enjeux que notre pays doit affronter.
Q.- S'il est élu maire de Pau, vous le féliciterez ?
R.- Je féliciterai tous les maires parce que le gouvernement travaillera avec tous les maires de toutes les communes de France.
Q.- C'est aussi une façon de ne pas répondre à la question. (silence) Serez-vous encore Premier ministre, la semaine prochaine, F. Fillon ?
R.- C'est encore une question à laquelle je n'ai pas de réponse puisque le sort du Premier ministre dépend de deux choses. Il dépend de la volonté du président de la République et de celle de la majorité.
Q.- F. Fillon, dont les non-réponses sont aussi des réponses, était l'invité de RTL ce matin.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 mars 2008
R.- C'est une demande qui provoque chez beaucoup de Français, en tout cas pour moi, beaucoup d'émotion, comme en avait provoqué beaucoup la demande de M. Humbert, il y a quelques années. Il y a un texte qui a été voté par les parlementaires, il y a deux ans : la loi Leonetti. La demande est faite, au fond, au juge d'interpréter ce texte. On va voir ce que le juge va dire. La difficulté pour moi, dans cette affaire, c'est que je crois qu'on est là aux limites de ce que la société peut dire, de ce que la loi peut faire. La question qui est posée par cette femme... La réponse, en tout cas, qu'elle voudrait obtenir, ce n'est pas forcément la même que celle que vous voudriez obtenir ou que je voudrais obtenir. On est là aux limites de l'intime. Et je pense qu'il faut avoir la modestie de reconnaître que la société ne peut pas répondre à toutes ces questions.
Q.- Alors, comment l'aider ?
R.- Il y a déjà une avancée considérable qui a été faite avec cette loi qui permet, au fond, de l'accompagner. Il y a d'ailleurs des propositions médicales qui lui ont été faites mais qui ne sont pas exactement celles qu'elle souhaite. On va voir ce que le juge va dire. C'est important, l'interprétation du juge. Mais je ne crois pas qu'il faille, à cette occasion, faire penser aux Français qu'on pourrait, par la loi, régler dans le détail cette question qui est la question de la vie, qui est la question de la mort.
Q.- Et si la Justice répond négativement, comment la laisser face à son drame ?
R.- Si la Justice répond négativement, il reste quand même la solution qui lui a été proposée qui est une solution, de mon point de vue, acceptable.
Q.- Une hospitalisation avec, pratiquement, une mise en coma.
R.- C'est ça.
Q.- Ce qu'elle refuse pour l'instant ?
R.- C'est ça. On peut continuer à débattre de ce sujet...
Q.- La politique ne peut rien pour elle, au fond ?
R.- Non, ce n'est pas que la politique ne peut rien pour elle. Attention, je n'ai pas dit ça. Simplement, c'est un sujet sur lequel on ne peut pas prévoir dans un texte, dans le détail la réponse à la question qui est posée, parce que chaque question est une question individuelle ; et puis, il faut que la société toute entière prenne en charge cette question et mûrisse. Il y a déjà eu... la loi Leonetti était impensable, il y a trente ou quarante ans. Donc, ce débat doit continuer. Mais je ne peux pas, moi aujourd'hui, en tant que Premier ministre, apporter comme ça une réponse péremptoire à une question qui touche au plus profond de nos consciences.
Q.- Nous allons, maintenant, parler, F. Fillon, des élections municipales. La majorité UMP a subi une défaite dimanche lors du premier tour de cette élection. Avez-vous compris les raisons de cette défaite ?
R.- D'abord, votre auditeur, il y a un instant, avait tout à fait raison de dire qu'il y a 36.000 interprétations, il y en a autant que de communes. Qu'est-ce que ça veut dire donner une interprétation strictement nationale à une élection municipale ? Cela veut dire que la personnalité du maire n'a aucune importance ? Cela veut dire que le bilan du maire n'a aucune importance ?
Q.- Vous n'en tirerez aucune leçon ?
R.- Attendez ! Attendez ! Cela veut dire que le projet du maire ça n'a aucune importance ? Quand, dans une municipalité, aux élections présidentielles, dans une municipalité de gauche, le président de la République fait, à la majorité, cela veut dire que le maire n'est plus légitime ! Il faut quand même revenir à des choses simples et à une interprétation normale de la démocratie. C'est une élection municipale. Et les conséquences d'une élection municipale, elles sont d'abord locales.
Q.- Ce ne sont pas les conséquences. Vous n'en tirez aucune leçon, F. Fillon ?
R.- En même temps... Si ! Mais on écoute ce qui se passe dans le pays. On l'écoute au moment des élections comme on l'écoute tout au long de l'année, à chaque occasion, pour les Français d'exprimer quelque chose. Ce qu'on sait, c'est qu'en France, depuis très longtemps et dans tous les pays européens, après une élection nationale, quand vient une élection locale, elle est toujours difficile pour le pouvoir parce que le pouvoir a engagé des réformes qui n'ont pas forcément encore donné des résultats. Le pouvoir a pris des engagements, qui ne sont pas forcément encore tenus parce qu'il faut du temps pour les tenir. Il y a donc forcément une sorte de déception ou en tout cas, une démobilisation d'une partie de l'électorat de la majorité qui, pour telle ou telle raison, estime qu'on n'est pas allé assez si vite ou qu'on n'est pas allé assez loin ou qui est en désaccord avec telle décision qui a été prise.
Q.- Vous l'avez sentie, la déception, sur le terrain, vous, F. Fillon ?
R.- Ce qui est très intéressant c'est que je l'ai sentie beaucoup moins qu'à l'occasion des autres élections intermédiaires de ces vingt dernières années. La campagne que j'ai faite tout au long de cette élection municipale, n'a rien à voir avec celle que j'avais connue en 2004 où il y avait là franchement un rejet de la politique qui était conduite, de mon point de vue injuste, mais il y avait un rejet. De la même façon, en 2001, le gouvernement de L. Jospin a pris un revers aux élections municipales considérables, la plupart des ministres de gauche ayant été balayés par l'élection municipale.
Q.- Et là, vous ne l'avez pas senti ?
R.- Là, je n'ai pas senti ce climat. J'ai senti un climat d'impatience, d'attente. J'ai trouvé certains de nos électeurs parfois un peu silencieux ...
Q.- Ce n'est jamais bon signe !
R.- Non, ce n'est jamais bon signe. Ce qui voulait sans doute dire qu'ils n'allaient pas aller voter ou en tout cas, peut-être pas comme je l'aurais souhaité. Mais je n'ai pas senti d'agressivité. J'ai plutôt senti de l'impatience. Les Français se disent : "on a mis beaucoup d'espoir dans le Président de la république et dans l'équipe qui est aujourd'hui au pouvoir. Ils ont pris des engagements. Est-ce qu'ils ont vraiment les tenir ?" Et je pense qu'au fond - puisque vous me demandez la leçon qu'il faut tirer du premier tour -, la leçon que je tire, c'est qu'il faut accélérer le rythme des réformes, montrer que tous les engagements qui ont été pris vont être tenus.
Q.- Pensez-vous que le pouvoir d'achat soit toujours le principal problème, aujourd'hui, dans la société française ?
R.- Oui, le pouvoir d'achat est une question importante pour les Français.
Q.- Les prix augmentent. L'essence augmente.
R.- Parce que les prix augmentent, parce qu'il y a des matières premières qui augmentent, et s'agissant de l'essence, il faut bien se mettre dans la tête, qu'il n'y a pas de solution à cette question autre que de changer progressivement de sources d'énergie parce qu'on est devant une pénurie annoncée.
Q.- A court terme, vous ne pourrez rien faire ?
R.- A court terme, on peut prendre des mesures. Il y en a eu qui ont été prises d'ailleurs sur le chauffage au fuel pour les ménages modestes. On peut continuer à réfléchir à des mesures du même type. Mais il faut faire très attention à ne pas se fermer les yeux sur la réalité de cette question. Si on dit aux Français : "Non, non, ne vous inquiétez pas, on va trouver des moyens artificiels pour baisser le prix de l'essence et vous pouvez continuer à consommer de l'essence comme avant", on se trompe. C'est d'ailleurs la conclusion du Grenelle de l'Environnement, c'est qu'il faut mettre tout l'argent disponible y compris celui qui provient des taxes sur l'essence sur la recherche d'énergies alternatives.
Q.- Vous avez dit, hier que vous étiez pour la stabilité gouvernementale ; et pourtant, on annonce un léger remaniement à l'Elysée, après ces élections municipales. Qui a raison ?
R.- D'abord, je ne sais pas qui annonce quoi ? Je pense que personne n'a rien annoncé. Je ne me renie pas. Je ne veux pas me renier. Depuis des années, j'ai essayé de démontrer qu'une des grandes faiblesses de notre pays, c'était son instabilité gouvernementale. Malgré des institutions qui donnent une stabilité politique, la France est le seul pays européen, un petit peu avec l'Italie (mais même l'Italie fait mieux que nous sur une longue période) à changer de gouvernement à un rythme qui, en gros, je ne sais pas : tous les dix-huit mois. Et depuis vingt ans, qu'est-ce qu'on voit ? On voit des majorités qui prennent des engagements vis-à-vis des Français, qui commencent à les mettre en oeuvre ; et puis, à la première élection intermédiaire perdue, à la première difficulté avec l'opinion, on remanie et on change de politique. Je ne dis pas du tout que ce qui est aujourd'hui en train de se préparer, au contraire.
Q.- Vous, vous êtes favorable à une stabilité gouvernementale ?
R.- Pourquoi est-ce qu'en Grande Bretagne, en Suède, en Espagne, en Allemagne, enfin dans tous les pays européens, vous avez une équipe gouvernementale qui dirige pendant quatre ans, ou pendant cinq ans, pendant la durée d'un mandat, et qui essaie de mettre en oeuvre un programme. Alors, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas changer à tel ou tel moment des individus parce qu'il peut y avoir telle ou telle difficulté qui se pose...
Q.- Mais là, vous souhaitez que l'équipe continue ?
R.- Je ne souhaite rien parce que c'est un choix qui appartient au président de la République et que je ne veux pas m'exprimer sur cette question. Mais j'exprime une position générale sur la nécessité de conduire des politiques dans notre pays dans la durée.
Q.- Souhaitez-vous qu'après ces élections municipales, les conseillers du Président de la république deviennent silencieux ?
R.- Je ne souhaite rien du tout parce que cette question est du ressort du président de la République.
Q.- Mais leur expression ne vous a pas gêné ?
R.- Moi je m'occupe de l'expression du gouvernement, de son rôle...
Q.- Leur expression passée vous a gêné ?
R.- ... et sur le fonctionnement de l'entourage du président de la République, je n'ai aucune remarque à faire et aucun conseil à donner, de même que je n'aimerais qu'on me donne des conseils sur le fonctionnement de mon entourage.
Q.- Leur expression passée vous a-t-elle gênée, F. Fillon ?
R.- Non, mais je vous ai dit que je ne m'exprimerai pas sur cette question. Donc, vous pouvez toujours continuer à me poser la question de la même façon, Monsieur Aphatie.
Q.- C'est comme le silence de vos électeurs, c'est une façon de répondre : oui, ça vous a gêné ? (silence)- D'accord ! Dans une lettre que Nicolas Sarkozy vous a adressée le 12 novembre, le président de la République, vous écrivait ceci : "Je suis favorable à l'interdiction du cumul d'une fonction ministérielle avec tout mandat électif". Et malgré tout, des ministres ont été candidat aux élections municipales. Pourquoi la volonté du président de la République n'a-t-elle pas été respectée ?
R.- On a eu un débat ensemble sur cette question. La volonté du président de la République n'était pas tout à fait aussi claire que cette lettre.
Q.- Ah, je lis sa phrase !
R.- Non... Mais vous avez raison de lire cette phrase. On parle aussi avec le président de la République. On ne communique pas que par courrier et par message.
Q.- Il ne pense pas ce qu'il écrit ?
R.- Lui-même s'est interrogé sur cette question. C'est normal. Enfin, je veux dire, ce sont des sujets très difficiles. La France a une très, très longue tradition dans ce domaine. Le président de la République lui-même a été maire, président de conseil général et membre du gouvernement en même temps. C'est aussi mon cas. Il y a eu des ministres qui ont très, très bien réussi et qui ont été, en même temps, des grands maires. Il y a eu aussi des ministres ou des maires pour lesquels le cumul des mandats était un vrai sujet. Ce qu'on a décidé avec le président de la République après avoir longuement réfléchi à la question, c'est de faire en sorte que chaque cas soit un cas individuel ; c'est-à-dire qu'on considère que changer la Constitution pour régler la question de quinze personnes qui sont au gouvernement...
Q.- Ce n'est pas rien !
R.- ... Non, ce n'est pas raisonnable.
Q.- Ce n'est pas rien, savoir si les ministres peuvent être candidat ?
R.- C'est à chaque chef de gouvernement de décider s'il souhaite qu'il y ait une interdiction de cumul ou pas. Cela peut dépendre des responsabilités. Il y a des responsabilités qui sont incompatibles avec la gestion d'une grande ville. Il y a des communes de 200 habitants, il y a des communes d'un million d'habitants. Ce n'est pas la même chose.
Q.- Souhaitez-vous la défaite de F. Bayrou à Pau ?
R.- Je ne souhaite la défaite de personne. Je pense simplement que F. Bayrou poursuit un seul objectif qui est son élection à la présidence de la République et qu'il asservit tout son combat politique à cet objectif. Et je pense que c'est quand même un peu court par rapport aux enjeux que notre pays doit affronter.
Q.- S'il est élu maire de Pau, vous le féliciterez ?
R.- Je féliciterai tous les maires parce que le gouvernement travaillera avec tous les maires de toutes les communes de France.
Q.- C'est aussi une façon de ne pas répondre à la question. (silence) Serez-vous encore Premier ministre, la semaine prochaine, F. Fillon ?
R.- C'est encore une question à laquelle je n'ai pas de réponse puisque le sort du Premier ministre dépend de deux choses. Il dépend de la volonté du président de la République et de celle de la majorité.
Q.- F. Fillon, dont les non-réponses sont aussi des réponses, était l'invité de RTL ce matin.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 mars 2008