Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur les droits des femmes, Paris le 5 mars 2008.

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Circonstance : Journée internationale des femmes 2008

Texte intégral


J'ai eu l'occasion, depuis mon entrée au Gouvernement de rencontrer ou de recevoir nombre d'entre vous. Mais je n'avais pas encore eu la possibilité de vous réunir et de vous parler de mon action ministérielle. C'est pourquoi je suis très heureuse de vous accueillir aujourd'hui, pour la Journée internationale des femmes 2008 que nous célébrons avec quelques jours d'avance compte tenu des élections municipales.
C'est un moment privilégié pour se rencontrer, et faire le point sur notre action. Il donne l'occasion à toutes celles et ceux qui oeuvrent dans le domaine de l'égalité entre les femmes et les hommes de se retrouver. L'égalité entre les femmes et les hommes, c'est plus de justice, plus de solidarité, plus de démocratie. L'égalité c'est aussi davantage de dynamisme économique.
L'égalité c'est enfin, pour moi et pour chacune d'entre vous ici présentes, l'accès à « tous les possibles » qui s'offrent au cours de la vie : possible du choix de vie, possible de l'autonomie, possible de la promotion dans l'entreprise, possible d'une carrière politique comme celle dans laquelle j'ai eu la chance de m'engager.
Autant de possibilités de choix qui nécessitent que se brisent des barrières encore nombreuses.
Depuis plusieurs mois en charge de la politique de l'égalité, je veux aujourd'hui vous dire ma volonté d'ouvrir aux femmes cet accès à « tous ces possibles » J'ai déjeuné aujourd'hui avec mes collègues ministres femmes, accompagnées chacune d'une femme mise à l'honneur pour son parcours exemplaire.
Toutes ces femmes nous ont montré que pour elles l'égalité est possible.
L'enjeu est que cela le soit aussi pour toutes nos concitoyennes.
Avant tout, je veux affirmer qu'il y a quelque chose de parfaitement incompatible entre l'affirmation du principe d'égalité qui nous anime et la conception de la place de la femme dans la société qui prévaut encore bien souvent.
Les stéréotypes auxquels nous sommes confrontés ont la vie dure, et nous devons les combattre avec une résolution sans faille. Car si l'égalité de droit est pour l'essentiel acquise avec les différentes lois sur la parité politique, l'égalité professionnelle, la lutte contre les violences, l'égalité de fait n'est pas encore atteinte et nous le devons pour beaucoup à ces « représentations » qui empêchent les femmes de remplir pleinement le rôle qu'elles aspirent à jouer dans notre pays. C'est dans ce but, que je viens ces derniers jours d'installer une « Commission de réflexion sur l'image des femmes dans les médias » qui devra nous aider à mettre en harmonie l'image des femmes et la pluralité de leurs rôles, de leurs fonctions, de leurs aspirations.
Présidée par Michèle REISER, elle est composée de personnalités indépendantes du monde de la presse, de la radio, de la télévision, de la mode, du théâtre, de l'éducation, de la médecine. Elle auditionnera sans aucun doute certaines d'entre vous au cours de ses travaux, je pense en particulier à vous, Madame la Présidente (Madame Gisèle GAUTIER), qui avez travaillé ce sujet avec vos collègues de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat. La commission me remettra son rapport au mois de septembre prochain.
D'autres actions bien sûr sont nécessaires pour modifier cette image et nous les poursuivrons. Mais quoi de plus présents dans nos vies que les journaux, la radio, la télévision, Internet ou le cinéma ? Et par delà les médias, c'est toute la population de notre pays qui doit transformer ses représentations de l'image des femmes. Ce travail sur l'image doit donner sens et force à nos missions et à nos actions.
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes devant lequel j'ai eu le privilège de présenter, le 18 janvier dernier, à Genève notre politique de l'égalité, témoigne dans ses conclusions des fortes avancées que la France a pu accomplir ces dernières années.
Mais il nous incite également à poursuivre notre action et j'y suis bien décidée. L'impulsion donnée ne doit pas se relâcher et j'entends, avec mes collègues du Gouvernement, agir autour de quatre priorités :
I. La première priorité est, l'accès des femmes aux postes de responsabilité tant dans la sphère politique que dans la sphère économique
Dans le champ politique, nous disposons d'un ensemble de textes qui devrait permettre de progresser. Nous mesurerons dans les prochaines semaines l'impact de la loi du 31 janvier 2007 qui impose, notamment, la parité dans les exécutifs des conseils municipaux.
La toute récente loi du 26 février 2008 rend pleinement effective l'institution du ticket paritaire en permettant au suppléant d'un conseiller général démissionnaire de remplacer ce dernier en situation de cumul avec un mandat de député ou de sénateur. Cette nouvelle mesure apporte une pierre supplémentaire à notre édifice.
La volonté affirmée du Président de la république de compléter le Préambule de la Constitution par des dispositions permettant de « garantir l'égalité de l'homme et de la femme » nous ouvre de nouvelles perspectives pour l'accès des femmes aux responsabilités dans tous les domaines. Les propositions de Madame Simone VEIL qui a reçu mission de travailler sur ce sujet nous guideront à l'avenir.
II. La deuxième priorité est l'égalité professionnelle et salariale
Malgré la croissance de l'activité féminine et la progression du niveau d'éducation des femmes qui a rejoint, voire dépassé, celui des hommes, des inégalités persistent entre hommes et femmes sur le marché du travail.
Parce que les femmes accèdent moins que les hommes aux postes les plus élevés dans les secteurs les plus rémunérateurs, et parce qu'elles subissent, plus que les hommes, le temps partiel, l'écart entre les salaires mensuels moyens des femmes et des hommes reste de 19 % si l'on regarde le salaire horaire brut total.
Le Gouvernement veut mettre un terme à cette situation. Le 26 novembre dernier, avec Xavier BERTRAND, nous avons réuni une Conférence sociale tripartite sur l'égalité salariale et professionnelle. En accord avec les partenaires sociaux, nous avons décidé qu'un plan de résorption des écarts salariaux entre les femmes et les hommes devra être mis en place, d'ici le 31 décembre 2009, dans toutes les entreprises où des écarts seront constatés. Passée la date du 31 décembre 2009, une sanction financière sera encourue par les entreprises qui n'auront pas établi ce plan. Le produit de cette sanction financera des aides pour l'égalité professionnelle dans certaines entreprises.
Par ailleurs, une table ronde avec les branches professionnelles les plus concernées est prévue dans les prochains mois pour faire reculer le temps partiel subi et éclaté.
Et en ce qui concerne plus précisément l'articulation entre les vies familiale et professionnelle, il a été proposé aux partenaires sociaux un assouplissement du temps partiel familial, ainsi que l'engagement d'une réflexion sur l'amélioration du congé parental. A l'avenir, ce congé devra mieux s'articuler avec les aides existantes, notamment le congé de paternité et la prestation d'accueil du jeune enfant.
Il a été décidé en outre que les questions relatives à l'accueil des enfants seraient étudiées dans le cadre de la mise en oeuvre du droit opposable à la garde d'enfants que le Président de la République souhaite instaurer. Ce droit sera l'aboutissement des politiques menées depuis plusieurs années pour développer les capacités d'accueil en crèches et améliorer le statut des assistantes maternelles.
Il a été enfin souligné que dans l'enseignement initial, tous les choix possibles devaient être offerts aux jeunes dans leur orientation scolaire et professionnelle. La déclinaison régionale de la Convention interministérielle pour l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif doit y contribuer.
III. La troisième priorité est d'offrir aux femmes la maîtrise de la santé génésique.
Nous venons de fêter le quarantième anniversaire de l'adoption de la « loi Neuwirth ». Mais quarante ans après, malgré une diffusion massive de la contraception, le nombre de grossesses non désirées reste élevé et plus de 200 000 par an d'IVG sont pratiquées chaque année dans notre pays, dont 11 500 sur des mineures. Nous devons agir pour réduire ces grossesses non désirées.
Pour cela, on peut rappeler les actions engagées par Roselyne BACHELOT :
- Le lancement de la campagne nationale d'information sur la contraception qui se poursuivra jusqu'en 2009 ;
- L'élargissement de l'IVG médicamenteuse aux centres de planning familial et aux centres de santé ;
- La question de la revalorisation du forfait de l'IVG chirurgicale qui devrait contribuer à répondre aux difficultés financières que rencontrent actuellement les établissements de santé pratiquant des IVG.
Mais nous devons aussi faire face à des prises de positions qui tendent à remettre en cause le droit à l'avortement ou à laisser croire que la récente jurisprudence de la Cour de Cassation est de nature à remettre en cause ce droit.
L'IVG a été prévue par la loi « en cas de nécessité et dans les conditions définies par la loi ». Ce droit demeure entier. Il ne saurait être question de le remettre en cause.
IV La quatrième priorité et non la moindre est la lutte contre les discriminations et contre les violences faites aux femmes.
Au plan juridique notre dispositif de lutte pour protéger les femmes contre les pratiques et les comportements discriminatoires sera prochainement complété. Un projet de loi sera prochainement soumis au Parlement pour achever la transposition, en droit français, de plusieurs directives européennes.
Ce projet de texte précise les définitions de la discrimination, directe et indirecte. Il condamne explicitement les faits de harcèlement moral liés au sexe de la victime et assimile le harcèlement sexuel à la discrimination. Il généralise l'aménagement de la charge de la preuve au bénéfice de la victime de discrimination en raison du sexe. Enfin, il condamne l'injonction de discriminer et interdit les rétorsions à la suite d'une dénonciation de faits discriminatoires ou d'un refus de s'y soumettre.
Par ailleurs, le nouveau Plan d'action triennal de lutte contre les violences envers les femmes que j'ai annoncé en novembre 2007 se met en place. Je soumettrai le 18 mars prochain à la Commission nationale de lutte contre les violences les premiers outils qui permettront de le mettre en oeuvre. La première réunion du groupe de travail piloté par le Ministère de la Justice sur l'évolution du cadre juridique pour le renforcement de la protection des femmes victimes de violences se tiendra très prochainement. Ce groupe devrait aborder, notamment, la question de la définition des violences psychologiques dans le code pénal, et celle de l'articulation des décisions prises au niveau judiciaire.
Je mesure l'ampleur des chantiers ouverts dans les domaines que je viens d'évoquer, et de la force des défis qui nous restent à relever. Mais avant de conclure, je veux évoquer combien j'apprécie l'engagement de chacun et de chacune d'entre vous dans vos domaines de compétence. La convergence des actions que vous menez avec les mesures prises par les pouvoirs publics impliqués dans la politique de l'égalité contribue à la dynamique d'ensemble qui nous porte. La Charte de l'égalité nous a donné les lignes à suivre. La complémentarité de nos missions respectives doit être soulignée.
Dans les prochains mois, la Présidence française de l'Union européenne sera pour nous une nouvelle occasion d'être force de proposition pour poursuivre avec nos partenaires la construction de l'Europe de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous aurons, soyez en certains, à travailler ensemble dans ce cadre.
Une Conférence sur l'égalité entre les femmes et les hommes sera organisée au mois de novembre avec pour thème : L'égalité professionnelle : un enjeu économique face au défi démographique ». Elle aura pour objet d'échanger sur les pratiques d'entreprises permettant d'offrir aux femmes des activités professionnelles de qualité, tout en relevant de défi démographique auquel nous devons faire face avec le souci de préserver un taux de natalité élevé dans l'Union.
Dans ce même cadre, j'organiserai une Conférence européenne sur les violences faites aux femmes à l'occasion du 25 novembre prochain. Cette conférence devrait également nous permettre de faire le point les bonnes pratiques en vigueur dans les différents pays de l'Union et d'avancer ensemble sur cette thématique.
Je veux remercier, ici, également le Service des droits des femmes et de l'égalité ; Joëlle VOISIN et ses collaborateurs aux niveaux central et déconcentré. Son rôle de coordination est essentiel. Il contribue à la mise en oeuvre de cette politique et avec lui j'ai l'intention de renforcer la visibilité de notre politique interministérielle, notamment dans le cadre budgétaire comme nous y engage l'Union européenne.
Comme vous le voyez, notre plan de charge est clair. Je souhaite que dans les prochains mois les femmes recueillent les fruits de nos efforts et atteignent « ces possibles » auxquels elles aspirent et auxquels elles ont droit.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 11 mars 2008