Texte intégral
A. Caron.- Elle est l'une des plus discrètes représentantes du Gouvernement actuel, celle dont le nom et le visage ne sont pas encore connus de tous les Français. Peut-être est-ce parce que son domaine - la solidarité - n'est pas des plus vendeurs ou des plus vendus, c'est un autre problème, c'est en tout cas un domaine qu'elle connaît bien puisqu'elle a été assistance sociale pendant une dizaine d'années avant d'entrer en politique sous l'aile bienveillante de J.-L. Borloo, à Valenciennes, dans le Nord. Oui, car elle vient du Nord, c'est une Ch'ti, détail a priori anodin mais qui a pourtant son importance à l'heure où notre Nation s'enivre d'une vague de ch'timania aigue. Mais je m'égare ! Après avoir fait carrière dans le Nord donc, et à l'UDF, elle a en juin dernier rejoint le Gouvernement et par là même le Nouveau centre dont elle est aujourd'hui vice-présidente. A la veille de la Journée de la femme, organisée sous son égide, la secrétaire d'Etat à la Solidarité, V. Létard, est notre invitée ce matin. Bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Et merci d'être avec nous.
R.- Je vous en prie.
Q.- D'abord, je voudrais revenir effectivement sur votre domaine, secrétariat d'Etat à la Solidarité. C'est vrai, je disais, on vous voit peu, finalement. Pourquoi ? Est-ce que parce que ce domaine est quand même un petit peu négligé, est-ce que parce que X. Bertrand, votre ministre de tutelle, prend trop de place ?
R.- On ne peut pas dire que X. Bertrand prenne trop de place, il assume sa responsabilité. C'est vrai que je viens l'épauler sur toutes les questions de solidarité, ce qui est un champ relativement important puisqu'il comporte la prise en charge des personnes âgées, et donc par conséquent la mise en place du Plan Alzheimer avec 1,2 milliard d'euros qui concernent le médicosocial, qui est la partie dont je m'occupe, c'est-à-dire comment améliorer le fonctionnement des établissements pour personnes âgées dépendantes, comment améliorer le répit des aidants, c'est-à-dire comment aller vers plus d'accueil de jour, plus d'hébergement temporaire, comment faire pour améliorer le maintien à domicile des personnes âgées, mais aussi le l'handicap et la mise en oeuvre de la loi 2005 sur le handicap, c'est-à-dire la scolarisation des enfants handicapés, c'est-à-dire l'accessibilité des établissements recevant du public, beaucoup de dossiers, et bien sûr le droit des femmes.
Q.- On va en parler dans un instant. La solidarité, justement, ce terme vous l'entendez comment ? C'est la solidarité des Français entre eux ou c'est la solidarité de l'Etat avec certaines catégories de Français ?
R.- Je pense que c'est la solidarité d'abord entre les générations et en direction des plus fragiles, et bien sûr l'Etat qui doit se soucier des plus fragiles d'entre nous, mais c'est entre les Français eux-mêmes, c'est se soucier de ce qui va advenir à nos aînés, c'est se soucier de la façon dont nous allons pouvoir nous investir pour renforcer la possibilité de permettre à chaque personne en situation de handicap d'avoir accès à tout comme n'importe quel citoyen, d'être un citoyen ordinaire. Donc, ça, pour moi, c'est vraiment la signification de la solidarité et c'est vraiment notre travail du quotidien ; c'est aborder ces trois sujets très importants qui demandent énormément de travail avec la société civile, avec les associations au quotidien, qui sont très actives et dont on a besoin, eh bien c'est au quotidien que nous travaillons sur des sujets lourds.
Q.- Alors, parmi les dossiers dont vous avez la charge, il y a effectivement, vous le disiez à l'instant, celui des droits des femmes avec notamment la Journée de la femme qui a lieu demain, avec un angle particulier cette année puisque vous avez décidé de dédier cette journée à I. Betancourt. Les onze personnes du Gouvernement...
R.-... les onze femmes ministres, voilà.
Q.- Les onze femmes ministres du Gouvernement ont d'ailleurs enregistré un message à l'adresse d'I. Betancourt.
R.- Tout à fait ! Je crois que le message c'est "Toutes solidaires" mais au travers de toutes les femmes du Gouvernement, solidaires pour défendre la cause d'I. Betancourt et pour soutenir sa demande de libération aux côtés du président de la République dont il faut signaler que depuis le début de son mandat présidentiel, il n'a eu de cesse d'essayer de faire avancer la question. Mais, en tout cas, hier, le symbole c'était dès que nous les avons appelées, toutes les femmes ministres du Gouvernement, dès que je les ai contactées, toutes ont répondu immédiatement et toutes ont livré un message.
Q.- Elles ne pouvaient pas dire non, ça aurait été mal vu.
R.- Ah, je peux vous dire que ça n'était pas évident, on est en période électorale, elles ont toutes énormément d'obligations dans ce cadre-là et réunir toutes les femmes au même moment pour livrer un message commun et d'abord très personnel à I. Betancourt c'est un symbole fort et derrière c'est le symbole...
Q.-... message qu'elle est susceptible d'entendre, il faut le dire, puisque ça va être diffusé sur un radio qu'elle peut écouter.
R.- Tout à fait, puisqu'il sera diffusé, effectivement, via le canal international et en tout cas vous dire que c'est quelque chose qui a compté énormément hier et dont on a beaucoup parlé. Et, en tout cas, je peux vous dire qu'il y a une vraie sincérité de toutes les femmes ministres et, derrière, de toutes les femmes qui étaient présentes à la manifestation, hier, derrière cette cause, et je crois que ce sont toutes les femmes françaises aujourd'hui qui sont mobilisées.
Q.- Puisqu'on parle d'I. Betancourt, qu'est-ce que vous savez, vous, des contacts qu'il y a pu y avoir réellement entre l'Elysée et le n° 2 des FARC pour faire libérer I. Betancourt, parce que là on a plusieurs versions, on ne sait pas vraiment qui dit vrai ? Est-ce que réellement il y avait des négociations avancées entre l'Elysée, entre N. Sarkozy lui-même et les FARC, pour une libération imminente ?
R.- Je pense que c'est au quotidien, je ne peux pas rentrer dans le détail, il y a des choses que je peux dire, d'autres non, mais en tout cas ce que je peux vous dire c'est que c'est au quotidien, c'est heure après heure, c'est pas à pas qu'au niveau des affaires étrangères, du Président de la République, on se bat aujourd'hui pour faire avancer les choses.
Q.- Mais vous ne savez pas concrètement s'il y avait quelque chose qui était en cours, parce que là, je vous dis, il y a un flou et un vague entre les déclarations des uns et des autres ?
R.- Moi, ce que je peux vous dire c'est que véritablement et sans rentrer dans le détail, il y a un vrai, vrai travail qui est fait heure par heure et qui est engagé et qui est engagé depuis un moment pour faire en sorte que les choses avancent, et personnellement par le Président de la République.
Q.- Encore un mot sur la Journée de la femme demain. Je regardais sur les statistiques Insee, fournis d'ailleurs par le Ministère du Travail, les salaires des femmes restent inférieurs aux salaires des hommes, à peu près de 20 à 30 %. On a l'impression que finalement ce sont toujours les mêmes chiffres chaque année, on a l'impression que ça n'évolue absolument pas. Comment ça se fait ?
R.- Ils évoluent, simplement il y a des parts de statistiques, il y a des sujets sur lesquels on reste coincés et c'est lié à des stéréotypes et c'est lié à des métiers. Par exemple, 82 % du temps partiel est réalisé par des femmes, 82 % du temps partiel, pour plus de 30 % c'est du temps partiel subi et donc pas choisi. Et c'est vrai que cela correspond à quoi ? Cela correspond à quelque chose contre lequel il faut lutter, c'est celui effectivement de la formation, de la qualification et de l'orientation vers le temps partiel et vers les métiers bas niveau de qualification des femmes. Vous connaissez beaucoup d'aides-ménagères hommes ? Vous connaissez beaucoup de services à la personne, de services à domicile qui sont exercés par des hommes ? Ce sont des femmes. Donc, il nous faut non seulement faire en sorte que peut-être tous ces métiers-là soient réalisés par les uns et les autres, mais surtout travailler sur les parcours professionnels, travailler sur la promotion sociale, travailler avec les branches professionnelles qui sont fortement créateurs d'emplois à temps partiel sur une amélioration, sur une augmentation de ces volumes travaillés parce que s'il y a le niveau de salaire, il y a le nombre d'heures travaillées. C'est surtout cela le problème. Et derrière cela, donc un travail avec les branches professionnelles, mais encore une fois, et c'est l'objet d'un Plan métiers que nous avons mis en place dans le cadre des services en direction des personnes âgées et handicapées, c'est comment favoriser des passerelles, comment d'aide-ménagère pendant cinq ans je peux valider mes acquis et m'engager vers une formation d'aide-soignante, par exemple, et donc aller vers un temps complet, aller vers des métiers plus valorisants, plus rémunérateurs, et ça c'est une piste extrêmement importante qu'il nous faut prendre en compte, de la même façon qu'il faut continuer à articuler vie familiale et vie professionnelle grâce à un travail qui est mené bien sûr en collaboration avec X. Bertrand sur les politiques familiales, sur le droit opposable à la garde d'enfant, comment améliorer les modes de garde pour faire en sorte que, justement, la rupture se fait souvent au moment de la grossesse, au moment du jeune âge des enfants, c'est là que la cassure se met en place entre hommes et femmes dans la progression. Et là, on a encore un sujet sur lequel il nous faut progresser, car si on est vraiment à un moment charnière, on a vu, hier, avec toutes les femmes qui sont venues témoigner au ministère combien les « Femmes du possible » c'est une réalité, mais maintenant il faut que cela se développe et il faut que cela touche toutes les catégories de femmes, et donc vraiment notre sujet ce sera de lutter contre ces formes, effectivement, d'inégalités professionnelles.
Q.- Trois minutes pour parler des municipales. Vous êtes n° 2 sur la liste à droite à Valenciennes, derrière le maire sortant, D. Riquet. Vous êtes déjà secrétaire d'Etat donc, conseillère régionale. C'est quoi, c'est travailler plus pour gagner plus, parce qu'il y a quand même cumul ?
R.- Alors, de toute façon, il est clair que si je m'engage d'abord dans ce mandat municipal, ce n'est pas en n° 1, c'est pour participer à la liste, je ne serai pas maire demain, d'une part.
Q.- Même s'il y avait un remaniement ministériel et que vous n'étiez plus dans le Gouvernement, vous ne prendriez pas à ce moment-là la première place ?
R.- Mais, ce que je veux dire c'est qu'aujourd'hui, vous dites "cumul des responsabilités", et je ne souhaite pas les cumuler.
Q.- Pas pour l'instant, d'accord.
R.- Tant que je suis en responsabilité, bien sûr, je vais donner priorité aux responsabilités qu'on m'a confiées pour pouvoir m'y consacrer pleinement. En même temps, ne pas continuer quand on s'occupe de sujets qui sont étroitement liés à la vie quotidienne des Français, ne pas avoir un mandat, pas forcément être aux manettes, aux premières loges, mais être au contact avec les associations...
Q.-... première adjointe, c'est quand même du boulot.
R.- Mais, vous pouvez être premier adjoint et avoir une délégation qui soit ciblée étroitement en lien avec vos activités et qui vous permette, sans être en première ligne. Celle qui fait tourner toute la boutique, celui qui fait tourner toute la boutique c'est le maire.
Q.- Ca veut dire que chacune de ces fonctions, première adjointe, secrétaire d'Etat, conseil régional, ça peut être envisagé comme des temps partiels ?
R.- Ca peut être envisagé comme articulé, organisé, comme le fait un sénateur ou un député avec un mandat de maire ou avec un mandat d'élu régional. Ca veut dire qu'il faut faire des choix, ça veut dire qu'on ne peut pas mener les trois de front. Encore une fois, je ne vous ai pas dit que j'allais tout mener de front. J'ai dit que le moment venu, j'allais faire des choix, qu'il est hors de question pour moi d'agir sur tous les fronts en même temps.
Q.- Lors d'une convention du Nouveau centre, le 15 février, il y a plusieurs membres du Nouveau centre qui ont exprimé le souhait que lors des prochaines élections, le Nouveau centre présente ses propres listes de manière complètement indépendante. On a l'impression que le Nouveau centre veut s'émanciper en ce moment un peu de l'UMP. Est-ce que c'est lié aux mauvais sondages de Sarkozy ?
R.- Absolument pas ! Je crois que la richesse d'une majorité c'est d'avoir des différences et des complémentarités. Je crois que le Nouveau centre doit incarner au sein de la majorité présidentielle une sensibilité humaniste, européenne, une sensibilité sociale.
Q.- D'accord, mais pourquoi une émancipation après, et pas tout de suite ?
R.- Pourquoi une émancipation et pas tout de suite ? Ce n'est pas après... enfin, je veux dire c'est...
Q.-... le Nouveau centre aurait pu choisir de ne pas entrer dans l'UMP.
R.- Vous avez un parti qui est en train de se construire, vous êtes dans un parti qui est en train se construire, qui a son autonomie juridique, financière, qui est née après les élections présidentielles, qui a structuré son ossature, ses fédérations départementales, régionales, ses instances nationales continuent à se structurer puisqu'en avril, nous aurons un autre rendez-vous, et donc vous ne pouvez pas mettre la charrue avant les boeufs. Vous construisez l'ossature, vous travaillez sur votre projet, sur vos idées.
Q.- Et après, quand vous être prêts, vous prenez votre indépendance.
R.- Pas du tout, il n'est pas question d'indépendance ou pas d'indépendance, je veux dire un parti autonome, juridiquement et financièrement il est de toute façon indépendant, mais il est solidaire d'une majorité présidentielle, il apporte une différence et une complémentarité. Simplement, il n'est pas dans l'opposition, il est dans un partenariat dans la construction et dans le soutien du projet porté par le président de la République.
Q.- Une dernière question, V. Létard, il se lit qu'après les municipales, vous pourriez postuler au poste de présidente du Nouveau centre. Est-ce que c'est vrai ? C'est un poste qui vous intéresse ?
R.- Je souhaite, pourquoi la présidence ? Ce que je souhaite c'est être très active dans la définition d'un projet politique structuré. Je vous ai dit, on a construit l'ossature, maintenant on arrive dans la...
Q.-... je comprends, mais est-ce que vous pourriez être candidate au poste de présidente ?
R.- On verra, on verra le moment venu.
Q.- Donc, ça veut dire oui !
R.- Non.
Q.- Ca, ça veut dire oui, sinon vous me diriez non.
R.- Non, ça ne veut pas dire oui, du tout. Ca veut dire que je souhaite être acteur, effectivement, forte, des propositions qui seront faites dans le cadre de l'évolution du Nouveau centre et de son contenu et de son projet et de ses idées.
Q.- Ca veut dire que vous pourriez prendre la place d'H. Morin.
R.- Ecoutez, ça c'est votre interprétation.
Q.- Oui, c'est comme ça que je l'interprète. Merci en tout cas beaucoup.
R.- Mais je vous en prie. Bon courage à vous.
Q.- Merci, V. Létard, d'avoir été notre invitée. Merci et très bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 mars 2008