Interview de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, à Europe 1 le 10 mars 2008, sur le résultat du prmier tour des élections municipales et la majorité.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
 
J.-P.  Elkabbach.-  X. Bertrand, bonjour. Merci d'être là. Vous êtes rentré dans la nuit  de Saint-Quentin. Félicitations puisque vous avez été réélu et bien  réélu, maire de Saint-Quentin... 
 
R.- Maire adjoint, maire adjoint. 
 
Q.- Alors ce n'est pas le tsunami ou le cataclysme annoncé contre la  droite, mais c'est une nette progression du Parti socialiste. Est-ce  qu'elle a une signification politique ? 
 
R.- Ce sont des élections que l'on annonçait difficiles, les sondages  l'avaient dit, les élections intermédiaires sont toujours difficiles pour un  gouvernement en place, mais on s'aperçoit que ce sont surtout des  enjeux locaux et des réalités locales avec des différences de ville en  ville. Dans mon département, par exemple, il y a des différences très  nettes. Enjeux locaux, les Français ne sont pas trompés, ils votaient  pour des municipales, pour le meilleur maire pour les six années qui  viennent, ils ont voté pour le meilleur maire. 
 
Q.- Donc il y a de meilleurs maires socialistes que UMP ? 
 
R.- Il y a aussi de meilleurs maires UMP. Prenez notamment le résultat, P.  André à Saint-Quentin avec moi-même ; L. Chatel ! L. Chatel qui  gagne à Chaumont, une ville qui était détenue par la gauche ; L.  Wauquiez par exemple, ce qui montre bien que c'était les meilleurs  projets et les meilleurs maires pour ces communes là. 
 
Q.- Les ministres ne se sont pas trop mal comportés, il y en avait 22 en  piste, combien vont-ils rester sur le carreau au bout du deuxième  tour ? 
 
R.- Ecoutez, moi je ne suis pas commentateur politique, moi je suis acteur  politique. Ce que je vois aujourd'hui c'est que les résultats seront très,  très serrés dans de très nombreuses villes et que ce qui commence là  aujourd'hui, certains pourraient dire "c'est la deuxième mi-temps des  municipales". C'est quasiment une nouvelle élection que ce deuxième  tour. 
 
Q.- Mais ce qui s'est passé au premier tour, est-ce que vous le prenez  pour un avertissement, une alerte ? 
 
R.- Ce que je vois c'est qu'il y a eu avant tout des enjeux locaux, mais que  nous devons, nous, être attentifs à tout ce que disent les Français. Et ce  que nous disent les Français, ils traduisent également leurs exigences  car depuis 30 ans, les réformes importantes n'ont pas été menées : la  réhabilitation du travail, une meilleure sécurité, la maîtrise de  l'immigration, l'amélioration du niveau de vie, tout ça le Français  aujourd'hui veulent que nous apportions des résultats le plus  rapidement possible. 
 
Q.- Et pourtant les mots qui sont revenus le plus cette nuit dans les  débats et dans les commentaires, c'est "désillusion",  "désenchantement". 
 
R.- Ecoutez, ça ce sont des mots qui ont certainement été utilisés par ceux  qui n'ont pas d'arguments et je pense notamment aux socialistes. Mais  quelle cacophonie ! Quelle cacophonie à gauche hier soir, entre F.  Hollande, par exemple, qui jouait les faux prudents, S. Royal, qui jouait  elle, les vraies impatientes... 
 
Q.- Pourquoi les "faux prudents" ? 
 
R.- Parce qu'on voyait bien que c'était une posture de sa part. S. Royal qui  jouait elle, les vraies impatientes. Cacophonie aussi sur la ligne  politique. D'un côté, de la part du Parti socialiste, un appel du pied à  certains centristes, de l'autre, une vraie alliance avec l'extrême gauche.  Dans ma ville à Saint-Quentin, il y avait une alliance Parti socialiste -  Lutte ouvrière - Ligue communiste révolutionnaire - Mouvement pour  un parti des travailleurs ; il n'y a donc aucune cohérence. Et pas non  plus de projet national qui serait décliné sur le plan local. 
 
Q.- Mais vous dites... ah oui, qui serait décliné sur le plan local. 
 
R.- On voit notamment que les socialistes aujourd'hui, essaient de cacher  que dans une ville ou dans une région socialiste, les impôts augmentent  plus que dans une ville ou dans une région que nous gérons. Et puis on  voit bien aussi que l'élection qui intéresse le plus les dirigeants  socialistes aujourd'hui, ce ne sont pas les municipales, c'est l'élection  du premier secrétaire du Parti socialiste, ça se sent bien et hier, ça se  voyait bien. 
 
Q.- X. Bertrand, on voit bien qu'on est entré déjà dans la bataille du  deuxième tour. Les maires socialistes promettent de compléter les  insuffisances ou les injustices de notre politique sociale en matière  de logement, de transport, de santé, est-ce que vous dites vous aussi,  si j'entends bien, comme J.-F. Copé : "les impôts locaux pourraient  augmenter, même exploser" ? 
 
R.- Mais à chaque fois qu'il y a une gestion socialiste, c'est exactement ce  qui s'est passé et vous prenez notamment la région Picardie, depuis que  la gauche est au pouvoir, les impôts n'ont pas augmenté, ils ont flambé  avec des augmentations de plus de 30%. Et ce sont les socialistes qui  voudraient nous donner des leçons en la matière ! Je pense que dans de  très nombreuses villes, le programme aujourd'hui des socialistes n'était  pas financé et surtout ils ne disaient rien sur l'augmentation de la  fiscalité. Nous voulons nous améliorer le niveau de vie des Français, ça  n'est certainement pas en faisant exploser les impôts locaux comme le  font les socialistes qu'on peut y réussir. 
 
Q.- Mais par exemple, que fait le gouvernement si les maires de gauche  refusent d'appliquer telle ou telle mesure ; la carte des hôpitaux, les  franchises médicales par exemple ? 
 
R.- Ecoutez, tout ceci n'a pas de sens et ça montre bien aujourd'hui qu'on a  un Parti socialiste qui est à court d'arguments et à court d'arguments  même pour ces élections municipales. Parce que vous me parlez des  franchises, prenons au contraire la cohérence nécessaire. Nous faisons  toujours de la sécurité la priorité des priorités. Il vaut mieux avoir un  maire dans sa ville qui va dans le même sens que le Gouvernement  plutôt qu'un maire qui traîne les pieds ou qui se mette en travers. Vous  parlez des franchises médicales, rappelons que sans les franchises  médicales, il n'y aura pas de vraie prise en charge de la maladie  d'Alzheimer en France. Si nous créons davantage de places pour les  personnes âgées, de services à domicile, il vaut mieux avoir un maire  dans sa ville qui va dans le même sens que le Gouvernement plutôt  qu'un maire qui traîne les pieds ou qui se mettent en travers. C'est la  même chose pour la garde d'enfants. On va passer à la vitesse  supérieure en matière de garde d'enfants pour les familles, il vaut  mieux avoir un maire qui va dans le même sens. 
 
Q.- C'est sur ces sujets que vous allez insister, X. Bertrand, pour le  deuxième tour ? 
 
R.- Oui, je suis persuadé qu'il y a de la part des Français, une vraie prise de  conscience de ce que sont ces élections. Et aussi une autre prise de  conscience qui doit se faire. 
 
Q.- Les Français prennent conscience, mais est-ce que vous, majorité  exécutive, vous prenez également conscience de ce qu'ils disent ? 
 
R.- Bien sûr, bien sûr. Vous savez, si nous sommes autant sur le terrain,  c'est parce que c'est à la fois pour passer des messages mais aussi pour  recevoir des messages. Que nous disent les Français ? Nous voulons des  textes qui soient plus simples à lire et à appliquer et plus rapides en  résultats. Message reçu, le texte sur le paiement des journées de RTT, le  président de la République en a parlé le 26 novembre, le 12 février,  depuis le 12 février, c'est maintenant possible. 
 
Q.- Ils vous disent aussi et surtout : améliorez notre niveau de vie, notre  pouvoir d'achat. 
 
R.- Nous l'avons dit pendant la campagne, nous sommes les seuls à en  avoir parlé et vous voulez que je vous dise ? Je pense qu'il n'y a rien de pire en politique que de sembler indifférent à ce que pensent les  Français. Rappelez-vous L. Jospin qui pensait qu'il n'y avait pas de  problème d'insécurité en France, qu'il y avait juste un sentiment  d'insécurité. Il était complètement disqualifié, même pas présent au  second tour. Nous voyons aujourd'hui que nous nous ne sommes pas  indifférents, que nous avons d'ores et déjà des premiers résultats, les six  millions de Français qui font des heures supplémentaires, mais qu'il  nous faut aussi penser à tous et à tout. Ramener ceux qui n'avaient pas  d'emplois vers le travail, c'est le cas, des vrais résultats, 300.000  créations d'emplois, et penser aussi à ceux qui ne peuvent plus  travailler. Garantir le pouvoir d'achat des retraités. 
 
Q.- Est-ce qu'il faut aider F. Bayrou à Pau ? 
 
R.- Vous savez, je ne crois pas, sur des élections municipales, aux grandes  consignes des états majors nationaux parce que les Français n'aiment  pas qu'on décide à leur place, n'aiment pas non plus que les sondages  donnent les résultats avant eux... 
 
Q.- C'est-à-dire ? Traduction : qu'ils se débrouillent ! 
 
R.- Que les électeurs se déterminent clairement en leur âme et conscience  pour savoir qui est le meilleur maire. 
 
Q.- Vous voyez, vous disiez tout à l'heure : "F. Hollande le faux  prudent". Il écoute, il sera avec nous dans un instant, mais il vient  de dire, là, ce matin, qu'il faut passer de l'avertissement à la  sanction. De l'avertissement à la sanction, F. Hollande. 
 
R.- Ca fait un projet ça ? 
 
Q.- Non mais... 
 
R.- Voilà, vous avez tout dit, vous avez tout dit ! 
 
Q.- Non, non mais je ne sais pas, mais en même temps il passe à une  attaque lui aussi, à l'offensive pour le deuxième tour. 
 
R.- Oui mais une offensive pourquoi ? On le voit bien, l'élection  fondamentale qu'ont en tête les dirigeants socialistes aujourd'hui, ce  n'est pas les municipales, ce n'est déjà plus les municipales. L'attitude  du Parti socialiste est invraisemblable, invraisemblable car on voit bien  qu'il y a en permanence une stratégie du rideau de fumée, qui cherche à  masquer la réalité des premiers vrais résultats que nous avons apportés  et aussi une autre réalité, c'est qu'en fin de compte ces résultats sont  davantage équilibrés, si la mobilisation se renforce de notre côté et nous  avons besoin aussi du renforcement de la mobilisation de l'électorat  populaire. Ceux qui souhaitent que l'on continue le changement, la  transformation de notre pays, que les villes continuent à se changer, et  ça passe bien évidemment par la victoire de nos candidats, j'en suis  persuadé... 
 
Q.- Mais qu'est-ce que vous allez changer dans vos comportements,  celui que vous suggèrerez peut-être au président de la République ? 
 
R.- Sur ce sujet, je vous l'ai dit, en étant très présent dans la campagne des  municipales, à Saint-Quentin comme ailleurs, c'est aussi de bien  recevoir les messages : des textes plus rapides en ce qui concerne les  résultats. 
 
Q.- Le président de la République est invisible et silencieux, il ne dit  rien. Il ne dira rien ? 
 
R.- Il y a bien des élections très différentes. L'essentiel, l'essentiel ça a été  les élections présidentielles, avec un taux de participation record. 6 à 8  millions de Français qui sont allés voter aux présidentielles, qui ne sont  pas allés voter aux municipales. Maintenant, là, on est bien dans des  élections intermédiaires, ne nous trompons pas d'élection parce que les  Français eux, ne se trompent vraiment pas d'élections. 
 
Q.- Alors, vous ne m'avez pas répondu, il ne dira rien le président de la  République ? A votre avis ? 
 
R.- Ecoutez, sur ce sujet, vous voulez que je vous dise ? Je ne suis plus  porte-parole de N. Sarkozy aujourd'hui, je l'ai été pendant la campagne  des élections présidentielles, mais je peux vous dire qu'il est attentif à  tout ce que disent les Français, bien évidemment. 
 
Q.- Il ne vous a pas téléphoné ? 
 
R.- J'ai eu l'occasion de l'avoir. 
 
Q.- Et F. Fillon qui a eu une victoire assez inouïe chez lui ? 
 
R.- Très belle victoire, très belle victoire. 
 
Q.- Combien, 92 - 93 ? 
 
R.- Je crois que c'est 93% des voix, m'a dit F. Fillon hier soir. 
 
Q.- Dernière question, X. Bertrand : la bataille au sein du Medef entre  l'UIMM et L. Parisot, est-ce que vous êtes embarrassé ou est-ce que  vous craignez que ces querelles violentes au sein d'un Medef divisé,  puissent gêner le dialogue social et les négociations sociales qui sont  en cours ? 
 
R.- Plusieurs choses. Nous sommes aujourd'hui dans une vraie phase de  modernisation de la démocratie sociale et donc de modernisation de l'ensemble des organisations. C'est évidemment, c'est notamment ce  que souhaite L. Parisot. Maintenant, il y a aujourd'hui des logiques  propres à chaque organisation et ce n'est pas à moi, ministre du Travail  et des relations sociales, d'interférer dans ce qui se passe. Maintenant,  ce que je souhaite, c'est que le dialogue social qui se porte mieux en  France depuis maintenant dix mois, c'était la volonté notamment du  président de la République, qu'on continue, et je ne crois pas à ces  interférences, je le dis très franchement, nous avons de très nombreux  dossiers très importants sur la table : modernisation du marché du  travail, c'est fait, ça sera présenté au Parlement en avril ; il y a la  formation professionnelle ; il y a l'assurance chômage. Moi j'ai besoin  qu'on ait un maximum de sérénité partout et pour tous. 
 
Q.- Mais vous pensez que la crise n'aura pas d'effets sur la négociation  sociale en cours ? 
 
R.- Je ne le souhaite pas et je ne le pense pas. Maintenant, une chose est  certaine, c'est, il y a bien des choses très différentes, ce qui s'est passé à  l'UIMM et là, moi ma responsabilité c'est que plus jamais cela ne se  reproduise, avec notamment la responsabilité que nous avons, nous  Gouvernement, de présenter un texte sur la certification des comptes,  pour que plus jamais, plus jamais, on ait 19 millions d'euros qui sortent  et qu'on ne sache pas où ça va. 
 
Q.- Et on peut ajouter, plus de 600 millions d'euros dans une caisse  dont on ne sait pas d'où ils viennent et à quoi ils servent et vers qui  ils vont. 
 
R.- Vous complétez la démonstration qu'on a besoin aujourd'hui partout et  pour tous d'un maximum de transparence et de clarté, ça fera du bien à  tout le monde et encore plus à la démocratie sociale. 
 
Q.- C'est-à-dire sortir du soupçon. 
 
R.- Clarté, clarté et transparence, c'est ce qui crée de la confiance. 
 
Q.- Les leçons, on verra qu'elles sont tirées... les leçons des municipales,  naturellement lundi prochain, mais on voit déjà apparaître un  certain nombre d'indications ; qu'est-ce qu'il faudra faire à partir  de lundi pour après ? 
 
R.- Non seulement continuer les réformes, mais faire davantage de  réformes en 2008 qu'en 2007 parce que les Français nous ont demandé  de transformer la maison France en cinq ans et de la transformer grâce à  des réformes. La réforme des retraites, la meilleure prise en compte de  la dépendance, la modernisation de l'économie qui et très attendue ; eh  bien pour tous ces points, les Français savent bien que ça n'est pas en  dix mois que vous faites les travaux prévus pour cinq ans. Mais que  déjà en dix mois, nous avons travaillé, mais qu'il n'est pas question un  seul instant, de faire de l'autosatisfaction. Tout ce que l'on a fait n'est  pas parfait J.-P. Elkabbach, mais ça va dans le sens souhaité par les  Français et ça correspond exactement à ce que nous leur avons promis  l'an dernier, et au bout du compte, nous n'oublierons aucun des  engagements de campagne et nous, nous ne serons certainement pas  dans le statu quo et le conservatisme comme le sont les socialistes. 
 
Q.- Bonne journée. Vous commencez vous aussi, puisque vous êtes un  peu plus libre, à aller sur le terrain et à aider... 
 
R.- Je l'ai fait avant ce premier tour, je continue bien évidemment d'ici le  deuxième tour. 
 
Q.- Bonne journée, merci. 
 
R.- Merci beaucoup. 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 mars 2008