Déclaration de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, sur la proposition de création d'un Institut de la longévité ayant l'objectif d'aboutir à des résultats en matière de prévention, de soins, de guérisons ou de traitement de maladies associées à l'âge, Paris le 8 mars 2001.

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Circonstance : Proposition d'un Institut de la longévité, à Paris le 8 mars 2001

Texte intégral

Sur proposition d'Etienne-Emile BAULIEU, professeur au Collège de France, vice-président de l'Académie des sciences, et en liaison avec lui, le ministère de la Recherche envisage la création d'un "Institut de la longévité".
Sans en être encore au stade de la décision, nous en sommes au stade, bien avancé, de la réflexion. Avec l'Atelier, le séminaire de travail, qui a réuni hier, 7 mars, au siège de l'INSERM, plusieurs grands scientifiques et médecins. Comme Daniel Cohen et Pierre Tambourin sur la génomique. Comme J.-F. Dartigues, Annick Alpérovitch, les Professeurs Piette, Forette et Vellas, C. Duyckaert, J. Epelbaum, A. Berthoz ou J. Demongeot pour les observations épidémiologiques, cliniques, biologiques et pharmacologiques.
De cet Atelier devraient sortir des propositions et suggestions de recherche destinées au ministère, sur la base desquelles nous examinerons les décisions à arrêter.
L'allongement de la durée de la vie
Les progrès de la longévité ont été spectaculaires au XXème siècle. Le nombre de centenaires (une centaine en 1901, 200 en 1950, 6840 en 1998 et environ 9000 actuellement) s'est sensiblement accru en France.
Surtout, l'espérance de vie à la naissance est la France parmi les plus élevées au monde : 75,2 ans pour les hommes et 82,7 ans pour les femmes.
Au recensement de 1999, les personnes âgées de 60 à 75 ans étaient 7973000 (soit 13,6 % de la population) et celles âgées de 75 ans et plus étaient 4505000 (soit 7,7 % de la population).
Par ailleurs, les personnes âgées de plus de 65 ans étaient au nombre de 9752000 sur une population totale de 58,2 millions d'habitants. Cette évolution démographique aura d'importantes conséquences sociales et de santé publique: le vieillissement d'une partie importante de la population, l'apparition de familles à 4-5 générations, l'impact sur le système de Sécurité sociale et de retraites.
Mieux vieillir
Vivre plus vieux, ce doit être aussi mieux vieillir. Nous souhaitons favoriser le mieux-être des personnes du 3ème et du 4ème âges. Pour qu'elles puissent connaître plus nombreuses le grand âge, mais en conservant la santé. Bref, il convient de concilier durée de la vie et qualité de la vie. L'objectif, c'est à la fois vivre vieux et vivre mieux.
Comme le notait le Professeur Georges Martin (Centre de recherche sur la maladie d'Alzheimer de la Faculté de médecine Washington à Seattle) à la réunion annuelle de l'AAAS (American Association for the Advancement of Science) en février dernier : l'étude de la biologie de l'évolution apporte une bonne et une mauvaise nouvelles. "La bonne, c'est que la durée de la vie, comme tout ce qui a trait à la vie, est plastique. La mauvaise, c'est qu'il y a beaucoup de choses qui peuvent aller mal quand nous vieillissons."
En effet, deux questions se posent.
- D'abord quels sont les facteurs génétiques et épi-génétiques (environnement, mode de vie, etc.) qui déterminent la durée de la vie ?
- Ensuite, quelles sont les conséquences de l'allongement de la vie sur la qualité de la vie - adaptation biologique à la longévité : métabolisme, sommeil, traitements médicaux, équilibre alimentaire, conditions de vie - et comment améliorer le système de prévention et de soins, comment mieux traiter les affections liées à l'âge ?
Vers un GIS
S'il est créé comme cela est probable, "l'Institut de la longévité" sera une institution sans murs mettant en uvre un programme fédérateur, qui agira par "networking" en réseau, notamment entre Paris et les régions.
Il ne s'agit pas en effet de créer une structure lourde et pesante. Cet Institut devrait prendre la forme d'un GIS (Groupement d'intérêt scientifique), associant les divers partenaires concernés :
- le ministère de la Recherche et sans doute d'autres structures ministérielles concernées ;
- les organismes publics de recherche : INSERM, CNRS, CEA, INRA ;
- les associations de malades : France Alzheimer, France Parkinson, etc.
Cet Institut sera un institut de coordination des recherches dans ce domaine très vaste qui concerne de nombreux partenaires ; il favorisera toutes les synergies nécessaires.
Ce GIS serait chargé de deux missions.
- D'une part, dresser le bilan des multiples actions de recherche déjà en cours: par exemple, plusieurs programmes du ministère de la Recherche (Génomique, Cognitique, Ville, diverses ACI, etc.) contribuent indirectement à des recherches sur la longévité et sur ses conséquences.
- D'autre part, dégager de grandes orientations de recherche, y compris dans des domaines encore peu développés, par exemple l'économie de la santé.
L'objectif, c'est d'aboutir à des résultats tangibles en matière de découvertes fondamentales, de prévention et de soins, de guérison ou de traitement de maladies associées à l'âge.
Génétique et post-génome
Ainsi, la génomique et la post-génomique devraient contribuer à renouveler la recherche sur le vieillissement. Comme l'écrit le Professeur BAULIEU : "Pour la génomique fonctionnelle et la biologie intégrative, le vieillissement est un archétype. Les mécanismes moléculaires du vieillissement et les conséquences de ce processus sur la pathologie humaine demeurent mystérieux. La profusion de nouvelles informations et technologies issues de l'analyse des génomes justifie l'implémentation d'une nouvelle recherche de type post-génomique. Le but essentiel, a priori, est de repérer les produits des gènes dont il faudrait moduler l'activité pour influencer les processus en faveur d'une meilleure qualité de vie pour les personnes âgées. A plus long terme, il s'agit de poser les bases d'une prévention des inconvénients objectifs liés au vieillissement "
Des spécialistes éminents de la génomique, comme le Professeur Daniel Cohen et Pierre Tambourin, qui dirige la Génopole d'Evry, ont donc participé aux travaux de l'Atelier.
Recherches biologiques, cliniques, pharmacologiques et thérapeutiques sur le vieillissement
Par ailleurs, des recherches biologiques, cliniques, pharmacologiques et thérapeutiques sont à mener sur le vieillissement. Elles porteraient, par exemple, sur le vieillissement cellulaire, ou sur cancers et vieillissement.
Elles porteraient aussi sur les systèmes nerveux, neuro-endocrinien, ostéo-musculaire, cardio-vasculaire, immunitaire, ainsi que sur les organes des sens (audition, vision), la peau ou la nutrition.
D'où la participation à cet atelier de spécialistes comme le Pr. Piette (gérontologue de l'Hôpital Charles-Foix Ivry, qui est le plus grand hôpital européen de gériatrie), le Pr. Françoise Forette ou le Professeur Vellas (nutritionniste, Toulouse).
Poursuivre la réflexion
Nous allons poursuivre activement la réflexion, déjà bien engagée, ainsi que le chiffrage de ce programme fédérateur, pour aller vers des décisions qui devraient permettre d'envisager la création de cet " Institut de la longévité ". Ce programme aura évidemment un coût. Mais, finalement, qu'est-ce qui est le plus coûteux pour la société ? Se résigner à voir les personnes du 3ème et du 4ème âge vieillir mal, en développant des pathologies qui nécessitent soins et hospitalisations fréquentes, avec le coût qui en résulte pour la sécurité sociale? Ou bien développer la recherche afin que l'on puisse vieillir en meilleure santé, ce que peut procurer non seulement une meilleure qualité de vie, mais aussi des économies relatives pour le système de protection sociale ?
En tout cas, je considère, pour ma part, que l'élaboration des grands projets scientifiques doit se faire non pas à huis clos, mais publiquement et dans la transparence par rapport à l'opinion publique, qui souhaite être informée en temps réel des grands enjeux scientifiques, des choix à effectuer et des ressources à leur affecter. C'est l'objet même de ce point de presse : vous informer et informer nos concitoyens de cette perspective nouvelle en matière de recherche scientifique et médicale.

(source http://www.recherche.gouv.fr, le 12 mars 2001)